mercredi 27 octobre 2010

Luc 21: 5-19 sera-ce la fin? dimanche 14 novembre 2010



Luc 21 :5-19
Jésus annonce la destruction du temple

5 Quelques personnes parlaient du temple et disaient qu'il était magnifique avec ses belles pierres et les objets offerts à Dieu. Mais Jésus déclara :
6 « Les jours viendront où il ne restera pas une seule pierre posée sur une autre de ce que vous voyez là ; tout sera renversé. » 
 
Des  malheurs et des persécutions

7 Ils lui demandèrent alors : « Maître, quand cela se passera-t-il ? Quel sera le signe qui indiquera le moment où ces choses doivent arriver ? »
8 Jésus répondit : « Faites attention, ne vous laissez pas tromper. Car beaucoup d'hommes viendront en usant de mon nom et diront : “Je suis le Messie ! ” et : “Le temps est arrivé ! ” Mais ne les suivez pas. 9 Quand vous entendrez parler de guerres et de révolutions, ne vous effrayez pas ; il faut que cela arrive d'abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin de ce monde. » 10 Puis il ajouta : « Un peuple combattra contre un autre peuple, et un royaume attaquera un autre royaume ; 11 il y aura de terribles tremblements de terre et, dans différentes régions, des famines et des épidémies ; il y aura aussi des phénomènes effrayants et des signes impressionnants venant du ciel. 12 Mais avant tout cela, on vous arrêtera, on vous persécutera, on vous livrera pour être jugés dans les synagogues et l'on vous mettra en prison ; on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs à cause de moi. 13Ce sera pour vous l'occasion d'apporter votre témoignage à mon sujet. 14 Soyez donc bien décidés à ne pas vous inquiéter par avance de la manière dont vous vous défendrez. 15 Je vous donnerai moi-même des paroles et une sagesse telles qu'aucun de vos adversaires ne pourra leur résister ou les contredire. 16 Vous serez livrés même par vos père et mère, vos frères, vos parents et vos amis ; on fera condamner à mort plusieurs d'entre vous. 17 Tout le monde vous haïra à cause de moi. 18 Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. 19 Tenez bon : c'est ainsi que vous sauverez vos vies. »
Quand tout semble sur le point de disparaître, l’Evangile nous apprend que la vie doit prendre toujours le dessus car au-delà de la vie n’y a-t-il pas encore la vie ? Telle est l’espérance que nous retirons de l’enseignement de Jésus. Telle devrait être la conclusion des réflexions que mènent les hommes sur leur avenir. Mais l’homme ne s’en tient pas à des raisonnements aussi simplistes, car il se plaît à croire qu’il est un être pensant, c’est pourquoi il cherche à prouver sa propre supériorité en essayant de relever toutes sortes de défis qu’il se pose à lui-même. Il croit ne pas avoir besoin de Deiu pour ça!

C’est ainsi qu’il provoque Dieu en mettant en cause sa propre existence. Il le fait en lui opposant les réalisations de son génie humain. Dans notre texte d’aujourd’hui, c’est le Temple qui est l’enjeu du défi. Ici on admire ce lieu où les hommes ont réussi, croient-il à retenir Dieu captif. Dieu se serait lui-même mis à l’abri de toute ingérence humaine dans le Saint des saints qui est au cœur du sanctuaire. Dieu s’y maintiendrait volontairement caché, dit-on, à moins que se soient les hommes qui essayent de l’y maintenir pour mieux faire pression sur lui ? La question ainsi posée précise la nature du défi.

Jadis, à la veille de la prise de Jérusalem par l’empereur Nabukodonsor, Ézéchiel avait vu Dieu dans une vision s’échapper du sanctuaire avant la catastrophe pour rejoindre son peuple en exil. Dieu en toute liberté avait échappé à l’emprise humaine et ne permit donc à aucun homme de prendre autorité sur lui, mais les croyances sont tenaces et les hommes sans cesse essayent d’avoir une emprise quelconque sur Dieu.

Le temple fut démoli, mais Dieu n'y était plus. C'est alors que les sages d’Israël retenus en exil entreprirent la composition de  la Bible en rassemblant les textes sacrés en un seul livre qui prit autorité. Une autre forme de religion allait naître. Mais le temps passant, la terre perdue fut retrouvée, le temple fut  reconstruit, les mythes anciens s'imposèrent à nouveau et Dieu fut à nouveau retenu captif par les hommes dans le nouveau Temple. Ce temps devait-il durer?

L’humanité ne cherche pas à résister à sa propre vanité. A défaut d’être invulnérable aujourd’hui elle se croit invulnérable dans l’avenir. Elle se croit capable de relever tous les défis qui lui sont posés, c’est ainsi que l'on part à la conquête des étoiles  et que  pour défier les tremblements de terre les hommes ont entrepris la construction de tours que ni le vent, ni les tempêtes, ni aucun force terrestre ne pourraient démolir. On se souvient qu’il a suffi de deux avions pour que les deux plus prestigieuses d’entre elles soient ramenées au niveau du sol. Mais on croit toujours pouvoir faire mieux.

