jeudi 30 mai 2013

Luc 9:18-24 - dimanche 19 juin 2016



Luc 9 :18-24  -  Pierre déclare que Jésus est le Christ  - dimanche 19 juin 2016



18 Un jour qu'il priait à l'écart et que les disciples étaient réunis auprès de lui, il leur demanda : Au dire des foules, qui suis-je ? 19 Ils répondirent : Pour les uns, Jean le Baptiseur ; pour d'autres, Elie ; pour d'autres encore, un des anciens prophètes qui s'est relevé. 20— Et pour vous, leur dit-il, qui suis-je ? Pierre répondit : Le Christ de Dieu. 21 Il les rabroua, en leur enjoignant de ne dire cela à personne, 22 ajoutant qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit tué et qu'il se réveille le troisième jour.



23 Il disait à tous : Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix et qu'il me suive. 24 Car quiconque voudra sauver sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie à cause de moi la sauvera. 25 Et à quoi sert-il à un être humain de gagner le monde entier, s'il se perd ou se ruine lui-même ? 26 En effet, quiconque aura honte de moi et de mes paroles, le Fils de l'homme aura honte de lui quand il viendra dans sa gloire, dans la gloire du Père et des saints anges. 27 Et je vous le dis, en vérité, quelques-uns de ceux qui se tiennent ici ne goûteront pas la mort avant d'avoir vu le règne de Dieu.





Et vous, que dites-vous de Jésus?  Il est Dieu, fils de Dieu, Messie peu importe, chacun a sa réponse, chacun a sa relation personnelle à Dieu, mais, quoi qu’on en dise, on est obligé de reconnaître que Jésus est venu vers les hommes sous des apparences modestes. Il a tenu à rester humble. Il a choisi de nous présenter une image de Dieu que nous aurions plutôt tendance à réfuter. Il présente Dieu comme le Dieu de l’impossible. Il montre Dieu sous les traits de celui que l’on rejette. Le Dieu tel que Jésus le présente se plaît à ressembler à celui qui souffre, à celui qui est humilié ou incompris. Il s’identifie à celui qui est méprisé à celui que l’on abandonne quand la mort le menace. Il est aussi celui qu’on  ne reconnaît plus quand la résurrection le propulse dans notre existence d’humain. Jésus nous propose une image de Dieu qui nous provoque car elle ne correspond pas à nos désirs. Nous aspirons à reconnaître en Dieu une puissance qui se voit et qui intervient d’une manière manifeste dans la vie des hommes. Comme cela ne se voit pas d’une manière évidente,  Dieu semble absent de notre monde.

Sans vraiment vouloir être provoquant et en regardant simplement fonctionner notre société française, nous constatons que nous vivons dans un monde qui nie l’existence de Dieu ou plutôt qui se passe de lui. Notre référence à Dieu reste floue et on n’a pas l’impression de le voir intervenir dans le cours des choses. On le dit attentif aux hommes et pourtant cela ne se voit pas, cependant, cela n’empêche pas que beaucoup  parmi eux s’appliquent à lutter contre les souffrances et les exclusions, contre  les maladies et contre la mort même. Le  monde des humains,  si détaché de Dieu en apparence ne l’est pas tellement en profondeur. En effet,  les plus entreprenants parmi les humains s’appliquent à intervenir dans les lieux où Jésus a dit que Dieu se  cachait, c’est à dire les lieux de détresse.  A force d’intervenir là où Dieu se cache, on finira bien par le trouver, même si cela prend du temps.



Jésus donc, nous présente l’image d’un Dieu qui se cache derrière tous les scandales humains qui nous provoquent et nous interpellent: Les guerres d’hégémonie qui oppriment les minorités ethniques, les enfants contraints au travail ou à la prostitution, les vieillards enfermés dans la solitude de l’oubli, les jeunes en quête d’espérance, les adultes dans leur combat contre le chômage, les immigrés dans leurs désirs de papiers régularisés, les femmes, dans leur provocation à l’égalité, autant de lieux où Dieu se cache.

