dimanche 30 avril 2017

Jean 14: 15-21 l4amour de Dieu - dimanche 21 mai 2017 reprise du 25 mai 2014




15 Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements. 16 Moi, je demanderai au Père de vous donner un autre défenseur pour qu'il soit avec vous pour toujours, 17 l'Esprit de la vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu'il ne le voit pas et qu'il ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous et qu'il sera en vous.
18 Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viens à vous. 19 Encore un peu, et le monde ne me verra plus ; mais vous, vous me verrez, parce que, moi, je vis, et que vous aussi, vous vivrez
. 20 En ce jour-là, vous saurez que, moi, je suis en mon Père, comme vous en moi et moi en vous. 21 Celui qui m'aime, c'est celui qui a mes commandements et qui les garde. Or celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; moi aussi je l'aimerai et je me manifesterai à lui. 


22 Judas, non pas l'Iscariote, lui dit : Seigneur, comment se fait-il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde ? 23 Jésus lui répondit : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera ; nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure auprès de lui. 24 Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles. Et la parole que vous entendez n'est pas la mienne, mais celle du Père qui m'a envoyé.

25 Je vous ai parlé ainsi pendant que je demeurais auprès de vous. 26 Mais c'est le Défenseur, l'Esprit saint que le Père enverra en mon nom, qui vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que, moi, je vous ai dit. 



  Une immense bonté habite le monde, mais qui s’en rend compte ? La lecture de nous journaux quotidiens semble même nous dire le contraire. Ils ne cessent de nous énumérer toutes ces choses dont l’humanité  serait victime, si bien qu’on a pris l’habitude de considérer que le monde serait aux mains du « mauvais » et que c’était lui qui en était devenu le maître. Dans le récit de la Tentation rapporté par les évangiles ne nous raconte-t-on pas qu’il se présente comme le maître du monde ?  Si Jésus ne tombe pas dans le panneau, la plupart des humains se laissent avoir.

Sans doute les médias,  aussi se font prendre au  même piège et s’ingénient à présenter le mauvais côté des choses. Cependant,  il suffit de jeter un coup d’œil sur tout ce qui nous entoure pour constater la beauté qui irradie de toute part. Du lever du soleil jusqu’à son couchant, que de merveilles ne défilent pas sous nos yeux !  Avec un peu d’attention nous voyons  la bonté de tous ces humains à l’œuvre quand ils  s’entraident  mutuellement. Nous partageons aussi   cette immense espérance qui fait vibrer nos cœurs  et qui installe en nous  l’idée que demain portera des fruits meilleurs que ceux d’aujourd’hui.

  Il y a un fond d’optimisme en nous que nous prenons soin de cacher, comme si c’était malsain de voir les choses sous un jour heureux. Ce fond d’optimisme correspond sans doute à la trace de Dieu qui se promène incognito  dans notre monde (1) et qui sème quelques bribes de lui-même partout où il passe. C’est ce qui   nous permet inconsciemment de profiter de la vie.




Pourtant ce sont d’autres idées sur Dieu qui habitent nos esprits. Elles sont assez généralement partagées dans ce monde-ci.  Dieu serait perçu par beaucoup comme  l’ « être suprême » cher aux philosophes des Lumières qui ne se soucierait  pas beaucoup du sort de l’humanité. On le considère, dans le meilleur des cas comme celui qui aurait jeté le monde sur sa lancée, mais qui, depuis le big-bang qu’il aurait initié, le laisserait  évoluer  à sa guise. Ce Dieu ne serait en rien dérangé  par les guerres que se font les hommes entre eux, ni par  les trains qui déraillent, ni par  les petits enfants qui ont faim.