Pourtant, quel que soit le génie humain, la mort attend quand même chacun de nous au terme de son existence. Dans ce cas là, à défaut de se défier lui-même c’est encore à Dieu que l’homme s’en prend. Si la science repousse à l’extrême la durée de la vie, elle n’en abolit pas le terme. Pourtant défiant les siècles, des monuments en forme de pyramide ont été élevés. Ils avaient la prétention de  prouver que les mystères de la mort avaient été vaincus. Les pyramides, font partie des monuments les plus anciens érigés sur notre planète. On les a construites pour défier la mort en prétendant faire subsister à tout jamais le nom, l’œuvre et la personne de celui qu’elles étaient sensées héberger. Mais que reste-il de ce défi, elles ne sont plus que des tombeaux vides.
 
Nous avons effleuré par quelques exemples les prétentions des hommes à toujours se dépasser eux-mêmes et à supplanter Dieu à défaut de le compromettre pour valoriser leur propre vanité. Ce préambule nous permet de rejoindre Jésus aux prises avec les admirateurs du Temple auxquels il est en train de décrire une réalité bien sombre. Jésus nous présente un univers que nous ne maîtrisons pas, et où malgré son arrogance apparente, l’audace humaine touche à ses limites.

On  peut se demander ce que seront devenus nos monuments dans quelques siècles ? Les pyramides qui ont résisté à l’usure du temps, ne portent plus en elle la trace des défis pour lesquels elles ont été construites. Elles sont devenues des appâts pour touristes et les défunts que l’on y a ensevelis pour défier le temps et les dieux n’y sont plus. Si leurs momies ont subsisté, c'est pour satisfaire les appétits des savants et des visiteurs dans les salles d’exposition des musées.

Jésus se met alors à énumérer pour nous tous les risques que nous encourons : Persécutions, famines, guerres. Chaque génération a connu des périodes de troubles et de dysfonctionnements qui ne cessent de se répéter depuis l’origine des temps. Elles prennent ici une dimension prophétique toute particulière parce qu’au moment de la rédaction de cet Evangile, la guerre des juifs venait de s’arrêter, laissant un vaste champ de ruines derrière elle : Le temple détruit, le peuple juif interdit de séjour sur la terre de ses ancêtres. Cet événement récent  pour Luc, l'auteur de l'Evangile,  transparaît au travers de ces lignes et  donne une valeur prophétique particulière aux propos de Jésus, mais ne change rien à la réalité qu’il décrit.

Ce  qui rend ce passage particulièrement inquiétant, c’est qu’il ne propose pas de solution de sortie. L’homme et en particulier le chrétien y est perçu comme impuissant face à l’adversité du monde. Quand le croyant  déclare que l'avenir n'appartient pas  aux hommes mais qu'il se fera dans une collaboration avec Dieu, il se met lui-même en danger. Il est accusé  par les esprits forts de démobiliser ceux qui agissent et par, les religieux d'hérésie parce que ceux-ci  croient   que Dieu a tout prévu à l'avance.   Les événements semblent lui donner raison.  On ne voit pas  Dieu  intervenir pour venir à notre aide quand nous sommes provoqués à cause de notre foi. Bien que Jésus suggère le contraire et prétende que Dieu met tout en œuvre  pour nous notre défense et  qu'il mettra les mots appropriés dans notre bouche, nous ne voyons pas ses propos se réaliser dans la réalité. Au contraire, quand Étienne fut lapidé et Jacques décapité, peut être ont-ils prononcé des paroles sublimes qui leur était dictées par Dieu, mais ils n’en ont pas moins été les premiers d’une longue série de martyrs en faveur desquels Dieu ne semble pas être intervenu.

Dans  cet atmosphère délétère, on a du mal à trouver une note d’espérance, on peut même se demander comment le monde peut être sauvé, et en quoi Jésus a joué un rôle pour que les choses changent.

Quand  nous n’arrivons pas à trouver les bonnes réponses par nos propres raisonnements, nous savons que nous sommes sur la mauvaise voie. Il nous faut chercher dans les Évangiles eux-mêmes les réponses qu’ils donnent à notre propre recherche. Écoutez alors cette voix qui nous vient de Jésus lui-même quand il nous rappelle qu’il a fait toute chose nouvelle. Il nous rappelle que le monde n’est pas destiné à être aspiré dans un tourbillon qui tenterait de le ramener dans le tohu-bohu primitif. Au contraire, le monde est traversé par une idée force selon laquelle il est possible à l’homme d’inverser le cours destructeur de l’histoire. C’est cette force qui habitait Jésus et qu’il a mise en évidence. Elle l’a habité toute sa vie. Elle lui venait de Dieu et a orienté tous ses choix.

Elle a été suffisamment forte pour lui permettre aux heures les plus sombres de son aventure de croire que les pulsions de vie étaient capables de l’emporter sur les instincts de mort les plus violents. Même cloué sur le bois et après une longue agonie la vie a triomphé pour ouvrir devant lui une perspective d’éternité.

