Matthieu Chapitre 5 : LE SERMON SUR LA MONTAGNE Dimanche 2 février 2014
1 Voyant la foule, Jésus monta sur la montagne, il s'assit, et ses disciples s'approchèrent de lui. 2 Puis il ouvrit la bouche et se mit à les enseigner :
3 Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux !
4 Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés !
5 Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !
6 Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !
7 Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde !
8 Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !
9 Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu !
11
Heureux serez-vous, lorsqu'on vous insultera, qu'on vous persécutera et
qu'on répandra sur vous toute sorte de mal, à cause de moi. 12 Réjouissez-vous
et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans
les cieux, car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont
précédés.
C'est par le mot heureux que commence le tout premier enseignement de Jésus. « Heureux êtes-vous » dit-il, et à la suite de ce mot qu'il répète 10 fois tels les 10 commandements de Moïse, (1) il dresse la liste de tous les gens de son entourage qui n'ont aucune raison d'être heureux, puisqu'ils sont pauvres, ils pleurent, ils sont endeuillés, ils n'ont plus de ressource, ils sont déçus par l'iniquité de la justice humaine, ils sont naïfs et doux dans une société de violence, ils sont maltraités à cause de leurs idées, ils sont persécutés, parce qu'ils suivent Jésus. Tous ces gens marginalisés par la société ou frustrés par les événements, Jésus les proclame "heureux" .
Comment recevons-nous une telle affirmation ? Si nous étions dans leur cas, et nous le sommes parfois, nous chercherions à ne plus être victimes ni de notre pauvreté, ni de notre tristesse, ni de notre malheur. Si parmi-nous, certains ont dit que c’était un honneur que d'être martyrisé au nom de Jésus Christ, bien peu revendiquent cette situation.
Depuis que Jésus a prononcé ces paroles, les Eglises s'en sont délectées. On les a chantées, on les a récitées, et on continue à le faire. Elles nous servent à consoler ceux qui sont victimes de mauvais sorts et à les encourager à croire que Dieu ne les abandonnera pas. Cependant, quoi qu'on en dise, nous n'avons pas envie de nous trouver dans la situation de tous ceux qui sont marginalisés par leur situation et qui en souffrent.
Pourquoi donc Jésus a-t-il prononcé ces paroles ou pourquoi les a-t-on mises dans sa bouche? Quelle était la visée ? Certains ont cru que Jésus annonçait une révolution sociale et même une révolution cosmique. Ils ont cru que Jésus allait inaugurer un temps nouveau où le Dieu tout Puissant ouvrirait les cieux et renverserait l'ordre social en détruisant toutes les inégalités. Ils croyaient que le Royaume de Dieu allait enfin s'établir sur terre. Ceux-là ont été déçus, ils ont quitté Jésus discrètement les uns après les autres. Le dernier parmi les déçus qui soit resté dans l'entourage du Seigneur a sans doute été Judas.
Il aurait livré Jésus, selon certains interprètes pour
contraindre Jésus à inaugurer un ordre nouveau en convoquant les
légions d'anges pour le défendre. En effet, Jésus n’avait-il pas parlé
d’un Royaume des cieux susceptible de s’instaurer sur terre ? Ce fut
peine perdue. Jésus s'est laissé arrêter, le ciel ne s'est pas ouvert,
Michel et ses anges ne sont pas venus. Bref ce fut raté, car il n’y eut
aucune manifestation spectaculaire de la part du Seigneur, au contraire,
ce fut la débâcle. Les conjurés se sont égayés dans la nature, laissant
le «maître» seul, au pouvoir de ses ennemis qui
organisèrent un procès truqué pour le condamner et qui obtinrent sa
mort en faisant chanter le préfet Ponce Pilate. Pour couronner
le tout, Judas se suicida et Jésus agonisa et mourut abandonné de tous.
Ce fut la fin des illusions. Ce fut la fin de l'ordre nouveau.
Les amis de Jésus encore tout effrayés par ce week-end d'horreur découvrirent avec stupéfaction que le maître était vivant. Non pas qu'il ait survécu à son supplice, car ils l’avaient vu mort, mais qu'il était vivant autrement. Il vivait après sa mort d'une vie qui lui venait d'ailleurs, et il vit encore de cette manière - c'était la résurrection - A partir de ce moment là certains ont commencé à penser que c'était à eux, les compagnons du maître d'organiser la suite, de mettre en pratique les béatitudes, de venir consoler ceux qui pleuraient, d'intervenir dans les cas d'injustice sociale, en d'autre terme de prendre la défense des plus faibles contre les plus forts. Ils se sont sentis investis d'une mission qui consistait à promouvoir un nouvel ordre social et à secourir toutes les misères. Ils ont organisé une société modèle, celle de l’Eglise primitive dont le livre des Actes nous rend compte. Depuis ce moment les églises se sont reconnu cette vocation d'être témoin d'une nouvelle manière d'être en société.