Telle est la vision de Dieu qui se répand dans notre société. Si on croit en Dieu, on ne lui accorde que peu de cas. Notre société évolue sur un fond de panthéisme qui nous suggère qu’à la fin,  notre vie s’achèvera dans un Grand Tout  où curieusement nous conserverons peut-être une partie de notre personnalité. Ce sont les médias qui encore une fois accréditent cette idée. En effet, il suffit qu’une personnalité disparaisse pour que l’on nous suggère que là où elle est désormais, elle nous voit et participe d’une manière ou d’une autre à la suite des événements. Nos contemporains s’approprient volontiers  les idées d’un de nos anciens présidents  défunts qui avant de mourir laissait entendre qu’il ne nous quitterait pas tout à fait parce qu’il croyait aux forces de l’esprit. Mais bien évidemment nous avons du mal à nous y retrouver.

Dans le monde antique juif dont nous sommes héritiers et dans lequel vivait Jésus, il n’en allait pas ainsi. On pensait que Dieu était beaucoup plus présent dans le monde dont il avait jeté les bases. On pensait qu’il pouvait intervenir  dans la société des hommes pour faire respecter ses préceptes et ses lois, sans quoi le monde ne pourrait évoluer selon le programme qu'il  aurait établi. Le Dieu créateur aurait fait l’homme libre. Seulement sa liberté se limiterait à discerner sa volonté et à la respecter. Partant de préceptes remontant à Moïse, et même au-delà de lui à Noé, les penseurs de la Bible ont rédigé tout un arsenal de préceptes, au nombre de 613, qu’il fallait respecter, sous peine de voir le visage de Dieu s’empourprer pour laisser éclater sa colère et punir les contrevenants. Dieu était cependant perçu comme infiniment bon  mais sa bonté, pour s’exercer impliquait que l’on respecte ses commandements. 

C’est dans ce double contexte du présent et du passé que nous nous approprions le message de Jésus pour ce jour. Il précise  ses rapports avec Dieu et avec nous. Bien entendu il ne s’accorde avec aucune des thèses suggérées  dans mon propos. Ses rapports avec les hommes sont réglés par la notion d’amour. L’amour de Dieu pour les hommes tel que Jésus l’enseigne est inconditionnel. Dieu  est perçu  par Jésus comme un Père essentiellement bon. La bonté de Dieu se répand sur le monde et Dieu la communique aux hommes par le relais de Jésus. Grâce à ce nouveau regard que Jésus porte sur Dieu, les choses prennent un aspect bien différent et notre relation à Dieu prend une allure toute nouvelle. Le vrai visage de Dieu se révèle alors à nous grâce à notre capacité à aimer. Tel serait en quelque sorte le testament spirituel de Jésus avant son départ de ce monde.

Bien que cet enseignement de Jésus nous soit connu de longue date, nous avons conservé de par nous-mêmes  des conceptions de Dieu qui relèvent encore de la conception des contemporains de Jésus auquel il s’est vivement opposé. Un tel portrait de Dieu où la notion d’amour serait dominante nous paraît encore vraiment réducteur. Nous considérons que les attributs traditionnels de Dieu n’y sont  pas assez pris en compte. Beaucoup trouvent que l’on n’insiste pas assez   sur la toute-puissance de Dieu, ni sur sa capacité à créer, ni sur sa  justice. 

 En fait Jésus ne met nullement en cause les attributs de Dieu, mais il rappelle que l’essentiel dans la relation que Dieu veut entretenir avec les hommes est l’amour  qui passe  avant la justice, la loi  et son action de créateur. Si cette capacité à aimer est première en Dieu, elle doit l’être aussi, bien évidemment en l’homme. C’est en mettant l’amour en pratique  que nous maintiendrons une  relation cohérente avec Dieu.

Il est important  de constater que dans notre lecture de l’Évangile, nous avons bien repéré l’insistance que Jésus accorde à l’amour que les hommes doivent avoir les uns pour les autres et aussi pour Dieu. Il est inutile d’énumérer toutes les paraboles qui insistent sur cet aspect des choses. Il est aussi inutile de rappeler tous les passages où Jésus parle du commandement d’amour. Pourtant nous donnons priorité à d’autres valeurs dans nos relations à Dieu, et sans même nous en rendre compte, nous donnons priorité aux anciennes valeurs du judaïsme contre lesquelles Jésus s’est élevé avec force. Nous mettons en avant notre péché, comme s’il fallait encore et toujours négocier notre pardon. Nous nous interrogeons sur notre salut. Nous revêtons Dieu de la toge du juste juge en oubliant   que c’est la notion de Père  aimant que Jésus  a mis  en avant.


Les chrétiens se sont jadis séparés les uns des autres  et se sont érigés en églises distinctes sur des notions de justice.  Ils se sont excommuniés  mutuellement sur des principes légalistes, et aujourd’hui encore ils n’arrivent pas à se réconcilier sur ces mêmes principes alors  que ce qui devrait avoir priorité sur tout le reste devrait être  notre référence à l’amour que Dieu éprouve pour chacun de nous et que nous devrions avoir pour lui et pour les autres.

Selon Jésus le moteur du monde devrait être l’amour, car c’est cette notion qu’il a choisie pour révéler aux hommes sa relation à Dieu qui vient vers eux comme un Père. Cette notion de Père contient en elle  le seul secret  qui nous soit révélé de la part de Dieu et   que nous devons mettre en pratique  pour que le monde  évolue dans la bonne voie. C’est  cet amour que l’on doit  manifester aux autres, même s’ils ne le partagent pas, et même s’ils le combattent.

Jésus savait bien qu’une telle idée serait difficile à faire partager aux hommes, pourtant elle est  la vérité la plus essentielle que Dieu ait voulu nous transmettre. Curieusement les hommes l’admettent volontiers, mais pourquoi ne la mettent-ils pas en pratique ?

Illustrations empruntées à Puvis de chavanne.

jeudi 27 avril 2017

Actes 6 : 1-7 Le premier ministère reconnu est celui du service. dimanche 14 mai 2017



Actes 6 :1-7

1En ces jours-là, comme les disciples se multipliaient, les gens de langue grecque se mirent à maugréer contre les gens de langue hébraïque, parce que leurs veuves étaient négligées dans le service quotidien.
2Les Douze convoquèrent alors la multitude des disciples et dirent : Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables.
3Choisissez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de qui l'on rende un bon témoignage, remplis d'Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cela.
4Quant à nous, nous nous consacrerons assidûment à la prière et au service de la Parole.
5Ce discours plut à toute la multitude. Ils choisirent Étienne, homme plein de foi et d'Esprit saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d'Antioche.
6Ils les présentèrent aux apôtres, qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains.
7La parole de Dieu se répandait, le nombre des disciples se multipliait rapidement à Jérusalem, et une grande foule de prêtres obéissait à la foi.


L’institution d’un collège de chrétiens destinés au service des plus déshérités remonte aux origines  de l’Église.  C’est ce que Luc, l’auteur du livre des Actes a retenu quand il publia son  récit 30 ans après l’événement relaté ici. C’est même une des toutes premières initiatives prises à ce moment là, comme si le bien être des plus démunis faisait partie d’un des enseignements essentiels qu’ils avaient retenus de l’enseignement de leur maître. Luc en a fait état pour aider les premières communautés chrétiennes qui cherchaient à s’organiser dans tous le bassin méditerranéen et qui se servait des écrits de Marc, Matthieu et Luc pour s’édifier en communautés de foi.

Luc écrivait  dans un but didactique, mais il était assez perspicace pour déceler que les choses ne s’étaient pas passées aussi heureusement qu’il le raconte. Son but était d’édifier l’Église et non pas de polémiquer. A le lire avec un peu d’attention on remarquera que, même placée sous  les effets de la descente de l’esprit à Pentecôte, des tensions subsistaient entre  les membres de l’Église naissante, et pas forcément, là où on croyait les discerner.  Qu’on me pardonne si je mets  en cause l’harmonie que l’on croyait exister entre ses membres de  la première église. Bien évidemment ces dysfonctionnements avaient des causes qui rejoignaient sans doute les mêmes dysfonctionnements que l’on note encore aujourd’hui dans  nos églises.

Il y avait parmi les membres de la première église des gens qui subissaient une discrimination à cause de leur origine païenne et bien évidemment on les distinguait grâce   à la langue grecque qu’ils parlaient, alors que les apôtres et les gens d’origine juive parlaient  l’hébreu. Cette discrimination  avait lieu a l’égard des femmes de ce groupe en particulier qui n’avaient pas la protection d’un mari. Il y avait donc deux  groupes dans l’Église qui se distinguaient les uns par rapport aux autres à cause de leur langue et de leur origine ethnique. 

On peut imaginer que les pauvres d’origine juive, donc  officiellement de religion juive, pouvaient trouver des subsides  en se réclamant de la générosité que le Temple devait octroyer à ses pauvres. Cela relevait même d’un commandement. Les grecs, n’étant pas d’origine juive ne pouvaient réclamer le même droit. On ne sait pas d’ailleurs comment ces pauvres de langue grecque avaient rejoint l’église en grand nombre, car s’ils étaient des pèlerins convertis, ils devaient avoir de l’argent avec eux. Peut-être  qu'après Pentecôte, s'étaient-ils joints à l’Église  et  que leurs revenus s' étaient épuisés. Mais là n’est pas le problème pour l’instant. En tout cas ils ne trouvaient pas leur compte auprès de la communauté.

Cette situation insupportable va trouver un remède qui apparemment va satisfaire tout le monde, mais qui, sous couvert d’une « apparente justice » va sans doute couvrir une  « profonde injustice ». En fait le problème de la langue et du manque de ressources parait secondaire. Il semblerait que la plupart des membres de cette fraction de langue grecque étaient issus de la diaspora juive  et étaient vraisemblablement bilingues, comme Paul  à qui Luc consacrera la plus grande partie de son livre. Par contre, ceux qui sont appelés ici, les Hébreux, dont faisaient partie les apôtres, et notamment Pierre étaient uniquement de langue juive. Y avait-il déjà, chez les gens de langue grecque une tendance à s’imposer du fait de leur bilinguisme et de leur grande culture? La suite nous montrera que c’était peut être le cas et qu’il y avait peut être sous-jacent à ce problème de « tables », un problème de rivalité et de jalousie qu’il va nous falloir débusquer.

Pour l’instant, apparemment, le problème était celui des pauvres et pour le régler on  avait eu recours à une sorte d’élection au suffrage universel pour désigner  7 membres d’origine grecque qui géreraient cette difficulté. Quoi de plus équitable que la démocratie pour régler un problème litigieux ?  Bien évidemment  les plus fougueux parmi eux  étaient connus de tous. Ils furent donc désignés par le suffrage universel, avec en premier, Étienne et Philippe dont le livre des Actes parlera très vite après. Les apôtres sacralisèrent leur élection en leur imposant les mains, alors qu’au premier chapitre du livre, on nous dit que Matthias qui fut appelé comme apôtre pour remplacer Judas n’avait pas eu droit à un tel geste de faveur. L’intention maintenant  était  de donner  au nouveaux élus un ministère nouveau  qui les cantonnerait  dans une fonction reconnue : le service des tables. Les voila donc  apparemment écartés de la fonction d’enseignement  désormais réservée aux apôtres.

Il semble donc  que sous couvert d’aider les pauvres, on ait trouvé un moyen de remédier à un autre problème sousjacent,  si non deux : celui de maintenir les apôtres  dans leur privilège d’enseignement et celui de la supériorité de la langue hébraïque sur le grec.

