lundi 29 octobre 2018

Marc 12/28-34: le premier de tous les commandements - dimanche 4 novembre 2018


.Marc 12 :28-34 Le premier de tous les commandements -

28 Un des scribes, qui les avait entendus débattre et voyait qu'il leur avait bien répondu, vint lui demander : Quel est le premier de tous les commandements ? 29 Jésus répondit : Le premier, c'est : Ecoute, Israël ! Le Seigneur, notre Dieu, le Seigneur est un, 30 et tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ton intelligence et de toute ta force. 31 Le second, c'est : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là.

32 Le scribe lui dit : C'est bien, maître ; tu as dit avec vérité qu'il est un et qu'il n'y en a pas d'autre que lui, 33 et que l'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence et de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, c'est plus que tous les holocaustes et les sacrifices. 34 Jésus, voyant qu'il avait répondu judicieusement, lui dit : Tu n'es pas loin du royaume de Dieu. Et personne n'osait plus l'interroger.


Que serait le monde sans amour ? Les poètes l’ont chanté, les peintres l’ont représenté et notre tête est remplie de souvenirs d’amours passées qui subsistent peut être encore et qui enchantent notre mémoire. Sans amour, l’humanité  disparaîtrait dans l’oubli et dans la mort. Comment pourrait-on vivre si personne n’éprouvait l’ombre d’un sentiment pour nous ou si nous n’éprouvions aucun sentiment pour personne. Jésus a bien vu que les hommes ne peuvent vivre sans l’amour qu’ils échangent avec leurs semblables, c’est pourquoi à la demande d’un jeune scribe sympathique il a extrait des 613 articles de la loi deux commandements  dont l’un parle de l’amour de Dieu et l’autre de l’amour du prochain.

L’amour est un sentiment que l’on a du mal à analyser. Il provient du plus profond de nous-mêmes et fait vibrer notre âme d’une manière exquise sans que l’on sache vraiment quels en sont les causes. Cependant chacun de ses  effets embellit tellement la vie  qu’elle se trouve radicalement transformée. L’amour  fonctionne comme un moteur qui fait avancer notre vie sur la voie du bonheur. Il se cache dans tous les recoins de l’être et arrache de notre cœur des sentiments d’extase et d’exaltation pour une autre personne qui ne provoque apparemment pas les mêmes émotions chez les autres. Au lieu de s’en tenir à ces constatations bucoliques,  les chercheurs ont voulu aller plus loin et ils ont édulcoré la beauté du sentiment. Ils ont parlé de phéromones et d’autres substances chimiques qui seraient à l’origine du phénomène. Mais peu importe, contentons-nous de constater que ce phénomène fonctionne et que nous profitons de  ses effets.

L’Amour  n’est pas seulement suscité par d’autres personnes au contact desquelles nous nous trouvons. Il peut être provoqué en nous par toutes sortes de choses. C’est ainsi qu’on aime certaines musiques, qu’on s’attache à certaines peintures, que l’on apprécie le confort d’une maison ou d’une voiture, c’est pourquoi on se laisse aller à dire  que nous aimons tel objet, voire même telle situation. Ce sentiment s’empare tellement de notre vie qu’on arrive même à ne plus l’écrire ou le décrire. On  a fini par le représenter  par des icônes en forme de cœurs. On l’imprime même sur nos tees shirts pour dire que l’on ne peut vivre sans amour.
Conscients de la nécessité de ce sentiment et du bien qu’il nous procure, nous nous engageons cependant sur les chemins de la vie en laissant sur notre passage des sentiments d’indifférence, d’hostilité ou de haine qui mettent à mal  toute cette quiétude que nous venons d’évoquer. Nous nous comportons  comme si nous avions comme un malin plaisir à  abimer ce qui nous fait du bien.  Nous véhiculons sur notre passage des comportements qui désenchantent notre vie, alors que tout devrait fonctionner  pour la rendre  belle et ouverte à l’avenir. On a donc raison de dire que l’homme est un être bizarre qui connaît la marche à suivre pour être heureux mais qui délibérément en utilise une autre.

