vendredi 16 juin 2023

Heureux celui ou celle qui sait que Jésus reste le maître des mystères de sa vie

Matthieu 15/21-28 La foi d'une cananéenne dimanche 20 août 2017 reprise du 14 août 2011( revu et corrigé)

 

Matthieu /15-21 La foi d'une Cananéenne

21 Jésus partit de là et se retira vers la région de Tyr et de Sidon. 22 Une Cananéenne venue de ce territoire se mit à crier : Aie compassion de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est cruellement tourmentée par un démon. 23 Il ne lui répondit pas un mot ; ses disciples vinrent lui demander : Renvoie-la, car elle crie derrière nous. 24 Il répondit : Je n'ai été envoyé qu'aux moutons perdus de la maison d'Israël. 25 Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : Seigneur, viens à mon secours ! 26 Il répondit : Ce n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens. 27— C'est vrai, Seigneur, dit-elle ; d'ailleurs les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres... 28 Alors Jésus lui dit : O femme, grande est ta foi ; qu'il t'advienne ce que tu veux. Et dès ce moment même sa fille fut guérie..

Heureux celui ou celle qui sait que le Seigneur reste le maître des mystères de sa vie, car notre vie est pleine de mystères dont nous ne savons pas les origines et cela nous trouble. Quelles que soient les circonstances et quelles que soient ses origines le croyant sait qu’il y a indépendamment de lui des forces qui n’obéissent pas aux règles des hommes et qui donnent du sens à son existence. C’est Dieu qui se révèle ainsi. Cela relève de la foi, et cela devrait lui suffire. Mais ce n’est pas le cas. 

Pour beaucoup, il apparaît comme un fait établi que Dieu aurait réglé les mystères de la vie selon des critères qui lui appartiennent, mais les hommes se croient suffisamment intelligents pour les découvrir et s’en emparer à son insu. A l‘opposé, d’autres vont jusqu’à penser que certains individus ou même certains peuples ont priorité sur les autres et détiennent dans leurs cultures les secrets de la vie. Comme cela semble apparemment être le cas du peuple juif.

On est en droit de penser que Jésus en tant que juif partage cette opinion qui le rend réticent pour écouter les doléances de cette femme. Cela peut sans doute nous choquer, mais Jésus est un homme de son temps, issu de la culture de son temps et il réagit avec les réserves des hommes de son temps. Mais tout cela n’est ici qu’une entrée en matière dont l’issue nous rapprochera de la vérité. 

Même s’il reconnaît qu’il est venu pour donner priorité aux brebis perdues d’Israël, il ne dit pas qui sont ces brebis perdues. S’agit-il des Israélites qui ne reconnaissent pas en lui le messager de Dieu ? S’agit-il des non juifs qui n’ont aucune connaissance de Dieu ? Dans ce cas il s’agit d’une grande multitude de gens ! Alors grand est le nombre des brebis perdues de la maison d’Israël, même les petits chiens cananéens qui mendient les miettes en font partie.

En fait de miettes, il ne me paraît pas que la foi puisse se mesurer. Ici il s’agit de miettes, ailleurs il s’agit de grains de moutarde, il n’y a pas de mesure pour codifier les degrés de la foi. La foi est avant tout une certitude et un savoir. Elle relève d’un état et non d’un dosage. Elle repose sur une vérité que nous ressentons au fond de nous-mêmes selon laquelle notre vie ne nous appartient pas. Elle appartient à une réalité qui nous nous vient d’ailleurs et qui s’intègre en nous pour faire partie de nous-mêmes. Ce n’est ni la sagesse des hommes, ni la science que l’on pourrait avoir des Écritures qui fait que notre vie a du sens ou qu’elle n’en a pas, c’est une vérité qui vient d’au de là de nous-mêmes. 

En dépit de cela, depuis toujours les hommes ont cru pouvoir arracher les secrets de la vie à qui les possède : Dame nature dont nous faisons partie ou Dieu quand on y croit. Les savants ont tenté toutes sortes d’aventures pour parvenir à cette fin. Ils sont descendus jusqu’aux aux racines des continents dans les gouffres marins, ils sont montés plus haut que les cieux pour rejoindre les étoiles, mais leur avidité de connaissance ne leur a rien révélé sur notre âme. 

Astrologues, sorciers, enchanteurs, mages et gourous ont aussi essayé d’arracher ces mêmes secrets à la matière dont nous sommes faits, mais l’élixir de vie, l’eau de jouvence ou la pierre philosophale n’ont jamais été trouvés et ne le seront sans doute jamais car les secrets de notre existence ne sont pas à notre portée. 

