mercredi 31 décembre 2008

Bonne année 2009




Bonne année,


la vie est pleine d'espérance, et comme à tout bon jardinier il nous appartient de la cultiver.

La vie est pleine d'espérance, mais elle est aussi belle et fragile que le serait une rose si un enfant ne veillait sur elle pour l'écarter des dents du mouton.





Ainsi, tel un prince du monde, tu es chargé de tout ce qui vit sur terre.





Il faut que la rose s'épanouisse pour réjouir les hommes mais il faut aussi que le mouton broute pour l'équilibre de la nature.





Tel est le défi que le Tout Puissant demande à chacun de relever pour que sa création se fasse avec harmonie.






A la demande de quelques lecteurs qui me font l'honneur de lire ce blog, je vous proposerai cette année de vous donner le sermon de la semaine suivante, pour que ceux qui veulent l'utiliser pour célébrer un culte aient assez de temps pour l'adapter à leur propre convenance. Ainsi, le sermon que je vous propose sera donc en avance d'une semaine sur celui de la liste de lectures.
Je vous souhaite une année pleine de richesses spirituelles et d'amour fraternel
Jean

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samedi 20 décembre 2008

Luc 2/21-34 Jésus vient pour ceux qui sont tombés Dimanche 28 décemvre 2008

Siméon, qui es-tu?






Luc 2/21-34

Quand le huitième jour fut accompli, il fut circoncis et il fut appelé Jésus, du nom indiqué par l'ange avant sa conception. Et quand les jours de leur purification furent accomplis selon la loi de Moïse, on l'amena à Jérusalem pour le présenter au Seigneur - suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur - et pour offrir en sacrifice une paire de tourterelles ou deux jeunes pigeons, comme c'est prescrit dans la loi du Seigneur.

Et voici qu'il y avait à Jérusalem un homme du nom de Siméon. Cet homme était juste et pieux; il attendait la consolation d'Israël, et l'Esprit Saint était sur lui. Il avait été divinement averti par le Saint Esprit qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Christ du Seigneur. Il vint au Temple poussé par l'Esprit. Et comme les parents apportaient le petit enfant Jésus pour accomplir à son égard ce qui était en usage d'après la loi.


Il le reçut dans ses bras, bénit Dieu et dit :Maintenant Seigneur, tu laisses ton serviteur s'en aller en paix selon ta Parole, car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé devant tous les peuples - lumière pour éclairer les nations - et gloire pour ton peuple, Israël.


Son père et sa mère étaient dans l'admiration de ce qu'on disait de lui. Siméon les bénit et dit à Marie, sa mère: Voici cet enfant est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël et comme un signe qui provoquera la contradiction. et toi-même, une épée te traversera l'âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient révélées.






L'essentiel du message de Jésus est donné d'emblée ici par ce vieillard qui parle en prophète : Cet enfant est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël et comme un signe qui provoquera la contradiction. Siméon est peu connu du lecteur de la Bible , ces quelques versets de l’Évangile de Luc sont les seuls à lui être consacrés. Pourtant en une formule lapidaire il résume tout l’Évangile qui n'a pas encore été prononcé. Désormais, aucun homme ne pourra tomber sans que son redressement ne soit une priorité pour Dieu. Notre vie s'ouvre donc sur la promesse que Dieu mettra tout en œuvre pour nous sortir d'affaire en cas de chute. Mais les hommes répondront-ils à sa mobilisation?


On oublie bien souvent cet épisode de la prophétie de Siméon. Mais c'est parce que l'événement est discret qu'il faut insister dessus. En général c'est par des interventions qui ne sont visibles que par leurs bénéficiaires que Dieu révèle aux hommes le sens qu'il veut donner au cours de l'histoire. L'événement relaté ici est discret : Joseph et Marie pour répondre aux obligations religieuses de leur temps doivent faire un sacrifice rituel prévu pour la naissance du premier garçon. La cérémonie, sans doute assez banale ne retient l'attention de personne. Pourtant, à un détour de l'une des immenses cours du Temple, un vieillard que l'on ne remarque plus, tant on a l'habitude de le voir ici s'approche. En quelques mots, il dit à ses parents l'essentiel de ce que sera le ministère de Jésus. Le vieux Siméon révèle que cet enfant porte en lui l'accomplissement de toutes les promesses faites à Israël. Siméon attendait, comme tous les juifs que Dieu intervienne dans l'histoire de son peuple. Il lui suffit d'une seule phrase pour que tout l'avenir s'éclaire d'un sens nouveau : "Il est là pour la chute et le redressement de beaucoup" Cette phrase prononcée, Siméon peut quitter le monde des vivants.


Quand nous nous interrogeons sur le sens de notre vie et que nous nous demandons à quoi nous servons réellement. Il nous suffit de nous souvenir que le destin de Siméon était de prononcer une seule phrase. Nous avons tous un rôle à jouer dans ce monde, ne serait-ce que celui de prononcer une seule phrase, encore faudra-t-il la prononcer au bon moment.

Siméon semble avoir dit les choses correctement : "Il est pour la chute et le redressement de beaucoup!" Ainsi Dieu promet-t-il de redresser tous ceux qui sont tombés! C'est tout un programme. La réalisation de cette promesse provoquera une telle contestation dans le monde, que sa mère, qui ici, comme souvent dans l’Évangile, représente l’Église en sera déchirée jusqu'au plus profond d'elle-même. Les hommes préféreront diviser l’Église plutôt que de se mette au service de l’Évangile, c'est à dire au redressement des plus faibles.

Les mots que Siméon vient de prononcer et qui constituent le tout premier élément de la vocation de Jésus ne sont pas nouveaux. La tradition biblique a toujours enseigné que Dieu se range du côté de ceux qui sont tombés. Il prend toujours le parti des faibles contre les forts. C'est par ce constat qu'a commencé l'histoire d'Israël: petit peuple d'esclave libérés par Moïse. L'évocation de la libération de ce peuple n'est-t-elle qu'un support à de somptueuses fêtes liturgiques que l'on célèbre à Pâques ou est-elle aussi une invitation à se mettre au service de tous les opprimés?

