jeudi 30 octobre 2014

Marc 1:1-8 Commencement de la Bonne nouvelle Dimanche 7 décembre 2014



Marc : 1- 1-8


1 Commencement de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu.
2 Selon ce qui est écrit dans le Prophète Esaïe :
J'envoie devant toi mon messager
pour frayer ton chemin ;
3 c'est celui qui crie dans le désert :
« Préparez le chemin du Seigneur,
rendez droits ses sentiers »,
4 survint Jean, celui qui baptisait dans le désert et proclamait un baptême de changement radical, pour le pardon des péchés. 5 Toute la Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui et recevaient de lui le baptême, dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés. 6 Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de criquets et de miel sauvage.
7 Il proclamait : Il vient derrière moi, celui qui est plus puissant que moi, et ce serait encore trop d'honneur pour moi que de me baisser pour délier la lanière de ses sandales. 8 Moi, je vous ai baptisés d'eau ; lui vous baptisera dans l'Esprit saint.

Quand l’étale d’un libraire, vous parcourez un livre que  vous découvrez pour la première fois, comment procédez-vous ? Il n’y a certainement pas de bonne méthode ni de technique appropriée, chacun suit son propre instinct. Je ne peux donc que parler de ma pratique personnelle en supposant qu’elle rejoint celle de la plupart d’entre vous.

Si c’est un roman qui me tombe dans les mains,  je regarderai d’abord en dernière page de couverture le petit texte qu’a écrit l’éditeur et qui a pour but d’inciter le lecteur à lire le livre. Je regarde ensuite les appréciations que l’éditeur a trouvées dans la  presse pour venter  l’ouvrage, mais je ne lis ni la table des matières, ni le dernier chapitre pour ne pas enlever son intérêt à l’ouvrage.

Par contre si le livre défend une thèse historique, philosophique, politique ou théologique, je procède différemment. C’est à la conclusion que je me rends d’abord avant de lire la préface qui n’est généralement pas de la plume de l’auteur mais qui est écrite de la main de quelqu’un de célèbre qui recommande la lecture. Sans doute procédez-vous d’une manière semblable.

Et les Évangiles, comment les abordez-vous ?  Même s’ils sont édités dans la Bible, ce sont des ouvrages indépendants les uns des autres et doivent être abordés comme des ouvrages distincts à part entière. Procéderons-nous de la même manière que ce que nous venons de dire ? Non bien sûr car nous savons déjà des tas de choses sur les Évangiles.  Nous savons comment  ils se terminent  et nous croyons en connaître le début. Pas de surprise donc, nous pensons  avancer en terrain connu.  Nous butinons dans les textes et nous nous arrêtons sur l’une ou l’autre des péricopes  qui retient particulièrement  notre attention car on peut lire les chapitres indépendamment de l’ordre dans lequel ils nous sont proposés.

C’est l’Évangile de Marc que nous ouvrons ce matin. Nous croyons tout savoir à son sujet. La fin, on la connaît ! Pas si sûr ! En y regardant de près, en lisant les notes  qui y figurent en bas de page, on découvre que l’éditeur, le premier, celui de l’an 70 de notre ère, dont on ne sait rien, a éprouvé le besoin de rajouter  8 versets supplémentaires au  dernier chapitre  qui  était sensé se terminer  au verset 8 du chapitre 16. Il a voulu ainsi  adoucir la conclusion trop rapide et inquiétante que l’auteur,  Marc a proposé. L’a-t-il voulu ainsi, ou la fin a-t-elle été perdue, nul ne le sait. La plupart des éditions modernes de la Bible font apparaître ce particularisme de l’Évangile de Marc par des notes appropriées  (1)  En effet le texte de Marc s’arrête sur le récit de la fuite des femmes effrayées qui quittent les abords du  tombeau vide sans  ne  rien dire à personne de l’événement. Au lecteur d’y  trouver son compte.  C’est à cause de cette conclusion surprenante que très vite, on a rajouté une autre finale plus conforme aux autres évangiles.