Ce serait aller un peu vite en besogne que de dire que tout cela est la cause du péché, même si nous serons amenés à  considérer à la fin de notre propos que c’est la seule réponse possible. Il me semble avant tout que l’on exclue de notre comportement celui qui, à l’origine, est l’inventeur de l’amour : Dieu. En effet, quand on prononce le nom de Dieu, ce n’est pas  au sentiment d’amour que l’on pense en premier, sauf exception.  Quand on pense à Dieu, on fait référence  à des notions de toute puissance, de création, de péché, mais  on ne pense au mot «amour» que si on est un pratiquant de la foi chrétienne, et encore ce sentiment n’arrive pas en tête dans l’ ordre des valeurs concernant Dieu.

Or Jésus va consacrer toute sa vie à nous dire  que ce sentiment doit être premier et qu’il ne peut y avoir de relation à Dieu sans amour.  C’est par là que l’on doit commencer quand on veut parler de Dieu aux hommes. Pourtant, la plupart du temps, ce n’est pas par-là que l’on commence. Où est  donc l’origine de ce  dysfonctionnement ?

C’est sans doute notre tradition qu’il faut incriminer parce qu’elle  présente les préceptes de la Bible comme des commandements. Elle considère que  la pratique de l’amour doit-être soumise à un ordre venu d’en haut : « tu aimeras » est-il dit. Or l’amour est un sentiment que l’on ne commande pas. On  ne peut nullement aimer sur ordre, même sur ordre de Dieu. On a cependant considéré depuis toujours que le terme de « commandement » était le mieux approprié pour parler de notre relation à Dieu. Pourtant, le Livre du Deutéronome parle plus volontiers de « paroles » que de « commandements ».  Ce mot de parole, derrière lequel se cache  le pouvoir créateur de Dieu, exprime  plus un souhait de sa part qu’un ordre. En effet, notre relation avec Dieu relève plus du désir de vivre ensemble que de l’obligation  de le faire. Notre désir se portera d’autant plus vers Dieu que nous nous sentirons libres de le faire.

Mais on ne change pas aussi facilement des siècles de tradition. Jésus s’y est attaqué en nous présentant Dieu sous un autre visage que celui du maître exigeant et contraignant. Il a préféré celui du Père aimant, soucieux du mieux-être de ses enfants, mais curieusement, les évangélistes qui nous ont rapporté son enseignement ont conservé un mot grec qu’il est d’usage de traduire par « commandement ». Nous ne dérogerons pas à cette règle à notre tour, mais nous nous souviendrons intérieurement que  Jésus en appelle d’abord à la qualité de nos sentiments envers Dieu et envers les autres.

A peine ce premier obstacle levé, en voici un autre qui se dresse sous nos pas. Il s’agit de ce celui provoqué par Dieu lui-même.  Jacques Brel dans une de ses chansons célèbres disait : « Que connais-tu de Dieu grand Jacques ?... Tu ne connais rien de lui. » Jacques Brel sans le vouloir avait soulevé un obstacle majeur. On ne peut aimer  Dieu que si on le connaît, or  on ne le connaît pas vraiment. Certes, on nous a parlé de lui, on nous l’a décrit comme un Dieu tout puissant et maître de l’univers,  un Dieu qui prononce le premier et le dernier mot de toute vie. Un tel Dieu provoque la crainte et le respect, mais ne suscite aucun sentiment d’amour. Pour l’aimer, il faut le connaître, pour le connaître, il faut le rencontrer.

Toute la Bible nous parle de rencontre avec Dieu. Ce fut d’abord celle d’Abraham qui parlait face à face avec lui. Ce fut aussi Jacob qui lutta avec lui ou Moïse qui le reconnut dans un buisson de feu. Une telle rencontre doit aussi devenir la nôtre. Elle peut se faire de mille façons, mais la plus part du temps, elle se fait dans l’intimité de sa vie personnelle. Cela peut avoir lieu dans le secret d’une descente  à l’intérieur de nous-mêmes, dans l’intimité de notre cœur, là où Dieu nous attend et développe avec nous une relation intime qui lentement devient de l’amour et nous rend dépendants l’un de l’autre.