Mais vous l’avez compris, ça ne s’est pas passé comme cela. Les plus déterminés parmi les nouveaux promus, ceux que l’on voulait écarter du ministère de la parole réservé aux apôtres, vont  quand même se consacrer au ministère de l’enseignement avec succès. Dans les pages suivantes du récit  on nous  présentera Étienne et Luc en pleine  action. Étienne sera même le premier martyr et Luc consacrera tout un long passage à décrire avec émotion la grâce qui émanait de lui lors de son supplice.  Curieusement, quelques pages plu loin, on ne fera que mentionner le supplice de Jacques, le premier apôtre martyr. C’est comme si dans ce récit la faveur de l’auteur semblait passer des apôtres de langue juive aux judéo-chrétiens de langue grecque. Il faut dire que dans l’Église  de Luc, 30 ans après, le nom d’Étienne avait été sans doute conservé alors que celui de Jacques avait déjà été oublié.  Quant à l'apôtre Pierre, même si pendant quelques pages, il reste apparemment favori dans le texte, son personnage finira vite par être éclipsé en faveur de Paul et à disparaître lui aussi du récit.

Tout  se passe ici comme si le nouveau collège instauré par l’élection et l’imposition des mains était comme une sorte de clergé  destiné à remplacer le groupe des apôtres qui étaient sans doutes tous morts au moment de la rédaction de ce texte. Les apôtres ne sont plus et la langue grecque a supplanté l’hébreu. Il semblerait  ici que Luc  considère que c’est la langue dominante du lieu où on se trouve qui doit être la langue de l’Église, à la différence de la synagogue  qui considérait que l’hébreu devait s’imposer de partout là où le culte juif était célébré.  C’était sans doute une des questions qui se posait vers les années 80 alors que le schisme entre l’Église et la synagogue n’était pas encore vraiment consommé. Bien évidemment le problème reste secondaire par rapport à celui de la circoncision qui sera posé et pas forcément réglé au chapitre  15 de ce même livre.

Tout au long de mon propos je n’ai pas utilisé le terme de diacre que la tradition a retenu pour désigner le ministère des  7 promus. Il n’est pas utilisé dans le récit mais le sera plus tard dans l’Église pour désigner  ceux qui sont chargés  du service des pauvres. Bien évidemment on réservera d’autres termes pour parler de ceux qui sont chargés de l’enseignement  tels celui de prêtre. La fonction de service  continuera donc  à être considérée comme seconde par rapport à celle de celui qui enseigne.


Mais nous retiendrons de ce texte, malgré les controverses que nous avons soulignées, que c’est la notion de service  qui est première dans toutes les fonctions  qui sont  retenues par Luc, car c’est en étant au service des plus faibles qu’on est fidèle à l’Évangile et on ne  peut se permettre de l’enseigner que lorsque l’on a accompli cette première fonction. Même si ce n’était pas  ce but qui était celui de ceux qui ont instauré la fonction, c’est pourtant ce but qui s’est réalisé, car le saint Esprit  était à l’œuvre  pour que cette vérité s’impose.  

lundi 24 avril 2017

Jean 10:1-10 La parabole du bon berger - dimanche 7 mai 2017



Jean 10/1-10 « La parabole du bon berger » dimanche 7mai 2017

1 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n'entre point par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par un autre côté, celui-là est un voleur et un brigand. 2 Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis. 3 Le portier lui ouvre, et les brebis entendent sa voix ; il appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent et les mène dehors. 4 Lorsqu'il a fait sortir toutes celles qui lui appartiennent, il marche devant elles ; et les brebis le suivent, parce qu'elles connaissent sa voix. 5 Elles ne suivront point un étranger ; mais elles fuiront loin de lui, parce qu'elles ne connaissent pas la voix des étrangers.