Mais pourquoi avoir choisi les misères humaines pour s’y dissimuler?  pourquoi avoir choisi l’inacceptable afin de se révéler?

Parce qu’il nous attend sur les lieux même où  son adversaire semble le plus fort et il veut l’affronter là où il nous opprime pour mieux le tourner en dérision. Son adversaire qui est-il? Le diable, le mal, la mort ou l’homme lui-même?

Certains, peut être, en entendant parler du diable commencent à se demander où je vais les embarquer; d’autres par contre se réjouissent en pensant que j’ai enfin compris les enjeux du monde de demain. Ils espèrent que  je vais vous enjoindre à vous retirer hors de ce monde pervers, et que je vais vous inviter à vous enfermer dans la bulle confortable d’une communauté toute attentive à la prière et à la morale. Et bien  non, je ne vais pas le faire parce que le texte que nous avons lu ne nous entraîne pas dans cette direction. Le texte nous dit simplement que la mort, sous tous ses aspects est un obstacle à la manifestation de Dieu et que Jésus nous attend dans les lieux où le pouvoir de la mort la rend insupportable. La mort est insupportable parce que ni elle, ni la souffrance qui l’accompagne, ni l’injustice ne font partie du programme de Dieu. En Jésus Christ, Dieu se désolidarise définitivement de tout ce qui porte atteinte à l’homme.

Mais s’il se désolidarise du mal et de la mort, il n’en ignore pas pour autant les effets, c’est pourquoi il se place  sur le terrain de la mort et du mal, non pas pour les anéantir mais pour les surmonter. Il semble que  le mal  et la mort ne soient pas voulu par Dieu,  mais ils font partie  du mystère du monde où nous vivons, même si cela dépasse notre compréhension, cela fait partie de notre monde ! Tout se passe comme si, Dieu, ayant maîtrisé le cahot au commencement de toute chose avait continué  son œuvre en libérant le monde. Pour participer à cette entreprise de libération il a  confié à « l’homme pensant » que nous sommes le soin de continuer son combat contre la mort et le mal. Le mal et la mort restent donc les ennemis à abattre.



Depuis que l’homme existe, Dieu a passé avec lui un contrat de collaboration qui consiste à travailler en association avec lui afin d’organiser le monde pour qu’il évolue harmonieusement pour le mieux être des hommes. Dieu envoie au  combat tous ces hommes et toutes ces femmes  qui acceptent de faire  alliance avec lui.  Ils se mettent à l’œuvre pour que  sans relâche et avec ingéniosité ils repoussent l’adversaire. Ils deviennent ainsi les témoins d’ une vie qui dépasse la mort et que faute de mieux on appelle la résurrection.

En effet,  la résurrection fait partie du programme de Dieu, ce n’est pas un palliatif qu’il aurait inventé pour contrecarrer un dérapage  supposé de la création. La résurrection fait partie intégrante de la vie chrétienne et de l’espérance. Elle en est l’aboutissement normal, c’est pourquoi Jésus se situe là où elle risque d’être le plus contestée, c’est à dire au cœur  même de la violence et de la mort.

Jésus s’y trouve  et nous invite à l’y rejoindre afin que par la manifestation de notre espérance la fatalité du mal se trouve tellement contestée qu’elle finira par disparaît.

Après ces réflexions, la question posée au début « qui dites vous de Jésus » n’a plus de raison d’être.  Inutile de chercher à expliquer ou à justifier ou à démontrer la réalité de Dieu en Jésus Christ. Nous découvrons dans tout cela que Dieu ne s’invente pas et qu’il ne se démontre pas. Il se manifeste et ceux qui ont compris tout ça et qui  s’efforcent de le rejoindre là où il est le moins visible: dans les lieux de la souffrance et du rejet, dans les lieux de la provocation et du désordre afin que tout cela s’apaise.

On découvre,  encore une fois, que les autorités religieuses, contemporaines de Jésus, n’avaient rien compris. Elles avaient voulu enfermer Dieu dans des rites religieux, tels les sacrifices et les pèlerinages et même les prières rituelles alors  que lui, voulait se faire reconnaître en partageant la vie des hommes. N’ayant rien compris  ils ont réclamé la tête de Jésus, prenant ainsi le parti de la violence pour défendre la dignité d’un Dieu qui ne leur demandait  rien, si non de le suivre sur le chemin des hommes. Les Églises d’aujourd’hui l’ont-elles mieux compris?

Ainsi, ni la violence ni la haine, ni l’injustice ne sont des éléments que l’on peut faire valoir pour nier la réalité de Dieu. Combien de fois faudra-t-il entendre encore cette affirmation, tant de fois répétée qu’elle fait concurrences à l’Évangile: «puisqu’il y a tant de mal dans le monde, c’est que Dieu n’existe pas ». Bien au contraire, Dieu nous invite à le rejoindre sur les lieux de violence afin que la violence cesse, puisqu’elle est contraire à Dieu et que la résurrection apparaisse comme une réalité normale qui s’inscrit dans le cours des choses. Dieu l’ a créée  de toute éternité afin de nous en revêtir l’heure venue.

J'ai emprunté les images et le texte ci-dessous à G. Castelnau dans  son site "protestants dans la ville" comme si pour moi cette peinture donnait une réponse au sens de la vie que Jésus est venue établir sur terre.
 7 mai 2013

Keith Haring est un jeune artiste américain au dessin vigoureux et expressif. dont toute la volonté, toute la passion, tout l’engagement s’est focalisé dans la lutte contre toutes les forces mauvaises oppressant, aliénant l’homme. Son art est populaire dans la mesure où, devant ses dessins, tout le monde se sent immédiatement concerné et interpellé par un message parfaitement clair et saisissant violent et sympathique, dans un humour décapant dont chacun saisit sans peine la vérité de l’humanisme. 

« L’Arbre aux Singes » qui est en exergue montre de petits êtres que le titre appelle des singes mais qui font penser à notre humanité, nombreuse, agitée, animée et gaie, avec les couples qui s’entraident, se caressent s’épouillent, s’accouplent sans complexe. Un monde heureux, coloré et bien vivant. Vision optimiste de la vie.

 

dimanche 26 mai 2013

Luc 7:36- 50 et 8:1-3


Luc 7 :36-50 et 8 :1-3  -  Repas chez Simon  - dimanche  16 juin 2013

36  Un des pharisiens l'invita à manger avec lui. Il entra donc chez le pharisien et s'installa à table. 37Or une femme, une pécheresse de la ville, sut qu'il était à table chez le pharisien ; elle apporta un flacon d'albâtre plein de parfum 38et se tint derrière lui, à ses pieds. Elle pleurait et se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus ; elle les essuyait avec ses cheveux, les embrassait et répandait sur eux du parfum. 39En voyant cela, le pharisien qui l'avait invité se dit : Si cet homme était prophète, il saurait qui est la femme qui le touche et ce qu'elle est : une pécheresse.
40Jésus lui dit : Simon, j'ai quelque chose à te dire. — Maître, parle, répondit-il. 41— Un créancier avait deux débiteurs ; l'un devait cinq cents deniers et l'autre cinquante. 42Comme ils n'avaient pas de quoi le rembourser, il leur fit grâce à tous les deux. Lequel des deux l'aimera le plus ? 43Simon répondit : Je suppose que c'est celui à qui il a fait grâce de la plus grosse somme. Il lui dit : Tu as bien jugé. 44Puis il se tourna vers la femme et dit à Simon : Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi, et tu ne m'as pas donné d'eau pour mes pieds ; mais elle, elle a mouillé mes pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. 45Tu ne m'as pas donné de baiser, mais elle, depuis que je suis entré, elle n'a pas cessé de m'embrasser les pieds. 46Tu n'as pas répandu d'huile sur ma tête ; mais elle, elle a répandu du parfum sur mes pieds. 47C'est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés sont pardonnés, puisqu'elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui l'on pardonne peu aime peu. 48Et il dit à la femme : Tes péchés sont pardonnés.
49Ceux qui étaient à table avec lui commencèrent à se dire : Qui est-il, celui-ci, qui va jusqu'à pardonner les péchés ? 50Mais il dit à la femme : Ta foi t'a sauvée ; va en paix.   
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1Par la suite, il se mit à cheminer de ville en ville et de village en village ; il proclamait et annonçait la bonne nouvelle du règne de Dieu. Les Douze étaient avec lui, 2ainsi que quelques femmes qui avaient été guéries d'esprits mauvais et de maladies : Marie, celle qu'on appelle Madeleine, de qui étaient sortis sept démons, 3Jeanne, femme de Chuza, intendant d'Hérode, Susanne, et beaucoup d'autres, qui utilisaient leurs biens pour les servir.