Pour y arriver, il faudrait franchir les portes de la mort et perdre alors notre consistance physique pour découvrir qu’au delà de la mort il y a peut être un savoir sur la vie qui nous concerne, mais cette étape franchie  tout retour vers un état antérieur nous serait interdit. Notre découverte ne nous serait alors d’aucune utilité. Face à toutes ces espérances déçues, une pauvre femme dont on ne connaît pas le nom nous donne la seule leçon qui nous permette d’avancer. 

Face au mystère de la vie, Dieu ne nous a pas laissés sans réponse. Face au questionnement universel des hommes, il y a une réponse que cette femme a trouvée en toute naïveté. Apparemment si cette femme a compris ce grand mystère qui est celui de la foi. Nous en serons, sans doute capables, nous aussi. Dieu nous a donné des miettes suffisantes pour apaiser notre faim de curiosité elles ne relèvent ni de la compétence des savants ni de celle des gourous. Ces miettes qui échappent à la sagesse des plus futés sont cependant à la portée de chacun. 

Pour ce faire il nous faut suivre l’exemple de cette femme qui a déjà fait le point sur sa propre existence. Comme elle, nous n’avons sans doute pas plus d’importance que des petits chiens et nous espérons cependant que des miettes de la sagesse divine vont tomber jusqu’à nous. Cette sagesse qui va nourrir notre foi c’est l’espérance. 

Cette femme espère. Elle ne sait sans doute pas quoi, mais elle est poussée par une force qui lui donne de l’audace. L’espérance est cette force qui nous habite et qui met en nous une soif de vie qui nous pousse à commettre des actes audacieux. Ces audaces dont nous sommes capables ne correspondent ni à une science ni à un savoir elles jaillissent du tréfonds de nous-mêmes et agissent comme un moteur de vie qui tire notre existence vers le haut. On pourrait les appeler en terme profane l’instinct de survie. 

Cet appétit de la vie nous pousse à entreprendre des choses parfois irrationnelles ou insensées. Il ne porte pas toujours les fruits espérés, il échoue parfois lamentablement, mais il provoque en nous un dynamisme dont l’origine mystérieuse est en nous, mais ne vient pas de nous. 

La femme cananéenne de ce récit a compris cela, elle n’a sans doute pas fait d’études avancées mais elle comprend que les pulsions de vie qui l’habitent viennent d’ailleurs que d’elle-même. Au contact de Jésus, ces pulsions de vie se sont mises en mouvement et elle comprend que c’est le Dieu dont Jésus parle qui en est à l’origine. Elle sait que c’est Dieu, qui en dépit des circonstances et des conventions sociales lui donne l’audace d’attirer l’attention de Jésus. Puisque Dieu provoque en elle cette espérance de vie, elle a alors raison d’insister. 

Elle n’a pas eu besoin qu’on l’enseigne pour découvrir que l’espérance qui l’habite lui vient de ce Dieu qui a mis en elle un désir de vie. Il en va de même pour chacune et chacun de nous. Ce mystère ne nous appartient pas. On ne le trouvera ni en faisant des expériences élaborées ni en s’adonnant à des calculs compliqués, mais en constatant qu’il y a en nous une force de vie qui nous pousse à espérer. 

Le miracle de la femme cananéenne ne réside pas tellement dans le fait que sa demande ait abouti, mais plutôt dans le fait qu’elle ait compris que l’audace qu’elle a eu d’importuner le maître pour quémander la vie, ne lui venait pas d’elle-même mais lui venait justement de celui qui donne la vie et qui la prend en charge, elle et sa fille.

L’espérance est donc cette force que Dieu a mis en nous depuis nos origines et qui nous pousse à toutes les audaces. Jésus s’est donné pour tâche de nous aider à identifier cette force et de lui donner un nom. Il reconnaît en elle le Seigneur dont il est le Fils. Il nous prend en charge comme le ferait un Père, il nous enveloppe d’amour comme le ferait une mère. Il nous ouvre un avenir de vie sans fin comme le ferait notre Dieu. C’est grâce à l’Esprit que Jésus souffle sur nous que nous arrivons à cette connaissance. 