6 Jésus leur dit cette parabole, mais ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait.

7 Jésus leur dit encore : En vérité, en vérité, je vous le dis, moi, je suis la porte des brebis. 8 Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des brigands ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. 9 Moi, je suis la porte ; si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera des pâturages. 10 Le voleur ne vient que pour voler et tuer et détruire ; moi, je suis venu, afin que les brebis aient la vie et qu'elles l'aient en abondance.
 11 Moi, je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. 12 Mais le mercenaire, qui n'est pas berger et à qui les brebis n'appartiennent pas, voit venir le loup, abandonne les brebis et s'enfuit. Et le loup s'en empare et les disperse. 13 C'est qu'il est mercenaire et qu'il ne se met pas en peine des brebis. Moi, je suis le bon berger. 14 Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, 15 comme le Père me connaît, et comme je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis

Nous rajouterons au textes prévu pour ce jour les versets 11 à 15qui font partie du même contexte; 

Nous sommes tellement habitués à cette image du bon berger qui donne sa vie pour ses brebis que nous ne faisons pas attention à tout ce qu’il y a derrière ce texte. Nous oublions la plupart du temps que le métier de berger était dans l’antiquité juive, un métier méprisé et qu’il était réservé aux plus modestes. Leur sort était parfois moins enviable que celui d’un esclave. Quant aux moutons, ils ne font pas partie de la catégorie animale la mieux perçue. Ils sont à juste titre considérés comme des animaux peu doués. On ne les élève que pour la viande et accessoirement pour la laine. Ils sont tous destinés à finir sous le couteau du sacrificateur ou du boucher. On a cependant une tendresse particulière pour les agneaux, quand ils sont tout petits. Mais cette tendresse est purement sentimentale et elle décroît à mesure que l’animal vieillit

Nous apprécions cette histoire en fonction de l’intérêt que nous y trouvons en tant qu’humain. Je vous propose cependant de la regarder du côté des moutons. Nous nous demanderons alors en quoi le sort des moutons est modifié s’ils périssent sous les dents du loup plutôt que sous le couteau du sacrificateur ? Violence et cruauté, mort et souffrance sont au même rendez-vous et l’issue de l’entreprise reste la même : la mort. Si le loup est mis en fuite, le berger du troupeau sauve son capital. Il y trouve son compte,  c’est donc  pour une raison économique qu’il peut envisager d’exposer sa vie pour que le troupeau qui lui appartient ne soit pas anéanti. Le mercenaire n’en a cure, il sauve sa vie sans affronter le loup. Il est dit alors que le « bon berger » donne sa vie pour ses brebis ! La belle affaire, elles seront de toute façon sacrifiées et mangées et ne trouveront aucun intérêt dans cette nouvelle situation.


Pourtant, Jésus a bien pris soin d’attirer notre attention sur un autre aspect des choses. Il nous dit qu’il est le « bon berger » pour que ses brebis aient la vie en abondance. Plus question de mort ou de sacrifice, plus question de transformer les brebis en viande,   plus question de voir le côté utilitaire des choses. Avec Jésus les choses prennent une autre couleur, Il nous entraîne sur un chemin irréaliste qui consiste à octroyer aux moutons un autre destin que celui que nous leurs connaissons. Avec Jésus, les brebis auront un autre avenir que celui de servir de nourriture aux hommes.

Il est bien évident que pour nous approprier quelque chose de ce passage il faut que chacun de nous, à son tour se substitue aux moutons de ce texte et comprenne que chacun d’entre nous fait d’abord partie de cette masse humaine qui recouvre la planète comme un troupeau de moutons qui remplirait l’enclos où il est parqué.

Qui sommes-nous si non un individu parmi les milliards qui s’agitent sur la surface de la terre, malmenés par le hasard, bousculés par les éléments et parfois maltraités par les dirigeants ? A vue humaine Il semble que nous soyons tous destinés à disparaître sans ne laisser aucune trace, à part exception rarissime.

A la lecture de ce récit, les choses changent. Chacun d’entre nous, bien qu’il fasse partie de la masse des 7 milliards d’individus que l’on côtoie sur cette planète prend un visage distinct. Nous découvrons que notre existence prend une autre valeur aux yeux de Dieu que celle de se trouver mêlés à la masse de tous les humains qui peuplent cette terre. Notre existence ne consiste plus à être en survie parmi tous ceux qui nous entourent, mais nous sommes destinés à jouir d’ « une super vie » qui s’individualise sous l’influence de Dieu qui nous prend en charge, chacune et chacun à notre tour.

