13 C'est vous qui êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus bon qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes. 14 C'est vous qui êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. 15 On n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. 16 Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos œuvres bonnes, et glorifient votre Père qui est dans les cieux.
Il y a une habitude qui habite notre esprit, c’est celle qui consiste
à désigner par « siècle des lumières » celui des philosophes du XVIII eme siècle dont une des
particularités est de mettre en
doute la réalité de Dieu. Elle les met en opposition avec les discours de la
Bible qui utilisent l’image de la
lumière pour désigner la présence de Dieu parmi les hommes. Cette expression de siècle des lumières a
fait école et c’est par elle que l’on
désigne l’époque où on a commencé à prendre ses distances par rapport à Dieu. Or le texte
de l’Evangile que nous lisons aujourd’hui utilise l’expression de «
lumière du monde » pour désigner
l’homme quand il est sensé ressembler le plus à Dieu. N’y a-t-il pas
discordance quelque part ?
En opposition à ce qui vient
d’être dit, à l’époque de Jésus
l’expression de lumière qualifiait l’action divine. Dans les textes de la nativité que nous
venons de vivre, c’est la lumière d’une étoile qui annonce la venue de Dieu en Jésus sous forme humaine. Dieu
s’incarne dans la lumière d’une étoile pour diriger ceux qui le
cherchent vers le lieu où il a pris naissance. C’est également en créant la lumière que Dieu donne le coup d’envoi de la création du monde. Nous nous interrogerons donc sur la manière
dont les Ecritures utilisent la lumière pour désigner l’intervention de Dieu dans le
monde. Nous mettrons donc cette lumière en opposition avec cette époque où les hommes ont défié
Dieu en s’appropriant une image qui jusqu’ici lui était réservée. Comment se fait-il que l’homme se
soit servi des attributs de Dieu pour mieux le contester ?
En faisant cette remarque nous
n’oublierons pas la prophétie de Siméon
lors de la présentation de Jésus au
temple qui annonçait que cet enfant serait la lumière du monde, mais aussi un
signe qui provoquera la contradiction. La contradiction dans la manière de
penser les choses devient évidente dans les constations que nous venons de mentionner.
Au XVIII eme siècle les
philosophes se sont crus suffisamment éveillés à la critique du monde pour se
passer de Dieu dans la formulation de leurs pensées. Ils en ont profité pour
s’attaquer à lui en s’appropriant l’image de la lumière le désignant habituellement.
On ne peut désormais avoir un discours
sur Dieu sans songer à ceux qui
avaient inauguré une nouvelle manière de
penser le monde en enlevant ses
responsabilités à Dieu.
Avant d’entrer dans le débat,
revenons à Jésus qui a fait cette
affirmation surprenante en revêtant les hommes que nous sommes des attributs de
Dieu : « vous êtes la lumière du monde ». Est-ce à dire que
selon Jésus les hommes devraient tenir un rôle capital dans la manifestation de
Dieu au monde ? Jésus suggérerait-il que c’est par le comportement des humains que le monde
accéderait à la connaissance de Dieu ? En fait, il semblerait que «
être la lumière du monde » devrait être la fonction de celui qui
répond à l’appel de Jésus et qui choisit de se mettre à sa suite en décidant de
suivre son enseignement dont il vient de donner la teneur dans les béatitudes.
En effet, Jésus vient de donner les béatitudes, comme le sommaire de tout son
enseignement à venir. Il y fait de l’amour inconditionnel le centre de la
pratique qu’il enseigne. Il recommande de
tout sacrifier à son prochain d’une telle manière que nous aurions vraiment du
mal à l’appliquer. Il s’agirait de s’oublier personnellement au profit de quiconque croise son chemin et
de réserver de l’attention à ceux qui nous ignorent, nous méprisent voire même
nous persécutent. C’est par ce genre de pratique que la lumière de Dieu se
mettra à briller sur notre chemin. Cette lumière sera précisément celle que
Jésus nous charge de faire briller pour
manifester l’attention que Dieu porte aux hommes. Curieusement, les philosophes chercheront
par leurs discours à obtenir les mêmes effets, c’est-à-dire l’amélioration du
sort de l’humanité. Mais une telle
démarche les conduira pour la plupart à
la négation de Dieu alors qu’ils chercheront à
obtenir les mêmes effets que ceux
recherchés par Jésus.