Poursuivons notre découverte de l’Évangile et aventurons-nous vers d’autres surprises. Le début, on le connaît ! Pas si sûr ! Il ne parle pas du récit de l’enfance. Il s’ouvre directement sur le récit de Jean Baptiste. Nous sommes tentés de passer vite, car il ne mentionne pas les détails intéressants,  que fournissent les autres évangiles. En fait ces quelques  huit versets que nous avons lus servent plutôt de préface à tout l’Évangile.  Comme les préfaces des livres connus sont généralement écrites par d’autres auteurs pour nous inciter à lire le livre nous n’y accordons que peu d’intérêt puisque nous avons déjà entrepris sa lecture, et nous passons vite. Nous avons tort!

Cette préface est de la même main que l’auteur de l’Évangile. Elle est donc de la plume de Marc. Nous avons là en 8 versets un chef d’œuvre de concision qui nous donne tout ce qu’il nous faut savoir pour apprécier à sa juste valeur la bonne nouvelle qu’il va nous relater.

Contrairement au dernier verset du dernier chapitre ( Marc 16 verset 8)  qui nous parle de la peur des femmes, les notes introductives, ici  s’ouvrent  sur une promesse dont la réalisation nous projette en plein ciel dans un projet de changement radical de notre conception de Dieu : «  Il vous baptisera d’Esprit  saint ! » Dit-il.  Cela veut dire  que notre relation à Dieu ne sera plus conditionnée par la pratique rigoureuse des consignes de la Loi, mais par une révolution provoquée en nous  par l’irruption du Saint Esprit dans notre vie intérieure. C’est totalement différent de ce qui était enseigné jusqu’à maintenant.

C’est sans doute, parce qu’elles constatent en voyant le tombeau vide, que cette transformation radicale, est déjà en train de se produire en elles que les femmes éprouvent de la crainte. Ainsi la vraie conclusion de cet évangile n’est pas dans la crainte des femmes, ni dans les 8 versets rajoutés, mais dans les versets d’introduction, au tout début de l’Évangile, par l’annonce de l’effusion de l’Esprit sur tous ceux qui croient. Le récit de la résurrection  et de l’apparition du ressuscité passent au second plan car ils sont la conséquence de ce moment rapporté ici au tout début de l’Évangile.

Reprenons donc sereinement le contenu de ces 8 premiers versets qui pour nous parler de la « bonne nouvelle » commencent par le récit du ministère de Jean baptiste. Mais ce n’est pas le personnage qui est important, c’est pourquoi Marc reste sobre à son sujet et  n’en parle presque pas. Ce qui est important, ce n’est pas ce qu’il a fait  c’est l’itinéraire spirituel qu’il nous invite à faire. C’est d’abord  la voix du prophète Esaïe qui retentit par sa bouche. En effet,  c’est la reprise du message des prophètes qui  prédomine dans l’enseignement de Jésus. Ce message donnait priorité au culte en esprit, face aux exigences de la Loi. Ainsi s’ouvrait  une ère nouvelle  que Jésus était venu inaugurer. 

L’enseignement des prophètes avait pour but de  libérer les croyants du carcan de leur péché. Il leur proposait de revenir à Dieu par une pratique  de la justice et du respect du prochain et  de  s’inquiéter du sort de la veuve et de l’orphelin  plutôt que  de s’attacher à  une pratique du culte du Temple. (2)

Jean Baptise, par son enseignement et par son vêtement replongeait ses lecteurs dans cette atmosphère. Il portait une tunique en poil de chameau qui était le même vêtement que portait Élie, le prince des prophètes qui fut enlevé au ciel et échappa ainsi à la mort. Jean Baptiste annonçait  par son comportement  qu’avec la venue de Jésus, une nouvelle page était en train de se  tourner. Les choses ne seront plus comme avant, une relation nouvelle avec Dieu allait s’établir et rien, ni le péché ni la mort, ne viendraient désormais altérer ces temps nouveaux  qui viennent d’être annoncés par les toutes premières lignes de l’Évangile, avant que le récit soit pratiquement commencé. Ainsi  les 8 premiers versets contiennent-ils déjà tout le message de l’Évangile et méritent-ils que l’on s’arrêtent sur eux.

