lundi 28 janvier 2019

Luc 5/1-11 A quoi sert notre vie? - Dimanche10 février 2019


Luc Chapitre 5


Les quatre premiers disciples

1 Comme la foule se pressait autour de lui pour entendre la parole de Dieu, et qu'il se tenait près du lac de Gennésareth,

2 il vit au bord du lac deux bateaux d'où les pêcheurs étaient descendus pour laver leurs filets.

3 Il monta dans l'un de ces bateaux, qui était à Simon, et il lui demanda de s'éloigner un peu du rivage. Puis il s'assit, et du bateau il instruisait les foules.

4 Lorsqu'il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avance en eau profonde, et jetez vos filets pour pêcher.

5 Simon lui répondit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre. Mais, sur ta parole, je vais jeter les filets.

6 L'ayant fait, ils prirent une grande quantité de poissons : leurs filets se déchiraient.

7 Ils firent signe à leurs associés qui étaient dans l'autre bateau de venir les aider. Ceux-ci vinrent et remplirent les deux bateaux, au point qu'ils enfonçaient.

8 Quand il vit cela, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus et dit : Seigneur, éloigne-toi de moi : je suis un homme pécheur.

9 Car l'effroi l'avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, à cause de la pêche qu'ils avaient faite.

10 Il en était de même de Jacques et de Jean, fils de Zébédée, les compagnons de Simon. Jésus dit à Simon : N'aie pas peur ; désormais ce sont des êtres humains que tu prendras.

11 Alors ils ramenèrent les bateaux à terre, laissèrent tout et le suivirent.



Luc 5/1-11

Quand on évoque le nom de Jésus, même si on sait que son histoire finit mal on a tendance à être transporté dans un monde où le miracle trouverait tout naturellement sa place si bien que la question se pose de savoir pourquoi son histoire s’est si mal terminée et pourquoi ce temps si privilégié de sa présence a si peu duré. Ce sont ces deux questions qui habiteront aujourd’hui notre propos.

Pour l’instant notre regard s’attarde entre les roseaux pour se porter sur  des hommes fatigués par une nuit de travail sans résultat et qui jettent à nouveau leur filet sur l’injonction d’un inconnu qui a squatté leur embarcation pendant qu’ils réparaient leurs filets. Cet homme  les a invités encore une fois à jeter le filet. Il est fascinant cet homme, on fait ce qu’il dit  sans commenter le bienfondé de son propos. Fait surprenant, les pêcheurs fatigués obtempèrent.  L’intrusion de Jésus sur la barque a changé la donne. Sans savoir comment, ils ont repris espoir, ils ont recommencé à pêcher et la prise a été bonne. Moralité de l’histoire : quand Jésus s’approche des hommes, la vie reprend ses droits et l’avenir leur sourit. C’est en tout cas cette lecture  du texte  que les auteurs de l’Evangile veulent que nous fassions.

Au contact de Jésus la vie des hommes peut devenir différente, l’avenir peut leur sourire et même leur vie professionnelle peut prendre un autre aspect.  Pour mieux entrer dans ce texte nous allons essayer de le lire comme une allégorie. La barque de pêche cesse alors d’être l’instrument de travail de ces hommes d’autrefois, pour devenir le symbole de notre propre existence navigant au gré des eaux au cours desquelles  coule  notre vie. Elle est chargée de notre quotidien dont nous aimerions voir la banalité se transformer en quelque chose de plus stimulant. Nous connaissons bien ce lac sur lequel glisse notre embarcation puisque c’est notre vie. Nous savons bien où dans les roseaux, se cachent les poissons que nous sommes censés pêcher. Nous savons les écueils qu’il ne nous faut pas heurter pour ne pas abimer le bateau, nous savons aussi où sont les hauts fonds où il ne faut pas s’ensabler. Nous savons  aussi, que quand le soleil  darde ses rayons, les poissons ne se laissent pas capturer. Nous connaissons parfaitement tout ce qui fait notre  vie de pêcheur ou de qui que  ce soit d’autre. Nous sommes parfaitement adaptés à la vie que nous menons, mais cette vie ne nous enthousiasme pas.

Notre existence se passe sur les rives du lac comme on le ferait en lisant un livre dont on tournerait chaque jour une page  et dont on sait par cœur le contenu des épisodes déjà vécus. On   devine sans peine, comme par habitude, ce que contiendront  les pages qui ne sont pas encore écrites, jusqu’à la dernière dont nous savons pertinemment, comment elle s’achèvera, même si nous n’en connaissons pas précisément les détails.

Il arrive alors, comme dans ce récit, qu’une voix  venue d’ailleurs  nous interpelle parfois  pour nous interroger. Il ne s’agit pas cette fois  de savoir si la pêche a été bonne mais il s’agit de nous demander si la vie que nous menons nous satisfait. Cette question à laquelle on peut répondre par oui ou par non  ne produit pas en nous une réponse claire, mais déclenche tout un flot de  nouvelles questions que nous nous posons à nous-mêmes. En fait, est-ce que notre vie nous satisfait ? A-t-elle un but ?  Et  ce but s’il y en a un, a- il été prévu à l’avance ?  La vie que nous menons a-t-elle été programmée par quelqu’un d’autre que nous ?  Avant de répondre, il s’agit de réfléchir à ce que nous sommes  et à  chercher  à savoir si on se connaît vraiment soi-même. Se connaître soi-même ! « Gnauthi seauton ».  C’est ce que disait le philosophe  Socrate.   En fait nous passons notre vie à sonder le lac de notre existence pour mieux savoir de quoi nous sommes capables et pour savoir ce que nous pouvons modifier pour être plus performants. Depuis notre plus jeune âge on nous a appris à faire cet exercice afin de nous dépasser, de  dépasser les autres et de toujours nous mettre en valeur.