C’est alors que nous devons prendre conscience des loups qui nous menacent. Les loups vont s’en prendre à l’aspect grégaire de notre personnalité, ils vont chercher à faire que nous nous comportions comme des moutons sans berger en détruisant en nous ce qui nous distingue des autres. Ils vont nous faire perdre toute spécificité et feront de nous des consommateurs qu’il faut séduire pour mieux les utiliser et les amalgamer au troupeau. Ils vont nous pousser à croire que pour le prix d’une jouissance immédiate, nous devons consacrer toute notre existence à la sacrifier aux lois du marché et de la mode afin de ressembler le plus possible aux modèles qu’on nous propose d’imiter. Ces loups qui dévorent notre autonomie et notre indépendance sont les alliés de tous les mercenaires qui se donnent des allures de bergers.

Ces mercenaires, ce sont tous ceux qui à coup d’arguments nous assurent que le succès de notre société n’a pas d’autres issue que de vendre son âme à la consommation et à la pensée unique. Ils prétendent que le bonheur est dans la jouissance immédiate. Suivant les époques, leurs discours se sont colorés différemment, mais ils ont toujours visés à engloutir la masse des humains dans des projets globalisants où chacun suivrait le même chemin que son voisin et redouterait d’être différent de lui au risque d’être rejeté.

Les faux bergers se cachent aussi derrières les idées du moment. Elles aussi empruntent le même chemin que la mode. Suivant les époques, et les intérêts de ceux qui influent sur nous, elles nous poussent à devenir des va-t-en guerre ou des va-t-en paix et nous entraînent à discriminer les uns pour valoriser les autres si bien que chacun est invité à faire chorus avec la foule. Chacun s’habille comme tout le monde pour finir par penser comme tout le monde. En tant que minoritaires protestants nous sommes avantagés sur les autres car nous devons résister aux idées du moment pour conserver notre spécificité.

Grâce à Dieu le « bon berger » est là au milieu du troupeau pour faire de nous autres chose que des brebis qui suivent sans retenue celui qui les entraîne. Il est dit qu’il donne sa vie pour nous, c’est à dire qu’il offre son exemple, son évangile, sa manière de penser comme solution alternative aux pressions extérieures qui pèsent sur nous. Il propose le temps et l’éternité là où les valeurs ambiantes proposent l’urgence et les utopies provisoires.

.Il nous propose de trouver en nous-mêmes du sens à notre existence qui ne soit dicté ni par les médias ni par la mode du moment. Il nous apprend que nous ne sommes pas des individus dont la vie est destinée à ressembler à celle de la masse. Il se propose d’enrichir et valoriser notre vie pour qu’elle devienne une super vie. Le bon berger se propose donc de donner de la valeur à notre individu. Il est capable d’aller jusqu’au fond même du cœur de chacun d’entre nous pour y injecter un supplément de vie dont lui seul est dépositaire.

Le « bon berger » ne conçoit nos existences que si lui même  les partage pour y introduire le divin qui est en lui. Ainsi il se propose de nous apporter une originalité qui nous soit propre. Cette originalité consiste à savoir qu’il nous prend lui-même en main et nous propose de vivre selon notre nature profonde qui est marquée du doigt de Dieu depuis les origines de l’humanité. En faisant de nous des individus autonomes et responsables il pèsera sur l’évolution du monde qui s’orientera de ce fait dans le sens où il souhaite qu’il évolue.

Nous n’avons pas vocation à être une goutte d’eau parmi les autres gouttes d’eau, nous avons vocation a devenir des individus distincts des autres au service des autres pour que chacun puisse jouir ici bas d’une vie qui le dépasse. Pour cela il est nécessaire que nous soyons attentifs à la voix du berger et non à celle des mercenaires.

Les illustrations proviennent du Codex Vergilius Romanus