Si cette vie intime avec Dieu nous comble de bien être, Jésus nous révèle que ça ne peut pas s’arrêter là et que l’amour avec Dieu perdra de sa vigueur au risque de s’éteindre définitivement   si nous ne l’accompagnons pas d’actes concrets à l’égard des autres. Ce sont ces actes qui réjouissent Dieu et qui alimentent son amour pour nous. C’est ce que Jésus nous rappelle dans le deuxième commandement. Le prochain devient pour nous celui en qui se réalisent nos gestes d’amour pour Dieu, car Dieu cache son visage derrière celui de ceux que nous rencontrons. Dieu et notre prochain confondent leur visage en un seul et Dieu ne peut être vraiment connu que dans la mesure où on l’a reconnu dans l’autre.

Quand Jésus nous demande d’aimer notre prochain, il ne nous demande pas de faire un effort particulier, il nous invite simplement à exprimer par des actes à l’égard des autres les sentiments que Dieu provoque lui-même en nous. L’amour des autres devient automatiquement la conséquence de l'amour que nous avons pour Dieu
La réciproque n’est pas forcément vraie. Certains ont conservé par devers eux  une image tellement altérée de Dieu à cause des violences que les hommes pratiquent entre eux qu’ils peinent à  éliminer cette image que des siècles d’histoire leur ont transmise. Les guerres que les hommes se sont faites au nom de Dieu et qu’ils continuent à se faire,  ont grandement  contribué à altérer son image si bien  que ces gens  peuvent aimer les autres sans que cet amour fasse naître en eux un sentiment pour Dieu. Il nous faut donc travailler à rendre crédible cette image de Dieu qui abandonne sa toute- puissance au profit de sa relation paternelle avec chacune et chacun de nous. Si par contre,  notre relation avec les autres hommes n’est pas bonne et se détériore, c’est que notre relation à Dieu n’est pas bonne non plus. Notre relation avec les autres s’améliorera forcément du fait que nous nous attacherons à améliorer notre relation à Dieu.

mercredi 17 octobre 2018

Marc 10/46-52 Les chemins de la vie dimanche 28 octobre 2018


Marc 10/46-52 :Les chemins de la vie


46 Ils viennent à Jéricho. Et comme il sortait de Jéricho, avec ses disciples et une foule importante, un mendiant aveugle, Bartimée, fils de Timée, était assis au bord du chemin. 47 Il entendit que c'était Jésus le Nazaréen et se mit à crier : Fils de David, Jésus, aie compassion de moi ! 48 Beaucoup le rabrouaient pour le faire taire ; mais il criait d'autant plus : Fils de David, aie compassion de moi ! 49 Jésus s'arrêta et dit : Appelez-le. Ils appelèrent l'aveugle en lui disant : Courage ! Lève-toi, il t'appelle ! 50 Il jeta son vêtement, se leva d'un bond et vint vers Jésus. 51 Jésus lui demanda : Que veux-tu que je fasse pour toi ? — Rabbouni, lui dit l'aveugle, que je retrouve la vue ! 52 Jésus lui dit : Va, ta foi t'a sauvé. Aussitôt il retrouva la vue et se mit à le suivre sur le chemin.


Il arrive que les chemins de la vie ressemblent plus au parcours dans le désert que vécurent les hébreux qu’à un long fleuve tranquille. Les Hébreux savaient que Dieu était présent à leurs côtés, mais ils sollicitaient continuellement son intervention sans toujours grand succès, et cela durait dirait depuis 40 ans. Quant à nous, sans vraiment nous en rendre compte, nous suivons un parcours semblable. Nous savons que Dieu est présent dans notre existence, mais nous ne le sentons pas toujours très efficace, les jours se déroulent au hasard du temps, et quand celui-ci se montre hostile, comme les Hébreux nous crions vers Dieu, puis les choses se calment, l’habitude reprend ses droits. De même les Hébreux avançaient dans le désert et traçaient leur chemin au milieu des cailloux vers des oasis plus ou moins accueillants leurs pas oscillants entre espoir et résignation jusqu’au jour où Jéricho leur opposa ses murailles imposantes.