Apparemment anodine, cette histoire cache de nombreux pièges. Elle a été reprise par les autres Evangiles et insérée dans des contextes différents, si bien qu’on s’enferrerait à vouloir les comparer. Nous chercherons cependant  à emprunter à l’occasion  l’une ou l’autre de leurs approches.  A mesure de la lecture de ce texte nous verrons des pièges s’ouvrir sous nos pas et nous verrons certains des acteurs changer de visage.  Nous admirerons le talent de l’évangéliste Luc qui nous amène à découvrir par nous-mêmes ce qu’il ne nous dit pas, mais qu’il nous suggère cependant.



Nous allons entrer dans ce texte comme  si  nous étions investis  d’une enquête policière. Nos conclusions cependant ne nous amèneront pas à confondre un coupable, mais à découvrir une vérité sur Jésus et sur nous-même.



Qui est ce Simon chez qui Jésus est invité ? Nous ne le savons pas, mais le personnage est ambigu. Il nous est présenté comme un riche pharisien à l’esprit ouvert. Mais en invitant Jésus à sa table en présence d’autres convives  il a une idée derrière la tête.  La présence des invités va amener Jésus à tenir ses propos  en public, ce qui signifie qu’ils seront répétés, amplifiés, déformés peut-être. J’anticipe déjà sur la suite du récit par cette remarque désobligeante. Quant à la femme  qui s’est introduite sur les lieux,  deux hypothèses peuvent être retenues sur l’origine de  sa présence.  La première serait d’imaginer qu’on l’a laissée entrer en espérant qu’elle créera un incident qui discréditerait Jésus. La deuxième serait   de penser que  la femme  a pénétré sur les lieux à la faveur de la foule nombreuse qui se pressait déjà au repas et dont on n’a pas remarqué tout de suite la présence.  Dans ce cas nous en  en conclurons que Simon était  riche et nous ne serons pas étonnés si l’argent  joue un rôle important dans l’histoire.  



En dépit de l’ambiance apparemment amicale dans  laquelle s’ouvre ce récit, on peut déjà soupçonner un piège. Comme nous le verrons par la suite le soupçon jouera un rôle important dans cette affaire.  Le contexte nous donne à penser que Simon s’interroge sur la vraie nature de Jésus. Il se demande  s’il est un prophète, mais déjà il en doute, sans quoi il l’aurait reçu  avec les égards que l’on réserve à un homme de marque. Jésus le lui fait cruellement remarquer. Il dresse même la longue   liste des manquements à l’hospitalité à son égard.  Tout cela justifie l’impression que nous avons, d' entrée de jeu, que Simon et Jésus  vont s’affronter sans se ménager, car l’ambiance n’est finalement  pas à la franche fraternité.