Lui seul a su aller jusque au bout de l’espérance. Même dans la mort, son espérance a pris la dimension de l’éternité qui est la seule réalité qui contienne toutes les dimensions de Dieu, c'est-à-dire l’amour, l’espérance et la vie. Ainsi croire en Jésus Christ consiste à avoir l’audace suprême de savoir que la vie ne peut pas nous abandonner car elle vient d’ailleurs, elle appartient à Dieu et Dieu a décidé de nous la donner en totalité.

Amen


jeudi 15 juin 2023

 Aussitôt après avoir nourri la foule dans le désert

Matthieu 14/22-33 Dimanche13 août

                   

 

 

Aussitôt après avoir nourri la foule dans le désert, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. Quand il les eut renvoyés, il se rendit dans la montagne, à l’écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul. La barque était déjà à une bonne distance de la terre, elle était battue par les vagues, car le vent était contraire.
Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer. En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils disaient : « C’est un fantôme », et la peur leur fit pousser des cris. Mais aussitôt Jésus leur parla :        « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! » Pierre prit alors la parole : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau. » Jésus lui dit : « Viens ! »
Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus. Mais, voyant qu’il y avait du vent, il eut peur; et, comme il commençait à enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi ! » Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté? » Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba.
Alors ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui, et ils lui dirent : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu!» 

 

Sermon

 

On pourrait bien imaginer que L’image des disciples, confortablement assis sur  le bateau représente notre propre existence.

Comme les disciples nous avançons, sans protection particulière, vers la rive où notre vie achèvera son parcours. C’est cette pensée fugace qui vient traverser mon esprit en écoutant ce récit. Elle évoque pour moi l’histoire d’une vie banale, la mienne, la vôtre,  celle d’une vie sans sécurité particulière.

Nous quittons donc par la pensée le lac de Génésareth  pour nous intéresser à notre propre existence. C’est un jour comme tous les jours qui commence au lever du soleil et nous nous préparons à vivre l’aventure quotidienne de note existence.

Notre regard se porte vers la rive où notre voyage trouvera son terme. Dans la lumière du jour qui se lève, le bord du lac se confond avec la rive et laisse apparaître une plage de sable humide qui reflète les formes encore floues du paysage qui la borde. Ainsi la fin de notre vie qui se profile à l’horizon reste floue pour nous.

Un inconnu marche la bas.  Sa silhouette se reflète sur le  sable mouillé et nous donne l’illusion qu’il marche sur l’eau dans la brume de l’aube naissante.

 

A partir de cette image, il nous est possible de réfléchir au cours que peut prendre notre propre existence en faisant nôtre, l’aventure des apôtres sur leur barque.

Cet homme qui semble marcher sur l’eau est bien entendu Jésus Christ qui se tient sur la rive de notre vie pour déterminer le sens de notre existence.

Sans distinguer clairement les contours de sa personne, sans même le voir distinctement, nous savons qu’il est là pour dominer les dangers qui nous guettent,  car  les  esprits mauvais se cachent sous les flots, sur lesquels nous naviguons et menacent  notre existence à chaque instant.

Nous comprenons que sans qu’on le veuille, Dieu marche sur les franges de notre vie sans que nous sachions vraiment le voir, il s’inscrit en notre vie comme une certitude dont nous avons besoin et il s’offre à nous dans un tête-à-tête personnel.

A l’origine de ce récit, il y a sans doute une  histoire semblable à celle que je viens d’évoquer et que l’auteur  de l’Évangile quelque trente ans après aurait embellie pour évoquer une vérité de l’Évangile selon laquelle Jésus  dominerait les démons  qui nous agitent quel que soit leur nom : colère, jalousie, esprit de vengeance ou de domination, cupidité, avidité.  Cette aventure a accrédité pour les disciples qui naviguent, la certitude que Jésus a été envoyé par le Père pour venir vers eux, pour dominer leurs angoisses et leur donner le désir de devenir toujours meilleurs.  

Ils ont alors compris, qu’avant même d’avoir pris conscience de leur propre existence, Dieu avait déjà pris  place  en eux et avait entrepris de  parachever sa création pour rendre notre vie utile.

C’est ce que nous voudrions croire. Le texte que nous découvrons  nous suggère que c’est Dieu qui vient  vers nous pour susciter en nous le désir d’agir  conformément à sa volonté.

Mais une question lancinante nous obsède et  vient  jeter le doute en notre esprit. Qu’est ce qui nous permet de dire que Dieu agit en nous de la sorte et que c’est lui qui vient vers nous ? Qu’est ce qui à ce moment de notre réflexion  nous pousse à croire en lui? 