Pour être témoin des merveilles annoncées par Jésus, il fallait d’abord se décider à vivre autrement. C'est cette voie qu'il nous faut explorer maintenant, celle qui nous invite à vivre d'un autre façon. C'est en la mettant en pratique que nous serons heureux. Le problème, consiste à savoir ce qu'est la vie autrement. Nous sommes bien convaincus de la nécessité qu'il y a à mettre les béatitudes en pratique, mais nous n'avons pas envie d'être les premiers à le faire ni les seuls, ni d'être différents des autres en le faisant. Au contraire, en dépit de nos affirmations concernant notre droit à la différence, nous cherchons plutôt la conformité.
Notre seule envie est de satisfaire nos désirs immédiats et de profiter au mieux des avantages que nous donne cette société. Celui qui nous promet que nous serons heureux si nous suivons ses enseignements ne nous a pas donné de modèle particulier. Il nous a seulement proposé de vivre avec cette pensée selon laquelle si nous voulons vivre selon la volonté de Dieu il faut donner priorité aux autres. C’est alors que Jésus sera présent à nos côtés. Dans ces conditions, sa présence nous entraîne à vivre autrement.
La présence de Jésus auprès des hommes n’a jamais cessée. Bien que vivant il y a 2000 ans, sa résurrection nous le rend tout aussi présent aujourd'hui. Il se tient à nos côtés, comme il était à côté de ceux qui étaient avec lui au bord du lac. C’est avec l'aide et le soutien de son esprit qu’il place en nous qu’il nous aide à prendre nos problèmes en charge. Il nous aide à prendre notre situation en main en mettant en nous l'énergie dont nous avons besoin pour aller plus avant. C’est en réalisant cela que nous découvrons la pertinence de la traduction qu' André Chouraqui, le célèbre philosophe juif, a fait de ce texte. Il a en effet rendu le mot « heureux » par l’expression « en marche » .
En effet, pour se mettre en marche, il faut le vouloir. Si nous avons ce désir, Jésus nous prend alors la main et ne nous lâche pas. Il nous pousse en avant pour que notre marche soit toujours triomphante. Il nous entraîne à le suivre ainsi dans l'Eternité où il est déjà. Plus le chemin de l'éternité se précise, plus sa main se fait ferme, plus sa voix se fait précise, plus nous désirons le garder comme compagnon de route et plus nous sommes heureux en sa présence.
En constatant la différence de traduction entre nos Bibles qui rendent le grec makarios par heureux et M. Chouraqui qui dit : "En marche", on est en droit de se demander qui a raison? Nous sommes bien évidemment séduits part la traduction de A.Chouraqui, mais comment la concilier avec le mot grec makarios qui signifie "heureux"? Il nous faut refaire le même parcours que lui pour découvrir que le mot qui traduit « heureux » en hébreu est un mot issu de la racine du verbe marcher (Asher) ce qui pourrait vouloir dire que l'homme "heureux" c'est l'homme qui marche.
Bien évidemment en ce début de vingt et unième siècle, nous n’avons pas l’impression que nos Eglises soient vraiment en marche, on a plus l’impression qu’elles sont à la traîne. Et que leur seule vraie préoccupation est de subsister face à un monde qui n’accepte pas l' Evangile.Il
Il ne faut pas s'attrister à cause d’une telle situation car Jésus n'a rien figé à l’avance. Il nous a promis le " bonheur" même en état de manque, de contestation, de rejet ou d’indifférence. Il ne nous a pas interdit non plus , ni de changer les structures de l’Eglise, ni de la faire évoluer, si elles paraissent ne plus correspondre à notre temps. La vraie joie que Jésus dépose en nous est celle de nous laisser imprégner par l'amour du prochain quelle que soit la situation que nous traversons au point qu'une telle attitude devienne chez nous une seconde nature. Il nous attend pour nous mettre en marche afin qu’avec lui, nous inventions ensemble, et dans la joie l’Eglise de demain.
"En marche donc ! Vous les affligés, vous les pauvres, vous les assoiffés de justice » car, en compagnie de Jésus, il est déjà en train de se passer quelque chose qui fera de nous des êtres différents.
Pourquoi différents?
Parce que déjà ressuscités.
Tableau de Karol Ferenczy
Tableau de Karol Ferenczy
(1) pour les puristes le dixième heureux est contenu dans le verbe kariete, réjouissez-vous où on retrouve le même radical qu’heureux
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