vendredi 28 juin 2013

Luc 10:25-37



Luc 10:25-37 la Parabole du bon Samaritain  dimanche 14 juillet 2013

25 Et voici qu'un légiste se leva et lui dit, pour le mettre à l'épreuve : « Maître, que dois-je faire pour recevoir en partage la vie éternelle ? » 26 Jésus lui dit : « Dans la Loi qu'est-il écrit ? Comment lis-tu ? » 27 Il lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. » 28 Jésus lui dit : « Tu as bien répondu. Fais cela et tu auras la vie. » 29 Mais lui, voulant montrer sa justice, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? »
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30 Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, il tomba sur des bandits qui, l'ayant dépouillé et roué de coups, s'en allèrent, le laissant à moitié mort. 31 Il se trouva qu'un prêtre descendait par ce chemin ; il vit l'homme et passa à bonne distance. 32 Un lévite de même arriva en ce lieu ; il vit l'homme et passa à bonne distance. 33 Mais un Samaritain qui était en voyage arriva près de l'homme : il le vit et fut pris de pitié. 34 Il s'approcha, banda ses plaies en y versant de l'huile et du vin, le chargea sur sa propre monture, le conduisit à une auberge et prit soin de lui. 35 de lui. Le lendemain, il sortit, deux deniers, les donna à l'hôtelier et dit : "Prends soin de lui et si tu dépenses quelque chose de plus, c'est moi qui te le rembourserai quand je repasserai.” 36 Lequel des trois, à ton avis, s'est montré le prochain de l'homme qui était tombé sur les bandits ? » 37 Le légiste répondit : « C'est celui qui a fait preuve de bonté envers lui. » Jésus lui dit : « Va et, toi aussi, fais de même. »
Toujours pardonné, sans cesse repentant, tel est le peuple auquel les protestants se plaisent à ressembler. Il est toujours coupable mais toujours reconnaissant de la grâce prévenante qui l’enveloppe. Le salut gratuit lui est toujours offert comme un cadeau immérité. Nous passons ainsi notre temps à implorer un pardon que l’Evangile nous dit être accordé d’avance ! C’est tout à fait perturbant et même aliénant d’espérer ne jamais pouvoir parvenir à satisfaire pleinement notre Seigneur puisque selon nos anciennes liturgies inspirées par Calvin nous sommes nés dans la corruption et incapables par nous-mêmes d’aucun bien. Bien que l’avenir nous soit ouvert, nous sommes enfermés à tout jamais dans notre état d’inachèvement.
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Si ce langage est conforme à l’esprit de la Réforme, il faut bien dire qu’il passe mal aujourd’hui, car, nous vivons dans une société culpabilisante qui attribue ses dysfonctionnements à l’irresponsabilité de nos contemporains qui par leur mode de consommation compromettent l’avenir de la planète. Le texte d'aujourd'hui en rajoute une couche en mettant les prêtres en première ligne de la liste  des coupables.  S’il y a une bonne nouvelle à recevoir aujourd’hui, elle ne doit pas consister à rajouter de la culpabilité à la culpabilité ambiante. Nous sommes fatigués de nous sentir enfermés dans cet univers morbide de la faute sans aucun espoir de satisfaire aussi bien les hommes qui sont sensés être nos prochains que Dieu qui nous aime tant et qui nous protège contre nos péchés avant même que nous les ayons commis.
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La parabole que nous écoutons aujourd’hui et que tous connaissent bien, nous met tellement en cause que nous cherchons à la contourner afin de lui trouver un sens caché pour ne pas subir les conséquences d'une  culpabilité qui pèserait encore plus lourdement sur  nos consciences.  Elle nous assène  une leçon de morale qui nous enferme dans notre  incapacité à bien faire. 