Siméon et bien d'autres prophètes avant lui savaient que la volonté de Dieu était le service des plus humbles, mais que cette volonté restait sans suite auprès des hommes. Pour la première fois dans l'histoire du monde, le vieillard pressent que l'enfant qu'on lui présente porte en lui la capacité de renverser l'histoire en faveur des déshérités. Vous comprenez alors quelle a du être son émotion, même si les parents de Jésus ne comprenaient pas. Il sait cependant que tout cela ne se fera pas sans mal, c'est pourquoi, il parle de contradiction. Il comprend avant les autres que ce sera difficile, que les hommes se déchireront entre eux à cause de la dimension sociale et humanitaire que va prendre l'action visible de Dieu dans le monde des humains. L'amour de Dieu relayé par l'action des hommes se manifestera en premier lieu par le souci des humbles. C'est la vocation que Dieu donne à celui qui pour le moment n'est qu'un bébé et que les nations salueront plus tard sous le titre de Fils de Dieu.

C'est lui qui tombera le premier, parce qu'on l'a accusé de mépriser le culte et la tradition, au profit de l'amour du prochain. N'est-ce pas encore aujourd'hui un sujet de discorde entre ceux qui donnent priorité aux œuvres et ceux qui croient que priorité doit être donnée au culte, alors que les deux doivent se confondre en une même action. Quand il sera tombé, Dieu le redressera en le rappelant de la mort. Quand sa victoire sera révélée, on cherchera à interpréter le sens théologique que tout cela doit prendre. (1) l’Église, symbolisée par Marie se divisera à ce sujet et laissera les petits en dehors de ses soucis. Il est vrai que l’Église, bien qu'elle sache que le message d'amour qu'elle a reçu soit pour les petits pactise trop souvent avec les grands. Elle sait que Dieu se plaît dans l'humilité, mais elle préfère se montrer sur la scène publique. Elle sait que Dieu lui a donné vocation de servir, mais elle aime tout régenter. Dans cette Église dont je parle ici au singulier, je parle de toutes les églises qui la composent et en particulier la mienne.

Ceux qui ont vocation d'être redressés, qui sont-ils? Vous les connaissez mieux que moi, car ils sont nos prochains. Ils sont ceux qui près de chez-nous ont besoin de nous. Mais ce n'est pas de ceux là dont je veux parler ici. Je veux parler de nous-mêmes quand nous désespérons d'être secourus dans nos difficulté. Je pense à ceux qui se sentent en désaccord avec eux-mêmes et à ceux qui éprouvent une chute intérieure dont ils ne parlent pas parce qu'ils ne la comprennent pas ou parce qu'elle fait partie de leurs jardins secrets où ils ne laissent personne entrer. Je pense à ceux qui ne savent pas trouver le sens de leur vie et qui ne sont pas satisfaits du cours que prennent les choses dans leur existence. Je pense à ceux qui se fourvoient, parce qu'ils font semblant de croire qu'une vie réussie est une vie couronnée d'honneurs et de privilèges, et qui considèrent que la réussite sociale est un cadeau du ciel si non de Dieu!

C'est pour tous ceux-là aussi que Jésus reçoit vocation d'intervenir dans leur vie. Il est capable de mettre du baume sur les parties douloureuses et il ouvre devant les pas de chacun une perspective d'espérance. Prenez donc le temps de laisser Jésus naître dans vos âme, ouvrez-lui votre cœur pour qu'il s'en empare. Cela prend du temps, cela demande parfois du renoncement. Cela demande que l'on se remette à prier, même si on ne sait plus faire. Mais nous savons aussi qu'il suffit de le désirer pour que Jésus fasse le reste.


C'est alors que le mystère de la prière personne prend toute sa signification et son efficacité. Elle permet de s'ouvrir au Seigneur pour qu'il prenne en charge nos chutes. C'est alors, que sans que nous nous en rendions compte il commence à transformer notre vie et à nous ressusciter. Ainsi s'ouvre devant nous le programme d'une vie nouvelle habitée par Jésus et joyeusement ouverte à Dieu.


(1) Je vous renvoie à l'excellente émission: l'Apocalypse, qui hélas vient de s'achever, et qui relate le rôle désastreux que ces querelles ont joué dans l’Église naissante. Mais vous pouvez les retrouver dans le livre de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur : Jésus sans Jésus le Seuil

lundi 15 décembre 2008

Noël en prison 2008


Passer noël en prison est quelque chose de vraiment triste.
Avec un peu d'imagination, on peut penser qu'il y a quelques points communs entre le Noël que quelqu'un peut passer en prison et le Noël que l'histoire nous raconte avoir été celui de Jésus. L'enfant qui naît dans une étable ne doit la vie sauve qu'à l'exil forcé de ses parents sur une terre étrangère. C'est la même situation de rejetés qu'ils peuvent partager
Bien malin aurait été le témoin éventuel s'il avait pu imaginer le destin de l'enfant qui dort le premier soir de dans un caravansérail oriental et qui le lendemain se trouvera sur les routes de l'exil.

Le prisonnier serré dans sa cellule entre deux autres détenus peut comparer sa triste histoire avec celle non moins triste de l'enfant du voyage qui naît au hasard d'une étape.

Il se prend peut être à rêver, et peut-être découvrira-t-il qu'à l'instar de Marie il a été lui aussi visité par Dieu.
Ce sermon a été écrit pour le culte de Noël de cette année dans une prison parisienne. Le texte écrit est sans doute différent de la forme orale qu'il prendra le samedi 27 au cours de la célébration de Noël dans cette prison. Ce sera un prêche en français et traduit simultanément en anglais car les détenus anglophones protestants y sont les plus nombreux.