Dans ce récit, il n’est nullement  question de Dieu. Le fait qu’il ne soit pas mentionné laisse entendre qu’il n’est pas invité et que le piège était déjà  en place. On attendait donc  Jésus sur un autre terrain que celui de la foi.  Il nous faudra quand même repérer la présence de Dieu,  car s’il  ne jouait aucun rôle, ce texte n’aurait  pas de raison d’être dans l’Evangile.



L’invité pour qui le repas a été préparé est Jésus. Mais vous avez remarqué qu’on n’y mange pas. Il semblerait que très vite Simon va exprimer son regret  d’avoir invité Jésus car une autre invitée s’est introduite sur les lieux du repas et sa présence va fausser les cartes. Si elle n’était pas désirée, pourquoi l’a-t-on laissée entrer et pourquoi est-elle venue ?  Pour honorer Jésus !  Mais une telle attitude publique était-elle possible de la part d’une prostituée ? On notera qu’elle n’a fait aucune demande de pardon, et si en fin de récit, elle est quand même pardonnée, ce n’est pas sur sa demande. Le geste  qu’elle a accompli reste au centre du récit,  mais on n’en sait pas la cause réelle pour l’instant.  Le doute plane.



Les autres Evangiles qui rapportent l’événement dans un autre contexte suggèrent qu’il s’agit d‘un acte prophétique annonçant la mort de Jésus, mais ce n’est pas le cas ici. Pour l’Evangile  de Jean,  la femme serait Marie, la sœur de Lazare qui éprouvait pour Jésus une profonde amitié. Même si dans le récit de Luc, il ne s’agit absolument pas de la même femme, et même s’il n’est pas question de chercher à harmoniser les textes, cependant  ce rapprochement nous permet de nous demander si l’amour ne va pas jouer  un rôle important dans cette histoire. Ne serait-il pas le véritable invité ?



La femme s’est invitée seulement parce qu’elle voulait  faire un geste d’amour à l’égard de Jésus semble-t-il. Si elle avait été Marie, sœur de Lazare comme le dit le texte de Jean, on serait resté dans le cadre de  la bienséance, et il n’y aurait pas eu de commentaire.  Mais ici, s’il s’agissait d’une prostituée, cela apporte un autre éclairage à ce passage et Simon en profite pour exprimer ses doutes sur Jésus. Il le soupçonne   de ne pas être le prophète qu’il croyait. Était-ce pour mettre cela en évidence qu’il avait été invité avec un tel public ? Si c’était le cas, c’était manqué car à la fin du récit on se demandera  au contraire si Jésus n’était pas plus qu’un prophète puisqu’il se permet de pardonner  la pécheresse qui n’en a même pas fait la demande.



Mais Simon n’en est pas quitte pour autant. Il s’est drapé dans le manteau rigide de sa morale et adresse à Jésus un regard oblique. Jésus lui tend une perche pour qu’il s’en sorte. Il lui  raconte une parabole qu’il adapte à sa situation. Il va s’agir d’argent et d’amour. Peuvent-ils faire bon ménage ?  Oui, va dire Simon, plus l’argent  sera mis au service des autres, plus l’amour qu’il apportera sera grand.  On sait que Simon jouit d’une certaine fortune et qu’il peut comprendre la situation. S’il a beaucoup d’argent, il n’a pas jusque-là manifesté beaucoup d’amour.  Il ne l’a pas fait  en accueillant Jésus au minimum des règles de l’hospitalité, à la différence de cette femme qui en lui offrant son parfum n’a pas su contrôler le débordement de son amour. Il est dit alors, et cela découle de l'interprétation que Simon a faite de la parabole que Jésus lui a racontée  que la  femme a plus aimé Jésus que lui.