La vérité de leur parcours avec Dieu allait-elle s’achever là ? Il arrive pour nous aussi que des défis semblables se posent à nous et mettent en cause la réalité de Dieu.  Leur chemin  ne pouvait que s’arrêter là, à moins que la muraille ne s’écroule et laisse entrevoir l’espérance que donne la terre promise. C’est parfois un événement aussi provoquant qu’une muraille que l’on croit indestructible qui  s’écroule sans qu’on y touche qui nous révèle que Dieu agit pour nous et qu’il nous offre une vi pleine d’espérance. Cela se passe parfois et notre vie s’en trouve changée. A nous de savoir lire la présence de Dieu dans les événements que nous vivons.  Et pourtant il ne semble pas  forcément que Dieu ait fait grand-chose cette fois-là, pas plus qu’une autre  fois sans doute, mais   il a fait jaillir en nous une foi qu’on ne soupçonnait pas et qui  a tout changé, du tout au tout  dans notre perspective de vie.



A Jéricho l’accumulation des difficultés de 40 ans de marche dans le désert avait dressé devant ce peuple  incrédule une muraille d’incompréhension qui les empêchait d’avancer. Ce fut pour eux le moment de vérité qui allait leur permettre de comprendre qui était ce Dieu qui les avait guidés sans qu’ils sachent vraiment qui il était.



C’est à ce moment précis de leur histoire, que la foi des Hébreux s’est concrétisée en espérance de vie. Ils étaient placés sous la conduite de Josué.  Josué  est le même nom que Jésus. En dépit de la violence qu’on lui prête, il joue dans ce passage un rôle semblable à celui de Jésus : celui de dire l’action de Dieu quand les  hommes ne savent plus où Dieu se situe. C’est ainsi qu’il conduisit son peuple à découvrir l’action de Dieu dans un mur qui s’écroule sans que personne n’en ait ébranlé une seule pierre.  C’est là où l’aventure nous a conduit et c’est là, que nous aussi, nous allons nous interroger sur notre propre foi.



C’est  précisément à Jéricho - est-ce un hasard ? - que Jésus a ouvert les yeux de Bartimée qui cherchait la lumière et appelait à l’aide à grands cris. C’est aussi à Jéricho, qu’à califourchon sur sa branche de sycomore, que Zachée a compris le sens de sa vie et que sa quête de Dieu a trouvé le chemin de la foi. C’est aussi sur la route de Jéricho que Jésus a campé l’histoire d’un Samaritain qui a secouru un homme qui est devenu son prochain. Il  révèle  alors que c’est l’attention que l’on porte à son prochain  qui donne du sens à notre vie. C’est  en le respectant que l’on opère la volonté de Dieu.  C’est ce que fit à l’origine Rahab la prostituée de Jéricho qui a sauvé la vie des espions de Josué  sans se soucier  sur le moment de sauver la sienne. Elle .mettait ainsi en pratique un Evangile qui n’avait pas encore été révélé.



Chacun de nous prend maintenant sa place parmi tous ces gens qui ont fréquenté de près ou de loin Jéricho, car c’est là que pour eux comme pour nous Dieu va s’y révéler. N’oublions surtout pas Rahab, la prostituée dont on vient de rappeler l’exploit. En  sauvant  les espions au mépris de sa propre vie, elle reçut en récompense la vie sauve, ainsi que celle de sa famille lors du sac de la ville



En dépit du contexte violent dans lequel cette histoire nous est parvenue, Jéricho est devenu le lieu où la miséricorde divine se révèle. Dieu y est perçu comme le pourvoyeur de vie des petits et des humbles. C’est là que la vie de Zachée, de Barthimée, et de l’homme sauvé par le samaritain a été transformée.