Vous qui lirez ces lignes ayez une pensée pour eux.

Je vous offre ce texte en avant première pour accompagner votre méditation.







Étrange histoire que celle de Noël. C'est l'histoire triste d'un Noël raté. Pourtant dans le monde entier, l'évocation de cette histoire suscite depuis longtemps des réjouissances spectaculaires. On est amené à penser que si cela dure depuis si longtemps, c'est que Dieu a quelque chose à voir dans cette histoire, mais quoi?
Vous savez tous l'histoire! Inutile de la raconter à nouveau dans le détail. C'est l'histoire d'un couple de pauvres gens qui n'ont pas eu de chance. Ils ont été contraints par les lois de leur pays de retourner dans leur village d'origine pour y être inscrits correctement sur le registre des impôts. Trop pauvres pour se payer l'hôtel ils aboutissent dans une étable pour y passer la nuit. Mais coup du sort, un ennui n'arrive jamais seul! La jeune femme enceinte doit accoucher au milieu des bestiaux.

Pas de lit pour l'enfant, un peu de paille et une mangeoire feront l'affaire. Des bergers qui étaient encore dehors entrèrent pour voir.
C'est alors que l'on a dit avoir entendu de la musique et qu'on a cru voir dans le ciel comme un orchestre d'anges. On a dit aussi que des princes étrangers, païens qui plus est, étaient venus de nuit pour apporter des cadeaux fabuleux. Mais qu'a-t-on fait de tout cet argent? Envolé? Jamais plus on en parlera! Quant aux anges et à la belle musique, ils se sont sans doute évanouis dans le ciel. Au petit matin on retrouve nos deux amis tout seuls dans le froid avec leur bébé.
La rumeur concernant cette étrange nuit parvint aux oreilles du roi. Il est inquiet, mais les rois sont toujours inquiets. Etait-ce la naissance d'un enfant roi issu de la ligné légitime? Qu'on le tue! L'enfant sera sauf, mais c'est d'autres qui mourront. Les parents déjà avertis étaient partis sur les routes de l'exil en se cachant.
C'est cette aventure que l'on célèbre chaque année depuis 2000 ans.
Pourquoi cette fête? On l'a déjà dit c'est parce que Dieu était dans le coup. On a dit que Dieu se cachait dans l'enfant, mais pourquoi faire?

Certains on fini par comprendre que c'était sa manière à lui de dire aux hommes qu'il voulait partager leur vie.
Ceux qui ont compris auraient du faire la fête et ils l'ont fait. Mais à vue humaine, ceux qui font la fête ne sont pas forcément ceux qui croient en Dieu. Ce qui est étrange c'est que des hommes fassent la fête pour un Dieu auquel ils ne croient pas. C'est peut être là le miracle?
Les hommes ont toujours eu du mal à comprendre que c'est Dieu qui vient vers eux et non le contraire. Ils pensent que c'est à eux d'aller vers Dieu, pour cela il faut en être digne. Il faut être bon et saint. Mais c'est le contraire que tout cela veut dire. Les hommes qui pensent ainsi ont tout faux.
On a dit que les bergers avaient fait la fête. Il faisaient pourtant partie du sous prolétariat de l'époque, mais ils ont compris que pour une fois, Dieu s'intéressait à eux et que cet événement allait tout changer: La preuve, c'est que les princes étrangers ont tout laissé, même si on ne sait pas ce qu'on en a fait de leurs cadeaux, car ils ont compris eux aussi que Dieu les attendaient à un tournant de leur chemin.
Pourtant si Dieu vient dans le monde, le monde ne change pas, car c'est dans le coeur des hommes que cela doit changer, et cela ne se voit pas forcément. Par contre, celui qui ouvre sa vie à Dieu et qui lui demande de l'aider à l'organiser, celui là comprend et peut se réjouir, même s'il n'a rien.
Il faut du temps pour comprendre cela.

Mais si on ne le comprend pas maintenant, on le comprendra l'an prochain, car chaque année, ça recommence. Chaque année, Noël nous rappelle que Dieu se propose de venir dans notre vie.
Si cette année, je ne suis pas prêt, ce sera l'an prochain.
Si aujourd'hui je suis encore trop révolté ou si j'ai trop de haine en moi, cela attendra.
Mais souviens-toi que Dieu a déjà frappé à la porte de ton coeur et il souhaite que tu ouvres, le plus tôt sera le mieux.


Bon Noël
















Luc 1/26-38 Bien heureuse Marie! dimanche 21 décembre 2008

Evangile de Luc 1/26-38

Au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth, chez une vierge fiancée à un homme du nom de joseph, de la maison de David; le nom de la vierge était Marie. Il entra chez elle et dit : je te salue toi à qui une grâce a été faite; le Seigneur est avec toi.
Troublée par cette parole, elle se demandait ce que signifiait une telle salutation. L'ange lui dit : sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici, tu deviendras enceinte, tu enfanteras un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé fils du très Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père. Il régnera sur la maison de Jacob éternellement et son règne n'aura pas de fin.

Marie dit à l'ange : Comment cela se produira-t-il, puisque je ne connais pas d'homme?
L'ange lui répondit : Le saint Esprit viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi le saint enfant qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. Voici qu'Elisabeth ta parente a conçu, elle aussi un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois. Car rien n'est impossible à Dieu.
Marie dit : Voici la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon ta parole. Et l'ange s'éloigna d'elle.


Bien heureuse Marie! Nous la disons bien heureuse parce qu'elle a été choisie pour être la mère du Messie. Ce texte nous parle au plus profond de notre être et fait vibrer ce qu'il y a de meilleur en nous. il nous parle de cette jeune fille d'Israël dont la foi simple et naïve a été citée en exemple par tant de générations de fidèles que j'ai peur, en intervenant dans cette hagiographie d'égratigner des souvenirs qui vous sont chers. La tradition a brossé d'elle un tel portrait que l'Ecriture ne la reconnaît pas. On a tellement forcé le personnage qu'on a fini par faire d'elle la concurrente de son propre fils, l'initiatrice du saint Esprit, la mère de Dieu et la reine des cieux! Marie, que de folies en ton nom! Les hommes t'ont trahie en voulant faire de toi celle que tu n'es pas.