En écoutant cette voix qui nous interroge nous avons conscience qu’elle pourrait bien être celle de Dieu et qu’elle se confond aujourd’hui avec celle de Jésus qui invite  ces hommes a toujours se dépasser et faire encore mieux. Mais est-ce bien ici le but de l’intervention de Jésus ? Les entraîne-t-il à accomplir une performance humaine et  vise-t-il à  en faire des pécheurs meilleurs que ceux de la barque d’à côté ? Je ne sais, en tout cas ni Jésus, ni les pécheurs ne valorisent cette pêche exceptionnelle. Une fois les filets ramenés sur le rivage, la prouesse de la pêche  ne semble plus avoir aucune importance. Elle n’avait pas pour but, semble-t-il de faire de ces pécheurs  des pêcheurs plus performants que les autres.

C’est  l’Ecclésiaste qui par ses méditations blasées sur le sort humain éclairera peut être notre propos et fera rebondir nos questions. Il dira : «   j’ai construits des villes, j’ai bâtis des entreprises, j’ai parcouru le monde et traversé les mers, mais tout cela n’est que vanité et fuite du temps ! » Si cette réflexion est le reflet de la sagesse biblique,   nous allons nous demander pourquoi Jésus a entraîné ces hommes à  se dépasser ?

C’est alors que nous ramenant  à notre embarcation, la voix  qui nous a interpelés nous invite à continuer notre action. Replonge à nouveau dans le lac, descends jusque dans la boue, remue les galets, fouille les racines des roseaux, et si tu l’as déjà fait recommence, tu finiras par voir alors des poissons qui te sont jusqu’alors inconnus mais  qui s’y trouvaient déjà, sans que tu y fasses attention. Ces poissons ce sont des hommes comme toi, dépassés par tout ce qui les empêche de vivre. Ils sont semblables à toi. Ils pourraient bien être tes frères et ils  t’attendent car c’est eux qui donneront du sens à ta vie. Tu pourras dire alors : Celui que je ne connaissais pas encore  m’a envoyé chercher quelqu’un à aimer et je l’ai trouvé, et  la voix de celui qui se tient sur le rivage et qui t’a interpellé tout à l’heure  te dis maintenant «  je fais de toi un pêcheur d’homme ». La voix de celui qui a interpelé les pêcheurs et qui ensuite t’a interpelé ne cesse de te dire : c’est pour chercher quelqu’un à aimer que je t’ai envoyé.

Le savaient-ils, ces quelques pêcheurs sur le lac, quand il leur demanda de jeter à nouveau leurs filets, que c’est pour rencontrer des hommes qu’il les renvoyait à la manœuvre. En effet, leurs filets à peine retirés, il n’est plus question de la pêche aux poissons. Les marins pêcheurs  rejoignent  à la suite de Pierre celui qui les a envoyés à la recherche de leur prochain. Car ce n’était pas la pêche qui était le but de l’opération, c’était le dépassement de soi vers cet ailleurs du monde où se tiennent tous les prochains qui attendent qu’on les aime. Jésus les a suffisamment motivés pour que ce soit désormais le  service de l’autre qui soit leur premier souci.

Le prochain, qui porte en lui le même visage que Dieu est rarement perçu par nous, comme faisant partie du projet de vie que Dieu nous propose. Certes, nous nous intéressons à lui, certains consacrent même leur vie à son service,  mais tous ces prochains,  que Jésus nous donne à découvrir font-ils  partie du souci premier  de ceux qui ont accepté de suivre Jésus.

L’Evangile ne s’arrête pas là, l’histoire  des hommes en compagnie de Jésus se ne  se termine pas là et  va se poursuivre encore longtemps! Il suffit de regarder le monde d’aujourd’hui  pour constater qu’un grand décalage   subsiste encore entre les projets que  Dieu nous inspire quand il nous envoie à la pêche aux hommes et les projets que construisent les hommes qui se donnent pour tâche de gérer le monde. 

mercredi 23 janvier 2019

Jérémie 1/4-19 : Quand Dieu parle - dimanche 3 février 2019




4 La parole du SEIGNEUR me parvint : 5 Avant que je ne te façonne dans le ventre de ta mère, je t'avais distingué ; avant que tu ne sortes de son sein, je t'avais consacré : je t'avais fait prophète pour les nations.

6 Je répondis : Ah ! Seigneur DIEU, je ne saurais pas parler, je suis trop jeune ! 7 Mais le SEIGNEUR me dit : Ne dis pas : « Je suis trop jeune. » Car tu iras vers tous ceux à qui je t'enverrai, et tu diras tout ce que je t'ordonnerai. 8 N'aie pas peur d'eux, car je suis avec toi pour te délivrer.


9 Alors le SEIGNEUR étendit la main et toucha ma bouche ; puis le SEIGNEUR me dit : J'ai mis mes paroles dans ta bouche. 10 Regarde, je te donne en ce jour autorité sur les nations et sur les royaumes pour déraciner, pour démolir, pour faire disparaître, pour raser, mais aussi pour bâtir et pour planter.

11 La parole du SEIGNEUR me parvint : Que vois-tu, Jérémie ? Je répondis : Je vois une branche d'amandier — de « l'arbre-veilleur ». 12 Et le SEIGNEUR me dit : Tu as bien vu ; car je veille sur ma parole pour l'accomplir. 13 La parole du SEIGNEUR me parvint une deuxième fois : Que vois-tu ? Je répondis : Je vois une marmite qui bouillonne du côté du nord. 14 Et le SEIGNEUR me dit :

C'est du nord que le malheur déferlera sur tous les habitants du pays.15 Oui, j'appelle tous les clans des royaumes du nord — déclaration du SEIGNEUR.

Ils viendront, et chacun d'eux placera son trône à l'entrée des portes de Jérusalem, devant ses murailles, tout autour, et devant toutes les villes de Juda. 16 Je prononcerai mes jugements contre eux à cause de tout le mal qu'ils font : ils m'ont abandonné, ils offrent de l'encens à d'autres dieux, ils se prosternent devant l'œuvre de leurs mains.

17 Quant à toi, tu passeras une ceinture à tes reins, tu te lèveras et tu leur diras tout ce que, moi, je t'ordonnerai. Ne sois pas terrifié par eux, de peur que je ne te terrifie devant eux.

