Heureux celui ou celle qui sait que Jésus reste le maître des mystères de sa vie
Matthieu 15/21-28 La foi d'une cananéenne dimanche 20 août 2017 reprise du
14 août 2011( revu et corrigé)
Matthieu /15-21 La foi d'une Cananéenne
21 Jésus partit de là et se retira vers la région de Tyr et de Sidon. 22 Une Cananéenne venue de ce territoire se mit à crier : Aie compassion de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est cruellement tourmentée par un démon. 23 Il ne lui répondit pas un mot ; ses disciples vinrent lui demander : Renvoie-la, car elle crie derrière nous. 24 Il répondit : Je n'ai été envoyé qu'aux moutons perdus de la maison d'Israël. 25 Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : Seigneur, viens à mon secours ! 26 Il répondit : Ce n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens. 27— C'est vrai, Seigneur, dit-elle ; d'ailleurs les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres... 28 Alors Jésus lui dit : O femme, grande est ta foi ; qu'il t'advienne ce que tu veux. Et dès ce moment même sa fille fut guérie..
Heureux celui ou celle qui sait que le Seigneur reste le maître des
mystères de sa vie, car notre vie est pleine de mystères dont nous ne savons
pas les origines et cela nous trouble. Quelles que soient les circonstances et
quelles que soient ses origines le croyant sait qu’il y a indépendamment de lui
des forces qui n’obéissent pas aux règles des hommes et qui donnent du sens à
son existence. C’est Dieu qui se révèle ainsi. Cela relève de la foi, et cela
devrait lui suffire. Mais ce n’est pas le cas.
Pour beaucoup, il apparaît comme un fait établi que Dieu aurait réglé les
mystères de la vie selon des critères qui lui appartiennent, mais les hommes se
croient suffisamment intelligents pour les découvrir et s’en emparer à son
insu. A l‘opposé, d’autres vont jusqu’à penser que certains individus ou même
certains peuples ont priorité sur les autres et détiennent dans leurs cultures
les secrets de la vie. Comme cela semble apparemment être le cas du peuple
juif.
On est en droit de penser que Jésus en tant que juif partage cette opinion
qui le rend réticent pour écouter les doléances de cette femme. Cela peut sans
doute nous choquer, mais Jésus est un homme de son temps, issu de la culture de
son temps et il réagit avec les réserves des hommes de son temps. Mais tout
cela n’est ici qu’une entrée en matière dont l’issue nous rapprochera de la
vérité.
Même s’il reconnaît qu’il est venu pour donner priorité aux brebis perdues d’Israël,
il ne dit pas qui sont ces brebis perdues. S’agit-il des Israélites qui ne
reconnaissent pas en lui le messager de Dieu ? S’agit-il des non juifs qui
n’ont aucune connaissance de Dieu ? Dans ce cas il s’agit d’une grande
multitude de gens ! Alors grand est le nombre des brebis perdues de la maison
d’Israël, même les petits chiens cananéens qui mendient les miettes en font
partie.
En fait de miettes, il ne me paraît pas que la foi puisse se mesurer. Ici
il s’agit de miettes, ailleurs il s’agit de grains de moutarde, il n’y a pas de
mesure pour codifier les degrés de la foi. La foi est avant tout une certitude
et un savoir. Elle relève d’un état et non d’un dosage. Elle repose sur une
vérité que nous ressentons au fond de nous-mêmes selon laquelle notre vie ne
nous appartient pas. Elle appartient à une réalité qui nous nous vient
d’ailleurs et qui s’intègre en nous pour faire partie de nous-mêmes. Ce n’est
ni la sagesse des hommes, ni la science que l’on pourrait avoir des Écritures
qui fait que notre vie a du sens ou qu’elle n’en a pas, c’est une vérité qui
vient d’au de là de nous-mêmes.
En dépit de cela, depuis toujours les hommes ont cru pouvoir arracher les
secrets de la vie à qui les possède : Dame nature dont nous faisons partie ou
Dieu quand on y croit. Les savants ont tenté toutes sortes d’aventures pour
parvenir à cette fin. Ils sont descendus jusqu’aux aux racines des continents
dans les gouffres marins, ils sont montés plus haut que les cieux pour
rejoindre les étoiles, mais leur avidité de connaissance ne leur a rien révélé
sur notre âme.
Astrologues, sorciers, enchanteurs, mages et gourous ont aussi essayé
d’arracher ces mêmes secrets à la matière dont nous sommes faits, mais l’élixir
de vie, l’eau de jouvence ou la pierre philosophale n’ont jamais été trouvés et
ne le seront sans doute jamais car les secrets de notre existence ne sont pas à
notre portée.