Marie, face a son destin a vécu une existence bien différente que celle que nous lui prêtons. Elle a une histoire tout à fait semblable à la nôtre. C'est à cause de ce destin, tellement proche de celui des petites gens que nous sommes et tellement merveilleux à la fois, qu'elle peut être pour nous un puissant relais sur le chemin de la foi. C'est à partir de cet instant que les hommes vont faire déraper l' l'histoire. Ils vont s'extasier devant le merveilleux, ils ne vont plus voir que l'ange et oublier tout le reste. Mais en fait d'une bonne nouvelle, c'est plutôt une mauvaise nouvelle pour elle? C'est un avenir de fille mère qui s'ouvre devant elle. Pour que ça ne se passe pas trop mal, il faudra encore une fois que l'ange ou que le destin s'en mêle pour forcer la main à Joseph qui finira par endosser une paternité qui n'est peut être pas la sienne. Il nous appartient à nous seuls de voir dans cet incident les effets d'un miracle ou tout simplement le processus humain de la procréation.

L'enfant qu'elle porte en son sein ne sera pas facile à élever. En forçant volontairement le trait nous retrouvons en lui des comportements qui le rapproche des jeunes de notre temps. Si je me contente de suivre le déroulement de sa vie dans l'Evangile de Luc qui fait suite au texte de la nativité, nous allons découvrir un enfant fugueur à douze ans dont le comportement consterne ses parents qui n'y comprennent rien. A l'âge adulte il déserte l'échoppe paternelle et laisse sa mère et ses frères sans ressource. N'est-ce pas pour cela que sa mère et ses frères essayeront de le rencontrer, mais il refusera de les recevoir. Il contestera même que Marie puisse être réellement sa mère! "Qui est ma mère qui sont mes frères si non ceux qui font la volonté de mon Père?" leur fait-il répondre.

En faisant cela, il savait ce qu'il faisait, mais elle, elle ne le savait pas et elle en souffrit certainement. On la retrouvera au pied de la croix, mais nulle part, dans cet évangile ni dans un autre, on nous fera part ni de ses états d'âme ni de sa vie intérieure. Le chemin de Marie fut sans histoire, exemplaire dans sa simplicité, tellement exemplaire que nul n'en a parlé.

C'est à cause de ce qu'on n'a pas dit que Marie est un personnage intéressant. Bien que mère du Messie, bien que choisie par Dieu pour faire vivre son fils dans la société des hommes, son humble parcours n'a provoqué aucun émoi particulier. Et pourtant, sa tâche, faite d'une humble fidélité a été oh combien nécessaire et indispensable! le même constat peut être fait pour Joseph. Sa fidélité exemplaire n'a pas nécessité qu'on la raconte.

Exemplaire avons-nous dit? Si cela ne l'avait pas été on en aurait parlé! Si Marie et Joseph avaient été de mauvais parents, s'ils avaient mal aimé leur fils, on en aurait parlé. S'ils l'avaient battu ou privé de nourriture, on en aurait parlé, s'ils l'avaient abandonné à son triste sort lors de sa fugue à Jérusalem, ça se saurait. Ils ont fait ce qu'ils devaient faire, et Jésus est devenu un homme en qui on a reconnu le Messie. A quoi bon s'émerveiller de ce que ses parents aient fait ce qu'ils devaient faire?

C'est alors que je me tourne vers vous et vous dis les mêmes choses. Je vous dis qu'en faisant normalement ce que vous faites vous êtes comparables à Marie. En essayant d'être fidèlement membres de l'Eglise comme vous le faites, vous édifiez le corps spirituel du Christ, puisque l'Eglise, c'est son corps. Vous agissez ainsi à la suite de Marie qui en nourrissant son fils contribuait à faire grandir son corps de chair. Pour nous, l'ange a le même message que pour Marie. Il nous dit, à nous aussi qu'une grâce nous a été faite, il nous dit que le Seigneur Dieu est avec nous et qu'il a besoin de nous pour édifier le corps spirituel du Christ, le fils de Marie. C'est dans cette société des hommes où nous sommes que Dieu a voulu s'incarner, il a voulu être partie prenante de ce que nous vivons chaque jour. Devant Dieu, ce n'est pas ce qui se voit qui a de l'importance, c'est ce qui arrive.

Ce qui arrive est fait de mille choses insignifiantes qui mises bout à bout font l'événement et écrivent l'histoire. Ce ne sont pas les puissants, ceux dont le nom fait la une des journaux qui font avancer le monde, en dépit des apparences, c'est la multitude des hommes et des femmes au milieu desquels Dieu habite qui dessinent l'avenir. Bien qu'ils tiennent en apparence le premier plan, ce ne sont ni Hérode, ni César Auguste qui ont marqué leur siècle, ce sont les peuples qui ont vécu, qui ont bougé, qui se sont révoltés, ce sont les esclaves qui ont construit les monuments qui subsistent encore et c'est au sein de ce peuple que Dieu a pris forme humaine en Jésus Christ.

Au risque de vous troubler, je dirai que ce ne sont pas les dirigeants du monde, ni les autorités politiques qui jouent le premier rôle, dans les conflits que nous connaissons, ce sont les peuples qui descendent dans la rue, ce sont les indignés de tout bord, ce sont les peuples qui souffrent, qui n'arrivent pas à se révolter et qui agonisent sous la botte. C'est au sein des peuples que Dieu prend visage humain. Aujourd'hui, comme demain Dieu accompagne chacune et chacun de ceux qui modestement, sans se faire remarquer participent à la grande aventure humaine commencée il y a 2 000 ans.