 Avez-vous remarqué que 3  de ces personnages sont désignés par leur nom. Comme pour nous dire  que quand Dieu se fait présent dans notre vie, nous prenons une personnalité devant lui.  Seul le samaritain n’est pas nommé. Posez-vous la question en vous demandant pourquoi il ne l’est pas en attendant que  je vous donne mon interprétation  dans quelques instants.



A Zachée qui découvre son indignité devant Dieu, à Bartimée qui retrouve la vue malgré sa cécité, à tous ceux qui cherchent où l’action de Dieu en eux peut les mener, c’est le Samaritain qui indique la voie à suivre, car le sens de notre vie n’est pas en nous, il est dans l’action que chacun va mener pour son prochain. Si dans tous les personnages nommés tout à l’heure, seul le samaritain ne porte pas de nom c’est que Dieu espère pouvoir  lui donner le nôtre.




Maintenant, les biblistes, les exégètes et autres théologiens vont me reprocher d’avoir fait des rapprochements artificiels et de m’être joué de la saine théologie biblique. Ils auront raison. Je suis parti d’un texte de l’Evangile de Marc proposé par la liste de lectures bibliques pour ce jour et je l’ai à peine effleuré, il nous a rapporté l’histoire de Bartimée. Je me suis attardé sur deux textes de l’Evangile de Luc,  l’un concernant Zachée, l’autre le Samaritain. J’ai créé des rapports entre eux qui n’avaient pas lieu d’être et qui n’étaient pas évidents. Je les ai introduits à la suite de Josué, ce prototype de Jésus, dans l’histoire de la chute de Jéricho qui faisait obstacle à l’avancée des Hébreux.  J’ai tourné  toute cette histoire à l’avantage d’une prostituée qui pour sauver la vie des espions a trahi son peuple et a causé la mort de ses concitoyens.  Par tous ces artifices, j’ai voulu montrer que la présence de Jésus dans notre vie grâce,  à son  évangile provoquait un bouleversement semblable à celui qui se produisit à Jéricho, et qu’ainsi l’Evangile nous ouvre les  portes d’une vie différente dans laquelle  l’amour pour le prochain tient la place principale.

mardi 2 octobre 2018

Marc 10/2-16 le divorce Dimanche 7 octobre 2018






Marc 10 :2-16 - le divorce 
  

 dimanche 4 octobre 2015


                              



2 Des pharisiens vinrent lui demander, pour le mettre à l'épreuve, s'il est permis à un mari de répudier sa femme. 3 Il leur répondit : Que vous a commandé Moïse ? 4— Moïse, dirent-ils, a permis d'écrire une attestation de rupture et de répudier. 5 Jésus leur dit : C'est à cause de votre obstination qu'il a écrit pour vous ce commandement. 6 Mais au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme ; 7 c'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, 8et les deux seront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. 9 Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni !

10 Lorsqu'ils furent à la maison, les disciples, à leur tour, se mirent à l'interroger à ce sujet. 11 Il leur dit : Celui qui répudie sa femme et en épouse une autre commet l'adultère envers la première, 12 et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet l'adultère. 

 13 Des gens lui amenaient des enfants pour qu'il les touche de la main. Mais les disciples les rabrouèrent. 14 Voyant cela, Jésus s'indigna ; il leur dit : Laissez les enfants venir à moi ; ne les en empêchez pas, car le royaume de Dieu est pour ceux qui sont comme eux. 15 Amen, je vous le dis, quiconque n'accueillera pas le royaume de Dieu comme un enfant n'y entrera jamais. 16 Puis il les prit dans ses bras et se mit à les bénir en posant les mains sur eux.


Nous vivons avec en tête,  la vision  d’un monde désenchanté car,  notre perception de l’espèce humaine est souvent négative.  Nous voyons les humains comme des gens qui s’agressent entre eux, plus enclins à se quereller  et à se jalouser qu’à s’entraider. Ceux qui nous dirigent  visent plus à nous prémunir contre les actions hostiles des autres contre nous qu’à  nous stimuler pour aller vers eux en vue de les aider. Le vieil adage selon lequel il faut se préparer à la guerre si on veut vivre en paix relève plus que jamais de la sagesse des peuples et continue à être la règle de conduite de ceux qui désirent diriger les nations.