Dans  les moments les plus dramatiques de notre histoire, ce n’est pas notre désir de survie qui doit être la force qui nous anime, mais la vision selon laquelle le monde est entraîné par Dieu dans un mouvement où  la vie est destinée à  prendre  le dessus, si nous savons être persévérants. L’esprit de Dieu qui repose sur nous, nous maintient toujours dans la perspective selon laquelle l’avenir est habité par la certitude de la présence de Dieu dans l’évolution du monde.

Face  à tout cela il y a celles et ceux qui ne pensent les choses qu’à partir d’eux-mêmes et qui croient que leur propre mort sera la fin de tout, c’est pourquoi ils désespèrent. Il n’en est rien. Chaque individu est placé depuis sa naissance dans une spirale ascendante qui l’entraîne vers un absolu qui le dépasse et l’absorbe tout à la fois. C’est Dieu qui donne du sens à ce mouvement par l’esprit dont il nous enveloppe. Tous ne se laissent pas saisir, ils préfèrent se laisser séduire par d’autres voix et désespèrent de ne rien comprendre.

Quant  à nous, forts de la certitude de la résurrection nous devons regarder dans la seule direction qui apporte vie et espérance, même si notre vie est menacée, car au de-là de la vie, n’y a-t-il pas la vie ?

lundi 18 octobre 2010

Luc 20: 27-38: anges et résurrection Dimanche 7 novembre 2010



27 Quelques-uns des Sadducéens, qui soutiennent qu'il n'y a pas de résurrection, vinrent l'interroger : 28 Maître, voici ce que Moïse nous a prescrit : Si quelqu'un meurt, ayant une femme, mais pas d'enfant, son frère prendra la femme et suscitera une descendance au défunt. 29 Il y avait donc sept frères. Le premier prit femme et mourut sans enfant. 30 Le deuxième, 31 puis le troisième prirent la femme ; il en fut ainsi des sept, qui moururent sans laisser d'enfants. 32 Après, la femme mourut aussi. 33 A la résurrection, duquel est-elle donc la femme ? Car les sept l'ont eue pour femme ! 

34 Jésus leur répondit : Dans ce monde-ci, hommes et femmes se marient, 35 mais ceux qui ont été jugés dignes d'accéder à ce monde-là et à la résurrection d'entre les morts ne prennent ni femme ni mari. 36 Ils ne peuvent pas non plus mourir, parce qu'ils sont semblables à des anges et qu'ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection. 37 Que les morts se réveillent, c'est ce que Moïse a signalé à propos du buisson, quand il appelle le Seigneur Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac et Dieu de Jacob. 38 Or il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; car pour lui tous sont vivants.
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Si les théologiens de Constantinople, lors du siège de la ville par les Turcs s’étaient mieux attachés à lire leur Bible, et ce texte en particulier au lieu de spéculer sur le sexe des anges, ils auraient eu la réponse à leurs questions. Ils auraient pu alors concentrer leurs réflexions sur une meilleure stratégie de défense de la ville. Elle n’aurait peut être pas été prise et la face du monde en aurait été changée. Je fais écho ici, à une anecdote sur les préoccupations des théologiens pendant le siège de Constantinople par les Turcs. Ils débattaient sur la nature des anges alors qu’il y avait des questions plus urgentes à se poser concernant leur salut.
 
En fait, la question qui est au centre de ce passage est bien celle du salut. Il s’agit de définir le fondement de la foi, et Jésus répond sans ambages que c’est la résurrection. « Si le Christ n’est pas ressuscité, dira Paul dans l’épître aux Corinthiens, notre foi est vaine. » et si notre foi est vaine, nous n’avons aucune espérance, ni dans cette vie, ni dans une autre. Si notre foi ne repose pas sur la résurrection notre message n’a aucune valeur. L’espérance chrétienne repose sur cette certitude et non pas sur des fantaisies comme celles concernant l’existence des anges. Pourtant c’est de cela que semble parler Jésus.

Vous l’avez bien compris, Jésus tourne les propos de ses adversaires en dérision. Il n’a pas l’intention de nous entraîner sur des chemins qui mènent à des spéculations sans importance. Ses interlocuteurs en inventant une parabole naïve veulent le faire tomber dans le panneau des contradictions. Comme toujours, Jésus s’en sort en détournant le coup. Il parle des anges pour rester à leur niveau, mais en même temps, comme s’il entrait dans leur jeu il donne une information incontournable, à savoir que celui qui croit n’est plus concerné par la mort. Oublions donc les anges et le paradis et attardons-nous sur la question de la résurrection, car c’est là la vraie question. Jésus, en s’appuyant sur les textes nous dit que la mort n’a plus d’importance. Elle est dépassée, elle est réduite à une illusion et elle n’a aucune emprise sur notre devenir. 

C’est la question de Dieu qui préoccupe Jésus. Qu’est-ce que Dieu pour toi semble-t-il nous demander ? Dieu joue-t-il un rôle fondamental dans ton existence ? Ce faisant, Il nous montre  d’une façon surprenante dans quelle direction il faut chercher la réponse. Et pour cela il nous fait remonter jusqu’à Moïse en faisant         allusion à cette vieille histoire du buisson qui brûle sans se consumer.