Cette aventure consiste à savoir que Dieu se tient parmi les hommes pour construire un monde nouveau, fait d'amour, de fraternité et d'espérance.

Quant à Dieu, il ne se contente pas d'être l'observateur céleste de nos bonnes oeuvres. Il n'est pas au ciel où les hommes sont absents, il est au coeur de la mêlée de leur histoire. Il ne se tient pas plus du côté de ceux qui ont le pouvoir que de ceux qui le subissent. Il est au milieu des hommes d'où il bouleverse les enjeux de l'histoire en inspirant aux uns et aux autres des projets novateurs. Nous avons beau imaginer que les choses sont autrement, l'Evangile nous ramène toujours à redécouvrir cette proximité de Dieu qui se soucie plus du sort des opprimés que de sa gloire céleste.

Nous avons toujours du mal à admettre qu'il prend en charge l'intérêt de tous les hommes et en particulier de ceux que l'on a l'habitude de considérer comme les petits, les obscures, les sans grade. Pour lui, ce qui a de l'importance n'est pas forcément visible, car c'est caché au coeur de la vie du monde. Si les hommes ont fait de Marie, car il faut bien revenir à elle, ce que la tradition nous a rapporté, c'est que là encore les hommes ont refusé les contraintes de l'incarnation. Ils ont fait de la mère de Jésus la reine du ciel qui rassure par ses apparitions régulières. Les hommes la placent dans les lieux célestes aux côté de Dieu, mais Dieu n'y est pas ! Le ciel où Dieu réside est au coeur de l'humanité. Tant que nous refuserons cette présence de Dieu au milieu de nous, nous continuerons à mettre Marie dans le ciel et à croire que Dieu intervient par des prodiges pour rassurer le monde. Il n'en est rien. C'est du coeur des hommes où il a fait sa résidence que Dieu sollicite leur collaboration pour construire un monde nouveau et fraternel qu'il se plaît à appeler son Royaume.

mardi 9 décembre 2008

Jean1/1-18 Dimanche 14 décembre : la découverte de la vie intérieure


Jean 1/18
"Au commencement était la parole, et la parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu avec Dieu. Tout a été fait par elle et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle. En elle était la vie et la vie était la lumière des hommes.
La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas accueillie. il y eut un homme envoyé par Dieu, son nom était Jean; Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui. Il n'était pas la lumière, mais il vint pour rendre témoignage à la lumière. C'était la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l'a pas connue. Elle est venue chez les siens et les siens ne l'ont pas reçue; mais à tous ceux qui l'ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu

La parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du fils unique venu du Père. Jean lui a rendu ce témoignage et s'est écrié: C'est celui dont il a été dit : Celui qui vient après moi m'a précédé car il était avant moi. Et nous avons reçu de sa plénitude grâce pour grâce, car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.

Personne n'a jamais vu Dieu; Dieu, le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l'a fait connaître."


le big bang

La tradition des récits de Noël laisse dans notre souvenir l'idée que Jean Baptiste criait dans le désert, comme l'avait fait le prophète Esaïe avant lui. Bien que ce ne soit pas dit dans ce texte, nous savons qu'il baptisait dans le désert ceux qui venaient à lui en se repentant. Pourtant, ici au début de l'Evangile de Jean, c'est le terme de lumière qui est retenu pour caractériser son message en le présentant comme le précurseur de la lumière. Sa voix se confond avec la parole de Dieu. C'est le son qui génère la lumière, comme si le tonnerre précédait l'éclair, comme si dans l'Evangile les valeurs étaient inversées par rapport aux règles de la physique. Tout ce témoignage sur Jean sur jean semble procéder comme un renversement du temps, comme si l'histoire basculait pour revenir à ses origines.

C'est ici, une bousculade cosmique qui inaugure un temps nouveau où la présence de Dieu deviendrait évidente pour tous les hommes, s'ils étaient disposés à la recevoir. Nous sommes emportés par ce texte dans un retour à l'origine du monde. Nous en revivons la création tout en prenant conscience de notre propre création et toutes deux l'entremêlent comme si nous étions présents dans la conscience de Dieu dès le commencement.
Après cette ascension sonore vers la lumière qui éclaire toute chose dans un big bang impressionnant, l'Evangile à peine commencé suspend sa manifestation par un constat d'échec: Le monde ne l'a pas reçue et les siens ne l'ont pas accueillie. Mais, ce constat à peine fait, l'Evangile reprend de plus belle son envolée pour bien signifier que l'échec n'est qu'apparent. Dans un clin d'oeil vers nos temps modernes, l'Evangile nous dit que si aujourd'hui nous avons peur d'un dérapage du monde, ce n'est qu'une fausse impression. Dieu sait ce qu'il fait. Cependant il faut que nous passions par cette illusion d'échec afin de mieux saisir le mystère de l'action créatrice de Dieu en nous. Il faut que nous revenions en arrière, pour comprendre comment nous avons été créés par Dieu. Quiconque ne fait pas ce retour sur lui-même ne peut pas avoir vraiment le sentiment d'avoir été créé.
Je m'explique: Pour comprendre notre relation personnelle avec Dieu, il faut d'abord comprendre la relation étroite qu'il y a entre Dieu et le monde. Il faut que la lumière de Dieu m'éclaire pour que je comprenne que cette lumière qui éclaire ma propre vie intérieure est la même que celle qui a accueilli le monde quand il a jailli hors du cahot primitif. Jésus explique cela un peu plus loin quand il dit à Nicodème : Il faut que tu naisses de nouveau.