Elle met en scène un marginal sympathique,  financièrement aisé, mais rejeté à cause de sa naissance. Il est Samaritain autant dire qu’il n’appartient pas à la bonne société . On n’a sans doute rien à lui reprocher, mais il n’est pas comme nous. Par son attitude il entre dans le schéma classique du marginal qui donne par son comportement   une leçon de morale au gens de la société en place.
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En effet, il accepte de se compromettre dans une affaire suspecte. Il étale sa fortune dans une affaire d'homicide. Il interrompt un voyage d’affaires pour s’occuper d’un homme qui est entre la vie et la mort. Qu’importent les affaires, le temps et l’argent, c’est le sort de cet individu qui ne lui est rien, qui l’arrête sur son chemin. Il utilise sa propre monture, rebrousse chemin, trouve du secours qu’il doit payer de ses propres deniers, il avance même une provision d'argent pour qu'on s'occupe de lui. C’est comme s’il lui ouvrait un crédit illimité sur son compte. Il retourne ensuite à ses affaires tout en gardant le souci de son protégé pour lequel il promet de modifier son projet de retour, et même de payer encore si c’est nécessaire. Trop c’est trop.
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En écoutant ce récit pour le moins culpabilisant on se dit qu’en toute honnêteté on n’aurait même pas pu en faire la moitié. En y réfléchissant, cette histoire nous parait  totalement invraisemblable. Sans tenir compte des arguments  sur lesquels nous reviendrons, on en arrive à penser  que la Loi de Moïse était moins sévère que les prescriptions de Jésus. Quel intérêt aurions-nous à suivre Jésus ?  Certains iront même jusqu’à penser qu’il vaut mieux le néant éternel plutôt que de payer un prix impossible pour un paradis hasardeux.
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Mais, je l’ai souligné, si Jésus invite son interlocuteur à faire de même, il ne nous invite pas nous-mêmes à faire de même.  Il n'a pas un mot pour exprimer son admiration devant tant de générosités. Il se contente  de poursuivre son récit en tirant une conclusion sur les subtilités de la rhétorique pour savoir qui dans cette histoire était le prochain l’autre ? Et nous voilà en train de sombrer dans un abîme de perplexité. Je dois confesser à mon corps défendant que je n’ai jamais rien compris à ces subtilités si bien que je me pose encore aujourd’hui la question de savoir où l’Evangile veut nous entraîner ? Certainement pas dans des subtilités juridiques dans lesquel nous avons tendance à vouloir enfermer Dieu, Jésus Christ et notre prochain. Si nous recevons cette parabole comme une leçon de morale exemplaire nous n’y trouverons  pas  le souffle libérateur que Jésus a voulu donner à son Evangile.
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A l’origine de cette histoire, il y a la prétention d’un homme pieux à débattre avec Jésus sur le juridisme religieux afin de définir le rôle que peut jouer le prochain dans notre quête du salut éternel. Puisqu’il veut débattre, Jésus accepte le débat, mais ça ne mène à rien. Comme toujours Jésus décrit une situation impossible. Personne en effet ne peut accéder au rôle tenu par la Samaritain qui semble avoir pour règle de vie l’abnégation totale.  En toute bonne logique, ça   ne marche pas. A  vouloir être trop parfait, on aboutit à une situation absurde. Ce  ce n’est pas dans cette direction qu’il faut chercher.

 En effet, si un tel comportement était possible et exemplaire, cet homme aurait rejoint depuis longtemps les rangs des nécessiteux et des clochards. Il faut disposer d'une grande fortune pour agir comme il l'a fait et il faut disposer d'une source de revenus inépuisable pour en disposer de telle sorte  que le premier venu en détresse puisse y puiser à volonté. L'action qu'il a faite  envers le Samaritain n’avait certainement pas été son coup d’essai. L’exercice de la charité semble faire partie de sa nature profonde.  Et si telle était sa manière d'agir   Il n’aurait donc pas eu l’occasion d’exercer la charité comme il l’a fait, car il n’aurait jamais eu la possibilité de gagner la moindre somme d’argent pour faire ses libéralités puisqu’elle aurait été dépensée avant d’avoir été gagnée.
 