18 Moi, aujourd'hui, j'ai fait de toi une ville forte, une colonne de fer, une muraille de bronze, face à tout le pays : devant les rois de Juda et ses princes, ses prêtres et le peuple du pays. 19I ls te feront la guerre, mais ils ne l'emporteront pas sur toi, car je suis avec toi — déclaration du SEIGNEUR — pour te délivrer.



Comment savoir quand Dieu parle ? Il arrive qu'au cours de nos méditations, nous ayons l'impression d'être habités  par des idées qui ne semblent pas nous appartenir et que nous identifierions  volontiers à l'écho de la voix de Dieu. Mais ces voix qui raisonnent en nous viennent-elles de lui  ou sont-elles le produit de nos fantasmes ? Comment ne pas s’interroger, quand aujourd’hui des jeunes gens  croient recevoir de Dieu l’injonction de tuer  les infidèles  et qu'ils y obéissent aveuglément ?  Même si ce phénomène  se produit dans une autre religion que la nôtre aujourd'hui, il s’est cependant aussi manifesté par le passé dans les différents courants du christianisme.   Ce phénomène  qui se produit par  moment au cours des siècles  nous fait douter aujourd’hui de la capacité de Dieu de nous parler.


Mais si Dieu parle encore, il est important de comprendre comment il le fait. L’injonction  de tuer les infidèles ne semble pas correspondre à ce que nous pouvons entendre de lui, puisque l’Écriture,   fait de Dieu le pourvoyeur de la vie. Il serait plus logique de penser qu’il nous envoie redresser des vies plutôt que de les détruire. Mais comment est-il possible d’entendre telles exhortations? Comment ne pas penser qu'elles sont, si elles existent  le fruit de nos fantasmes ?

De tout temps des hommes ont cru entendre Dieu leur parler pour les envoyer accomplir une mission. Chez certains, cette exhortation  a porté des fruits, chez d'autres elle est restée sans suite, ce qui ne veut pas dire que Dieu n 'ait pas parlé

La jeunesse est généreuse et impulsive, elle recherche la complicité  de Dieu,  pour justifier des élans de générosité. Elle  ignore la sagesse que donne l’âge mûr et se rit des difficultés qui n’ont pas encore surgies sous ses pas. Il y a souvent un Martin Luther King  ou une Mère Thérésa qui sommeillent en eux, et il leur est agréable de penser que c’est Dieu qui les stimule sur le chemin  de l’aventure à la rencontre de prochains en perdition.

Le temps passant, ces projets s'affadissent souvent sans se concrétiser. Et ceux qui les ont formulés ne savent plus  vraiment si Dieu les a réellement inspirés.  Sans doute l’expérience spirituelle de Jérémie qui  est le sujet de notre propos de ce jour  a peut être fonctionné en lui, comme nous venons de le relater. Il a sans doute perçu la voix de Dieu au milieu d’un chaos de contradictions parmi les quelles il a du faire le tri : « Avant que je te façonne dans le ventre de ta mère, je t’avais choisi ! » avait-il entendu. Ces paroles nous ont été rapportées comme le récit clair et précis de sa vocation. Il  a  cru les entendre quand il était encore  adolescent et qu’il était destiné  par les lois de sa naissance à exercer la prêtrise dans un modeste sanctuaire de province.  Il a rapporté ces propos et les a mis par écrit bien plus tard quand il a réalisé qu'ils avaient  vraiment trouvé leur source en Dieu (1) L'appel de Dieu a agir se trouve généralement confirmé par la suite.

A plusieurs reprises, au cours  de sa prodigieuse carrière, Jérémie a  été amené à faire  le point sur sa vie écoulée. Il  s’est souvenu de ses origines obscures et glorieuses tout à la fois. Il était à la fois l'obscure desservant d'un sanctuaire de province et le descendant d'un grand prêtre ami de David. II a réalisé que Dieu l’avait accompagné malgré les revers qu’il a affrontés. Si depuis sa plus tendre enfance la voix de Dieu a raisonné en lui, ce ne fut cependant pas d’une manière aussi claire que ce texte a bien voulu le dire. Quiconque connaît un peu son histoire sait que pour accomplir sa fonction de prophète, il est passé par des moments de doute terrible, y compris le doute concernant la réalité de Dieu. 

Comment pouvait-il entendre Dieu lui parler alors que tout se dressait contre lui et que dans son cœur le doute s’était installé ? Loin d’être une conversation intime avec Dieu sa prière a souvent ressemblé à un réquisitoire redoutable contre lui. « Tu m’as séduit Seigneur et je me suis laissé séduire » lui a-t-il dit parfois , mais il gardait en lui une intuition de Dieu dont il ne se départit jamais. Il était persuadé que Dieu agissait en lui  comme son libérateur et le libérateur de son peuple. Était-ce de la foi ? Était-ce la vanité de croire qu’il avait  seul, raison contre tous ? C'est une question qui le taraudait.

 Il percevait parfois Dieu comme celui qui détruisait  son peuple et qui se servait de lui pour le faire. « Je t’envoie pour arracher et abattre, pour que tu fasses périr et que tu détruises, pour que tu bâtisses et que tu plantes » avait-il  cru entendre. Il doutait alors de Dieu  lui-même. Ces paroles pouvaient-elle être celles de Dieu ? Dieu le chargeait de s'attaquer au ritualisme religieux, il lui demandait de bousculer les institutions  pour sauver son peuple.Comment proclamer la bienveillance d’un Dieu libérateur avec une telle vocation ?

 Malgré tout, il croyait profondément à la fidélité de son Dieu, mais les événements semblaient dire le contraire. Il se sentait contraint par Dieu de  faire autre chose que ce qu'il éprouvait dans sa sensibilité profonde. Sa foi en était ébranlée, sa vocation chancelait et le fil conducteur de sa vie était prêt à se rompre.

Il pensait cependant  que Dieu qui l’entraînait dans cette voie le confortait malgré tout dans les convictions profondes qui étaient les siennes. La seule Parole qui le motivait se trouve en conclusion du récit de sa vocation : « Ne crains rien, je suis là pour te libérer. »

Après cette incursion dans la vie de Jérémie, il est temps maintenant de revenir à nous-mêmes. et de chercher le fil conducteur qui nous a servi à orienter notre propre foi en fonction des intuitions  que Dieu nous donne. 