C’est surtout quand les relations humaines  sont mauvaises qu’elles suscitent notre intérêt et personne n’est vraiment intéressé  quand les choses  vont bien et que tout   se  passe sans heurt.

Ne soyons donc pas étonnés  si, ici la question du mariage est envisagée sous l’angle négatif du divorce. Dans notre monde, les démons ne restent pas inactifs, le démon de midi en particulier est toujours à l’œuvre,  celui de l’ennui et de  l’habitude, comme celui de la jalousie et du  désir d’aller voir ailleurs lui tiennent compagnie, et tous conjuguent leurs efforts pour détruire les foyers.

La longue histoire de l’humanité a estimé que le divorce était la solution la moins douloureuse pour régler les conflits conjugaux trop graves.  Plutôt que de s’accrocher à recoller les morceaux d’une union détruite il vaut mieux tout recommencer.  Connaissant Jésus comme nous croyions le connaître nous sommes surpris par sa réaction plutôt rigide, face aux pharisiens, ses habituels contradicteurs, qui se montraient plus permissifs en la matière.  Ils prêtaient même à Moïse une permissivité que la loi à proprement parler ne reconnaissait pas vraiment : celle de la lettre de divorce. En effet, qui à l’époque de Moïse aurait-il été capable d’écrire une telle lettre ?


Mais dira-t-on, le droit avait évolué depuis Moïse, c’est vrai, mais si c’était le cas, ce n’était plus Moïse qui l’aurait prescrit, mais les juristes qui au cours des siècles auraient assoupli les règles du divorce, là où Moïse lui-même n’avait rien prévu.


Pourquoi alors Jésus durcit-il le ton là où les successeurs de Moïse avaient assoupli la règle ?  Depuis le début de son ministère, on avait cru comprendre que Jésus prenait volontiers des libertés par rapport aux prescriptions de Moïse et qu’il en atténuait généralement la rigueur en préférant la souplesse de l’amour à la rigidité  de la loi. Quand il n’y avait plus d’amour entre deux personnes n’était-il pas  plus charitable de leur rendre leur liberté plutôt que de les contraindre à vivre ensemble une vie commune qui n’avait plus d’intérêt pour eux ?


 On aurait pu penser que la rigidité de Jésus visait à protéger la femme rejetée qui se retrouvant seule dans la nature n’avait d’autre solution que de retourner chez ses parents. Mais ses parents étaient-ils encore de ce monde et pouvaient-ils la recevoir ? Dans le cas contraire,  elle était destinée à la prostitution et on pensait que Jésus aurait voulu la préserver de ce sort peu enviable, mais ici, ce n’était pas le cas. Jésus ne fait aucune allusion à une telle situation. Contrairement à notre attente Jésus défend une solution radicale que l’on a de la peine à expliquer.

 Curieusement cette position  est restée la règle dans beaucoup d’églises qui veulent ainsi marquer leur fidélité à Jésus. En fait cette rigidité qui rend tant de gens malheureux aujourd’hui était-elle vraiment l’expression de la volonté du Seigneur ? Nous allons essayer de suivre sa logique  au risque de trouver l’expression d’une attitude  plus nuancée voire même très différente de celle que le texte laisse entendre.

Avez-vous remarqué que Jésus parle de la dureté du cœur, c’est-à-dire du péché pour justifier la nécessité de  l’assouplissement de la loi de Moïse revendiquée par les pharisiens. C’est par là que j’ai commencé ce sermon. J’ai dit que les hommes avaient une fâcheuse manière de voir le monde, car ils le voyaient sous un angle négatif. Ils considéraient que leur révolte contre Dieu était de l’ordre du normal, et que les humains étaient des rebelles à Dieu par nature. 