Le récit pourrait s’arrêter là, mais les murmures s’élèvent dans les rangs des assistants. Ce n’est pas dit, mais leur indignation est si forte qu’on la sent au travers de ce qui n’est pas dit. Si le récit s’arrêtait là, la morale ne serait pas sauve. Jésus ne pourrait  pas recevoir des marques d’amour d’une prostituée, sans que cela déclenche un incident,  c’est pourquoi l’Evangile de Jean avait attribué le geste à Marie, si non le scandale aurait traversé les siècles  et continuerait à nous émouvoir.



Ici, Jésus doit  donc aller plus loin et donner le coup de grâce. Il prononce le mot inattendu dans une telle situation, celui de pardon. L’amour  de cette femme est  tel qu’elle ne peut pas ne pas être pardonnée. Une femme capable d’un tel amour ne peut pas rester enfermée dans ses péchés. C’est ce que pense Jésus. Il ne dit pas non plus de quelle nature sont ses péchés. Il y a fort à parier que sur ce point Jésus et Simon ne sont pas du même avis..



Qui peut pardonner dans une telle situation si non Dieu ? Dieu n’était pas vraiment invité, nous l’avons vu, mais on ne peut exclure Dieu qui s’impose, même quand on ne l’attend pas. Ce sont les paroles de Jésus qui imposent sa présence. Si  Jésus n’est plus le prophète que Simon avait invité. Il dépasse ce rôle. Il devient le témoin de Dieu et son ministère se confond avec le sien. L’amour prend alors le pouvoir sur tous les esprits. Il a le pouvoir de permettre à une prostituée de passer devant un pharisien au regard de Dieu, car tout individu capable d’aimer a priorité dans le cœur de Dieu, même si, comme on pouvait le soupçonner les relations de la femme avec Dieu étaient distantes ou même inexistantes.



A notre tour d’entendre Dieu nous interpeller, car même s’il n’était pas invité, c’est quand même lui qui s’est imposé et qui prononce pour nous, maintenant  le mot de la fin : Es-tu capable d’aimer au point de dépasser la morale des hommes ou la morale de la société ? Es-tu capable de mettre ton argent ou tout ce qui est précieux pour toi au service de l’amour des autres ?  Si tu en es capable, tu es tout proche de Dieu, même si tu ne le sais pas.

Illustrations: Philippe de Champaigne (1602-1674)  Musée des Beaux-arts, Nantes




vendredi 17 mai 2013

LUC 7/11-17



Luc 7 :11-17 -  Le fils de la veuve de Naïn- 5 juin 2016




11 Ensuite il se rendit dans une ville appelée Naïn ; ses disciples et une grande foule faisaient route avec lui. 12 Lorsqu'il approcha de la porte de la ville, on portait en terre un mort, fils unique de sa mère, qui était veuve ; et il y avait avec elle une importante foule de la ville. 13 Le Seigneur la vit ; il fut ému par elle et lui dit : Ne pleure pas ! 14 Il s'approcha et toucha le cercueil. Ceux qui le portaient s'arrêtèrent. Il dit : Jeune homme, je te l'ordonne, réveille-toi ! 15 Et le mort s'assit et se mit à parler. Il le rendit à sa mère. 16 Tous furent saisis de crainte ; ils glorifiaient Dieu et disaient : Un grand prophète s'est levé parmi nous, et : Dieu est intervenu en faveur de son peuple. 17 Cette parole se répandit à son sujet dans la Judée tout entière et dans tous les environs.





« Jetez la mort hors les murs ! » Tous ces gens qui portent en terre hors de la ville le corps d’un jeune homme qui vient de mourir semblent agir selon cette consigne. Ils portent sa dépouille  sur un brancard en une marche silencieuse scandée sans doute par la mélopée des pleureuses qui font monter vers le ciel le cri de leur révolte et de leur résignation. La mort ici ne marque pas la fin d’une vie qui s’achève après de longues années de labeur au service de la communauté villageoise, c’est l’interruption inadmissible d’une existence qui est à peine commencée et qui n’a pas accompli sa fonction dans la société des hommes.



Cette mort sera aussi la mort sociale d’une autre vie, celle d’une mère veuve  qui en perdant son fils unique perd son dernier soutien dans  la vie du village. Elle est sans doute trop vieille pour retourner dans la maison de son père qui doit être mort depuis longtemps, sans cela elle l’aurait sans doute déjà fait. Elle est trop vieille pour se remarier, trop veille pour retrouver une place dans la société de la famille que lui aurait donnée son fils dès qu’il se serait mis à travailler. Au-delà des cris et gémissements des pleureuses,  on entend comme une prière que personne ne prononce mais qui monte vers Dieu pour lui dire qu’une telle situation est insupportable et on lui reproche de n’avoir rien fait, sans le dire vraiment.



Le cortège funèbre a franchi les portes de la ville. C’était  là que jadis  se réglaient les grands événements de la vie sociale  de la cité. La porte sépare la ville de l’extérieure, elle est la limite entre le lieu protégé à l’intérieur de la ville et la campagne où se tiennent tous les dangers. C’est là que rodent  les étrangers, les bandits et les loups.  C’est la place de la mort et c’est là qu’on emmène le défunt.  On dirait que  les villageois, inconsciemment cherchent à se protéger contre l’irrationnel de la mort qui n’a pas sa place dans le monde des vivants. Ils manifestent ainsi leur ultime protestation contre la mort. Tout en sachant qu’ils ne sont pas armés pour lutter contre elle.



Hors de la cité, ce n’est pas la mort qui les attend, mais la vie,  ils ne le savent pas encore. Le récit succinct, habilement  conçu par  l' évangéliste Luc nous a présenté les choses d’une telle manière que le lecteur aguerri de la Bible a reconnu d’autres histoires de même nature qui lui sont familières. Il sait que dans ces collines de Galilée, au-delà de cette cité, du côté de Sumène, le prophète Élisée rendit la vie à un enfant mort brutalement. Ce prophète avait reproduit le même miracle que son maître le prophète Élie avait accompli, un peu plus loin en terre païenne. Il avait rendu à la vie le fils unique d’une pauvre veuve à Sarépta. Cet Évangile se situe donc à la suite de 2 miracles rapportés dans les Ecritures par le passé et que l’Évangile actualise en cet instant


Attentif à la tradition des Ecritures,  le lecteur comprend alors, que ce n’est pas la mort qui attend la foule attristée hors de ce village, mais c’est la vie.  Avant même que Jésus intervienne, on a déjà  compris  que Dieu va proposer une autre alternative à la situation de mort.  Dieu va   intervenir dans ce lieu-là même où les hommes croient qu’elle n’a pas sa place. Mais y a-t-il une place où Dieu n’est pas ?  Quand on croit que tout est fini et qu’aucun homme ne peut plus rien, c’est à ce moment-là que se manifeste discrètement  la puissance de Dieu qui nous maintient dans le domaine de la vie, quand la mort semble revendiquer la place, mais  il n’y a plus de place pour la mort là où Dieu se tient.



C’est à ce moment que Jésus intervient dans le récit  qui nous présente l’événement comme s’il était le fait du hasard. Nous avons compris qu’il n’en était rien.  Jésus arrive toujours au temps opportun. Jésus entre en ville au moment où sort le mort.  Le groupe des endeuillés silencieux va à la rencontre du groupe des amis de Jésus  que l’on imagine devisant entre eux en commentant  ses discours tonifiants. 



La vie  dont les discours de Jésus sont porteurs a déjà marqué ce groupe de son empreinte. Nous nous attendons à ce qu’elle passe d’un groupe à l’autre. Elle rejoint  celui des endeuillés avant même qu’il y ait eu contact entre eux et Jésus. Ainsi, ceux  qui marchent en portant le mort ne savent pas encore qu’ils vont vers la vie que Dieu leur réserve en Jésus, mais le lecteur le sait déjà.  Rien n’a encore été fait, mais tout a été fait.  Jésus n’a pas encore fait un geste, il n’a pas encore prononcé une parole que tout semble déjà accompli, comme si la vie était inscrite par avance dans les paroles et les actes à venir de Jésus.



