lundi 26 août 2013

Exode 32:7-14

Exode 32: 1-14 :  Trois aspects différents de Dieu. dimanche 15 septembre 2013




1Le peuple vit que Moïse tardait à descendre de la montagne ; alors le peuple se rassembla autour d'Aaron et lui dit : Fais-nous des dieux qui marchent devant nous ! Car ce Moïse, cet homme qui nous a fait monter d'Egypte, nous ne savons pas ce qui est advenu de lui ! 2 Aaron leur dit : Enlevez les anneaux d'or qui sont aux oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles, et apportez-les-moi. 3 Tous les gens du peuple enlevèrent les anneaux d'or qui étaient à leurs oreilles et les apportèrent à Aaron. 4 Celui-ci prit l'or de leurs mains, le façonna au burin et fit un taurillon de métal fondu. Puis ils dirent : Voici tes dieux, Israël, ceux qui t'ont fait monter d'Egypte ! 5 Lorsque Aaron vit cela, il bâtit un autel devant le taurillon et s'écria : Demain, il y aura une fête pour le SEIGNEUR ! 6 Le lendemain, ils se levèrent de bon matin, ils offrirent des holocaustes et présentèrent des sacrifices de paix. Le peuple s'assit pour manger et pour boire ; puis ils se levèrent pour s'amuser.

7 Le SEIGNEUR dit à Moïse : Va, descends ; car ton peuple, celui que tu as fait monter d'Egypte, s'est perverti. 8 Ils se sont bien vite écartés de la voie que je leur avais prescrite ; ils se sont fait un taurillon de métal fondu, ils se sont prosternés devant lui, ils lui ont offert des sacrifices et ils ont dit : Voici tes dieux, Israël, ceux qui t'ont fait monter d'Egypte !

9 Le SEIGNEUR dit à Moïse : Je vois que ce peuple est un peuple rétif. 10 Maintenant, laisse-moi faire : je vais me mettre en colère contre eux, je les exterminerai, et je ferai de toi une grande nation.

11 Moïse chercha à apaiser le SEIGNEUR, son Dieu ; il dit : SEIGNEUR, pourquoi te mettre en colère contre ton peuple, alors que tu l'as fait sortir d'Egypte par une grande puissance, par une main forte ? 12 Pourquoi les Egyptiens diraient-ils : « C'est pour leur malheur qu'il les a fait sortir : c'est pour les tuer dans les montagnes et pour les exterminer, pour les faire disparaître de la terre ! » Reviens de ta colère ardente, renonce au mal que tu voulais faire à ton peuple ! 13 Souviens-toi d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, tes serviteurs, auxquels tu as dit, en faisant un serment par toi-même : « Je multiplierai votre descendance comme les étoiles du ciel, je donnerai à votre descendance tout ce pays dont j'ai parlé, et ce sera son patrimoine pour toujours. » 14 Alors le SEIGNEUR renonça au mal qu'il avait parlé de faire à son peuple.


On lira aussi avec intérêt les versets
 1 à 6

Qui est ce Moïse que l’on nous présente ici ? Il se permet de contester les décisions de Dieu et de lui donner des conseils et  Dieu se soumet à ses injonctions. Il suffit que Moïse parle   pour que Dieu change d’avis. C’est un peu comme si Moïse avait le pouvoir de remettre en cause les décisions divines et de contraindre Dieu à apparaître sous un autre aspect.  Lequel est le bon ? Moïse se trouve ici revêtu d’une puissance de prière telle qu’elle change la nature de Dieu et  le cours des choses.

En fait ce n’est pas la première fois qu’un homme se trouve revêtu d’une telle puissance.  Abraham avait  eu une attitude semblable à  l’égard de Dieu dans une prière célèbre qu’il fit pour tenter de sauver Sodome et Gomorrhe (1). Il ne réussit cependant pas  à changer le cours de l’histoire et les deux villes furent détruites. Lors du déluge, c’est grâce à la seule sympathie de Dieu pour Noé que la destruction de l’humanité fut évitée. Noé montra par la suite qu’il n’était pas meilleur que les autres et que son salut avait relevé de la seule grâce.  Tout se passe comme si au contact des hommes, Dieu changeait de nature. C’est comme si la grâce était en train de devenir réalité.

Ainsi de nombreux textes de l’Ancien Testament nous présentent Dieu sous des aspects différents à tel point que l’on peut se demander quel est son vrai visage. Il peut être le Créateur revêtu de la toute-puissance qui ne tergiverse pas sur  son autorité. Il endurcit le cœur de pharaon pour arriver à ses feints.  Il exige une soumission totale et une obéissance sans faille de ceux qu’il décide de sauver.

Ce Dieu se heurte de plein fouet à une autre image de lui-même que lui oppose Moïse et qui lui  propose une autre conception de sa divinité pleine de bienveillance pour les humains. Ces deux images, qui se trouvent dans ce passage, sont le produits de deux traditions différentes mêlées l’une à l’autre par les derniers rédacteurs de la Bible. Cela nous donne un portrait changeant de Dieu qui balance entre  les exigences de sa justice et sa compassion pour les hommes.

Ce Dieu qui qui incline à la tendresse ne peut pas se défaire de  cette autre image de lui selon laquelle  il ne doit pas transiger avec sa justice, c’est pourquoi l’intervention généreuse de Moïse ici, sera suivie de la punition d’une partie des coupables.

Mais ce n’est pas tout, le texte nous présente une troisième image de Dieu. Elle bouscule les deux précédentes et provoque notre réflexion parce qu’elle nous concerne très personnellement. C’est l’image qu’Aaron nous donne de Dieu.