Cependant, pour percevoir l'éclat de cette lumière éblouissante du créateur, il faut accepter de la recevoir. Vouloir et accepter relèvent de notre choix et de notre liberté. La lumière de Dieu ne m'illumine que parce que je le veux bien, mais pour le vouloir, il faut la connaître, il faut sans cesse revenir à l'origine de l'événement. Il nous faut revenir au moment où Jésus n'était pas encore venu mais où la "Voix" annonçait déjà sa venue. Le témoignage de la voix conditionne tout l'Evangile, puisqu'elle salue Jésus comme le Messie. C'est à partir de cette voix que Jésus construira tout son Evangile. Il est donc important que nous nous arrêtions sur l'évocation de celui qui proférait cette voix : Jean Baptiste.

Jean Baptiste a été présenté comme la voix dans le désert. Il citait les anciens prophètes car, comme Jean, ils étaient porteurs de la même voix. Chacun à sa manière a essayé de dire qu'un temps nouveau était en train de se produire. Toutes leurs paroles faisaient état d'une urgence. Il fallait faire vite, car Dieu était en route pour visiter les hommes. Contrairement à toute logique, les gens se déplacèrent en masse pour se faire sermonner dans le désert.

Jean Baptiste n'était pas un inconnu. Il avait revêtu le vêtement traditionnel des prophètes tel que le portait Elie: tunique en peau de chameau et ceinture de cuir. Il se plaçait ainsi volontairement dans la lignée des grands visionnaires dont il répétait le message pour appeler ses auditeurs et ses auditrices à la repentance. Cette repentance n'était pas une simple confession de leurs fautes, mais c'était aussi une descente en eux-mêmes pour découvrir les manques et les vides de leurs vies. Ceux qui faisaient la démarche étaient plongés dans l'eau, non seulement pour y être purifiés, mais pour manifester leur désir de renoncer à leur vieil homme et accueillir l'homme nouveau que le messie allait faire d'eux. Le Messie allait leur découvrir le mystère de leurs origines et de leur propre création. Il les baptiserait de feu, c'est à dire de la puissance de Dieu. Dieu parachèverait ainsi sa création en eux, c'est pourquoi ils étaient dans une attente joyeuse et fébrile de ce qui allait arriver.

Mais d'où lui est venu cette idée de baptême? A vrai dire on ne sait pas vraiment. Certes, la tradition juive voulait qu'on se purifie dans des bains rituels, mais il s'agissait de bains purificateurs et non de repentance. Pas très loin du Jourdain, la fameuse communauté de Qumran pratiquait elle aussi, force de bains rituels, mais ces ablutions ne ressemblaient pas à la pratique de Jean. Cette pratique se répandit, puisqu'après avoir été lui-même baptisé, Jésus se mit lui aussi à baptiser ses adeptes. A partir de là, le baptême deviendra une pratique tellement importante qu'il sera considéré comme le signe nécessaire de l'appartenance au Christianisme.

Le premier élément du baptême Chrétien, celui de la repentance, de la mort à soi-même a été bien évidemment emprunté à jean baptiste. le deuxième élément, celui de la résurrection nous sera apporté bien évidemment par Jésus, et il nous révélera que c'est dans cet acte du baptême que Dieu achève en nous sa création.

Mais c'est le personnage de Jean qui nous intéresse, il nous montre dans cette pratique du baptême que ce qu'il y a de fondamental dans le message des prophètes, c'est à dire dans tout l'Ancien Testament, c'est cette descente en soi-même. Nous l'avons hélas interprété comme une action culpabilisante de reconnaissance de nos fautes. Cette reprise en main par Dieu de notre vie intérieure devient si importante de Jean Baptiste qu'elle va jusqu'à prendre la place des sacrifices et de tout le rituel lié au Temple. Jean était prêtre lui-même, et il a renoncé à exercer son sacerdoce. Son histoire personnelle et les choix qu'il a faits sont là pour nous dire que le grand bouleversement de la foi qu'il est venu initier rend caduques toutes les prescriptions rituelles qui se pratiquaient dans le sanctuaire.

En effet, Jean est né comme beaucoup de grands témoins de la Bible d'une manière miraculeuse. Ses parents devenus vieux n'avaient pas d'enfant. L'ange intervint auprès de son père, le prêtre Zacharie au cours d'un office, pour lui annoncer la naissance qu'il n'espère plus. Saisi par l'émotion, Zacharie perdit la parole et devint incapable de poursuivre son office de prêtre. L'enfant qui naîtra et qu'on appellera Jean était destiné à devenir prêtre à son tour, mais il n'entrera pas dans le sacerdoce et devint prophète, comme si le ministère de prêtre était désormais périmé. Jean mit un terme à tout le rituel du culte juif pour lui donner une nouvelle dimension . Le croyant découvre alors qu'il lui est désormais permis d'entrer dans une intimité personnelle avec Dieu sans le secours d'aucun ministère et d'aucun culte.

A peine baptisé, Jésus va inaugurer un ministère qui reprendra celui de Jean qui ne tardera pas à être arrêté et à mourir de la main du bourreau. A la mort de jean, la plupart de ses disciples suivront Jésus. L'image que nous garderons désormais de Jean Baptiste sera celle du serviteur fidèle qui a tout compris mais qui ne se reconnaît pas digne, cependant de délier la courroie des sandales du Messie bien qu'il appartienne à la même famille que lui selon la tradition de l'Evangile de Luc.

Le portrait de Jean Baptiste ainsi tracé nous invite à explorer notre vie secrète afin de nous rendre disponibles pour poursuivre notre existence sur le chemin où Jésus souffle pour nous son esprit créateur. Cet esprit était déjà à l'origine des temps et il nous projette maintenant dans le Royaume de Dieu



samedi 6 décembre 2008

Calvin, un aïeul bien encombrant













Le 10 juillet 2009 on célébrera le cinq centième anniversaire de la naissance de Jean Calvin.


Quantité de publications seront faites ou ont été faites à cette occasion. Beaucoup ont déjà paru, et parmi elles, je me suis plu à lire ce petit ouvrage que l'on doit à la plume de Bernard Reymond. Il est plutôt impertinent, comme le suggère son sous titre : "Que faire d'un aïeul si encombrant?"