Ce fil est comme tous les fils, il se présente souvent comme bien embrouillé. On sait cependant, sans trop savoir comment, que Dieu a marqué de sa présence cet embrouillamini dont quelques chose de bon a réussi à se maintenir. Parfois le fil nous apparaît comme rompu, nous révélant alors nos ruptures avec Dieu. 

Nous n’ignorons pas qu’il est toujours possible de renouer les deux bouts d’un fil cassé. C’est Dieu qui nous pousse à le faire. Quand les deux extrémités de ce fil sont renouées la relation avec Dieu se rétablit même si elle a été interrompue depuis de nombreuses années et des nouveaux projets peuvent naître sous son inspiration.

Ainsi, les croyants que nous sommes, quand ils font le bilan de leur vie  avec Dieu découvrent-ils qu'il y a eu des hauts et des bas. Certainement le fil qui a marqué le cours de leur vie, comme pour celle de Jérémie, s’est rompu à plusieurs reprises. Il est évident que les moments d'épreuve ont emmêlé les fils d’une manière inextricable. Le prophète, quant à lui a toujours réussi à renouer les liens,  car il ne s’est jamais départi de la certitude selon laquelle, Dieu était toujours celui qui sauve. Pour  chaque croyant, même si sa foi s'est étiolée au point de disparaître, cette même certitude doit lui permettre de garder pied  et de renouer  une relation avec Dieu.  

Quand on croit que le fil est rompu et même quand on ne sait plus ce que signifie la notion  de salut, Dieu maintient toujours en nous son empreinte grâce à laquelle les liens les plus emmêlés redonnent sens à nos existences. Dieu ne cesse jamais d’être présent dans notre vie, même quand les événements semblent le démentir.



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(1) Tout porte à croire en effet que Jérémie descendait d’Abiatar, ce grand prêtre exilé à Anatot par Salomon pour haute trahison. Il fut réduit à la portions congrue de la desserte du sanctuaire local. Ses descendants auraient hérité à la fois de la fonction et de la malédiction. Jérémie se trouve au rang de ceux là.

jeudi 17 janvier 2019

Jean 2/1-12 Les noces de Cana - dimanche 20 janvier 2019 déja publié en 2016


Les noces de Cana: Jean 2:1-12



1 Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. 2 Jésus aussi fut invité aux noces, ainsi que ses disciples. 3 Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n'ont pas de vin. 4 Jésus lui répond : Femme, qu'avons-nous de commun en cette affaire ? Mon heure n'est pas encore venue.

5 Sa mère dit aux serviteurs : Faites tout ce qu'il vous dira. 6 Il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs et contenant chacune deux ou trois mesures. 7 Jésus leur dit : Remplissez d'eau ces jarres. Ils les remplirent à ras bord. 8— Puisez maintenant, leur dit-il, et portez-en à l'organisateur du repas. Ils lui en portèrent. 9 Quand l'organisateur du repas eut goûté l'eau changée en vin — il ne savait pas d'où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l'eau le savaient — il appelle le marié 10 et lui dit : Tout homme sert d'abord le bon vin, puis, quand les gens sont ivres, le moins bon ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent.

11 Tel fut le commencement des signes de Jésus, ce qu'il fit à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples mirent leur foi en lui. 12 Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils n'y demeurèrent que peu de jours.





Les jeunes gens qui préparent leur mariage vont être déçus car ils ne trouveront ici aucune indication pour préparer le leur. En effet, il s’agit bien d’un mariage qui nous est raconté ici, mais on ne nous dit rien de la cérémonie. On dit que le mariage est le moment où deux familles s’associent, mais ici on ne rencontre pas les familles. On a tant dit de choses sur les mariages et Jésus n’en dit rien !

L’Évangile de ce jour nous présente un mariage où apparemment les règles  ne sont pas respectées. Il s’agit d’un mariage où les mariés sont absents. L’ordonnancement de la fête est mal fait et les personnages de l’Évangile que l’on retrouve ici ne sont pas dans leur rôle. Marie qui est la première nommée prend le pas sur Jésus et se mêle de ce qui ne la regarde pas. Jésus, mis en cause rabroue sa mère. Mais si elle n’est pas dans son rôle de mère, quel est vraiment le rôle de Marie ? C’est sur son instigation que Jésus fait un miracle, mais ce miracle était-il bien utile ? Jésus le fait en catimini, comme s’il avait honte de donner à boire à des gens déjà ivres si bien que les gens responsables du repas et le marié lui-même qui fait ici une furtive apparition dans le texte n’en savent rien. Et les choses qui n’étaient pas conformes aux usages entrent dans l’ordre sans même que l’on sache s’il y avait eu vraiment du désordre. Étonnant, non ?

Il y avait donc du désordre et personne ne le savait. C’est la mère de Jésus qui s’en aperçoit et elle prétend y remédier avec l’aide de son fils. Pour y remédier, Jésus doit prendre la place du mari, ce qui n’est pas très indiqué quand on est invité à une noce. Jésus doit se substituer à lui en intervenant dans l’ordonnancement des boissons. En prenant pour un instant le rôle de l’époux, Jésus permet que le désordre cesse.. Et c’est peut être bien à ce constat que le récit veut nous amener.

Pourquoi donc nous avoir raconté un mariage où les choses vont de travers et où l’auteur ne nous dit pas qui se marie. On ne nous dit pas qui sont les amis qui entourent les mariés invisibles qu’on ne connaît pas et qu’on ne connaîtra jamais. On ne voit pas pourquoi on nous a raconté cette histoire si non pour nous dire que Jésus s’est fait manipuler par sa mère pour faire un miracle contestable que personne, ou presque ne remarque. Et c’est Marie qui a eu cette surprenante idée.