Aujourd’hui, dans une société plus prévenante à l’égard des délaissés que la société antique, ceux qui se donnent pour règle l’abnégation totale et qui se consacrent essentiellement à la générosité vis-à-vis des démunis, c’est avec l’argent des autres qu’ils font leurs générosités et non avec le leur. C'est ce que font les ONG. 

Quant aux ordres monastiques, même si les moines font vœu  de pauvreté, c'est avec l'argent que l'ordre perçoit qu'ils exercent la charité. C’est comme cela que fonctionnent les bonnes œuvres dans le meilleurs des cas, et on ne saurait le faire autrement. Or notre généreux Samaritain semble vouloir des ressources inépuisables pour venir en aide aux autres
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Ce constat d’échec à propos de la générosité gratuite nous déçoit. Nous sommes apparemment tombés dans une impasse et nous avons du mal à nous résigner à cet état de fait.  En fait, nous devrions nous demander ce qui se serait passé si le blessé n’avait pas été secouru. C’est simple il aurait perdu la vie. Or c’est bien sur une question de vie qu’a commencé le propos. Il s’agissait de vie éternelle, bien sûr, mais avant d’être éternelle la vie doit s’ancrer dans l’existence au quotidien.
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Loin de nous dicter un comportement, ce passage nous désigne les priorités que Dieu nous invite à prendre en compte. Cette priorité c’est la vie des autres. Le comportement du Samaritain nous dit qu’elle n’a pas de prix. La vie du blessé était en danger et elle devait être préservée. Le samaritain l'a fait. Le débat s’arrête là. Il n’est plus question de savoir s'il  a fait ce qu’il fallait. Il n’est pas question non plus de juger le comportement de l’un ou de l’autre, Jésus ne le fait pas, mais il nous entraîne dans une autre direction. Il nous invite à faire une descente au fond de nous-mêmes pour nous demander à qui ou à quoi nous donnons priorité dans nos actions.

 Est-ce notre intérêt personnel ou celui des autres ? Est-ce notre bonne conscience qui guide nos décisions ou l’amour du prochain ? Il ne s’agit pas ici d’avoir la réponse juste et de respecter le bon comportement, il s‘agit de percevoir quels sont les impératifs de notre foi que Dieu a inscrits en nous et que notre intelligence nous donne de découvrir. Il s’agit simplement d’être en harmonie avec Dieu et de comprendre que Dieu donne priorité à tout ce qui est porteur de vie : la vie de chaque jour pour ce temps et ensuite la vie éternelle. la qualité que nous réservons à la première étant une annonce de la qualité que Dieu réserve à la seconde.
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Quoi que nous fassions ou que nous ne fassions pas, notre salut éternel n’est pas mis en cause et ceux qui argumentent au sujet   de la morale n’y trouveront pas leur compte. Jésus répond à celui qui l’interroge sur la vie éternelle en disant que la vie est au centre de la préoccupation de Dieu. « Si tu es en Dieu, tu es déjà dans la vie éternelle, il t’appartient de manifester cette certitude dans toutes tes actions. Il s’agit simplement de rendre manifeste la foi qui est en toi. »

lundi 10 juin 2013

Luc 10:1-20




Luc 10 :1-20 - L'envoi des soixante douze - dimanche 7 juillet 2013.


1 Après cela, le Seigneur en désigna soixante-douze autres et les envoya devant lui, deux à deux, dans toute ville et en tout lieu où lui-même devait se rendre. 2 Il leur disait : La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson. 3 Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. 4 Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. 5 Dans toute maison où vous entrerez, dites d'abord : « Que la paix soit sur cette maison ! » 6 Et s'il se trouve là un homme de paix, votre paix reposera sur lui ; sinon, elle reviendra à vous. 7 Demeurez dans cette maison-là, mangez et buvez ce qu'on vous donnera, car l'ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. 8 Dans toute ville où vous entrerez et où l'on vous accueillera, mangez ce qu'on vous offrira, 9 guérissez les malades qui s'y trouveront, et dites-leur : « Le règne de Dieu s'est approché de vous. » 10 Mais dans toute ville où vous entrerez et où l'on ne vous accueillera pas, allez dans les grandes rues et dites : 11 « Même la poussière de votre ville qui s'est attachée à nos pieds, nous la secouons pour vous la rendre ; sachez pourtant que le règne de Dieu s'est approché. » 12 Je vous dis qu'en ce jour-là ce sera moins dur pour Sodome que pour cette ville-là.