(1)  Cette information n’est pas une vue de l’esprit, ni une invention de ma part. Eusèbe et Jérôme l’avaient déjà constatée. En effet, les versets rajoutés sont d’un style différent de celui du reste de l’ouvrage. Ce court passage utilise 20 mots qui ne sont utilisés nulle part ailleurs dans cet Évangile. Ce simple constat suffit à démontrer que ces 8 versets ne sont pas  de la même main que  le reste de l’évangile.

(2)   Jérémie 6/20

lundi 27 octobre 2014

Marc 13:34-37 veillez dimanche 30 novembre 2014





Marc 13/ 34 Il en sera comme d'un homme qui, partant en voyage, laisse sa maison, donne autorité à ses esclaves, à chacun sa tâche, et commande au gardien de la porte de veiller. 
35 Veillez donc, car vous ne savez pas quand viendra le maître de maison : le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou au matin ; 36 craignez qu'il n'arrive à l'improviste et ne vous trouve endormis. 37 Ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez.


Écoutez : N’est-ce pas le pas d’un homme que l’on entend sur la route ? Il marche, indifférent aux paysages changeants qu’il traverse. Il trouve que tout est terne et monotone. Il n'entend pas le chant des oiseaux qui accompagnent ses pas et il maudit le vacarme qu’ils font et qui l’empêche de penser. Parfois son pied butte sur un des rares cailloux qui par hasard se trouve sur l’asphalte bien lisse ! Comment pourrait-il avancer sur ce mauvais chemin maugrée-t-il ? Où va-t-il ainsi, ce grincheux à l’humeur morose ? Il ne sait pas. Bien évidemment ce pèlerin est un des multiples aspects de nous-mêmes que nous offrons à nos vis-à-vis quand l’humeur du jour nous porte à la morosité.

Ce marcheur résigné pense qu’il a été placé par hasard sur ce chemin  qui ne mène nulle part, pour y accomplir son destin. Il n’a pas de véritable compagnon de route et cache son désarroi dans une indifférence affichée. Insensible à tout ce qui l’entoure, il s’appesantit sur son propre sort et ne songe qu’à se plaindre. Mais cette indifférence aux événements cache son angoisse, car en fin de compte il a peur..

De quoi a-t-il peur ? Qui l’effraye ainsi ? Il ne saurait dire la nature du malaise qui l’étreint. Si d’aventure un compagnon de route règle ses pas sur les siens, c’est leurs angoisses qu’ils mettent en commun, et au lieu de s’exorciser mutuellement, leurs craintes ne font que s’accroître en se nourrissant mutuellement.


Ce phénomène de peur inavouée qui se cache derrière un marasme ostensible, n’est pas habituel. Il est exceptionnel. Mais périodiquement il s’empare de  notre esprit et nous met en communion avec tous ceux qui éprouvent les mêmes symptômes. Il arrive  aussi que  ce soit tout un peuple qui soit traversé de moments où un tel état de déréliction se généralise et n’épargne aucune couche sociale. Chacun pense la chose naturelle si bien qu’aucun ne s’interroge vraiment sur son origine. Une explication trop facile ne serait sans doute pas la bonne : c’est la crise, dit-on ! Comme si ce mot recouvrait à lui seul toutes les terreurs humaines, comme si l’expérience chrétienne n’avait laissé aucune trace dans ce peuple.

Une autre explication facile que l’on entend souvent, est celle du manque de repères et de la perte du sens. Ceux qui éprouvent ce sentiment n’arrivent pas à trouver hors d’eux-mêmes, ou au fond d’eux-mêmes une explication plausible. Leurs références à Dieu se sont altérées, au point qu’ils ne font plus confiance à celui en qui ils croyaient  il y a peu encore. Ils ont commencé, sans même en être conscients à se séparer de ce Dieu dont ils ne supportent plus les attributs autoritaires, velléitaires, coléreux et intolérants. Ils ne croient plus en celui en qui ils voyaient comme un divin compagnon de route. Leur parcours se fait désormais solitaire. C’est alors un silence consternant qui fait écho à la voix de ce Dieu qui jadis déplaçait des foules de fidèles par milliers.

Le vide ne se satisfait jamais du vide et bien vite ce sont d’autres formes de Dieu qui prennent la place de celui que l’on ne connaît plus. Ces autres formes de  divinités sont différentes de ce Dieu désormais oublié. Comme toujours les hommes se construisent des idoles pour répondre à leurs manques et ils espèrent qu’elles donneront du sens à ce qui n’en a plus. C’est ainsi qu’ils conjurent leurs peurs. Ils ont agi ainsi de tout temps. Si les idoles ont changé de visage au cours des siècles, elles recouvrent toujours la même réalité, elles sont construites par les hommes pour répondre aux angoisses du moment, même s’ils savent pertinemment que ces angoisses, c’est eux qui les ont provoquées. Aujourd’hui elles portent le nom de consommation ou d’évasion, autrefois c’était celui d’ industrialisation, de collectivisme et bien plus avant dans le temps encore, c’était Zeus, Marduk et Jéhovah qui arbitraient leurs frayeurs

Régulièrement, comme si c’était un exutoire, des rumeurs venues des fins fonds du monde se répandent et contrarient la quiétude artificielle que se sont chèrement acquise les humains. On se souviendra des peurs de l’an mille qui n’avaient d’autres fondement que le changement de millénaire. Le Moyens âge terrorisé par l’idée de l’enfer a trouvé son apaisement dans la Réforme. Aujourd’hui, ce sont les formes violentes qu’empruntent les religions qui nous inquiètent .

Curieusement, la rumeur se répand, pour dire  alors que celui  qui gèrent le monde a besoin du concours de mercenaires agressifs et violents pour imposer sa loi. Il est facile alors d’écrire ou de dire que tel est le destin du monde puisque Dieu le veut ainsi. Si telle est la clé de l’énigme, tout cela ne correspond en rien à l’image de Dieu telle que Jésus Christ nous la donne.

Le Dieu  qui accompagnait  Jésus Christ cherche à nous libérer de toutes nos peurs et non à les provoquer. Il agit avec amour et compassion. Il est lent à la colère et prompt à la miséricorde. Comment aurait-il pu décider  de se cacher derrière la violence des hommes en quête de réponse à leurs marasmes ?

Dans ce long passage de l’Évangile de Marc dont nous n’avons retenu qu’un extrait, Jésus ne cache pas que des événements terribles peuvent se produire et se sont sans doute déjà produits, mais il n’accuse pas Dieu son Père de les provoquer, au contraire Jésus cherche à nous mobiliser pour que les jours où des événements dramatiques se produisent, nous ne soyons pas démunis et désemparés, car l’histoire des hommes est régulièrement traversée par des catastrophes.

Si Jésus nous mobilise pour faire face au danger, c’est qu’il est possible de le surmonter et qu’il ne vient pas de Dieu. Les colères que l’on attribue au Dieu, révélées dans l’Ancien testament ne furent racontées  comme elles le furent  que pour dissimuler  ses excès de tendresse que les hommes ne comprenaient pas. Ainsi, dans le récit où Caïn tua son frère Abel, il nous  est dit que Dieu chercha à sauver le meurtrier et à le protéger de sa propre violence.  Quand le déluge menaça de recouvrir la planète entière, c’est pour sauver l’humanité que Dieu envoya Noé.  Quand le peuple d’Israël méditait à Babylone sur les conséquences de ses actions qui l’emmenèrent en exil, c’est alors que les prophètes annoncèrent  son retour et rendirent évident  les preuves de la mansuétude de Dieu.   