On a l’habitude de lire ce texte en focalisant notre attention sur le miracle et on oublie ce qu’il y a d’inhabituel dans le contexte. Présenté sous le jour où je l’ai fait, ce passage est peut être trop surprenant.  Compte tenu de toutes ces anomalies, je vais vous entraîner à le lire d’une manière symbolique. Apparemment ce n’est pas le récit de la noce qui est important, ni le miracle d’ailleurs mais ce sont toutes ces circonstances que je viens de pointer. L’intérêt du récit est peut être dans cette relation curieuse qu’il y a entre Marie et Jésus où ils semblent être à la fois en situation d’opposition et de complicité  relative.

Le mariage se place habituellement au début de la vie d’un couple. Quoi qu’aujourd’hui on nous ait habitués à quelques variantes sur la question. Le mariage donc est une fête qui se déroule au début d’une aventure conjugale. Si on réalise que l’on est au début de l’Évangile, il n’est pas impossible de penser que ce mariage pourrait bien être celui de l’Église avec le Christ.

 Depuis l’origine des temps, le couple formé par Dieu et les hommes ne marche pas bien. L’histoire de l’Ancien Testament nous a raconté la relation orageuse entre Dieu, qui s’offre comme époux à l’humanité et Israël présentée comme son épouse. Le prophète Osée  a du symboliser dans sa propre vie l’union entre Dieu et Israël. Dieu lui demande d’épouser une prostituée. Telle est la promise de Dieu, tel est son peuple.

Nous avons vu que Jésus prend ici subrepticement le rôle de l’époux. Serait-il le futur époux du peuple de Dieu ? Est-ce pour cela qu’il est si discret ? Le récit de ce mariage commence par l’expression : Trois jours après ! Mais après quoi ? Nous savons bien que le 3 eme jour est le jour de la résurrection. Ce récit des noces de Cana ne peut donc être lu que dans le contexte de la résurrection. Et comme à la résurrection, Marie était là. Marie a toujours joué un double rôle, elle est mère de Jésus et elle est figure de l’Église qu’elle anticipe. En tant que mère, elle porte toute la tradition du peuple d’Israël et en tant qu’Église, elle en est l’héritière. C’est elle, en tant que porteuse de la tradition qui reconnaît en Jésus le Fils de Dieu et c’est elle qui en tant qu’Église est témoin de la résurrection et devient servante du Seigneur.

 La prière de Marie exprimée dans son intervention : « ils n’ont plus de vin » signifie que bien qu’enivrés de tous les biens que Dieu leur donne depuis toujours, les hommes ne sont toujours pas désaltérés, ils n’ont toujours pas compris le mystère de Dieu ! Et Marie exprime alors les revendications d’une humanité qui n’a toujours rien compris au projet de Dieu. Marie messagère des hommes porte leurs revendications devant  le Christ. Est-elle dans le rôle du Saint Esprit étrangement absent dans ce récit  ou dans celui de l’Église ?  Peut -être  est-elle dans les deux ?   Elle est dans celui du Saint Esprit qui révèle les mystères de Dieu aux hommes  et dans celui de l’Eglise qui, porteuse de l’Esprit remplit les mêmes fonctions ?

Marie, peuple de Dieu, Marie Église de Jésus Christ en devenir,  Marie image de l’Esprit Saint, attire l’attention de Jésus sur le vin qui risque de manquer. Le vin c’est la joie donnée par Dieu et l’espérance de la vie. Mais les hommes aspirent à un autre vin, un vin nouveau. Jésus le leur offre. C’est Marie devenue symbole du Saint Esprit qui le leur révèle et c’est Marie image de l’Église qui le manifeste au monde.  Ce vin c’est bien entendu ce vin partagé au soir du vendredi saint, quand Jésus ouvre l’éternité à son Église en devenir. Le vin qui faisait  défaut, c’était  la joie du Royaume, manifesté dans la résurrection. Mais la résurrection ne prend de signification profonde que si Jésus la donne en se donnant, comme l’époux quand il se donne à son épouse.

Jésus en se retournant vers Marie, l’Église, l’interroge sur la teneur de sa foi et l’on sent des reproches dans le ton de sa voix. A-t-elle enfin compris qu’il est venu pour faire toute chose nouvelle ? Six jarres de vin nouveau suffiront-elles à apaiser nos doutes et à fortifier notre foi ? Non certes ! Les 6 jarres à nouveau pleines nous aideront sans doute à grandir sur le chemin de la foi, mais il n’y a que 6 jarres et non sept, comme on pourrait s’y attendre dans un langage symbolique. Il n’y a que 6 jarres, cela signifie que la Création n’est toujours pas achevée. Il faudra encore attendre que la 7 eme jarre nous soit offerte, que le 7 eme jour ait commencé pour que l’union du Christ et de son Église puisse être célébrée dans une harmonie enfin retrouvée.

Les choses commencées dans le désordre sont en train de rentrer dans l’ordre, la création continue à évoluer vers sa perfection qui se manifestera totalement quand nous verrons 

 les serviteurs apporter la septième jarre de vin nouveau. Cette septième jarre est encore à venir. Et les serviteurs qui la préparent, qui sont-ils ? Mais c’est vous bien sûrs qu’ils symbolisent. Ils préparent par leurs actions, par leur témoignage et par leur foi le Royaume qui vient. Ils accomplissent les désirs de Marie qui sait de quelle espérance les hommes ont besoin et qui la réclame à son fils. Elle est l’Église, remplie de l’Esprit qui intercède pour le monde quand elle prie en disant « que ton règne vienne ». Ainsi, sommes-nous invités, dès l’ouverture de l’Évangile à nous laisser abreuver de nouveauté et d’espérance par Jésus qui veut rester discret au cœur de la foule des hommes pour que leur espérance se colore d’audace et de foi.

lundi 7 janvier 2019



Luc 3/15-22
Comme le peuple était dans l'attente, et que tous se demandaient si Jean n'était pas le Christ, 16 il leur répondit à tous : Moi, je vous baptise d'eau, mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et ce serait encore trop d'honneur pour moi que de délier la lanière de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit saint et le feu. 17 Il a sa fourche à la main, il va nettoyer son aire ; il recueillera le blé dans sa grange, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint pas. 