Il reconnait en lui un Dieu libérateur qui a sauvé son peuple et il organise une fête en forme de « te deum » pour l’honorer à grands renforts de fanfares, de processions et de danses. Pour que ce Dieu dont il loue les bienfaits soit une réalité bien présente dans la pensée de son peuple et ne soit pas le produit de sa seule  imagination il en fait une image symbolique qui contient en elle tout ce que son peuple  ne doit pas oublier.

Il emprunte l’image du taureau dont il transfert les attributs sur Dieu pour signifier la confiance de son peuple. Comme le taureau Dieu est indomptable et nul ne peut le dominer. Dieu est non seulement libérateur, mais l’image du taureau le revêt  de force et d’invulnérabilité. De plus, en  maintenant  la présence du taureau, comme divinité égyptienne  dans ce culte  du désert, Aaron manifeste  la fidélité  de Dieu  à l’histoire  de son peuple. Le Dieu du passé est aussi le Dieu de l’avenir. Il est donc aussi le Dieu fidèle.

Après cela, quels sont les reproches que l’on peut adresser à Aaron ? Qu’est-ce qui dans les festivités qu’il organise pourrait offenser Dieu ?  Ce culte est bien fidèle à l’histoire que les hébreux   ont vécue depuis la sortie d’Egypte.  Certes, ils ont représenté Dieu sous la forme d’un veau. Mais est-ce si grave ?  Toute la Bible est pleine d’images mentales que l’on se fait  pour représenter Dieu. N’a-t-on pas dit qu’il était un feu dévorant ? C’est lui-même qui se présente comme un buisson qui ne s’éteint pas. Sur le mont Horeb ne se présente-t-il pas comme un doux zéphyr ?  Dans le Temple, l’arche de l’Alliance, surmontée du propitiatoire et encadrée par les deux chérubins, n’était-elle pas une représentation  de Dieu, tout aussi contestable que la représentation symbolique du taureau ?

Dans notre société moderne, débarrassés de tous ces archaïsme ne continuons-nous pas à  représenter Dieu de manière symbolique ? Nous représentons le Dieu unique par une définition trinitaire. Ne faisons-nous pas de l’image de la colombe un usage contestable ? La croix dans nos sanctuaires y a-t-elle vraiment sa place ?  A défaut d’images matérielles, nous
en faisons d’autres qui le rendent même redoutable. Les derniers débats dans notre pays au sujet du « mariage pour tous » n’ont-ils pas présentés Dieu sous différents visages souvent incompatibles les uns envers les autres ?

Dans le récit qui nous concerne, c’est donc 3 aspects de Dieu qui se juxtaposent. L’écrivain biblique a essayé de les faire  cohabiter mais il n’y est pas pleinement arrivé. Le Dieu tel que le représente Aaron est violemment combattu par le Dieu que Moïse s’efforce de décrire. Pour le mettre en accord avec le « dieu créateur » il est obligé de sacrifier une partie des hommes de son peuple restés fidèles à l’image de Dieu qu’en a donnée Aaron..

Le seul reproche que l’on peut faire à Aaron c’est d’avoir voulu faire de son peuple un peuple privilégié, préféré par Dieu et protégé par lui des agressions des autres. C’est ce désir d’être distingué parmi les peuples qui en fera sa pierre d’achoppement. Qu’à cela ne tienne beaucoup reprennent cette notion  à leur compte encore aujourd’hui, quand ils pensent que Dieu favorisent certaines catégories de croyants et  qu’il s’intéresse davantage aux convertis, aux « born again »  au détriment des incroyants ou des adeptes des autres religions. Il ne faut pas faire de grands efforts sur soi pour comprendre que le Dieu présenté par Aaron ressemble étrangement au Dieu que vénèrent aujourd’hui beaucoup de chrétiens.

Bien évidemment l’Ecriture ne fait pas le tri dans ces diverses images qu’elle nous donne de Dieu. Elle les fait cohabiter selon l’opinion qu’en ont les rédacteurs  au moment où ils rédigent leur récit.  Ils ont en toile de fond des réalités qui n’appartiennent pas  à l’époque où se déroule l’histoire qu’ils racontent. Ils ont écrit au moment de l’exil à une époque où ils se sentaient abandonnés par Dieu et où ils  vivaient l’horreur de la déportation. Ils ont écrit aussi  sous l’excitation du retour de l’exil et ont transmis dans leurs récits l’immense espérance que véhiculait en eux la perspective du retour. C’est dans de tels contextes que les récits relatant les événements d’origine ont été écrits. Et nous, aujourd’hui, nous les recevons dans un tout       autre contexte, et  pourtant ils nous parlent aussi de Dieu.

Moïse dans ce passage  est décrit comme celui qui a tout compris de la sainteté de Dieu et de l’espérance des hommes. Il a réussi à concilier le désir de justice de Dieu avec l’aspiration des hommes à être guidés par Dieu tout en voulant s’affirmer comme responsables d’eux-mêmes. L’Ecriture était bien en avance sur son temps car elle a exprimé à sa manière notre souci d’aujourd’hui. Nous aspirons à être protégés et gardés par Dieu et nous voudrions en même temps nous débrouiller sans lui. Y a-t-il  un moyen de concilier les deux  tendances?

Bien évidemment, c’est le regard tourné vers Jésus que j’ai orienté mon propos. Il a gommé de l’image de Dieu tout ce qui nous rebutait. Le Dieu de la vengeance, de la violence et du châtiment s’est effacé. Il en a fait le Dieu de la vie, de l’amour et de l’espérance. Il a donné à tout homme la possibilité de vivre en harmonie avec ses semblables.  Désormais chacun est invité à se sentir responsable du destin de son prochain.