Si plus avant dans le même Évangile, Jésus fait état d’événements annonciateurs de catastrophes prochaines, ce n’est pas pour  alarmer, les hommes mais pour qu’ils mettent leur sagesse en éveil pour interpréter ce qui se passe et prendre les dispositions  que son esprit leur révèle.


Certains lecteurs de l’Évangile prétendent que dans de telles circonstances, la foi ne nous dicte qu’une seule attitude possible : celle de l’attente patiente dans la prière ! Mais tel ne semble pas être l’avis de Jésus. S’il n’exclut pas la prière, il la préconise même, il donne priorité à l’action de veiller. Pour lui l’attitude du croyant est d’abord dans l’agir et non pas dans le subir.

La sagesse consiste donc à savoir que Jésus nous entraîne à l’action, car c’est dans l’action que la vie se manifeste et prend ses droits. Dieu ne cherche pas à rassembler un peuple qui subit, mais qui agit, car ce sont les hommes d’action inspirés par Dieu qui ont en eux les solutions de l’avenir.

C’est par la prière qu’ils comprennent ce que Dieu leur suggère de faire. Car les mains des croyants sont les mains avec lesquelles Dieu agit. Dieu ne nous envoie pas son esprit pour que nous restions inactifs en attendant une délivrance miraculeuse. Veillez donc nous dit Jésus afin de devenir les moteurs de ce monde, car c’est ainsi que Dieu se plait à  nous accompagner et qu’il nous aidera à conjurer nos peurs.


dimanche 19 octobre 2014

Matthieu 25:31-46 le jugement dernier - dimanche 23 novembre 2014



                                              Le jugement denier Cathédrale de Bourges



Matthieu 25:31-46 le jugement dernier - dimanche 26 novembre 2017

                                              Le jugement denier Cathédrale de Bourges

Le jugement dernier

31 Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur son trône glorieux. 32 Toutes les nations seront rassemblées devant lui. Il séparera les uns des autres comme le berger sépare les moutons des chèvres : 33 il mettra les moutons à sa droite et les chèvres à sa gauche. 34 Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; héritez le royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. 35 Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger et vous m'avez recueilli ; 36  j 'étais nu et vous m'avez vêtu ; j'étais malade et vous m'avez visité ; j'étais en prison et vous êtes venus me voir. »

37 Alors les justes lui répondront : « Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, et t'avons-nous donné à manger ? — ou avoir soif, et t'avons-nous donné à boire ? 38 Quand t'avons-nous vu étranger, et t'avons-nous recueilli ? — ou nu, et t'avons-nous vêtu ? 39 Quand t'avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous venus te voir ? » 40 Et le roi leur répondra : « Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela pour l'un de ces plus petits, l'un de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. »

41 Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : « Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges. 42 Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire. 43 J’étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu ; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité. » 44 Alors ils répondront, eux aussi : « Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim ou soif, étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, sans nous mettre à ton service ? 45 Alors il leur répondra : Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous n'avez pas fait cela pour l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait. » 46 Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes, à la vie éternelle.


Voila, tout est dit : Le salut par les œuvres semble finalement être la conclusion  de tout l’enseignement de Jésus qui s’achève avec cette parabole sur une condamnation sans appel de tous ceux qui manqueront aux règles de l’altruisme C’est la morale qui triomphe au détriment de la grâce. Les Réformateurs n’ont plus qu’à aller se rhabiller.

Nous sommes tellement choqués par cette conclusion que nous pensons,  à  coup sûr  que cette parabole  doit avoir une autre explication que celle  qui consiste à juger sévèrement ceux qui ont manqué aux règles de la plus élémentaire charité. C'est ce que nous allons essayer de voir au risque d'être accusés de manipuler l’Évangile.

Jésus fustige donc d’une volée de bois vert tous ceux qui auront l’audace de ne pas aimer leur prochain d’une manière significative. Il fait de l’altruisme une règle tellement rigide que tous se sentent coupables et responsables à l’énoncé du verdict.
Ou alors donne-t-il du Dieu traditionnellement reconnu par tous comme le Dieu de justice, une image tellement détestable qu’ils se rallieront à une autre image de Dieu révélée par Jésus dans son ultime sacrifice.