.18 Jean annonçait la bonne nouvelle au peuple avec beaucoup d'autres encouragements.

19 Mais Hérode le tétrarque, à qui Jean faisait des reproches au sujet d'Hérodiade, femme de son frère, et au sujet de toutes les mauvaises actions qu'Hérode avait commises, 20 ajouta encore à toutes les autres celle d'enfermer Jean en prison. 



21Quand tout le peuple reçut le baptême, Jésus aussi reçut le baptême ; et, pendant qu'il priait, le ciel s'ouvrit, 22 et l'Esprit saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et il survint une voix du ciel : Tu es mon Fils bien-aimé ; c'est en toi que j'ai pris plaisir.





J'ai écrit ce sermon il y a trois ans et je l'ai gardé tel quel en y apportant quelques légères modifications.



La prédication de Jean laisse entrevoir le début d’une ère de paix, de partage et d’amour que Dieu est en train d’instaurer pour le bonheur des hommes. Mais qu’en est-il vraiment de ce Dieu auquel il se réfère comme un Dieu d’amour et que son successeur Jésus considérera comme son père?  Malgré les sentiments d'extrême bonté que l’on prête à Dieu, il n’est  pourtant pas venu secourir le prophète Jean Batiste annonciateur du Messie  menacé par Hérode. On le soupçonne aussi d’avoir laissé son propre fils mourir sur une croix pour sauver les hommes. On a prétendu qu’il a accepté ce mal pour provoquer un bien beaucoup plus grand. Dieu peut-il s’accommoder d’un moindre mal pour favoriser un bien plus grand? C’est ici la grande question que se pose le  christianisme  depuis deux mille ans. Nous allons essayer d’y voir plus clair à propos de l’histoire de Jean Baptiste et de Jésus.

Le texte unit les deux hommes dans la même continuité spirituelle. Il s’achève sur le récit du  baptême de Jésus par lequel  Jean semble lui conférer  un droit de succession. Dans le même temps, l’ombre du tétrarque plane au-dessus de Jean annonçant sa mort prochaine. La mort de Jean semble arriver  en temps opportun pour laisser toute la place à Jésus. Si Dieu avait miraculeusement sauvé Jean, sa présence aux cotés de Jésus n’aurait-elle pas nuit à sa mission?  La question est bien évidemment sans réponse.  On peut cependant  se demander si Dieu n’a pas laissé faire pour que les choses se passent sans qu’il y ait interférence de l’un sur l’autre.

A partir de cette question, on peut   se demander si Dieu n’utilise pas parfois  certaines actions mauvaises menées par les hommes ou provoquées par la nature pour permettre qu’un mieux  s’installe parmi les humains afin de faire avancer l’histoire à sa guise.    Il nous faut donc approfondir la question pour savoir comment Dieu se situe. Gardons   la question en suspens pour l’instant et projetons-nous  trois ans plus tard au moment où Jésus lui-même fut mis à mort. On  a encore aujourd’hui l’impression pénible que Dieu aurait pu intervenir au lieu d’opposer un silence insupportable aux coups de marteau du bourreau clouant Jésus sur la croix.

Les Écrivains bibliques, n’ont pas commenté ce silence de Dieu lors de la mort de Jean, par contre, pour Jésus, ils ont laissé entendre que c’était écrit à l’avance et que la mort de Jésus aurait été bel et bien programmée par Dieu. En acceptant  de mourir d’une manière aussi infâme que celle qu’il a connue, Jésus se serait soumis à la volonté de son Père. En tout cas c'est cette interprétation que la tradition semble avoir favorisé.

Ce n’est pas parce que nous posons la question du silence apparent de Dieu que nous allons la résoudre. Elle  va cependant alimenter notre réflexion pendant quelques instants. Est-il donc possible que Dieu se taise quand les hommes souffrent, et est-il possible qu’il tire un bien d’un mal qu’il aurait laissé faire? 

Beaucoup de croyants trouvent une réponse à leurs souffrances  dans une telle approche,  et acceptent  plus volontiers leurs souffrances s’ils pensent qu’elles entrent dans un projet de Dieu. Ils considèrent  que si Dieu laisse faire c’est que, dans sa bonté il a construit un projet    qui permettra que d’autres humains en éprouvent un mieux-être. Le malade qui souffre d’un mal incurable espère que son mal  permettra aux chercheurs de faire un pas de plus sur le chemin de la découverte d’un médicament ou d’un vaccin et que Dieu en lui donnant du courage pour résister dans la souffrance permet à la médecine de progresser. 

Le prophète Esaïe semble vouloir aller dans ce sens quand il campe le portrait du serviteur souffrant qui accepte sans protester qu’on lui arrache  la barbe ou qu’on agisse envers lui comme on le ferait d’un mouton que l’on traine à la boucherie (1). Les évangélistes en rapportant le récit sur la mort de Jésus ont vu en lui une figure prophétique du Messie agonisant pour sauver le monde.

On s’est tellement habitué à cette  explication qu’on  imagine mal qu’il puisse y en avoir d’ autres, car la souffrance pèse d’un tel poids dans notre existence et dans l’histoire des hommes qu’il faut bien l’intégrer dans un  projet divin, sans quoi la vie elle-même deviendrait inacceptable et la porte serait ouverte au désespoir et à la perte de la foi.  Il faut bien que les choses en soient ainsi sans quoi on n’aurait pas pu dire que l’Église s’est nourrie du sang des martyrs, car leur supplice,  loin de l’anéantir l’a faite progresser, comme si  la mort héroïque des témoins de Dieu avait nourri la foi des incroyants au point  qu’ils se convertissaient. C’est un fait  incontestable  que  les persécutions ont entrainé des actes de foi et des conversions. Mais était-ce inscrit dans le plan de Dieu? 

Jean Baptiste, et Jésus  après lui ont parlé d’un Dieu  d’amour. Ils n’ont pas cherché à instaurer une pratique religieuse basée sur la souffrance. Mais pour bannir la souffrance et l’injustice qui règnent sur le monde, n’a-t-il  pas   fallu que Dieu s’en mêle au prix de compromissions choquantes?