Cela réclame pour chacun de nous  une vraie conversion, afin que nous acceptions  de regarder Dieu avec le même regard qui était celui de Jésus Christ.  Il nous faut donc bannir de nos pensées l’idée que Dieu ferait de nous des êtres à part pour nous sauver.  Dieu nous sauve en nous mettant sur le chemin de l’amour, de la fraternité et de l’espérance.  Il nous invite à faire des efforts pour que l’amour de Dieu gagne ceux qui ne lui sont pas encore acquis, car Dieu n’a pas d’autre but que de sauver tous les humains

(1)  Genèse 18 :16-33

Illustrations: Marc Chagall

vendredi 23 août 2013

Luc 15:1-32





Luc 15/11-32  Les deux frères 15 septembre  2015



Il dit encore : Un homme avait deux fils. 12 Le plus jeune dit à son père : 



    "Père, donne-moi la part de fortune qui doit me revenir. » Le père partagea son bien entre eux. 13 Peu de jours après, le plus jeune fils convertit en argent tout ce qu'il avait et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en vivant dans la débauche. 14 Lorsqu'il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à manquer de tout. 15 Il se mit au service d'un des citoyens de ce pays, qui l'envoya dans ses champs pour y faire paître les cochons. 16 Il aurait bien désiré se rassasier des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait. 17 Rentré en lui-même, il se dit : « Combien d'employés, chez mon père, ont du pain de reste, alors que moi, ici, je meurs de faim ? 18 Je vais partir, j'irai chez mon père et je lui dirai : “Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi ; 19 je ne suis plus digne d'être appelé ton fils ; traite-moi comme l'un de tes employés.” » 20 Il partit pour rentrer chez son père. Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému ; il courut se jeter à son cou et l'embrassa.21 Le fils lui dit : « Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. » 22 Mais le père dit à ses esclaves : « Apportez vite la plus belle robe et mettez-la-lui ; mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau engraissé et abattez-le. Mangeons, faisons la fête, 24 car mon fils que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! » Et ils commencèrent à faire la fête.




25  Or le fils aîné était aux champs. Lorsqu'il revint et s'approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. 26 Il appela un des serviteurs pour lui demander ce qui se passait. 27 Ce dernier lui dit : « Ton frère est de retour, et parce qu'il lui a été rendu en bonne santé, ton père a abattu le veau engraissé. » 28 Mais il se mit en colère ; il ne voulait pas entrer. Son père sortit le supplier. 29 Alors il répondit à son père : « Il y a tant d'années que je travaille pour toi comme un esclave, jamais je n'ai désobéi à tes commandements, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour que je fasse la fête avec mes amis ! 30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a dévoré ton bien avec des prostituées, pour lui tu as abattu le veau engraissé ! » 31 Le père lui dit : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ; 32 mais il fallait bien faire la fête et se réjouir, car ton frère que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé !"

 

Il n’est pas étonnant que deux frères élevés sous le même toit se chamaillent et rivalisent entre eux. Rien d’étonnant non plus si le plus grand qui est généralement le plus fort essaye d’épater le plus jeune par ses prouesses qui lui donnent l’impression de lui être supérieur. Rien d’étonnant si le plus jeune ne s’en tient pas là et s’il veut en remontrer à l’autre. Rien d’étonnant donc si en fin de compte ils finissent par en découdre en se livrant à une bagarre en règle. La marque des bleus ou l’empreinte des bosses témoignent de la réalité des coups mais quand ils rentrent au logis, ils gardent l’impression de s’être bien amusés. Ils s’entendent comme des frères et ils s’entendent comme chien et chat. C’est de l’ordre de la logique. Leurs pugilats quotidiens qui mettent leur mère en émois forgent leur caractère et font naître une profonde tendresse entre eux et rien ne saurait les séparer parce qu’ils sont frères. C’est ainsi que l’on conçoit une relation normale entre deux frères.
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Il y a beaucoup de récits dans la Bible où des frères sont concernés. Mais l’image que l’Ecriture a retenue de leurs rapports entre frères est bien différente de celle que nous avons évoquée. Bien entendu, ils se bagarrent, et c’est conforme au comportement de garçons que l’on élève ensemble. Mais cette vie en commun et les coups échangés ne créent pas ce ciment durable qui devrait sceller leur amour fraternel. C’est même tout à fait le contraire.

Les  histoires de frères ne sont pas rares dans la Bible  et c’est sur le récit d’une querelle tragique entre deux frères que s’ouvre dans ses premiers chapitres l’histoire de l’humanité où l’ainé tue le plus jeune. Au hasard des récits, nous avons aussi  l'histoire du très long conflit entre deux autres frères. Isaac, le fils de la promesse et  Ismaël le fils de la servante. Tous deux fils d’Abraham scelleront par leur animosité une rivalité que les deux peuples à qui ils donneront naissance entretiendront jusqu’à nos jours.

Nous  trouverons également des frères jumeaux, Jacob et Esaü, qui rivaliseront entre eux dès le sein maternel. Très différents l’un de l’autre ils s’opposeront en une rivalité féroce. La faveur de Dieu pour l’un au détriment de l’autre nous étonne encore aujourd’hui. 

Toujours dans l’ancestrage des patriarches nous croiserons les pas de Joseph, un jeune vantard qui profitera de sa beauté et de la faveur paternelle pour narguer ses frères. Mal lui en prit, ses frères se coalisèrent pour le tuer, mais ils préférèrent le vendre comme esclave. La série des frères ennemis n’est pas terminée. Les fils de David se battront à mort pour s’assurer de sa succession, et ce sera le moins légitime, Salomon, qui montera sur le trône avec la faveur de Dieu au prix de la vie de son frère aîné. La question qui se pose alors à nous est de savoir pourquoi Dieu prend parti dans leurs conflits en faveur de celui qui n’est pas toujours le plus sympathique ?


Dans chacun de ces affrontements, Dieu se compromet laissant le lecteur que nous sommes dans une perplexité extrême. Il prend parti pour l’un contre l’autre et se montre parfois terriblement injuste dans ses choix. Le fidèle chrétien, qui a appris par la bouche de Jésus que Dieu était juste et bon n’y trouve pas son compte. Certes les choses sont à la fois plus simples et plus compliquées qu’il n’y paraît, et la première victime dans tout cela c’est Dieu lui-même. Il a confié aux hommes la responsabilité de transmettre sa parole, et la parole ainsi transmise se trouve parfois altérée par le péché de celui qui la transmet.

Les  textes de la Bible nous parviennent d’abord comme une parole d’homme avant de devenir par l’action du saint Esprit parole de Dieu. Pour que nous puissions la recevoir comme parole de Dieu, il faut, que l’Esprit saint mette en nous la faculté de faire le tri entre ce qui vient des hommes et ce qui vient de Dieu. Les écrivains bibliques qui nous ont rapportés ces récits étaient eux mêmes impliqués, d'une manière ou d'une autre, dans les événements dont ils établissaient le texte. C’est donc le point de vue du camp de celui qui rapporte le récit que nous avons, et à travers son récit nous devons saisir ce qui nous vient de Dieu, mais tout ne vient pas de lui.

C' est la même raison qui pousse les hommes d’aujourd’hui à remercier Dieu des victoires que nos armées ont pu remporter. D’un côté on chante des te deum, de l’autre on se contente de pleurer les morts ! Où est vraiment l’action de Dieu dans tout cela ? Il appartient donc au lecteur fidèle de la Bible de trouver l’éclairage nécessaire qui lui permettra de lire l’Ecriture sans risquer de se fourvoyer dans des spéculations hasardeuses. Il devra donc user de la lumière qu’apporte Jésus Christ pour remonter le cours de l’histoire et retrouver au travers des conflits qui lui sont racontés le vrai visage de Dieu que seul l’amour du Christ peut nous révéler. Il sera alors surpris de découvrir derrière les injustices, les violences et les impartialités prêtées à Dieu une immense tendresse, que la rudesse des textes n’a jamais réussi à voiler complètement. En procédant ainsi, nous découvrirons que c’est Jésus en tant que fils qui révèle le vrai visage de Père que Dieu nous offre au travers de toute l’Ecriture.
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C’est avec tous ces questionnements que nous pouvons maintenant aborder ce texte archi connu du fils prodigue. Nous nous interrogerons sur l’attitude de Dieu dans ce conflit entre deux frères où il semble favoriser le plus coupable au détriment du plus sage. A priori, les deux frères ne sont pas en conflit, ils s’ignorent plus qu’ils ne rivalisent vraiment. Le plus jeune est trop mal dans sa peau pour rester vivre à la maison, il a besoin d’aventure, de liberté et surtout il rejette toute forme de contrainte ! « A moi la vie » se dit-il en claquant la porte de la maison et en empochant les sous de Papa. L’aîné quant à lui manque d’audace, il souffre de mener une vie terne et privilégiée qu’il doit lui aussi, aux sous de ce même Papa. Il cherche le bonheur sans le trouver et subit son existence comme une servitude. Inutile de se poser la question pour savoir s’il y a une once d’amour entre ces deux hommes. Ils s’ignorent si bien qu’à la fin du récit le frère aîné verrait bien son frère cadet disparaître de son existence .


Aujourd’hui, les parents de tels enfants, après s’être culpabilisés d’avoir produit de tels énergumènes, se renverraient l’un sur l’autre la responsabilité de leur carence éducative. La seule chose sur laquelle ils tomberaient d’accord c’est d’avoir recours à un psychologue efficace. Mais dans tout cela je me livre à des élucubrations qui n’ont pas cours dans le fil de l’histoire. Si nous raisonnions ainsi, nous aurions tout faux. En fait, on ne nous dit rien sur les parents, nous sommes seulement invités à entrer dans cette histoire au moment de la crise.
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Ayant claqué la porte, le plus jeune se met à faire la vie. Il va en boîte, zone dans les coins les moins recommandés de la ville et il descend en quatrième vitesse tous les échelons de la vie sociale. Avant de devenir complètement sdf, il se souvient qu’il a une famille, qui ne le rejettera pas complètement s’il revient. Il a vu juste.


L’aîné, enfermé dans ce qu’il croit être son bon droit voit arriver ce parasite d’un mauvais œil. Comment l’autre ose-t-il venir s’établir sur ses terres ! Il rumine contre ce qu’il ressent comme une injustice de la part de son père et préfère rester bouder dans son coin. C’est alors qu’apparaît Dieu qui se cachait derrière le couple parental. Je dis bien le couple parental, car si la mère est absente de la scène, ne serait-ce pas parce que Dieu qui s’est drapé dans les vêtements du père, se manifeste plutôt dans une attitude qui appartient à la tendresse de la mère ?