Nous avons tous lu ce récit décrivant la présence de Dieu quand il parle à Moïse au travers d’un buisson(1). Dieu se présente à lui comme le Dieu de tous ceux qui étaient avant lui, le Dieu d’ Abraham, d’ Isaac et de Jacob, le Dieu de ses pères. Il ajoute, mais ce n’est pas dans la citation de Jésus: « Je suis celui qui suis ». C’est cette expression qui a de l’importance. Si elle n’est pas dite, c’est pour que vous notiez son absence afin que vous la remarquiez mieux.

Dieu se présente comme celui qui conjugue sa présence au monde par le verbe exister. Les générations passées se sont confiées en lui, et en lui elles ont continué à exister. Elles ont trouvé en lui le sens de leur vie et la mort n’a pas eu le dernier mot sur elles. Dieu est celui qui donne la vie à tout ce qui est menacé par la mort. C’est parce qu’en lui, la mort disparaît que notre vie prend du sens. Pourtant, depuis que nous sommes en âge de comprendre ou de réfléchir on nous a enseigné comme une évidence que tout ce qui vivait était destiné à mourir.

Dieu se porte en faux  contre une telle facilité de langage. Jésus affirme qu’en  intervenant dans nos vies, Dieu change notre destin et transforme en espérance notre existence qui était inscrite dans un programme de mort. Tout le témoignage des Ecritures va dans ce sens. Elles trouvent leur  fondement dans l’histoire du peuple de Moïse, nous y revenons, qui  menacé de mort certaine, par un dur esclavage  en Égypte se vit promis à une vie nouvelle par l’intervention de Dieu. C’est autour de cet événement que tourne toute la révélation. C’est en l’évoquant que Jésus nous rappelle que la réalité de Dieu est porteuse de vie et qu’elle impose la vie là où la mort est considérée comme l’aboutissement normal de l’existence.

Cette  idée chemine tout au long des Ecritures et prend place dans le témoignage de la plupart des écrivains bibliques. Elle s’achève dans le récit de la passion de Jésus.             Elle décrit sa  mort en termes de victoire sur le néant et d’ouverture sur l’éternité. 

Cette  idée est déjà présente dès les premières pages de la Bible. Au commencement quand le monde incréé n’était encore qu’une masse informe et que le tohu-bohu régentait le chaos primitif, l’intervention de Dieu fut décrite comme l’injection de la vie dans ce qui ne vivait  pas encore. La mort serait donc  à l’origine des êtres, elle n’en serait pas la fin. C’est la mort qui était déjà dans le commencement et c’est la vie qui donne du sens à ce qui va advenir. L’histoire des hommes commencerait  donc par leur mort et s’achèverait dans une vie qui n’a pas de fin.

Il en va de même pour les hommes que nous sommes. Dans une conception normale des choses, dès le premier balbutiement du nouveau-né, son existence s’inscrit dans un programme de mort dans lequel s’achèvera sa vie le plus tard possible. Il est banal  de dire que l’enfant apprend à mourir en même temps qu’il apprend à parler. Car sa vie ne saurait s’achever autrement que par sa disparition. Jésus pour sa part voit les choses autrement et il nous apprend  à nous aussi, à les voir autrement.  Dès son premier pas, l’enfant doit apprendre à marcher vers ce Dieu qui échangera sa mort déjà prévue contre la vie qui lui est donnée.

La  rencontre ou la découverte de Dieu est un moment fondamental de notre existence à partir duquel tous nos comportements prennent une autre valeur puisqu’ avec lui ce qui est irréel devient réel. Ce qui est passager devient éternel. La présence de Dieu rend les choses tellement différentes que l’on ne sait pas comment on pourrait prétendre croire en lui et garder ses distances par rapport à lui.

Tous  n’en sont pas conscients, tous ne savent pas  percevoir le moment  où, surgissant des profondeurs de nous-mêmes, Dieu s’impose à nous et modifie notre manière d’exister. Si l’expérience est offerte à tous, tous ne la vivent pas vraiment. Jésus s’est alors efforcé de nous donner des repères  pour permettre  de discerner la  présence de Dieu. Dieu est présent, toutes les fois que les forces négatives qui nous entraînent vers la mort sont conjurées. Il est présent dans l’espérance qui permet au plus faible d’avancer. Il est présent dans l’audace du juste qui défie la mort alors qu’on le cloue sur le bois. Il est présent quand, malgré l’injustice qui lui est faite l’innocent continue à prier. Jésus nous apprend à découvrir la présence de Dieu, non pas dans ce qui est spectaculaire, mais dans ce qui transforme notre vie intérieure.

Plutôt que de se rendre visible à tous, Dieu tient à être découvert par chacun des humains qui habitent cette terre. Nous discernons alors sa présence dans les tressaillements de notre cœur quand nous sommes épris d’amour pour les autres. Avec confiance, nous entrons   alors    dans une autre conception de la vie.
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Il est difficile de mettre des mots sur cette réalité, car tout cela n’est encore que mystère. Mais ce mystère contient la vie, et la vie ne peut être anéantie. Ce mystère est si profond que nous sommes amenés à  croire que même ceux qui n’y entrent pas ou qui ne le comprennent pas, ont quand même leur part à cette vie que la mort ne peut détruire.