Face à un monde qui s’enlise dans l’injustice, Jésus n’a proposé qu’une seule porte de sortie, celle de l’amour et de l’altruisme. Il n’ignorait pas cependant qu’il rencontrerait plus  d’incompréhensions que d’adhésions.  Il savait, que ceux qui chercheraient à mettre ses préceptes en pratique en pâtiraient, mais  il savait aussi que son enseignement finirait par porter ses fruits, parce qu’il portait en lui une vérité qui émanait de Dieu, c’est pourquoi  les souffrances des martyrs aidant,  la foi chrétienne a réussi à gagner toute une partie du monde.

Le monde dans lequel vivait Jésus, comme le nôtre est un monde où la vie du plus fort  se nourrit de la vie des plus faibles. Nous  considérons comme une vérité fondatrice que  dans ce monde  les plus forts doivent profiter des  plus faibles et que les moutons produisent de la laine pour que les hommes les en dépouillent. Cela entraine des injustices et  aussi  des souffrances. L’espèce humaine évolue dans ce milieu mais y participe aussi.  Or  depuis  que Dieu    est entré en contact avec les hommes, depuis qu’Abraham s’est senti personnellement interpelé par Dieu, Dieu a montré son désaccord avec  ce mode de vie  où la domination  des uns sur les autres aurait  force de loi.

Les prophètes ont  répercuté cette protestation de Dieu,  et c’est par leurs écrits qu’elle nous est connue. On trouve ainsi sous la plume d’Esaïe une prophétie étrange selon laquelle le lion  et le bœuf ensemble mangeront de la paille  (2). Ceux qui  ont reçu pour mission de parler au nom de Dieu se sont  laissés  aller à envisager un monde utopique où la violence sera proscrite et ne servira plus de règle pour gérer l’avenir. Loin d’envisager que la violence puisse   servir ses projets, Dieu inscrit l’absence de violence,  comme seule méthode possible pour gérer le monde selon sa volonté.  Ce projet prend déjà corps dans le baptême que Jean propose aux foules et dont il baptise Jésus. 

 Bien entendu, les ablutions de purification étaient déjà pratiquées dans le judaïsme, mais avec Jean et plus tard avec Jésus elles deviendront un rite d’adhésion à la foi. Le baptême va alors  remplacer la circoncision qui était caractérisée par une souffrance et une blessure du corps. Il remplacera aussi les sacrifices qui  eux aussi  faisaient souffrir les  animaux. Seul un peu d’eau suffira désormais à marquer l’entrée des hommes dans le projet de vie établi par Dieu à leur intention.  Toutes les souffrances requises par le passé  au nom de Dieu seront désormais abolies.

Tout se passe comme si Dieu se désolidarisait    définitivement  de toutes les formes que pouvait prendre la violence. Bien entendu, les souffrances subies par les hommes  n’ont pas Dieu pour cause, mais cela n’empêche  pas pour autant Dieu   de transformer en bien le mal causé par la souffrance. Il nous faut donc innocenter Dieu de la mort de Jean Baptiste ou de Jésus et de toutes les souffrances qui sont subies sur cette terre. Il nous faut donc expliquer l'implication de Dieu dans la mort de Jésus d'une autre manière que celle que nous admettons habituellement.  Dieu  combat le mal et ne l’utilise pas.

Dans cette longue  aventure de  la lutte de Dieu contre la souffrance, Jésus   prendra soin de rajouter un nouveau rite qui contient  peut être la clé de l'énigme : celui du partage. Il est tellement fort qu'il prendra par la suite une valeur  sacramentelle. Ce partage sera celui du pain et du vin qui sont les éléments de base de la nourriture. Ils ne nécessitent aucune violence pour les acquérir si non une violence sur soi-même puisque le partage est un rite d’amour   qui implique que l’on s’efforcera d’aimer ceux que l’on n’aime pas forcément. 

Ce geste d’amour ne nous est nullement imposé, il correspond à un élan du cœur vers Dieu et  implique notre accord sur sa manière de gérer le monde. Si le nombre des croyants se mettait  à augmenter nous pourrions augurer de la venue d’une ère de paix pour ce monde. L’avenir heureux du monde dépend donc de la manière dont  les croyants d’aujourd’hui sauront convaincre leurs contemporains de la justesse du projet divin pour ce temps et les encourager à y adhérer.



1. Esaïe 50/6-53/7
2. Esaïe 65/25

Illustrations Nicolas Poussin






mardi 1 janvier 2019

Matthieu 2/1-12 Et Dieu dans tout ça, dimanche 6 janvier 2019


Matthieu 2/1-12



1 Jésus  étant né à Bethléhem, de Judée, au temps du roi Hérode, des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem,

2 Et dirent: Où est le roi des Juifs qui est né? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l'adorer.

3 Le roi Hérode, l'ayant appris, en fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.

4 Et ayant assemblé tous les principaux sacrificateurs et les scribes du peuple, il s'informa d'eux où le Christ devait naître.

5 Et ils lui dirent: C'est à Bethléhem, de Judée; car il a été écrit ainsi par le prophète:

6 Et toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre entre les principales villes de Juda; car c'est de toi que sortira le Conducteur qui paîtra Israël mon peuple.

7 Alors Hérode, ayant appelé en secret les mages, s'informa d'eux exactement du temps auquel avait paru l'étoile.

8 Et les envoyant à Bethléhem, il leur dit: Allez, et informez-vous exactement du petit enfant, et quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j'y aille aussi, et que je l'adore.

9 Eux donc, ayant entendu le roi, s'en allèrent; et voici, l'étoile qu'ils avaient vue en Orient allait devant eux, jusqu'à ce qu'étant arrivée sur le lieu où était le petit enfant, elle s'y arrêta.

10 Or à la vue de l'étoile ils furent remplis d'une très grande joie.

11 Et étant entrés dans la maison, ils trouvèrent le petit enfant, avec Marie sa mère, et se prosternant devant lui ils l'adorèrent; et ouvrant leurs trésors, ils lui présentèrent des dons, de l'or, de l'encens et de la myrrhe.