13 Quel malheur pour toi, Chorazin ! Quel malheur pour toi, Bethsaïda ! Si les miracles qui ont été faits chez vous avaient été faits à Tyr et à Sidon, il y a longtemps que leurs habitants auraient changé radicalement, qu'ils se seraient vêtus de sacs et assis dans la cendre ! 14 C'est pourquoi, lors du jugement, ce sera moins dur pour Tyr et Sidon que pour vous. 15 Et toi, Capharnaüm, seras-tu élevée jusqu'au ciel ? Tu descendras jusqu'au séjour des morts !

16 Celui qui vous écoute m'écoute, celui qui vous rejette me rejette, et celui qui me rejette, rejette celui qui m'a envoyé. 


17 Les soixante-douze revinrent avec joie et dirent : Seigneur, même les démons nous sont soumis par ton nom. 18 Il leur dit : Je voyais le Satan tomber du ciel comme un éclair. 19 Je vous ai donné l'autorité pour marcher sur les serpents et les scorpions, et sur toute la puissance de l'ennemi, et rien ne pourra vous faire de mal. 20Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux.




Sur les routes qui le mènent de Samarie à Jérusalem, Jésus offre à ses amis, un exercice  pratique, grandeur nature sur le thème de l’Evangélisation. Ils viennent tous ensemble d’essuyer un échec en traversant la Samarie où ils ne furent pas accueillis comme ils espéraient. D’autres déboires les attendent dans la Ville sainte. Le poids de l’échec apparent pèse encore sur eux. Il est sans doute  susceptible d’émousser leurs velléités de partir à la conquête du monde. Pourtant Jésus ne leur accorde aucun repos et les remet immédiatement au travail. Forts de l’expérience passée où Jésus leur a interdit d’imposer leurs idées par la force, ils sont  maintenant livrés à eux-mêmes avec pour seule arme leur propre faiblesse qui leur servira de force de conviction. 


Quoi qu’il en soit,  le récit pétille de joie et d’espérance. Jésus s’est mis lui-même en retrait de l’exercice. Il ne les accompagne pas, mais du lieu où il se tient, il anticipe ce qu’ils vont vivre et participe à leur expérience. Il sait déjà qu’ils vont rencontrer des revers et qu’ils vont être confrontés à des obstacles auxquels ils ne s’attendent pas. Mais il sait déjà par avance que leur entreprise sera couronnée de succès. Ils se retrouvent déjà sur le terrain de l’évangélisation, dans des  conditions semblables à celles  qu’ils connaîtront dans quelques temps après que  le Seigneur ait été  emporté par la mort. 

Bien que ressuscité il sera effacé  à leurs yeux  par l’ascension, mais restera présent et actif par l’action du Saint Esprit. C’est ainsi qu’est l’Église aujourd’hui. Elle est pleine de projets audacieux, remplie de bonnes intentions, mais se trouve terriblement  seule et démunie pour réaliser les projets  que lui inspire le saint Esprit.


Déjà nous entendons dans ce texte toutes les exhortations que nous ne cessons de nous adresser à nous-mêmes pour nous encourager : « la moisson du monde est grande, mais il y a peu d’ouvriers ». Depuis, cette formule est devenue constitutive de la mission de l’Eglise. Comment pourrait-il en être autrement ? Le projet reste audacieux, il s’agit d’apporter au monde les éléments que Dieu nous inspire  pour améliorer son fonctionnement  et le rendre conforme aux projets de Dieu. Il s’agit d’aller vers les hommes, avec la bénédiction du Seigneur, et de les inviter à changer leurs manière de se comporter.