Et  les anges me direz-vous ? Vous avez sans doute compris qu’ils relèvent plus d’une manière de parler que d’une réalité. C’est sans doute décevant car cela manque de merveilleux, mais n’est-il pas plus exaltant de savoir que Dieu, nous intègre depuis  toujours dans un processus de vie qui prévoit notre dépassement continuel.

(1) Exode 3: 6Dieu dit : n'approche pas d'ici, ôte tes sandales de tes pieds, car l'endroit sur lequel tu te tiens est une terre sainte. Et il ajouta : C'est moi le Dieu de ton Père, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob Moïse se cacha le visage, car il craignait de diriger ses regards vers Dieu... 13 Mais s'ils me demandent quel est ton nom que leur répondrai-je? Dieu dit à Moïse : je suis celui qui suis...

mardi 12 octobre 2010

Luc 19 :1-10 Zachée Dimanche 31 octobre 2010


Luc Chapitre 19
Zachée
1Jésus entra dans Jéricho et traversa la ville. 2 Alors un homme du nom de Zachée qui était chef des péagers et qui était riche 3 cherchait à voir qui était Jésus ; mais il ne le pouvait pas, à cause de la foule, car il était de petite taille. 4 Il courut en avant et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu'il devait passer par là. 5 Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre ; car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison. 6 Zachée se hâta de descendre et le reçut avec joie. 7 A cette vue, tous murmuraient et disaient : Il est allé loger chez un homme pécheur. 8 Mais Zachée, debout devant le Seigneur, lui dit : Voici, Seigneur : Je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j'ai fait tort de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple. 9 Jésus lui dit : Aujourd'hui le salut est venu pour cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d'Abraham. 10 Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.

L’homme est un être secret dont on a de la peine à percer les mystères de l’âme. Il n’est pas sûr lui-même de connaître les causes profondes de ses comportements. Il n’est pas besoin d’épiloguer longuement sur tout cela, nous savons fort bien que nous sommes habités par des motivations dont nous ne savons pas l’origine! Les spécialistes en la matière continuent inlassablement à en chercher les causes. 

Il est probable que notre relation à Dieu joue un rôle dans ce qui motive nos comportements. L’histoire biblique nous montre que le même homme peut chercher Dieu tout en se cachant de lui. C’est ce que semble nous montrer le récit d’Adam et Eve qui se cachent de Dieu dans le jardin des Ecritures tout en restant à portée de sa voix, comme s’ils voulaient que malgré tout Dieu les trouve quand même. Ce fait n’est pas exceptionnel, il fait partie des expériences que nous faisons très souvent sans en prendre conscience.

Nous  retrouvons dans l’attitude de Zachée cet aspect secret et mystérieux du comportement humain. Nous commencerons par nous interroger sur la raison qui le pousse à courir au devant de la foule pour monter sur un arbre. Il court sans doute pour ne pas être vu par ceux qui le précèdent. Il veut voir Jésus sans être vu. Le terme voir est utilisé par deux fois, c’est dire la force de son désir. Inconsciemment il joue au  jeu de cache-cache avec Jésus. La foule y prend aussi sa part.

Il ne veut pas être vu de la foule, c’est pourquoi il la devance en courant pour monter dans son arbre afin de n’être vu par personne. S’il avait été vu par quelqu’un, le texte n’aurait pas manqué de le dire car la scène qui nous amène à imaginer ce petit homme se hissant sur les branches basses de l’arbre a quelque chose de cocasse qu’on n’aurait pas pu laisser passer. Il suffit de laisser le champs libre à notre esprit pour imaginer ce petit homme qui ne doit pas être tout jeune et qui à cause de sa fonction de notable a peut être de l’embonpoint. Nous le voyons en train de s’agripper aux branches du sycomore dont la particularité est d’avoir des branches proches du sol, gêné par sa tunique dans la quelle il se prend les pieds tout en perdant ses babouches. Non, il avait bien conscience de l’aspect comique de sa situation, c’est pourquoi il ne voulait pas être vu.

Mais s’il est à califourchon sur les branches basses de l’arbre, tout le monde peut le remarquer, et Jésus en particulier. C’est là la règle du jeu de cache-cache : se cacher pour être vu. On se dissimule à l’autre, en sachant que l’on sera finalement vu, sans quoi le jeu n’aurait pas d’intérêt.

Il  ne veut pas être vu par la foule, parce qu’il est péager, percepteur des impôts. Il n’était pas aimé par ses concitoyens qui le considéraient comme un traître qui s’était enrichi en pactisant avec l’ennemi. Les péagers, étaient des juifs qui achetaient leur charge aux romains. Ils leur avançaient la somme qui leur était nécessaire pour leur administration, c’était une très grosse somme. Ensuite ils se faisaient rembourser en prélevant sur leurs concitoyens le montant de ce qu’ils avaient avancé à l’occupant. Bien entendu, ils se prélevaient bien davantage que ce qu’ils avaient mis à leur disposition. Il est précisé ici, qu’il était le percepteur en chef. C’est dire qu’il était particulièrement riche et qu’il était particulièrement mal considéré. Cela explique en partie qu’il voulait se cacher de la foule.