Les  parents n’ont pas été évoqués jusqu’à présent et Dieu non plus n’est pas intervenu. Ce n’est pas lui qui a forgé le caractère des enfants. Le bon Dieu n’a joué aucun rôle dans l’évolution qui est la leur, pas plus que leurs parents. Que les parents qui se culpabilisent au sujet des échecs de leurs enfants se rassurent donc ! Ce n’est ni Dieu ni leurs carences éducatives, à moins qu’elles soient évidentes, qu’il faut incriminer. Les gosses ont évolué sans que l’on sache vraiment comment, si bien qu’élevés dans les mêmes conditions, ils sont devenus radicalement différents l’un de l’autre.


C’est au moment de la crise que le rôle de Dieu devient apparent et c’est le côté maternel de son personnage qui prend le dessus. Il va vers chacun d’eux individuellement. Il sort en courant de la propriété pour aller au-devant du plus jeune. Il quitte la fête qui bat son plein pour sortir à la rencontre du plus âgé qui boude en pleurant sans vouloir franchir la porte. Dieu mère-père va à la rencontre de chacun d’eux. A aucun des deux il ne fait de sermon. Il ouvre son cœur pour leur offrir à l’un comme à l’autre une vie meilleure. « Tu n’as pas d’autres solution, semble-t-il dire à l’aîné que d’aller vers la nouvelle vie de ton frère, car ce n’est qu’à ce prix-là que toi tu peux vivre heureux. Il n’y a pas d’autre solution, même si tout cela te paraît injuste, même si tu crois que ton Père est partial, même si tu penses qu’en aimant comme il le fait ton Dieu t’apparaît comme injuste. »

C’est la vie qui doit prendre le dessus. L’histoire s’arrête là, pas de conclusion, pas de morale. Le cadet a-t-il compris que seul l’amour de Dieu lui permet de tout recommencer ? L’aîné a-t-il compris que la porte qui le mène vers le bonheur espéré lui est ouverte? C’est ainsi que Dieu privilégie la vie, même si c’est perçu comme une injustice. Il promet la vie à Caïn meurtrier de son frère, il permettra à Jacob et à son frère de se retrouver, Joseph et ses frères pourront à nouveau vivre ensemble. La vie, toujours la vie prend le dessus dans ce que Dieu propose. Quant à Salomon, il jouira jusqu’à la fin d’une sagesse imméritée, mais ce sont les hommes qui ont écrit l’histoire ainsi, pas Dieu !

Illustrations: P. Picasso : les deux frères 1905-1906

dimanche 18 août 2013

Luc 14:25-33



       Luc 14:25-33  - porter sa croix - dimanche 8 septembre 2013




De grandes foules faisaient route avec lui. Il se retourna et leur dit :

26 Si quelqu'un vient à moi et ne déteste pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. 27 Et quiconque ne porte pas sa croix pour venir à ma suite ne peut être mon disciple.


28 En effet, lequel d'entre vous, s'il veut construire une tour, ne s'assied pas d'abord pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi la terminer, 29 de peur qu'après avoir posé les fondations, il ne soit pas capable d'achever, et que tous ceux qui le verront ne se moquent et ne disent : 30 « Cet homme a commencé à construire, et il n'a pas été capable d'achever. »

31 Ou bien quel roi, s'il part en guerre contre un autre roi, ne s'assied pas d'abord pour se demander s'il peut, avec dix mille hommes, affronter celui qui vient au-devant de lui avec vingt mille ? 32 Sinon, tandis que l'autre est encore loin, il lui envoie une ambassade pour demander les conditions de paix. 33Ainsi donc, quiconque d'entre vous ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple.

La tradition a rendu populaire une certaine image de Jésus que Théodore Botrel parmi tant d’autres a chanté dans le folklore breton. Jésus y est présenté comme le doux Sauveur à barbe blonde avec de grands yeux doux. Le cinéma américain a contribué pour sa part à vulgariser cette image. Les peintres classiques n’ont pas échappé à ce canon de beauté pour présenter le visage du Seigneur.
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Mais ce serait mal lire l’Evangile que de voir Jésus sous ce seul portrait. Le texte que nous avons lu nous présente un autre aspect de Jésus, plus rude, d’où la tendresse est absente. Le rôle de Jésus est de nous faire découvrir Dieu. Ici il le fait sans ménagement car le Dieu dont il est le témoin est différent de celui que Jésus lui-même nous a habitués à découvrir dans ses propos.

Qui est Dieu pour vous ? En quoi votre existence est-elle affectée par la réalité de Dieu? Comment agit-il en vous ? Ces questions tant de fois répétées, tant de fois formulées nécessitent qu’on ose se les poser au moins une fois de temps en temps. Chacun y répondra mentalement et à sa façon. On pourra dire que Dieu est une force qui vient d’en haut et qui s’empare de nous, qui habite notre âme et notre esprit. On dira aussi que c’est une certitude rassurante selon laquelle notre vie serait ballottée au rythme des hasards dans une société globalisante. Nous dirons aussi que Dieu donne du sens à notre être. Nous nous garderons de vérifier si notre réponse est conforme à la dogmatique en vigueur dans notre église. Mais nous savons fondamentalement, que nous ne chercherions pas Dieu s’il ne nous avait déjà trouvés, et que c’est lui qui nous pousse à le chercher. Nous percevons intuitivement qu’il y a un lien entre lui et nous et nous croyons qu’il a quelque chose à voir avec notre existence dans ce monde.

Il est donc normal que nous cherchions Dieu, sans pour autant jamais le trouver complètement. Écoutez ce que dit le poète Kalil Gibran : « Contemplez le ruisseau, écoutez sa mélodie. Eternellement, il sera en quête de la mer, et bien que sa recherche n’ait pas de fin, il chante son mystère de crépuscule en crépuscule. Puissiez-vous chercher le Père comme le ruisseau cherche la mer » (1)

Nous savons que Dieu a laissé son empreinte en nous, c’est pourquoi Jésus nous aide à le trouver. Mais ce Dieu que Jésus nous aide à trouver est très différent de tout ce que l’on a dit, car il nous devient personnel. Dans le texte de ce matin Jésus s’implique dans notre recherche et nous provoque volontairement. Il ne s’encombre d’aucun a priori, et d’une manière surprenante il saute à pieds joints par-dessus les conventions.
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Il  parle de haine alors que nous nous attendons à ce qu’il parle d’amour. «  Si quelqu’un vient à moi et ne déteste pas son Père ou sa Mère… ». Nous avons retenu seulement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

 Aujourd’hui, dans ce passage, Jésus recommande de haïr  même ses proches. Il n’a aucune parole rassurante pour mettre un baume sur nos inquiétudes. Pour nous stimuler, il nous demande de porter notre croix, comme W. Churchill promettait à son peuple du sang et des larmes. Il ouvre devant nous une perspective de souffrance et de mort.

Ainsi provoqués, nous allons pouvoir exercer notre sagacité. En fait, le jeu en vaut la chandelle. Jésus a l’intention de nous faire sortir des chemins battus. Il nous montre que Dieu n’a rien à voir avec les critères soigneusement recensés par les religions. Dieu pour lui ne se trouve pas dans un code de morale. Il est ailleurs que dans nos définitions théologiques. Dieu se situe avant tout dans une relation avec nous. Comme il a sacrifié sa divinité pour venir jusqu’à nous, il s’attend à ce que nous lui consacrions notre humanité.

Il nous propose sagement de faire le bilan de notre foi en nous racontant cette parabole banale du roi qui compte ses hommes, puis qui compte les hommes de l’adversaire et qui négocie la paix en fonction de ses propres forces parce qu’il préfère se soumettre plutôt que de risquer un combat perdu d’avance. La paix dans ce contexte devient un accord de moindre mal, un « gentleman agreement » que l’on a du mal à fonder théologiquement. Or nos vies ressemblent la plupart du temps à ces côtes mal taillée où l’on essaye de donner à chacun sa part. Dieu y compris. Nous composons avec Dieu, avec les hommes, avec notre vertu, avec le temps, si bien que notre existence ne ressemble plus à rien si non à un « melting pot » sans goût ni grâce ni saveur ni prétention.

En quelques phrases, Jésus a mis à mal tout notre édifice spirituel, pour que nous nous efforcions de le reconstruire. Nous n’osons même pas continuer notre lecture de l’Evangile de peur d’être encore plus déstabilisés car ajoute Jésus, «quiconque ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple ». Il faut comprendre clairement que cela veut dire qu’on ne peut pas découvrir Dieu en vérité sans abandonner tous les préjugés et tous les acquis de la société. Le chercheur de Dieu doit donc aller à contre-courant d’une société qui centralise tout sur l’homme.

Jésus met notre manière de raisonner totalement en cause en nous rappelant qu’avec Dieu, c’est tout ou rien. Pas question de partager prudemment entre Dieu et le monde. Pas question de demander à Dieu de se charger de notre âme d’une part et de choisir de gérer nous-mêmes et à notre gré nos autres activités. Il nous rappelle ainsi que Dieu est envahissant.

Jésus contemple alors la foule qui le suit comme un troupeau bêlant. Il les décrit comme des moutons cherchant à être pris en charge par un bon berger. Ils cherchent seulement un confort spirituel auprès d’un maître à la mode qui paraît pour lors efficace. Jésus renonce à se laisser manipuler par eux, il n’est pas un gourou rassurant qui profiterait des avantages de ses dons de guérisseur et de prédicateur pour s’assurer une notoriété. Il provoque la foule dont nous faisons tous partie pour que chacun sorte de lui-même et assume le poids de la croix qu’il doit porter.

Vous voulez être rassurés sur l’avenir de votre âme, vous voulez une religion facile qui soit distincte des religions traditionnelles. Vous voulez échapper aux tourments de la vie et être les privilégiés de Dieu, vous ne voulez plus être malades et vous voulez manger tous les jours à votre faim ! Mais vous valez mieux que cela, vous n’êtes pas des moutons promis à l’abattoir. Vous avez en vous la capacité d’être des rebelles, de vivre une passion dévorante, cette passion peut se vivre avec Dieu, mais elle réclame une rupture.

Dans l’Ecriture, la rupture est parfois féconde et créatrice, car elle demande à être habitée par un esprit inventif. La rupture c’est la distanciation nécessaire qu’il nous faut prendre par rapport aux conventions sociales qui nous enferment dans des catégories ou des préjugés. Il n’est donc pas étonnant que Jésus prenne la famille pour cible, parce qu’elle a un pouvoir contraignant et enfermant sur les individus. Pour que Dieu puisse s’emparer de nous il ne faut être retenu par aucun autre intérêt. C’est ainsi libérés et placés tout entier sous le charme de Dieu que nous pourrons devenir les conquérants d’un monde nouveau. De même que l’homme doit quitter son père et sa mère et s’il veut aimer sa femme, de même il faut mettre les exigences familiales au second degré de nos préoccupations pour laisser l’intuition de Dieu nous saisir et mettre nos vies à la disposition de Dieu.