Il est commun de penser que Jean Calvin est le fondateur de la Réforme et le maître à penser des églises qui en sont issues.


Mais aujourd'hui, beaucoup ont du mal à lui reconnaître un tel rôle. On lui reproche

- son austérité qui nous rebute et qui donne mauvaise presse au protestantisme

- sa théologie de la double prédestination qui nous choque,

- son intransigeance et nous lui reprochons l'exécution de Michel Servet qui constitue encore pour beaucoup une tache sur sa mémoire.


Dans ce petit livre Bernard Reymond le recadre dans son temps. Il le resitue dans le concert des penseurs de son temps et rappelle le nom de nombreux théologiens qui ont marqué la Réforme en formulant des idées qui lui étaient parfois opposées et qui aujourd'hui figurent en bonne place dans les doctrines réformées bien qu'on ait souvent oublié le nom de leurs auteurs. Pourquoi celui de Calvin a-t-il subsisté? C'est ce que découvrira le lecteur.

" Sans concession son livre reprend une des préoccupations de Calvin qui a toujours combattu l'idolâtrie, en particulier quand elle s'attachait à sa propre personne. Paradoxalement, l'essai enlevé de Bernard Reymond est aussi une forme d'hommage à sa mémoire.
Bernard Reymon est professeur honoraire à l'université de Lausanne.

jeudi 4 décembre 2008

Esaïe 40/3 : 7 Décembre 2008 Dieu ne cesse pas de venir

Esaïe 40/ 3

J'entends une voix crier: Ouvrez un chemin au Seigneur dans le désert. Dans cet espace aride, frayez une route pour notre Dieu

A l'instar du poète qui se plaisait à charmer celle dont il était amoureux en l'entraînant dans son jardin pour admirer ses roses, je me plais à découvrir les charmes de Dieu en cherchant à le rencontrer dans les fleurs de mes parterres.


Mignonne allons voir si la rose

qui ce matin avait déclose

sa robe de pourpre au soleil

a point perdu ceste vesprée

les plis de sa robe pourprée


Ainsi Ronsard invitait-il sa belle à se reconnaître dans une fleur juste éclose. Mais à peine avait-il contemplé la fleur au doux parfum, qu'il constatait comme à regret que les pétales à peine ouverts annonçaient déjà la fin et se préparaient à laisser disparaître toutes ces beautés.

Las! Voyez comment en peu d'espace

Mignonne elle a dessus la place

Las ses beautés laissé choir!


Il exhortait ainsi celle dont il était énamouré à céder à ses avances sans tarder, car les lendemains seraient moins enivrants que ce qui s'offrait à eux le jour même. Le poète se trompait. Mais il ne cherchait pas à découvrir la présence de Dieu, il cherchait seulement à séduire une femme et son amour frivole le poussait à presser sa conquête pour qu'elle cède à ses avances.

Quand je descends dans mon jardin, au moment où le jour se lève, je m'attache à découvrir la main de Dieu qui m'ouvre la porte de la journée qui commence. Ainsi, si la fleur que j'ai aimée la veille a changé de forme et même de couleur, elle n'a pas pour autant cessé de participer à l'évolution merveilleuse de la vie. Elle a abandonné ce jaune parfaitement pur qui me ravissait pour laisser ses pétales se border d'un ourlé rose, comme si une main divine avait modifié son apparence pour que le jour nouveau soit différent du précédent. Quand la rose vient à faner, car tel est son destin, c'est sa compagne de branche qui la remplace. Ainsi en est-il chaque jour jusqu'à ce que la dernière fleur cède ses charmes à l'automne. Mais rien n'est encore fini, la saison qui rougit les feuilles ne manque pas l'occasion de saupoudrer le rosier de givre qui scintille comme le ferait autant de minuscules diamants sous le soleil levant. Ce sera bientôt l'hiver et par chance peut être, l'arbuste se couvrira d'en manchon immaculé pour émerveiller davantage l'observateur zélé. Dieu n'était pas particulièrement à l'oeuvre dans cette rose, car Dieu ne se confond pas avec la nature. Mais cette rose m'a permis de rejoindre Dieu, de penser à lui et de me laisser conduire par lui.




Cette parabole un peu mièvre de la rose nous apprend que chaque jour est un jour nouveau que Dieu vient habiter pour notre ravissement et il suffit parfois, seulement d'un regard de sa part, pour que la journée qui vient soit transformée. Chaque jour, chacun de nous est invité à jouer sa partition pour que le jour à peine commencé devienne plus beau.




Lecteur, si tu m'accompagne encore dans mon jardin, tu remarqueras que mon sécateur meurtrier s'en prend maintenant à l'arbuste porteur de tant de merveilles et se met à le torturer. Il taille, il coupe, il ampute, il fait apparemment souffrir le rosier qui s'est endormi pour le long hiver et qui ne peine qu'en apparence. Quand le printemps s'éveillera pour une nouvelle saison, il n'en sera que plus beau et le ravissement sera à nouveau au rendez-vous.




Certes chaque jour n'est pas seulement fait de ravissements, les joies font souvent place aux peines et à l'incompréhension. Ma bonne humeur et mon désir de voir les choses sous leur meilleur angle ne m'habitent pas forcément. La tiédeur de l'automne n'arrête pas le froid de l'hiver qui tue et massacre tout ce qui n'a pas été protégé contre ses rigueurs. Mais que la leçon de la rose nous apprenne à accueillir chaque jour le Seigneur qui vient pour ouvrir à l'existence ce qui n'existe pas encore.