 Au début de l’Évangile Jésus recommandait d’aimer son prochain et il ne laissait pas entendre  que tout manquement  à ce précepte  aurait pu   entraîner la condamnation à mort  que ce texte suggère. Ici il se transforme en juge et prononce une sentence sévère. L’évangile qui se veut libérateur, devient tout à coup accusateur, et Jésus qui était sensé pardonner tous les hommes entre dans un autre rôle, si bien que nous avons du mal à le reconnaître.

Ce n’est pas seulement le contenu de cette parabole qui est déroutant, c’est que les  philosophes et les moralistes de notre temps tiennent  le même langage. Ils nous reprochent de ne pas faire grand cas de tous les affamés, de ne pas savoir accueillir les étrangers, de ne pas se soucier des malades dans les hôpitaux et de n’avoir aucun égard pour ceux qui sont en prison. Le prix de cette  attitude serait le déclin de nos sociétés et la fin  du monde occidental.

La société civile d’aujourd’hui tient donc le même discours que celui que les Églises tenaient jadis et qu’elles tiennent encore. Ce discours  visait à dominer les masses en les culpabilisant.  Il prétendait que le salut de chaque individu dépendait de la manière dont chacun se repentait de ses erreurs et de  ses manquements aux règles d'amour. Après s’être repenti chacun devait corriger ses actions insuffisantes. Seuls  ceux qui se soumettaient aux exigences de  ce discours  avaient un espoir de salut.  Mais si l’Eglise enseignait cela, cet enseignement était loin d’être respecté par ses dirigeants ! C’est le même constat que nous faisons à l’égard des dirigeants de nos sociétés modernes.

Si nous portons notre attention sur les médias d’aujourd’hui, nous y lisons à chaque ligne de leurs éditoriaux que la société occidentale est responsable de tous les maux de la planète : La pollution bien sûr, la famine des pays pauvres, le climat d’insécurité dans le moyen Orient, j’en passe. Mais à la différence du discours que l’on reprochait et que l’on reproche encore aux Églises, les médias ne laissent place à aucun espoir car ceux qui se mettent à l’œuvre pour secourir la détresse des autres n’en font pas encore assez pour inverser le cours des choses. Coupables ou non tous subiront le même sort.

Comment donc s’en sortir ? Il nous faut sans aucun doute retrouver le langage de l’Évangile qui en dépit de  cette fin terrible n’enferme pas les hommes dans leur culpabilité, mais leur donne l’espérance d’une issue heureuse en tout cas  pour ceux qui agissent selon les bons préceptes de l’altruisme. Si nous essayons de pénétrer plus à fond cette parabole, nous constaterons que malgré le rejet des coupables, elle s’achève sur la promesse de la vie éternelle pour les justes. Une partie donc de la société échapperait donc à la condamnation. C’est le dernier mot du texte. Le but de ce long discours culpabilisant est donc d’ouvrir l’avenir sur une possibilité de vie. Cette vie donnée par Dieu sera éternelle. Mais nous l’avons compris, cette conclusion passe mal aujourd’hui, car les promesses d’un ’au-delà  heureux ne font plus recette.

Nos contemporains se sont détournés des églises traditionnelles parce que leur langage culpabilisant qui masquait l’espérance était devenu insupportable. Ils gardent cependant en eux une soif de spiritualité. Même s’Ils vont jusqu’à gommer complètement la réalité de Dieu, ils  retiennent cependant qu’il existe encore chez certains  l’idée d’un esprit de bonté, de fraternité et d’amour qui soufflerait sur le monde et dont toutes les religions seraient dépositaires. Ils n’ont pas cessé d’être animés par des idées généreuses avec lesquelles ils construisent une foi à leur propre dimension et se tracent pour eux-mêmes des voies d’espérance. Mais si l’homme moderne reste un homme spirituel, il a pourtant rejeté Dieu dont le visage traditionnel ne lui convient plus et il n'entend plus cette parabole qui semble pourtant être présentée ici comme le testament spirituel de Jésus.
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Ne se trouvant plus à l’aise dans les religions reconnues, l’homme d’aujourd’hui ne se sent pas non plus à l’aise dans la société civile qui tient le même langage que les églises qu’il a rejetées et qui en plus a détruit l’espérance. Pourtant cette société moderne ne lui a-t-elle pas tout donné ? En tout cas, on essaye de le lui faire croire. Elle lui a donné la possibilité de confort, la puissance économique, la consommation en abondance, l’éducation et l’enseignement, mais en même temps elle a créé l’angoisse du lendemain et la peur de tout perdre, sans solution de remplacement. L’espérance a cessé de faire partie du langage autorisé.