Il est donc normal pour nous de considérer que les humains aient exclu l’amour des comportements qu’ils ont entre eux. En affaire, par exemple, on ne fait pas de sentiment, et on met ce principe scrupuleusement en pratique.  Jésus quant à lui voit les choses autrement. Il ramène ses interlocuteurs au « commencement », au début de la création, dans un monde encore enchanté ou le péché n’avait pas encore fait son apparition. Ce monde avait été conçu par Dieu pour le bonheur des peuples. Au centre de ce monde, l’homme et la femme devenaient par l’amour qui les unissait un seul corps  et une seule âme.  Quand Jésus parle du Royaume qu’il nous invite à construire c’est cette image qu’il a en tête, et  il essaye de provoquer en nous  le  désir de retrouver cette période idyllique où les mythes  bibliques ont placé l’origine de l’humanité. Il nous entraîne à réfléchir au problème du divorce avec cette vision des choses à l’esprit.

Bien évidemment une telle approche  échappe totalement aux adversaires de Jésus et sans doute aussi à nous-mêmes. Car Dieu a totalement été  écarté du problème. Les adversaires de Jésus  parlent de loi et de règlement et  se demandent comment  appliquer la loi, et surtout comment la contourner. Ce faisant, Ils  espèrent que Dieu cautionnera  leurs arguments. Mais ni Dieu qu’on ne consulte pas vraiment,  ni l’amour qui préside à toutes les manifestations divines n’entrent ici  en ligne de compte. Curieusement, ceux qui sont les gardiens de la Loi et qui prétendent guider les peuples sous le regard de Dieu ont totalement omis Dieu dans leur manière d’aborder les problèmes qui concernent le couple humain quand celui-ci est en état de dysfonctionnement.

Jésus pour sa part réintroduit la présence de Dieu dans le problème. Il rappelle que l’enchantement du monde par la présence de Dieu est toujours d’actualité, mais il dit aussi que la dureté du cœur des hommes, fait continuellement déraper les projets de Dieu qui ne peuvent aboutir que par le pardon et l’amour. Il précise que dans l’intention créatrice de Dieu la rupture entre deux êtres qui s’aiment était  impossible, car l’amour est un ciment qui devrait résister à toute attaque hostile, c’est pourquoi, Jésus affirme qu’il est impossible qu’une rupture  se produise. C’est dans ce contexte idyllique de la création qu’il  place  son argumentation face à ses opposants. 

Mais l’impossible se produit parfois. L’amour peut  s’affadir. L’homme et la femme conçus  pour s’aimer  se séparent, s’isolent l’un de l’autre, deviennent indifférents l’un à l’autre et finalement en arrivent à se détruire mutuellement. Quand le  péché a fait son œuvre, seul Dieu peu alors gérer le problème. Le péché est une atteinte à Dieu et ses effets ne peuvent en être corrigés que par lui, qui en prodiguant son pardon permet de tout recommencer quand tout a été détruit.

 Le tort des adversaires de Jésus  est d’avoir voulu tenir Dieu à l’écart du problème, alors que le problème ne peut trouver de solution sans Dieu. C’est parce qu’ils avaient exclu Dieu que Jésus s’est montré sévère car pour lui, sans Dieu rien n’est possible.  Comme il le fait dans toutes les situations où il croise des humains en souffrance, Jésus  va donc aider chacun à se  reconstruire.

   S’il a déclaré que le couple uni devant Dieu ne pouvait pas être détruit, c’est qu’il voulait rappeler la force du principe créateur de Dieu. Quand  ce principe est attaqué par le péché au point de le détruire, Dieu seul peut nous prendre en charge en nous aidant à construire à nouveau l’avenir sans  jamais regarder en arrière. Une autre vie peut alors devenir possible, une autre forme d'amour peut alors trouver a place, mais le principe d'amour doit toujours rester premier, aussi bien dans le cas de la rupture que dans celui d'une nouvelle union.

Jésus n’a donc nullement l’intention d’enfermer ceux qui ne s’aiment plus dans une attitude impossible à tenir mais il demande d’œuvrer de telle sorte que le principe d'amour reste le premier dans tous les cas et de tout mettre en œuvre pour trouver des solutions qui  remettront  les ex-époux debout, et les rendront capables de participer à nouveau  à l’enchantement créateur de Dieu, qui pour un temps les avait quitté.