S ‘il n’était pas monté dans son arbre, il aurait eu du mal à voir Jésus parce que la foule était trop compacte pour qu’il puisse l’approcher et en plus, il était de petite taille, nous est-il dit. Mais à mon avis c’est un faux argument, tant il est vrai que l’on plaide souvent le faux pour cacher le vrai. S’il a su contourner la foule pour monter discrètement dans le sycomore, il aurait pu facilement la contourner pour arriver à proximité de Jésus en faisant état de sa personnalité de notable. Rien ne l’empêchait de s’approcher de Jésus, de bousculer ceux qui lui auraient barré le chemin et de se jeter à ses pieds, de baiser le pan de sa robe, et de lui dire qu’il est un misérable pêcheur et qu’il se repent de tout le mal qu’il a fait.


Mais  telle n’était pas son intention, c’est ce que nous verrons dans les propos qu’il échangera plus tard avec Jésus. Son intention était bien de voir Jésus sans être vu par lui. C’est en tout cas ce qu’il a voulu faire, en se dissimulant dans les branchages. Quant à l’argument de sa petite taille, il n’est évoqué que pour mieux cacher la vérité, comme ce fut le cas pour Adam qui avait l’habitude d’être vu nu par Dieu et qui tout à coup a pris ce prétexte pour se cacher de lui. 

Nous  sommes souvent ainsi en face de Dieu. Notre âme est partagée entre le désir qui nous pousse vers lui, et la crainte de perdre notre liberté si nous nous approchons trop près de lui, comme si Dieu pouvait mettre notre liberté en danger ! Nous aimerions pouvoir vivre en amitié avec Dieu, tout en étant libre de dire le contraire. Voilà le mystère dans lequel nous évoluons trop souvent. N’y a-t-il pas au fond de nous une crainte révérencieuse de Dieu qui établirait des distances entre lui et nous comme ce fut le cas pour Adam qui ne savait pas que son geste de désobéissance allait le rendre libre face à Dieu alors que jusqu’alors il lui était aliéné? En nous laissant approcher encore plus près par Dieu n’est-ce pas vers la liberté que nous allons et non vers une aliénation ?
Qu’est ce qui produit cette crainte de Dieu ? Je ne sais ! La théologie protestante de la grâce évacue un peu trop vite ce sentiment en affirmant un peu  que Dieu pardonne tout et nous délivre de tout. En disant cela nous faisons abstraction de cette crainte, que nous n’arrivons pas à formuler vraiment et qui nous met mal à l’aise quand la proximité de Dieu est trop forte. Et pourtant cette crainte est bien réelle.

Zachée avait trouvé la bonne solution ! Il savait qu’il allait être repéré par Jésus. Il le désirait secrètement sans doute, mais sa position élevée dans l’arbre lui permettait de garder les distances. Mais Jésus ne s’encombre pas de ces arguments. Il va au-delà du souhait secret de Zachée. Plus moyen de se cacher, Jésus s’invite chez lui.  Zachée peut alors se tenir en vérité devant Jésus ! Plus de crainte, plus de dissimulation.

Zachée ne fait pas une confession de ses péchés comme on aurait pu s’y attendre. Était-ce nécessaire ? Devant Jésus, Zachée se découvre comme il est : un homme bon et généreux, et cela suffit à l’un comme à l’autre. En dépit de ce que pensent les hommes qui en font un homme impur et un ennemi du genre humain, devant Jésus, Zachée apparaît comme un être bien différent. Il porte bien son nom, qui signifie curieusement « le juste ». Il devient pur. Peu lui importe que la synagogue et les gens de son peuple l’aient rejeté. Il s’assume comme il est devant Jésus et Jésus ne le contraint nullement de changer en quoi que ce soit.

Il  voulait voir Jésus sans vouloir le rencontrer. Il avait peur qu’il lui demande de changer, de tout abandonner pour le suivre comme il l’avait dit au jeune riche quelques temps au paravent. Mais sa vie avait déjà changé, car son souci pour autrui était déjà devenu prioritaire dans son comportement. C’est la priorité qu’il donne à l’autre qui est exemplaire, si bien que sa fortune n’est aucunement un handicap à une relation heureuse et intime avec Dieu.

Comme  Zachée, beaucoup de gens sont sensibles à l’appel de Dieu, mais ne veulent pas qu’on les remarque. Ils ont peur qu’on leur impose des changements dans leurs comportements, ils n’ont pas envie de rejoindre une église dont ils ne veulent pas partager les choix de société. En fait ce n’est pas de Dieu qu’ils ont peur, mais de l’image que les hommes en donnent.

Cette simple remarque nous plonge dans un abîme de réflexion, car elle nous amène à constater que si Jésus promet le salut à Zachée et le traite de Fils d’Abraham, il ne l’invite pas à le suivre ni à rejoindre la synagogue que lui-même fréquente. Tout cela n’empêche pas Jésus de demeurer chez lui et de partager son quotidien. Pour que cela puisse se produire, il faut que Zachée descende vers Jésus du haut de l’arbre dans lequel il se cache. Zachée ne reçoit aucune consigne particulière de la part de Jésus. Zachée est assez averti dans la foi pour savoir ce qu’il doit faire sans qu’on le lui dise. C’est ainsi que nous devons être devant Dieu : des hommes et des femmes suffisamment responsables pour comprendre sans qu’on nous le leur dise, quel est le sens de notre vie pour aller de l’avant.