Les propos sont révolutionnaires. Ils ont  une teneur sociale évidente, comme si  Dieu donnait priorité aux préceptes sociaux avant de donner priorité aux préceptes religieux et moraux. Il s’agit en priorité d’inviter les plus privilégiés à partager leur abondance, mais il s’agit aussi de dire aux autres qu’ils ont à partager le peu qu’ils ont. Même si de tels propos sont frappés au coin du bon sens, ils ne séduiront personne. Si on rajoute à une telle invitation que Dieu les rendra heureux s’ils mettent ses préceptes en pratique, ils peuvent se demander qui acceptera cette nouvelle approche de la religion ? Même la théologie de la grâce si chère aux Eglises de la réforme n’y trouve pas son compte.


Les disciples savent par avance que de tels propos n’ont aucune chance d’être attractifs pour  les masses  laborieuses et  qu’ils  auront du mal à s’imposer. Pourtant, ils feront école et c’est sur ce principe de fraternité que s’édifiera l’Église. Ce ne sera pas facile. Le livre des Actes ne  nous raconte-t-il pas les difficultés  que les chrétiens éprouvent à vivre en communauté  au début de leur existence en église. Les lettres de Paul nous racontent aussi que l’apôtre a été obligé de rappeler à l’ordre ceux qui ne se comportaient  pas de  manière fraternelle. Jésus  a prévenu les missionnaires débutants en leur disant que leurs propos seraient mal reçus. Même si ça leur fait du bien de secouer la poussière de leur pieds sur le pas de la porte des récalcitrants. Ils déclencheront malgré-tout des réactions qui mettront leur vie en péril.


Pour être crédible, leur attitude ne devra pas être ostentatoire. Ils n’auront donc pas besoin de bourse, ni de chaussures de rechange. Ils n’afficheront pas non plus une politesse de façade, qui les rendrait acceptables. Il ne s’agit pas de changer la teneur de leur discours en fonction de ceux qui les écoutent. Le discours de la vérité qu’ils doivent tenir c’est celui qu’ils ont reçu dans l’Evangile  que Jésus leur a enseigné : c’est celui de l’amour du prochain, c’est celui de la justice et de la paix, la paix qui vient de Dieu et qu’il destine à tous les hommes.


La paix selon Jésus consiste à entrer  dans un projet qui mette les hommes en harmonie avec Dieu tel que Jésus l’a enseigné. C’est avec de tels principes que se construira le Royaume que Dieu se propose d’édifier en collaboration avec les hommes.  Si telle était la mission des 72 telle est encore la mission de l’Eglise qui a pour tâche de prolonger à l’infini les enseignements de Jésus. Sans se confondre avec les actions humanitaires qui se pratiquent dans le monde, elle y participe  cependant.  Elle s’efforce d’y rendre évidents  les préceptes de partage, d’amour et fraternité qu’elle a reçu de son Seigneur. Malgré des déboires apparents nous dit le texte, cela marche quand même, si bien qu’une telle attitude  est porteuse d’espérance.


Aujourd’hui, dans des pays comme le nôtre, les églises ont parfois l’impression que leur impact sur la société s’affaiblit. Elles ont l’impression qu’elles ne jouent plus de rôle significatif auprès de leurs concitoyens qui trouvent ailleurs que dans leurs rangs les justificatifs de leurs action. Les plus actifs en leur sein ont envie de baisser les bras et de se réfugier dans la piété individuelle plus  propice à sauver les âmes, croient-ils.


En fait si Jésus nous envoie vers les autres, c’est pour les aider à se  libérer de ce qui les oppresse. Il s’agit de la faim, la soif, la malnutrition, la maladie, l’injustice. Ils n’ont a pas à  se sentir déchargés de ces tâches,  même  si d’autres les exercent avec eux et participent ainsi à donner de l’espérance au monde.  L’espérance consiste à engager sa vie dans un processus porteur d’avenir. Et  Dieu seul connaît les clés de l’avenir et peut nous aider à l’ouvrir à tous ceux qui désespèrent de leur propre vie. C’est une évidence de dire qu’aujourd’hui  les hommes sont en manque d’espérance, et c’est aujourd’hui une chose vraiment porteuse d’avenir de leur dire que l’espérance est devant eux .


L’esprit de Dieu qui n’a jamais cessé de souffler sur nos communautés tient  en réserve pour nous des trésors d’espérance que nous devons partager avec ceux qui n’en ont plus. C’est la qualité de la vie vers laquelle notre foi nous entraîne qui est signe d’espérance.  Dieu nous donne de l’appétit pour la vie,  car c’est une valeur qui lui appartient. C’est cette valeur là que   nous devons partager avec les autres  pour qu’ensemble nous continuions la construction d’une société  où il fait bon vivre et espérer.


Pourtant, si nous revenons à notre texte, nous y entendons de la part de Jésus des propos menaçants à l’égard des villes qui ont reçu le message de  l’Evangile et qui n’en ont pas tenu compte. Ces invectives nous troublent parce qu’elles sont en décalage par rapport à l’espérance  que nous avons cru entendre de la part de Jésus.


 Il ne faut sans doute pas les prendre comme des menaces, et encore moins  comme des jugements  qui nous soulageraient face à nos échecs. Il s’agit avant tout des conséquences que produira le non-respect de l’Evangile. Si l’avenir du monde ne peut se construire que sur l’espérance que Dieu transmet aux hommes dans les termes où nous l’avons dit, il est clair qu’il ira  à sa perte s’il ne sait pas  vivre de l’espérance que Dieu lui donne, car sa perte entraînerait la nôtre. Il nous faut faire confiance aux efforts conjugués du saint Esprit et de la sagesse humaine pour que l’amour de Dieu réussisse à adoucir la dureté des cœurs humains et à permettre à l’espérance d’éclairer leur avenir.




Dieu nous fait donc confiance pour apporter aux  autres  ce qui leur permettra de vivre de  la vie que Dieu leur donne.  L’Eglise, par la grâce de Dieu est  donc porteuse de notre avenir et de l’avenir du monde.




vendredi 7 juin 2013

Luc 9:51-62



Luc 9:51-62 Celui qui regarde en arrière - dimanche 30 juin 2013

51Comme arrivaient les jours où il allait être enlevé, il prit la ferme résolution de se rendre à Jérusalem 52et il envoya devant lui des messagers. Ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains, afin de faire des préparatifs pour lui. 53Mais on ne l'accueillit pas, parce qu'il se dirigeait vers Jérusalem. 54Quand ils virent cela, les disciples Jacques et Jean dirent : Seigneur, veux-tu que nous disions au feu de descendre du ciel pour les détruire ? 55Il se tourna vers eux et les rabroua. 56Et ils allèrent dans un autre village.

57Pendant qu'ils étaient en chemin, quelqu'un lui dit : Je te suivrai partout où tu iras. 58Jésus lui dit : Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'homme n'a pas où poser sa tête. 59Il dit à un autre : Suis-moi. Celui-ci répondit : Seigneur, permets-moi d'aller d'abord ensevelir mon père. 60Il lui dit : Laisse les morts ensevelir leurs morts ; toi, va-t'en annoncer le règne de Dieu. 61Un autre dit : Je te suivrai, Seigneur, mais permets-moi d'aller d'abord prendre congé de ceux de ma maison. 62Jésus lui dit : Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas bon pour le royaume de Dieu.



...  « Quiconque met  la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas bon pour le Royaume de Dieu »



C’est sans doute la seule  fois dans l’Ecriture que Jésus  aborde un domaine qui relève de ses compétences professionnelles. Iil parle  en effet de ce qu’il connaît professionnellement. En tant que charpentier, il confectionnait la partie en bois des charrues et il savait qu’en appuyant  plus fort sur un mancheron que sur l’autre on faisait  dévier l’instrument. Ce mouvement provoquait un déséquilibre de la  charrue qui  traçait alors un sillon tordu. Le fait de se détourner pour regarder en arrière impliquait forcément  une pression plus forte sur un mancheron que sur l’autre du fait du déhanchement que provoquait ce mouvement. Ainsi celui qui regarde en arrière en labourant est incapable de faire un travail correct et un sillon droit. Il doit donc rester l’œil  fixé  droit devant lui sur la lisière du champ pour faire du bon travail.

Or  Jésus enseigne qu’on ne peut être utile pour le Royaume de Dieu que si on regarde en avant, car c’est l’avenir qui est important. C’est devant nous que se tient l’avenir à construire. Ce que l’on doit construire  est forcément en face de nous. Ce qui est derrière est déjà passé et on ne peut plus rien faire pour le changer. Jésus se désolidarise ainsi de tous ces croyants qui croient bien faire  et qui passent leur temps à se lamenter sur le passé, sur les fautes qu’ils ont commises et surtout sur celles que les autres ont commises. Ils insistent sur les conséquences qu’elles peuvent avoir, sur la nécessité du repentir  et de changer de sentiments et d’attitude « Laissez au passé le soin du passé, » semble dire Jésus à ses disciples, « vous ne serez pas jugés sur la manière dont vous vous serez lamentés sur le passé, mais sur la manière dont vous allez participer à la construction de l’avenir »



Jésus n’ignore pas que le passé peut avoir de lourdes conséquences sur le comportement des individus. Il sait bien que le poids de la faute est parfois tel qu’on se refuse à pouvoir envisager de vivre normalement le futur. Il sait bien qu’il ne suffit pas de vouloir oublier le passé pour que cela se fasse. Il sait tout cela, c’est pourquoi il proclame très fermement le pardon de tous les péchés sans exception. Il prétend que Dieu se charge de notre passé pour nous permettre d’avancer vers l’avenir. Dieu se charge de gérer notre passé et nous rend responsable du futur que nous allons construire.
Pour ceux dont le passé est trop lourd à porter, c’est à dire pour la plupart des hommes,  il leur propose d’opérer un transfert sur lui. Il décide donc d’assumer le poids de leurs fautes jusqu’à en mourir. Pour que les amis de Jésus puissent se sentir libérés  de leur passé  c’est lui qui le  prend en charge et il en meurt, mais cela n’a vraiment d’effet que si on accepte de  se déculpabiliser de son passé et  de regarder vers l’avant. Ceux qui acceptent de relever ce défi  doivent entreprendre  de construire avec Jésus des œuvres  qui sont porteuses de vie. Tel est le sens que Jésus dans son amour donne à sa mort. Il voulait qu’elle soit suffisamment exemplaire pour que nous puissions opérer sur elle nos transferts de responsabilité.
La seule attitude qui nous est demandée  c’est de croire  que Dieu cautionne cet acte d’amour  car ce transfert  de notre culpabilité sur Jésus est pour lui la seule manière de libérer l’avenir,  afin que le passé ne pèse plus sur nous. Celui qui n’accepte pas cela  « n’est pas bon pour le Royaume de Dieu », car il ne pourra pleinement construire son avenir que s’il est libre d’exercer à nouveau sa faculté d’agir et d’aimer.
Quand nous saisissons les mancherons de la charrue pour tracer le sillon de la vie que Dieu nous propose, nous devons garder les regards fixés sur l’éternité qui se trouve à la l’orée du champ. L’avenir que nous construisons avec Dieu est porteur de  la vie qu’il promet. Il a pour but l’amour du prochain et donc son mieux être. Ainsi nous sommes destinés à avancer sereinement à la rencontre d’un avenir heureux habité par Dieu.