Il est en effet de bon ton aujourd’hui d’afficher notre  suffisance et de nous comporter comme si Dieu n’opérait aucune action sur nous. Il est fréquent qu’on entende nos contemporains dire qu’ils ne croient  pas en Dieu puisque les religions qui parlent de lui s’appuient sur des légendes et ne démontrent rien.

Pour beaucoup d’entre nous, aujourd’hui l’homme qui pense est supérieur à l’homme qui croit. Celui qui s’autorise aujourd’hui à parler dans les média prétend la plupart du temps qu’il ne croit pas en Dieu. Il s’octroie ainsi le privilège de décider de l’existence de Dieu et il en crée le principe pour mieux le nier.

Nous nous comportons comme si il était dans la nature humaine de décider de l’existence ou de la non-existence d’une instance supérieure  à nous, en fonction de critères que nous nous nous attribuons. Nous nous attribuons ainsi le pouvoir de  décider de l’existence  ou de la non existence de Dieu. Quelle prétention !

En fait ce texte nous propose une autre approche et nous suggère le contraire de ce que nous venons de dire sur l’existence ou la  non existence de Dieu. Ici, c’est Dieu qui vient vers nous et c’est lui qui s’offre à notre conscience.

Il nous est donc suggéré, non pas de dire ou de nier son existence mais de chercher la trace de sa présence en nous et d’orienter notre vie en fonction des empreintes qu’il   aurait laissées en nous  lors de ses passages dans notre existence. Il s’agit maintenant pour nous de les repérer.

 Il me paraît impossible  de penser que nous serions à ce point renfermés sur nous-mêmes et engoncés dans des idées arrêtées sur Dieu pour ne pas tenter de repérer les traces de sa présence et de son passage en nous. Cela nous demanderait sans doute de faire un effort sur nous-mêmes pour trouver des traces qui après réflexion deviennent évidentes.

Il est évident qu’il y a dans la vie de chacune et de chacun de nous des moments de flou ou d’imprécision qui auraient gardé l’empreinte de Dieu. Ils seraient à l’image de ce marcheur dans la brume du matin dont la silhouette changeante se reflète dans le sable humide  de la plage et donne l’illusion qu’il marche sur l’eau.

Qui n’a pas traversé dans sa vie des moments que nous qualifierions de miraculeux et derrière lequel le visage de Dieu apparaîtrait dans le flou. Il est des moments où Dieu parait venir vers nous,  au travers des hasards de notre histoire sans démontrer quoi que ce soit. Il vient seulement !

Il pourrait s’agir d’une parole prononcée au bon moment par quelqu’un que l’on aurait côtoyé, ou d’un geste qui nous aurait sécurisés dans un moment d’angoisse ou tout autre signe apparemment sans importance. A nous de le reconnaître.

C’est en regardant les différentes étapes de notre vie  que nous voyons ces moments où Dieu a cherché à se faire connaître et où nous ne l’avons pas connu parce que nous ne nous sommes pas donné la peine de le faire.

Quand Dieu vient vers nous, il met aussi en nous les éléments nécessaires pour le reconnaître, mais il nous demande d’en faire l’effort.

En fait si nous pensons   être capables par nous-mêmes de décider de l’existence ou de la non-existence de Dieu,  nous passons à côté de Dieu sans le voir, car en réalité, ça se passe autrement. C’est lui qui décide   de nous rencontrer et c’est nous qui faisons obstacle à cette rencontre à cause d’un principe selon lequel  l’homme se reconnaît  à lui seul  la faculté d’en décider.

Ce principe de la présence de Dieu dans les moments inattendus de notre voyage en barque sur le lac, est le seul qui puisse nous faire vivre et mettre de l’espérance en nous.

Nous avons encore une remarque à faire. Il s’agit de nous demander si nous sommes capables  d’inviter le marcheur solitaire à monter dans notre barque pour qu’il nous parle de Dieu et nous aide à construire notre vie avec lui. Il s’agit de notre capacité à reconnaître  dans le marcheur du Lac la  personne de Jésus Christ, et de découvrir en lui, celui qui se présente  à nous comme l’ami et le maître des hommes embarqués. Bien que  la brume du matin ne nous permette pas de le reconnaître distinctement, nous sommes amenés à constater qu’il avait déjà pris forme de Dieu et  c’est pour nous parler de  Dieu qu’il monte dans l’embarcation et guider notre vie vers la sienne.