Combien parmi nous ne trouvent-ils pas leur existence fade et sans avenir ? Ils se sont généralement comportés comme le roi de la parabole racontée par Jésus. Ils ont recherché leurs intérêts, ils ont fait la part des choses, et ils ont donné une importance calculée à chacun, ils n’ont cependant pas négligé Dieu, mais ils lui ont seulement réservé une part. Ils ont ainsi construit une vie raisonnable faite de concessions, sans que le hasard et l’aventure n’y aient leur place. Dieu mérite mieux que nos petites dispositions de sagesse humaine, il réclame toute notre activité, tous nos soucis, toutes nos préoccupations, la totalité de nos personnes. Dieu réclame de devenir le partenaire de notre vie et de la partager en totalité.

Affranchis des contingences humaines, Dieu nous rend libres et responsables
Il se peut que cette joyeuse liberté déplaise aux hommes qui cherchent à nous la prendre en nous enlevant la vie. Ce fut le cas de Jésus et de bien d’autres après lui. Mais leur mort ne fut-elle pas un cri de liberté et une ouverture vers la délivrance. Leur vie était en Dieu et la vie en Dieu est sans limite puisqu’elle lui est toute consacrée et qu’elle débouche quand tout est accompli dans la plénitude éternelle de Dieu, sans limite de temps et d’espace.



1. Jésus fils de l’homme page 71. Albin Michel



Ces images existent sur plusieurs blogs, mais je n'ai pas réussi à en trouver l'auteur. Qu'il soit félicité pour son talent. Si un lecteur trouve son nom, je le remercie de me le communiquer.




Ce texte avec quelques corrections a déjà été publié en septembre 2010

mercredi 14 août 2013

Luc 14:1-14


Luc 14 :1-14 : Choisir la bonne place - dimanche 1 septembre 2013

 1Un jour de sabbat, il était venu manger chez l'un des chefs des pharisiens, et ceux-ci l'observaient. 2 Un hydropique était devant lui. 3 Jésus demanda aux spécialistes de la loi et aux pharisiens : Est-il permis ou non d'opérer une guérison pendant le sabbat ? 4 Ils gardèrent le silence. Alors il prit le malade, le guérit et le renvoya. 5 Puis il leur dit : Lequel de vous, si son fils ou son bœuf tombe dans un puits, ne l'en retirera pas aussitôt, le jour du sabbat ? 6 Et ils ne furent pas capables de répondre à cela.

Choisir la dernière place
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7 Il adressa une parabole aux invités parce qu'il remarquait comment ceux-ci choisissaient les premières places ; il leur disait : 8 Lorsque tu es invité par quelqu'un à des noces, ne va pas t'installer à la première place, de peur qu'une personne plus considérée que toi n'ait été invitée, 9 et que celui qui vous a invités l'un et l'autre ne vienne te dire : « Cède-lui la place. » Tu aurais alors la honte d'aller t'installer à la dernière place. 10 Mais, lorsque tu es invité, va te mettre à la dernière place, afin qu'au moment où viendra celui qui t'a invité, il te dise : « Mon ami, monte plus haut ! » Alors ce sera pour toi un honneur devant tous ceux qui seront à table avec toi. 11 En effet, quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé.
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Inviter les pauvres
 
12 Il disait aussi à celui qui l'avait invité : Lorsque tu donnes un déjeuner ou un dîner, ne convie pas tes amis, ni tes frères, ni les gens de ta parenté, ni des voisins riches, de peur qu'ils ne te rendent ton invitation et qu'ainsi tu sois payé de retour. 13 Mais lorsque tu donnes un banquet, invite des pauvres, des estropiés, des infirmes, des aveugles. 14 Heureux seras-tu, parce qu'ils n'ont pas de quoi te payer de retour ! En effet, tu seras payé de retour à la résurrection des justes.


Il est des gens qui, forts de leurs expériences spirituelles se croient tout naturellement invités à occuper les premières places du banquet que  Jésus présidera à la fin des temps. Ils  racontent à qui veut l’entendre les merveilles que Dieu a faites pour eux. Ils ne se lassent pas de parler de leur conversion qui, selon eux relève du miracle permanent parce que leur vie a été changée et qu’ils ont réussi à améliorer leur situation sociale ou matérielle ou qu’ils ont été guéris de la maladie qui les accablait. En se donnant en exemple,  ils se proposent de guider sur les chemins de la foi ceux qui n’y sont pas encore parvenus. Ils ont déjà pris  place à la table et se sont approprié  les places d’honneur. Ils proposent leurs conseils aux  autres pour les aider à trouver les bonnes méthodes pour les imiter.
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Nous nous réjouissons avec eux de la manière dont Jésus a su toucher leur cœur et transformer leur vie, mais nous entendons aussi le maître leur suggérer qu’ils n’emploient pas la bonne méthode et que la modestie sied mieux à tout croyant.  C’est ainsi qu’il les  invite à descendre vers le bas de la table car nul ne peut s’ériger en donneur de leçon si non le maître lui-même.