Mais tout cela relève d’une utopie apparemment  irréalisable, sommes-nous amenés à penser en regardant  évoluer notre société.  Chacun sait que les outils dont nous nous servons pour construire l’avenir sont le produit du passé. C’est avec des idées mille fois  répétées et réactualisées que nous forgeons les idées nouvelles. Nous nous appuyons aussi sur des principes acquis, qui ont fait leurs preuves dans le passé pour entreprendre ce que nous construisons, si bien que nous puisons la nouveauté de nos entreprises sur le passé qui nous les a transmises. De tout temps, les hommes ont construit le futur en rivalisant entre eux, si bien que les termes d’amour et de fraternité  que nous empruntons à l’Evangile et que Jésus nous propose comme les éléments nouveaux pour édifier son Royaume semblent parfaitement obsolètes en matière de projets d’avenir. Ces termes ne semblent pas devoir être retenus par ceux qui font des projets sérieux. La compétitivité devient l’idée force pour entreprendre des projets porteurs d’avenir. Et pourtant Jésus parie sur le contraire.



Et pourtant, quand on se présente devant un employeur, comment ne pas faire valoir ses capacités à faire mieux que les autres ? Comment ne pas faire état de ce que l’on a réussi par le passé ? L’important c’est que nous soyons perçus comme plus compétents que nos rivaux. Notre vie entière est organisée en fonction des expériences que la vie nous a apprises et ce sont les expériences du passé qui nous apprennent à ne pas trébucher à nouveau.

Tout cela est plein de bon sens et Jésus ne le contesterait sans doute pas, mais ce qu’il nous demande d’intégrer, c’est qu’il y a  une autre manière de voir les choses qu’il appelle l’espérance. L’espérance nous demande de refuser de croire que l’avenir sera la répétition du passé avec ses mêmes échecs, ses mêmes contraintes, ses mêmes rivalités,  et que les générations futures seront dominées de la même manière  que celles du passé par les castes privilégiées de ceux qui sont plus chanceux et plus intelligents  que les autres. L’espérance nous invite à croire que l’indifférence au sort des autres ne sera pas  toujours la règle générale et  que les méchants et  les égoïstes ne seront pas toujours les plus nombreux. L’espérance consiste à croire qu’à force de se déverser sur le monde, l’amour, tel que Jésus nous l’a enseigné, finira bien par triompher. L’espérance consiste à regarder tout ce qui se fait et tout ce qui s’entreprend avec optimisme parce qu’une partie des hommes qui les mettent en œuvre est habitée par l’esprit de Dieu et que cette puissance de Dieu qui est en eux finira par influencer ce sur quoi ils agissent.

Plus le nombre des humains augmente sur notre planète, plus le nombre de ceux qui sont habités par l’esprit de Dieu augmente, si bien que nous devons renoncer à croire à la fatalité selon laquelle le côté négatif  des choses sera toujours plus efficace

que le côté positif, car si cela était vrai, il y a longtemps que l’humanité aurait cessé d’exister.

La présence de Dieu se voit dans l’acharnement  que l’humanité exerce sur elle-même pour résister à toutes les forces mauvaises qui ne réussissent pas à l’entraîner vers sa perte.

Celui qui est habité par l’esprit que Dieu met en lui  peut saisir vigoureusement les mancherons de la charrue. Il sait que les expériences de son passé ne peuvent servir qu’à lui permettre de regarder l’avenir avec intérêt. Il sait aussi, qu’en dépit des apparences,  Dieu agit au cœur de l’humanité, pour que chaque jour, des humains souvent invisibles et anonymes soient visités par son esprit et se mettent à faire ce qu’il souhaite qu’ils fassent.

Dieu s’appuie sur des gens qui construisent leur avenir en mettant en pratique toutes les dimensions du  Royaume dont Jésus a ébauché les contours dans son Evangile. Ils croient qu’il se  réalisera un jour par les mains entreprenantes de tant d’hommes et de femmes dont nous sommes.

Rosa Bonheur Labourage nivernais