Il  y a toujours  de la vie en Jésus et cette vie est communicative. La vie qui anime Jésus lui vient de Dieu et Dieu se manifeste en lui par sa parole. La parole de Dieu saisit ceux qui l’entendent et les projettent dans un avenir où ils ne sont pas encore, mais où Dieu les attend déjà. Certes, c’est le jeune homme qui est bénéficiaire du geste de Jésus, mais tous, sans le savoir encore en profitent déjà.  L’univers de Dieu se situe ailleurs. Il ne se  limite pas  aux deux espaces que nous avons délimités : le village sécurisé  à l’intérieur des portes et l’extérieur où se situent la peur et la mort. Dieu entraîne les participants vers l’invisible où se passera désormais leur histoire. Ils entrent par l’action de Jésus dans le monde de l’esprit où l’éternité les attend.



La rencontre avec Jésus se fait à la porte de la ville. D’un côté il y a le village où les hommes se croient protégés par les constructions solides des maisons, par les remparts qui entourent la ville, par les portes qui tous les soirs sont fermées. Ils ont mis tout leur génie pour qu’ils puissent y  vivre en sécurité. De l’autre côté, nous l’avons vu, il y a le danger. C’est là que se tient Jésus et il transforme ce lieu d’inquiétude en lieu d’espérance. Jésus porte en lui le mystère de Dieu.  Il ne semble pas accorder  aux lieux les mêmes valeurs que les humains, puisque c’est à l’extérieur des portes qu’il révèle l’action de Dieu.  La mort  qu’ils redoutent,  ne tient pas compte non plus de la valeur  des espaces que les hommes ont délimités. Elle  a  fait son œuvre  maléfique  dans le lieu sécurisé par leurs soins, c’est pourquoi symboliquement ils la poussent hors la ville. Et l’histoire nous apprend que hors la ville c’est le lieu où se tient Jésus qui se trouve confronté de ce fait à la mort. La mort rejoint Jésus dans l'espace que redoutent les homme et où Dieu la détruit.



Porteur de vie, Jésus transgresse alors tous les tabous. Sûr  de son fait, il intervient dans le deuil de la femme et avant qu’il se soit passé quoi que ce soit, il fait barrage à ses pleurs. Il arrête le cortège. Il interrompt ainsi tout le rituel de la mort.  Il touche la civière sur laquelle repose le jeune homme. En faisant ce geste il se rend lui-même impur. Il serait incapable de poursuivre son action si après s’être adressé au jeune homme celui-ci ne s’était pas relevé.  L’impureté du mort a disparu parce que le mort ne l’est  plus. La mort elle-même n’est plus.



« Lève-toi » avait-il dit au mort. C’était en ces termes qu’Élie avait réveillé le jeune homme  dont on a parlé tout à l’heure. Élie  faisait figure de grand prophète, et même du plus grand des prophètes parce que, lui-même  il n’avait pas connu la mort. Il avait été enlevé par Dieu dans un char de feu. La question vient alors à l’esprit des participants à l’événement : Jésus est-il un grand prophète  comme Élie ? Est-il même plus grand que lui ? Est-il le fils de Dieu ?



Question à laquelle chacun de vous apportera une réponse  personnelle. A coup sûr,  Jésus est ici le maître de notre vie pour ce temps et pour tous les temps.  Il devient  maître de la vie de chacun de nous. Il a suffi que la voix de Jésus se  fasse entendre  pour que le jeune homme change de monde, pour qu’il passe de la mort à la vie.  Quiconque aujourd’hui reconnaît la voix de Jésus est invité à faire la même expérience de vie que ce jeune homme  afin que  les portes de l’éternité s’ouvrent pour lui.