Prière :

Quand les ombres s’étirent vers le soir,
alors que la chaleur des mois d’été fait place à la fraîcheur de l’automne qui vient, tout semble se rétrécir autour de nous, et la nature se prépare à un long sommeil réparateur.

Nous te louons alors pour la beauté du soir,
quand tout se replie dans un écrin de lumière,
et que la campagne s’enveloppe d’un manteau aux couleurs changeantes.

Dans ce repli apparent des forces de vie, nous te louons de participer à ce vaste mouvement où la nature s’endort et où toute vie se fait intérieure.

Tu nous invites à t’accueillir dans notre intimité. Tu déposes au plus profond de nous les forces de vie qui nourrissent notre foi et tu nous fais vibrer dans nos secrets intérieurs, de l’éternité où tu nous entraînes.

Que ce culte tout entier soit notre réponse enthousiaste à tant de bonté.





lundi 4 octobre 2010

Luc 18:9-14 le Pharisien et le péager Dimanche 24 octobre 2010



Le Pharisien et le péager

9 Il dit encore cette parabole pour certaines personnes qui se persuadaient d'être justes et qui méprisaient les autres : 10 Deux hommes montèrent au temple pour prier ; l'un était Pharisien, et l'autre péager. 11 Le Pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont accapareurs, injustes, adultères, ou même comme ce péager : 12 je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. 13 Le péager se tenait à distance, n'osait même pas lever les yeux au ciel, mais se frappait la poitrine et disait : O Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur. 14 Je vous le dis, celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l'autre. Car quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé.


Dès que nous sommes en présence de quelqu’un qui prie, nous sommes du même coup mis en présence de celui à qui la prière est adressée : Dieu ! Par sa prière, celui qui prie rend Dieu présent et cela ne nous laisse pas indifférents. Nous réagissons en faisant silence, nous baissons la voix, par respect pour celui qui prie, mais aussi par révérence à Dieu, puis nous faisons un repli sur nous-mêmes et nous nous interrogeons: « et moi est-ce que je prie ? Et quand je prie que se passe-t-il ?» 

Dans la parabole d’aujourd’hui, Jésus nous introduit dans l’intimité de deux hommes face à Dieu. Même si nous avons l’intention de critiquer leur manière de prier, leur attitude appelle d’abord le respect. Jésus nous rend témoins de leurs pensées, qui sont adressés à Dieu. Elles révèlent l’intimité de ces deux hommes devant leur Seigneur.

Bien vite cependant, nous nous situons par rapport à eux :
- « non je ne suis pas comme ce prétentieux vaniteux qui éprouve le besoin de se faire valoir devant Dieu. »
- « Non je ne suis pas non plus comme cet homme prostré qui n’ose pas lever les yeux vers le ciel, accablé par son péché»

Nous avons alors le sentiment d’appartenir à un troisième type de prieur, celui qui formule sa prière autrement: celui qui intercède, celui qui loue ou encore celui qui médite. Nous pensons donc que ce type de prière est plus élaboré que ceux qui sont décrits ici. Notre prière se situe à un autre niveau. Elle s’adresse à Dieu avec des mots, elle formule des pensées. En faisant ainsi le bilan de notre manière de prier, nous glissons inconsciemment vers une forme d’autosatisfaction qui nous apparente au premier personnage de la parabole. Comme beaucoup de gens qui sont des familiers de la prière, nous risquons de nous croire différents des autres, voire même supérieurs, et c’est là le danger qui nous guette. Pourtant nous verrons par la suite que Dieu nous invite à nous investir dans ce genre de prière faite de mots prononcés et de phrases réfléchies. C’est une entreprise difficile qu’on appelle le combat de la prière, mais c’est par elle que nous grandissons dans la foi.

 
Nous allons donc nous aventurer prudemment sur le chemin de la prière, et tout en parlant de la prière des deux hommes, nous savons bien que nous allons parler de notre relation personnelle à Dieu.

Le premier constat que nous allons  faire c’est celui qui nous fait découvrir que la prière de ces deux hommes est terriblement moderne. Cette double manière de prier révèle l’ambivalence de la personnalité de l’homme occidental moderne. Celui-ci va se reconnaître dans le premier des deux personnages avant de se réfugier dans le second.

Tout d’abord, il se félicite de vivre dans un pays favorisé, même s’il a des revenus modestes, ils sont suffisants, grâce à Dieu. Son niveau de vie, son niveau d’études, sa formation font qu’il se ressent comme un homme supérieur par rapport aux autres hommes de la planète. Il partage l’ambition de tous les occidentaux qui se plaisent à croire que le génie humain triomphera de tous les maux de la terre. S’il lui arrive de se référer à Dieu c’est pour le remercier de l’avoir fait naître dans ce havre de prospérité. En fait, il ne priera même pas Dieu, puisqu’il n’a pas besoin de lui pour se sentir bien. Il est comme le pharisien, il se contemple dans sa propre prière qui ne monte même pas jusqu’à Dieu. 