Chaque matin à ton lever il est là, et si la nuit a été dure ou angoissante, sais-tu qu'il était quand même là. Dans le programme de la longue journée qui commence et pour laquelle tu crois avoir tout prévu, c'est encore Dieu qui est là et qui apporte son aide et son enthousiasme pour surmonter ce qui te contrarie. Il n'y a pas un seul instant dans la vie des humains où Dieu ne trouve sa place et tout ce qui se passe se déroule sous son regard. Si ce n'est pas lui qui crée l'événement, c'est lui qui t'accompagne pour que ce soit toi qui le crées, et s'il est étranger aux accidents du chemin,il n'est pas étranger aux solutions qui sont apportées.

Dieu ne programme pas notre journée à notre place, et surtout, il ne se sert pas des événements qui nous sont contraires pour nous punir des fautes que nous avons pu commettre. Jésus s'est attaché à nous libérer de ce fatalisme auquel les anciens prophètes n'avaient pas toujours échappé. Pourtant, nous nous laissons encore séduire par ce principe. Nous trouvons qu'il est plus facile de considérer que Dieu est responsable de tout ce qui ne va pas : "c'est le bon Dieu qui t'a puni!" sommes-nous tentés de dire. Mais ce n'est pas lui qui nous punit, au contraire il nous permet de prendre du recul et de libérer ainsi l'avenir en ouvrant de nouvelles perspectives .

Le peuple d'Israël dont nous sommes les héritiers avait tendance à lire son histoire de la façon culpabilisante que nous venons de suggérer. Selon lui, Dieu aurait programmé la défaite d'Israël contre les armées de Babylone pour le punir de son infidélité. Selon certains écrits, Dieu n'aurait pas supporté que l'on bafoue ses lois et aurait convoqué lui-même les armées ennemies pour corriger son peuple ingrat, afin qu'il réapprenne à tout recevoir de sa main. Nous avons encore tendance aujourd'hui à faire la même lecture au sujet des événements qui ont marqué son histoire. C'est à partir d'une telle interprétation que s'est forgé la théologie culpabilisatrice propre au judéo-christianisme qui contribue très certainement à la défaveur de nos églises.

Une autre lecture des événement est certainement possible, car les textes prophétiques eux-mêmes laissent transparaître une autre manière de voir les choses. En fait les Hébreux en exil se sont nourris d'illusions. Ils croyaient retrouver la grandeur passée après un temps de pénitence, mais cela ne s'est pas produit. Certes, ils sont revenus sur la terre d'où ils avaient été chassés, mais ils resteront toujours un peuple vassal de l'empire perse, si bien que Zorobabel, le dernier descendant de la lignée royale, sera à tout jamais balayé de l'histoire le jour où il tentera de relever la tête et de revendiquer le trône que Dieu avait promis à David de ne jamais laisser sans successeurs.

Les prophètes ont-ils trompés leur peuple quand ils lui promettaient un futur glorieux? A-t-on corrigé leurs textes pour donner du sens à l'histoire ? Il est établi que les textes ont été réécrits plusieurs fois. Mais il est certain aussi qu'ils nous ont transmis des messages qui n'allaient pas forcément dans le sens de la faute et du châtiment. Les textes ne portent pas tous la marque culpabilisante des scribes du quatrième siècle av JC qui leur ont apporté la touche finale. Certains nous sont parvenus avec une fraîcheur surprenante porteuse d'une autre espérance:


"Une voix crie...ouvrez le chemin du Seigneur...frayez une route pour notre Dieu

Le prophète ne parle pas d'un avenir précis, il se contente de dire que Dieu vient et qu'il incombe à chacun d'entre-nous de préparer sa venue. Cette venue n'est pas un événement du futur, mais elle s'actualise chaque jour. Dieu est alors perçu comme celui qui vient et comme celui qui intervient.

Il n'est pas de meilleur endroit dans la Bible que les textes qui parlent de l'exil pour comprendre que Dieu vient. Malgré la chute de la monarchie, malgré la défaite et l'exil, Dieu vient. Il redonne espoir à ce peuple qui restaure le culte sans le Temple et sans les prêtres et qui se met à espérer. Si le peuple d'Israël en pleine débâcle a pu forger l'idée du retour et d'une restauration glorieuse, c'est qu'il n'avait jamais cessé d'espérer. Ce n'est qu'après s'être habitué à l'exil qu'il a interprété son histoire selon une théologie de la faute et du repentir, mais c'est l'espérance en ce Dieu qui vient chaque jour qui a été première, et c'est elle qui a maintenu les déportés dans l'attente.


L'interprétation culpabilisante viendra plus tard, elle sera le fait des scribes qui ont repensé après coup les événements de telle sorte qu'ils pouvaient en insistant sur la culpabilité collective maintenir leur peuple sous leur contrôle. Curieusement, cette attitude a été pendant longtemps celle des églises, pour les mêmes raisons. Mais la venue de Dieu reste toujours l'événement premier et ne porte pas en soi l'idée de faute et de culpabilité.

N'est-il pas plus positif et porteur d'espérance de penser que Dieu vient ouvrir chaque nouvelle journée de sa présence sans que nous nous sentions coupables ou redevables de quoi que ce soit.


Mais revenons maintenant à notre parabole de la rose qui s'embellit chaque jour pour réjouir, ne serait-ce qu'un instant, celui qui passe en la regardant. Ce simple fait nous rappelle que Dieu nous salue chaque jour car il se tient sur notre passage. Il faut donc que nul n'hésite à lui ouvrir sa porte pour l'inviter à pénétrer à l'intérieur de sa maison , de sa voiture ou de son bureau et à l'accueillir au milieu des activités du moment. Nous constaterons alors que la présence de Dieu donne de la beauté à tout, même à ce qui est laid, c'est pourquoi chacun doit apprendre à collaborer avec lui.


Si la rose que nous évoquions est belle, ce n'est pas seulement le fait de la nature, car elle deviendrait bien vite un buisson épineux si on ne la taillait ou si on ne lui prodiguait les soins nécessaires. Mais quand on a tout fait pour qu'elle soit belle, osera-t-on douter du fait que c'est Dieu qui l'a rendu ainsi.







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