Dans cet univers que j’ai brossé sombre à souhait, Jésus se présente donc  avec cette parabole comme celui qui accuse. Il vient avec les attributs d’un juge et siège au tribunal de Dieu. Il répond ainsi aux souhaits de ceux qui veulent le faire Dieu et il prend ainsi la place de son Père jugeant le monde. Personne ne peut échapper à son jugement. Qui parmi nous, même les plus saints, pourraient mériter le salut qu’il propose ? Personne, car nous resterons toujours  coupables de manquement aux règles de l’humanité la plus élémentaire.

Celui qui parle ainsi, c’est le Jésus couronné de gloire qui trône en majesté sur le tympan de nos cathédrales, c’est celui qui juge et qui condamne, ce n’est pas celui qui est messager d’espérance pour ce monde, ce n’est pas le témoin de Dieu qui  dans les lignes suivantes va entamer son long calvaire au cours duquel il est dit  que c'est à cause de l'humanité défaillante  qu'il donne sa vie, non pas pour que les hommes soient condamnés mais qu'ils aient la vie en abondance. Pourquoi alors cette  parabole accusatrice  dans laquelle nous avons du mal à entrer?  Pourquoi Jésus se met-il en scène sous les traits d’un juge arrogant ?
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Tout simplement parce que nous sommes à un des tournants de l’Évangile ! Dans les pages qui vont suivre va commencer la longue série des textes de la passion qui vont donner une autre couleur à la réalité sur Dieu. Et qui vont à tout jamais anéantir ce Dieu vengeur.

Finie alors l’idée de Dieu-juge entouré de sa cour d’archanges trônant avec son fils pour punir le monde infidèle. Terminée l’image de ce Dieu qui se met en colère pour préserver sa majesté divine quand elle est offensée. C’est maintenant une autre réalité de Dieu que Jésus va proposer au monde par sa mort qui défie la mort et par sa résurrection qui offre la vie aux hommes quand celle-ci semble avoir disparue. L’image de Dieu qui s’impose désormais à nous, c’est celle du Dieu qui donne la vie, et qui offre aux hommes l’espérance quand l’avenir semble compromis. En entrant volontairement dans le temps de sa passion Jésus détruit à tout jamais l’idée que Dieu nous accuse de quoi que ce soit et nous rend coupables de quoi que ce soit. Son projet consiste à nous enrôler dans un processus de vie pour les hommes et pour le monde.

.Cette parabole prend alors l’allure de la caricature de ce que serait le monde si Dieu s’imposait à nous comme un Dieu de justice et non comme un Dieu d’amour. C’est la caricature du Dieu qui transparaît dans les discours des pharisiens et que Jésus récuse. C’est le Dieu des intégristes qui veulent imposer aux autres une loi qu’ils ne peuvent pas s’appliquer à eux-mêmes. Le Dieu de Jésus Christ a toujours refusé de se laisser enfermer dans la notion de justice telle que les hommes la conçoivent. Il se fera connaître désormais comme celui qui vient vers tous les hommes et leur propose à tous le salut comme Michel Polnareff le chantait quand il disait que nous irons tous au paradis,… même les méchants.

Il me plait donc de regarder l’avenir avec cette conception des choses car je suis sûr que c’est aussi la conception de Dieu.