Mais le vaniteux qui dort dans le très fond de l’inconscient de beaucoup de nos concitoyens est bien souvent rattrapé par ses échecs. Un accident imprévu, le constat de l’impuissance de la science ou de la médecine à surmonter un problème, la mise en cause de notre mode de fonctionnement par un terroriste, voilà que notre concitoyen se transforme d’un seul coup. Le voilà atterré, suppliant le Tout Puissant de le sortir de là. Il se sent perdu alors qu’il n’est pas personnellement menacé. Il se tourne alors vers Dieu car il ressent un besoin de protection et d’affection, il a besoin d’être materné, et l’enfant qui se cache en lui et qui n’a jamais su grandir se réveille et cherche une protection.

L’homme moderne change de comportement par rapport à Dieu sans s’en rendre compte. Quand il se sent maître de lui comme de l’univers, il n’a pas besoin de Dieu et s’en passe fort bien. Il se forge même un Dieu à sa propre image, qui ne lui sert à rien si non à se conforter dans ses prétentions. Et puis, sans crier gare, il est capable de tomber dans l’excès contraire, de retourner à l’état le plus primitif de la conscience religieuse. Il n’ose même plus regarder vers Dieu tant son âme est bouleversée par la crainte. Quand donc les hommes deviendront-ils adultes ? Quand apprendront-ils que la prière est le meilleur moyen que Dieu leur a donné pour construire leur personnalité et devenir des individus responsables et raisonnables ?

 
On a l’impression que la Réforme est encore à refaire. Le péager de notre histoire ressemble à Luther. Luther était terrorisé par Dieu, il crevait d’angoisse dans le fond de sa cellule de moine. Un jour il découvre que cela ne sert à rien de se morfondre. Il découvre qu’aucun homme ne peut échapper au péché, mais que tous sont destinés à le surmonter par le salut.  Luther comprend alors ce que dit Paul dans l’épître aux Romains : « le juste vivra par la foi ». Le voilà donc justifié puisqu’il croit. Le voilà disponible pour ce Dieu qui l’accepte comme il est. Le pardon gratuit de Dieu le met debout et lui permet d’avancer. Cette découverte a été un des événements initiateurs de la Réforme et j’ai parfois l’impression que l’homme moderne n’a jamais vraiment assumé cette découverte car il s’arrête sur cet acquis sans comprendre qu’il doit maintenant construire cet homme nouveau.

C’est par la prière qu’il s’édifiera. Il doit maintenant se comporter comme un être responsable puisque c’est à cela que Dieu le destine. Celui qui a compris le projet que Dieu formule pour lui doit faire sienne cette parole de Dieu qui le relève : «mets-toi debout, ta foi t’a sauvé. » C’est à ce moment là que commence la vraie prière. Jusqu’alors, il a poussé des soupirs, il a balbutié, il s’est contemplé lui-même en se valorisant mais il n’a pas vraiment parlé. Or Dieu l’invite maintenant à dialoguer avec lui. Dieu lui suggère de lui faire part de ses projets, et c’est à ça que sert la prière, elle sert à associer Dieu au déroulement de son existence. 

C’est en formulant nos questionnements avec des mots et des phrases que notre pensée prend de la consistance. En se forçant à prononcer des mots devant Dieu dans l’intimité de la prière, nous donnons forme à notre désir. Nous exprimons alors des pensées que nous formulons de telle sorte qu’elles soient recevables par Dieu. Nous arrivons ainsi à exprimer les choses de la manière dont Dieu le ferait.

 
En secret Dieu nous a aidé à formuler les choses, si bien que notre pensée s’exprime alors par notre parole et notre parole prise en charge par Dieu devient créatrice. En effet, si Dieu crée les choses par sa parole nous découvrons que notre propre parole proférée devant Dieu et inspirée par lui reprend cette fonction créatrice à son compte et contribue à édifier en nous un homme nouveau qui se construit et s’embellit au fur et à mesure qu’il prie.

La prière pratiquée ainsi avec fidélité va faire de chaque individu un être qui se développe et grandit. Il ne subit plus les événements contraires, les échecs ne l’anéantissent plus, les réussites le rendent modeste et il ne se divinise plus lui-même. Il vit les événements de chaque jour avec passion en sachant que chaque jour qui passe le rapproche du Royaume où Dieu l’attend pour partager l’éternité avec lui.

Le plus grand service que nous pouvons rendre à l’humanité d’aujourd’hui, c’est de lui ré-apprendre le chemin de la prière. Il ne s’agit pas de répéter sans cesse les mêmes vaines redites ni redire des prières formulées par d’autres, Il faut aider nos semblables à entrer dans le combat de la prière qui contraint chacun à formuler ses désirs devant Dieu pour qu’il soit en adéquation avec les idées que Dieu lui inspire. Certes, ce n’est pas facile, c’est même fatigant. Cela demande une partie de notre énergie, mais n’est-ce pas ce que Dieu nous demande ?