12 Puis, ayant été divinement avertis par un songe de ne pas retourner vers Hérode, ils se retirèrent en leur pays par un autre chemin. 





Nous ne pouvons échapper à la tradition des vœux que  nous avons l’habitude d’échanger à ce moment de l’année. En préparant ce premier sermon de l’année, je pense à ce que j’ai écrit l’an dernier à la même occasion. Pourrais-je dire autre chose cette année ? Vous trouverez ce sermon en composant : Esaïe 60/1-6 sur votre écran d’ordinateur, rubrique « sermon du dimanche matin ». Je n’ai sans doute pas autre chose à dire. Pourtant en relisant le texte prévu pour ce jour, je constate comme sans doute l’ont fait la plupart des prédicateurs, que ce récit s’appuie sur un texte apparemment légendaire, qui  fait état de songes et de rêves nocturnes inspirés par Dieu et que l’astrologie y occupe une bonne part. Pour faire plus authentique, l’auteur a exhumé une prophétie de Michée, ignorée jusque-alors pour donner une coloration plus authentique  à son récit. Et depuis l’origine de ce texte, nous en sommes toujours au même point. Nos désirs et nos souhaits n’évoluent toujours pas d’avantage.

Nous attendons toujours de Dieu qu’il prenne en main ce monde que par égoïsme les hommes ont défiguré. Nous espérons  que malgré tout Dieu interviendra dans ce monceau de détresses pour  le faire évoluer vers un avenir meilleur. Nous rêvons qu’il fasse venir sur nous une justice que nous nous sommes appliqués à discréditer et qu’il permettra, contre nos désirs secrets, que les pauvres soient moins pauvres et les riches moins riches, sans que cela change quoi que ce soit dans notre propre existence . Mais nous formulons ces souhaits depuis si longtemps et aucun n’a jamais été exaucé par Dieu, si bien  que nous excluons de nos pensées toute possibilité de voir Dieu intervenir dans un avenir que nous continuons à malmener.

Pourtant les hommes auraient-ils assez de sagesse pour considérer qu’ils réclament de Dieu  qu’il  transforme le cœur des hommes alors, que dans l’ensemble ils n’en n’ont guère envie. Ils demandent à Dieu de les transformer contre leur gré. Partant de ce constat, les penseurs contemporains nous ont habitués à  voir le monde à partir de la-non existence de Dieu.  Etant incapables d’envisager leur propre incapacité à se transformer, les hommes  accusent Dieu d’impuissance.

Mais puisque les hommes sont incapables de se transformer eux-mêmes, puisque  ils se sont habitués à se passer de Dieu, on pourrait se demander, si pour sortir de cette impasse, ils ne pourraient pas  changer leur image de Dieu ?  Mieux, si au lieu de penser  que Dieu pourrait changer le monde comme par magie, les hommes se mettaient à croire à la légende de Noël qu’ils répètent chaque année pour se faire plaisir.  Ne pourrait-on pas croire, une bonne fois que nous pourrions-nous mêmes entrer dans la légende, relever nos manches et aider les rennes à manœuvrer le charriot afin qu’il aille là où on ne l’attend pas. Le traineau avec ses clochettes et l’abondance de ses cadeaux  pourrait parcourir, avec notre aide, les camps de fortune où il n’y a pas de cheminée  pour que le Père Noël  les garnisse de présents.  En se mettant à croire activement à la légende  on s’apercevrait  sans doute qu’elle cache en elle le message que Dieu réserve aux hommes depuis l’origine des  temps, mais auquel  personne ne fait l’effort de croire.

Telle est la vertu que l’on accorde en ces temps au petit Jésus, mais pour ne pas y croire vraiment on continue à la cacher dans une histoire impossible. Et c’est  à cause de l’ aspect légendaire  de cette histoire que l’on prétend qu’il est impossible de croire en Dieu et  que l’homme est à tout jamais condamné à disparaître avec ce monde qu’il s’acharne à se pas vouloir transformer.

 A moins que Dieu s’en mêle. Mais Dieu s’en est déjà mêlé et on ne le croit pas.  En tous temps et en tous lieux on répète que Dieu est amour,  et que la seule clé qui ouvre l’avenir est d’aimer son prochain comme soi-même, mais Dieu ne s’est jamais permis de imposer ce message, il s’est contenté d’en donner l’exemple en renonçant lui-même à sa divinité pour rallier les rangs des hommes les plus vulnérables, les rejetés par la société et les condamnés à mort.

Le Dieu qui se cache dans la mangeoire d’une étable n’agit pas par les miracles qui nous transformeraient  contre notre gré,  mais en donnant à son Esprit la possibilité de pénétrer en chaque homme, de parler à son cœur et de lui suggérer de faire librement ce qu’il lui inspire.  L’Esprit agissant de Dieu continue à le  rendre invisible, mais  il le rend accessible. Le miracle qui s’ensuit c’est que nous risquons  d’éprouver le désir d’être nous-mêmes  transformés, si nous le voulons. Inutile alors d’accuser les autres, les grands de ce monde et les puissants d’être égoïstes si nous-mêmes ne cultivons pas en nous le désir d’être transformés. C’est là que réside le miracle de Noël.

Ce Dieu que notre société rejette nous croit capables de mettre en pratique ce qu’il nous inspire. Il nous croit capables de  remettre en cause par nous-mêmes les projets égoïstes que nous formulons, car il ne le fera pas lui-même. Jésus n’a-t-il pas enseigné en son nom que le pardon permettait de supprimer les barrières que nous construisons contre nous-mêmes pour nous empêcher d’avancer. Si Dieu, comme il est dit, a créé l’homme à son image, c’est  que nous sommes capables de ne jamais baisser les bras et de toujours remettre en œuvre ce qu’il nous inspire. A Noël Dieu nous sauve de nous-mêmes en faisant de nous des êtres de progrès, capables d’avancer en donnant toujours priorité aux autres et en usant du pardon pour toujours recommencer quand nous nous sommes fourvoyés.