Esaïe 35/4-7
La voie sacrée
1Le désert et le pays desséché s'égayeront ;
la plaine aride tressaillira d'allégresse et fleurira
comme le narcisse
;
2 elle se couvrira de fleurs et tressaillira
avec chants d'allégresse et cris de joie ;
la gloire du Liban lui sera donnée,
la magnificence du Carmel et de la plaine côtière.
Ils verront la gloire du SEIGNEUR,
la magnificence de notre Dieu.
3 Rendez fortes les mains faibles,
affermissez les genoux qui font trébucher ;
4 dites à ceux dont le cœur palpite :
Soyez forts, n'ayez pas peur :
il est là, votre Dieu !
La vengeance viendra,
la rétribution de Dieu ;
il viendra lui-même vous sauver.
5 Alors les yeux des aveugles seront dessillés,
les oreilles des sourds s'ouvriront ;
6 alors le boiteux sautera comme un cerf,
et la langue du muet poussera des cris de joie.
Car de l'eau jaillira dans le désert,
des torrents dans la plaine aride.
7 Le lieu torride se changera en étang
et la terre de la soif en fontaines ;
dans le domaine où se couchaient les chacals,
il y aura place pour les roseaux et les joncs.
8 Il y aura là un chemin frayé, une voie ;
on l'appellera « Voie sacrée ».
L'impur n'y passera pas ;
elle sera pour ceux qui la suivront,
et les imbéciles ne s'y égareront pas ;
9 là il n'y aura pas de lion ;
les animaux voraces n'y viendront pas,
on ne les y trouvera pas ;
là marcheront des gens rédimés ;
10 ainsi ceux que le SEIGNEUR a libérés
reviendront.
Ils arriveront à Sion avec des cris de joie,
une joie perpétuelle couronnera leur tête ;
la gaieté et la joie viendront à leur rencontre,
le chagrin et les gémissements
s'enfuiront.
Après cinquante ans d’exil, il était temps que
les choses changent et que Dieu
accomplisse enfin ses promesses. Les exilés espéraient une justice réparatrice
pour leur peuple. Ils espéraient que Dieu les vengeraient de la destruction de
leur pays et de leur temple. Ils continuaient à croire en la promesse des
prophètes selon laquelle « un reste devait revenir « (Esaïe 10/21)
telle semblait être l’opinion la plus répandue parmi les plus religieux d’entre
eux. Malgré la dureté de la situation, un certain nombre d’entre eux avaient
prospéré et avaient organisé leur existence sans songer au retour. Ils avaient
organisé leur vie religieuse d’une autre façon et s’en portaient bien,
puisqu’ils avaient établi des lieux de
réflexion de culture juive d’où naîtra
bien plus tard, le Talmud de Babylone.
Ceux qui espéraient un retour possible
prêtaient attention aux événements politiques du moment. Le conflit avec les Perses et la venue au
pouvoir de Cyrus, leur permettaient d’espérer l’annonce du retour. Mais avec le
temps, les hommes avaient changé. Ils
s’étaient habitué à célébrer leur culte autrement, sans temple ni
prêtres. Dieu lui-même avait changé de visage au cours de ces années et les
mots que l’on utilisait pour parler de lui n’avaient parfois plus le même sens. Ce fut notamment
le cas du mot vengeance.
La notion de vengeance qui est mentionnée dans ce texte ne signifiait plus un retour en
force dans les lieux jadis occupés par leurs ancêtres. Elle ne signifiait plus
l’anéantissement de l’adversaire selon une justice que les textes de Moïse leur
avaient enseigné. La vengeance était perçue désormais comme le rétablissement
de la norme de vie pour tout ce qui n’y entrait pas. Les aveugles se
mettraient à y voir clair, les muets retrouveraient la parole et les sourds le
sens de l’ouïe. Le désert serait arrosé
et le culte à l’Eternel serait caractérisé par les chants célébrant la gloire de Dieu.
La description des jours nouveaux ne comprend
donc plus de violence contre personne. Dieu lui-même prend un visage différent
de ce que la tradition avait retenu de lui. Il se caractérisait désormais par
sa volonté de rendre aux hommes leur
dignité perdue et de rendre à la nature sa fonction de terre habitable pour
tous, c’est pourquoi le prophète envisage que les bêtes sauvages deviennent
dociles et que les sources jaillissent
dans le désert. Dieu se faisait le
partenaire des hommes et de la nature pour un bonheur généralisé
.
Certes, tous avaient du mal à accepter ce
nouvel aspect de Dieu. Cela n’était sans doute pas nouveau, mais on l’avait jusque-là
ignoré. En fait, les prophètes accablés par les malheurs des peuples provoqués
par l’exil, cherchaient à se situer par
rapport à Dieu et c’est cet aspect du divin qui prit désormais le dessus, celui
qui consiste à accompagner les hommes et
à faire corps avec eux quand les difficultés les assaillaient.
Si Dieu lui-même faisait cause commune avec les
hommes en difficultés, il ne pouvait plus être perçu comme le responsable de
leurs malheurs et faire peser sur eux un châtiment quelconque. Ce Dieu qui
devenait partenaire des hommes et qui créait l’espérance là où elle tendait à
faire défaut mettra encore longtemps à s’imposer pour être compris par les
hommes. Il faudra attendre la mort de
son plus fidèle défenseur, Jésus le Christ pour que ce nouveau visage de Dieu
caché jusqu’alors et s’impose aux hommes. Et même après la mort du Christ
combien de croyants chercheront encore en lui le Dieu du jugement qui impose
aux hommes la rigueur de sa vengeance.
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