Pour y arriver, il faudrait franchir les portes de la mort et perdre alors
notre consistance physique pour découvrir qu’au delà de la mort il y a peut
être un savoir sur la vie qui nous concerne, mais cette étape franchie
tout retour vers un état antérieur nous serait interdit. Notre découverte ne
nous serait alors d’aucune utilité. Face à toutes ces espérances déçues, une
pauvre femme dont on ne connaît pas le nom nous donne la seule leçon qui nous
permette d’avancer.
Face au mystère de la vie, Dieu ne nous a pas laissés sans réponse. Face au
questionnement universel des hommes, il y a une réponse que cette femme a
trouvée en toute naïveté. Apparemment si cette femme a compris ce grand mystère
qui est celui de la foi. Nous en serons, sans doute capables, nous aussi. Dieu
nous a donné des miettes suffisantes pour apaiser notre faim de curiosité elles
ne relèvent ni de la compétence des savants ni de celle des gourous. Ces
miettes qui échappent à la sagesse des plus futés sont cependant à la portée de
chacun.
Pour ce faire il nous faut suivre l’exemple de cette femme qui a déjà fait
le point sur sa propre existence. Comme elle, nous n’avons sans doute pas plus
d’importance que des petits chiens et nous espérons cependant que des miettes
de la sagesse divine vont tomber jusqu’à nous. Cette sagesse qui va nourrir
notre foi c’est l’espérance.
Cette femme espère. Elle ne sait sans doute pas quoi, mais elle est poussée
par une force qui lui donne de l’audace. L’espérance est cette force qui nous
habite et qui met en nous une soif de vie qui nous pousse à commettre des actes
audacieux. Ces audaces dont nous sommes capables ne correspondent ni à une
science ni à un savoir elles jaillissent du tréfonds de nous-mêmes et agissent
comme un moteur de vie qui tire notre existence vers le haut. On pourrait les
appeler en terme profane l’instinct de survie.
Cet appétit de la vie nous pousse à entreprendre des choses parfois
irrationnelles ou insensées. Il ne porte pas toujours les fruits espérés, il
échoue parfois lamentablement, mais il provoque en nous un dynamisme dont
l’origine mystérieuse est en nous, mais ne vient pas de nous.
La femme cananéenne de ce récit a compris cela, elle n’a sans doute pas
fait d’études avancées mais elle comprend que les pulsions de vie qui
l’habitent viennent d’ailleurs que d’elle-même. Au contact de Jésus, ces
pulsions de vie se sont mises en mouvement et elle comprend que c’est le Dieu
dont Jésus parle qui en est à l’origine. Elle sait que c’est Dieu, qui en dépit
des circonstances et des conventions sociales lui donne l’audace d’attirer
l’attention de Jésus. Puisque Dieu provoque en elle cette espérance de vie,
elle a alors raison d’insister.
Elle n’a pas eu besoin qu’on l’enseigne pour découvrir que l’espérance qui
l’habite lui vient de ce Dieu qui a mis en elle un désir de vie. Il en va de
même pour chacune et chacun de nous. Ce mystère ne nous appartient pas. On ne le trouvera
ni en faisant des expériences élaborées ni en s’adonnant à des calculs
compliqués, mais en constatant qu’il y a en nous une force de vie qui nous
pousse à espérer.
Le miracle de la femme cananéenne ne réside pas tellement dans le fait que
sa demande ait abouti, mais plutôt dans le fait qu’elle ait compris que
l’audace qu’elle a eu d’importuner le maître pour quémander la vie, ne lui
venait pas d’elle-même mais lui venait justement de celui qui donne la vie et
qui la prend en charge, elle et sa fille.
L’espérance est donc cette force que Dieu a mis en nous depuis nos origines
et qui nous pousse à toutes les audaces. Jésus s’est donné pour tâche de nous
aider à identifier cette force et de lui donner un nom. Il reconnaît en elle le
Seigneur dont il est le Fils. Il nous prend en charge comme le ferait un Père,
il nous enveloppe d’amour comme le ferait une mère. Il nous ouvre un avenir de
vie sans fin comme le ferait notre Dieu. C’est grâce à l’Esprit que Jésus
souffle sur nous que nous arrivons à cette connaissance.
Lui seul a su aller jusque au bout de l’espérance. Même dans la mort, son espérance a pris la dimension de l’éternité qui est la seule réalité qui contienne toutes les dimensions de Dieu, c'est-à-dire l’amour, l’espérance et la vie. Ainsi croire en Jésus Christ consiste à avoir l’audace suprême de savoir que la vie ne peut pas nous abandonner car elle vient d’ailleurs, elle appartient à Dieu et Dieu a décidé de nous la donner en totalité.
Amen