Sans s’en rendre compte et en croyant bien faire, ils se servent de Dieu pour se valoriser au détriment des autres. Ils ne savent toujours pas que le maître ne nous valorise pas par les honneurs mais qu’il s’intéresse plutôt à la manière dont chacun saura conduire sa vie pour que celle-ci plaise à Dieu. Or la vie qui plait à Dieu c’est celle de celui qui valorise les autres en s’effaçant lui-même.
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Pourtant, dans cette course à la meilleure place, nous en prenons tous pour notre grade, car nous estimons qu’il est nécessaire que notre vie de croyant soit reconnue par les autres car il y a  des signes qui ne trompent pas. Et ces signes doivent nous nous distinguer  aux yeux des autres.
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Nombreux sont les croyants qui pensent que l’intervention de Dieu dans leur vie doit se manifester par des signes visibles sous forme de miracles. C’est ainsi que doit se révéler pour eux la faveur de Dieu, pensent-ils. Par ces signes, il sera clair pour eux  et pour les autres  que Dieu agit en eux. Ces signes peuvent être  le rétablissement de leur santé ou l’amélioration de leur situation sociale ou tout autre avantage qui les distinguerait aux yeux de la société. Si cela ne se produisait pas, ils se sentiraient frustrés. Ils ne penseraient pas que Dieu serait à l’œuvre en eux. Ils se considéreraient alors comme trop pécheurs pour mériter l’attention du Seigneur. En se  culpabilisant  ainsi ils se mettent en dehors  du pardon de Dieu.
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Sans ces signes, visibles  parfois par eux seuls, ils  se mettraient à chercher ce qu’ils ont fait pour que soit barrée en eux  barrer l’action de Dieu. Nous savons qu’ils ont tort, mais comment leur faire comprendre que Dieu les aime et qu’il ne le montre pas forcément par les signes visibles? Comment leur faire comprendre que Jésus a renversé l’échelle des valeurs de la culpabilité et que tous les péchés, même les moins acceptables peuvent être pardonnés par l’effet de sa seule bonté ?

S’ils  croient qu’ils ne peuvent  se sentir libérés que par des signes concrets, c’est qu’ils  n’osent pas  prendre l’évangile à la lettre et se croire pardonnés  sans que ça se voie, si bien qu’ils restent enfermés en eux-mêmes. Ils  ressassent une situation que Dieu ne demande qu’à améliorer pour peu qu’ils acceptent le pardon gratuit qui leur est déjà offert. Ils se considèrent alors comme naturellement destinés à la dernière place du banquet, et même, ils ne s’y sentent même pas invités. Ils n’entendent pas encore Jésus qui leur susurre à l’oreille que leur place est plus haute à la table et  restent fermés sur leur position. Sans doute la suite de ce propos les aidera-t-ils à entendre la voix du Seigneur qui les interpelle.
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En fait l’action de Dieu en nous,  avant d’être rendue visible aux yeux des autres doit d’abord opérer une transformation en nous-mêmes. Cette transformation est une transformation du cœur, si bien que tout se passe d’abord dans l’intimité de notre être. Cette transformation a pour première conséquence  de changer notre regard sur nous-mêmes.  Ce sont les autres qui prennent alors de la valeur à nos propres yeux. C’est eux qui doivent  mobiliser notre intérêt et qui motivent nos actions. 

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Notre intérêt personnel passe donc au deuxième plan si bien que ce qui devient visible aux yeux des autres, c’est le souci que nous avons pour eux.  Nous ne cherchons plus à capter leur attention pour nous valoriser nous-mêmes, mais  nous renvoyons à Dieu le bénéfice des transformations qui se sont opéré en nous.
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Bien évidemment les choses ne vont pas de soi. Celui qui est  habité par Dieu et qui est poussé à l’action par lui, n’est pas tout naturellement accepté par les hommes comme  quelqu’un qui est animé par Dieu et transformé par lui. Au contraire, on conteste que ce soit Dieu qui inspire son action en faveur des autres.  On l’accuse de casser la société établie et de travailler plutôt contre Dieu.  Ce fut le cas de la plupart des esprits généreux qui inspirés par Dieu ont voulu changer la société en remettant de l’ordre et de la justice dans les affaires des hommes.  Le plus connu dans nos temps modernes est Martin Luther King, mais il y en a eu bien d’autres avant lui et il y en aura d’autres après lui et chaque jour de nouveaux  inspirés se dressent   parmi-nous et rares sont ceux  qui ont accès aux premières place de la société.
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En fait, le problème n’est pas là. Jésus ne cherche pas à ce que nous soyons humiliés ou persécutés. Si c’était le cas, ce  serait même  une autre façon d’affirmer que le salut s’obtient par les œuvres.   A la différence des croyants dont je parlais tout à l’heure,  qui pensent que l’intervention de Dieu dans leur vie doit se manifester par des miracles visibles, Jésus nous propose de porter un autre regard sur nous-mêmes. Il ne veut pas que nous nous mettions dans la situation des assistés qui attendent qu’un prodige transforme leur vie. De tels  hommes seraient dans une situation de dépendance qui ne ferait pas d’eux des  hommes responsables mais des hommes sans caractère en attente de libération sans jamais y parvenir.

Or Jésus veut faire de nous des hommes responsables, capables d’intervenir dans les affaires du monde pour le pousser à faire les bons choix  de société. Il veut que nous nous intéressions aux affaires de notre   prochain  pour l’aider à améliorer sa situation. Ce n’est pas en espérant ou en revendiquant une situation de notables que les choses évolueront, mais en nous mettant au service des gens qui ont besoin d’être aidés. C’est parce que nous aurons agi au niveau de la détresse des autres que nous serons reconnus par eux et que les miracles espérés pourront se produire. Ils se produisent rarement comme un don tombé du ciel mais comme le résultat de longs efforts menés patiemment par des hommes animés par Dieu au cœur même des difficultés de leurs semblables.
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N’oublions jamais que Dieu renforce nos âmes et fait de nous des fidèles aguerris, en nous invitant à devenir les serviteurs de nos semblables les plus malchanceux. Notre société ne reconnaît que rarement les mérites de ceux qui se font les  serviteurs des autres, cependant c’est par leur action, souvent anonyme que les choses avancent. Jésus a une vision du monde radicalement différente de la nôtre. Il faut nous y faire.