Mais nous n’en avons pas fini
avec ces contradictions au sujet de la lumière et de l’emprise de l’homme sur
elle. Conduit-elle à la découverte de Dieu ou à sa négation ? Poursuivons
notre propos à partir de ce que nous découvrons encore dans la Bible. Curieusement
la Bible s’ouvre par le récit de la
création de la lumière, car pour la Bible tout commence
par elle, c’est en la créant que Dieu prend le monde en charge. Dieu achève la création au
septième jour en créant l’homme comme si, Dieu avait créé l’un et l’autre,
lumière et humanité comme commencement at achèvement de la création. Ils seraient
ainsi devenus complémentaires l’un de l’autre. C’est la lumière qui donne de la
réalité au monde, tandis que l’homme créé à l’image de Dieu donne du sens à ce que la lumière ouvre à la vie.
Voilà la mission qui semble
nous être confiée par Dieu et que Jésus met en évidence. Pourtant l’homme n’a
jamais vraiment compris que telle était
sa fonction. Quand l’homme songe à son
rôle sur terre, il s’enferme dans le
rôle de coupable où il se plait à croire que Dieu l’a condamné et il cherche à
en sortir pour plaire à Dieu. Les théologiens de tous les temps l’ont enfermé dans ce rôle alors qu’à
l’origine Dieu a voulu faire de lui une
lumière pour révéler sa volonté au monde qui est de faire le bonheur de tout ce
qui y vit et dont l’homme serait l’instrument de prédilection.
Ceux qui nous ont transmis
l’histoire de l’homme à travers toute la Bible ont insisté sur ses erreurs.
C’est le déluge qui a retenu leur attention, c’est au récit de la tour de Babel
qu’ils se sont attachés, ce sont les mauvais comportements des rois
d’Israël qu’ils ont retenus et qui selon eux ont rempli le cœur de Dieu de
tristesse et ont attisé sa colère contre les hommes. Depuis longtemps, pourtant des voix prophétiques s’étaient élevées, elles avaient dit les
actions qui plaisaient à Dieu et qui étaient à la portée de chacun. Elles véhiculaient déjà l’idée de partage et de collégialité de
l’humanité. Jésus a repris ces propos après eux. Mais malgré les évangiles, malgré les propos de compassion de
Jésus, les théologiens sont restés sourds à
l’enseignement de Jésus qui voulait
dépasser l’univers de la faute dans
lequel les hommes s’enfermaient pour les ouvrir à une autre possibilité d’action, celle qui consistait à tisser des
liens entre les hommes, de bannir la haine et de faire de la place à
l’espérance de promouvoir l’amour du prochain en toute occasion. C’est cela qui
était vraiment la parole de Dieu et qui
manifestait la lumière que Dieu avait chargé les hommes de répandre depuis la
création.
Reprenant l’idée de lumière,
les philosophes du XVIII eme siècle en ont profité pour s’en attribuer le
privilège et le retirer à Dieu. Nous
voilà tombés en pleine contradiction comme
le vieux Siméon le prophétisait à Jésus. D’une part les croyants cherchaient
à plaire à Dieu en se retirant du monde pour ne pas l’accabler de leurs
erreurs, d’autre part les autres
voulaient changer le monde en
refusant toute action de Dieu sur lui. Les choses continuent à suivre
leur cours en oubliant qu’à l’origine Dieu a cherché à éclairer le monde en
mettant l’homme à son service par la
pratique du partage et de l’espérance.
Aujourd’hui encore les hommes s’enfoncent dans leur irresponsabilité en
s’accusant eux-mêmes de tout ce qui ne
va pas sur la planète, mais refusent de mettre en action la seule chose qui leur a été demandé depuis les
origines celle de regarder leurs semblables avec le même regard que celui de Dieu pour eux, celui de frères.
Quoi qu’il en soit, les récits
sur la création rappelle aux hommes que Dieu les charge de puiser dans les
Ecritures le message que Dieu révèle aux hommes depuis toujours afin d’orienter le monde vers les projets d’origine
de Dieu qui est d’inscrire l’amour, le partage et l’espérance dans le destin du
monde. C’est ainsi qu’il évoluera et sera sauvé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire