Jean 14 : 15-21 l'Amour de Dieu -
dimanche 25 mai 2014
15 Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements. 16 Moi, je demanderai
au Père de vous donner un autre défenseur pour qu'il soit avec vous pour
toujours, 17 l'Esprit de la vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce
qu'il ne le voit pas et qu'il ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez,
parce qu'il demeure auprès de vous et qu'il sera en vous.
18 Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viens à vous. 19 Encore un peu, et le monde ne me verra plus ; mais vous, vous me verrez, parce que, moi, je vis, et que vous aussi, vous vivrez. 20 En ce jour-là, vous saurez que, moi, je suis en mon Père, comme vous en moi et moi en vous. 21 Celui qui m'aime, c'est celui qui a mes commandements et qui les garde. Or celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; moi aussi je l'aimerai et je me manifesterai à lui.
22 Judas, non pas l'Iscariote, lui dit : Seigneur, comment se fait-il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde ? 23 Jésus lui répondit : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera ; nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure auprès de lui. 24 Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles. Et la parole que vous entendez n'est pas la mienne, mais celle du Père qui m'a envoyé.
25 Je vous ai parlé ainsi pendant que je demeurais auprès de vous. 26 Mais c'est le Défenseur, l'Esprit saint que le Père enverra en mon nom, qui vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que, moi, je vous ai dit.
Une immense
bonté habite le monde, mais qui s’en rend compte ? La lecture de nous
journaux quotidiens semble même nous dire le contraire. Ils ne cessent de nous
énumérer toutes ces choses dont l’humanité serait victime, si bien qu’on
a pris l’habitude de considérer que le monde serait aux mains du
« mauvais » et que c’était lui qui en était devenu le maître. Dans le
récit de la Tentation rapporté par les évangiles ne nous raconte-t-on pas qu’il
se présente comme le maître du monde ? Si Jésus ne tombe pas dans le
panneau, la plupart des humains se laisse avoir.
Sans doute
les médias, aussi se font prendre au même piège et s’ingénient à
présenter le mauvais côté des choses. Cependant, il suffit de jeter un
coup d’œil sur tout ce qui nous entoure pour constater la beauté qui irradie de
toute part. Du lever du soleil jusqu’à son couchant, que de merveilles ne
défilent pas sous nos yeux ! Avec un peu d’attention nous voyons
la bonté de tous ces humains à l’œuvre quand ils s’entraident
mutuellement. Nous partageons aussi cette immense espérance
qui fait vibrer nos cœurs et qui installe en nous l’idée que demain
portera des fruits meilleurs que ceux d’aujourd’hui.
Il y a un
fond d’optimisme en nous que nous prenons soin de cacher, comme si c’était
malsain de voir les choses sous un jour heureux. Ce fond d’optimisme correspond
sans doute à la trace de Dieu qui se promène incognito dans notre
monde (1) et qui sème quelques bribes de lui-même partout où il passe. C’est ce
qui nous permet inconsciemment de profiter de la vie.
Pourtant ce
sont d’autres idées sur Dieu qui habitent nos esprits. Elles sont assez
généralement partagées dans ce monde-ci. Dieu serait perçu par beaucoup
comme l’ « être suprême » cher aux philosophes des Lumières qui ne
se soucierait pas beaucoup du sort de l’humanité. On le considère, dans
le meilleur des cas comme celui qui aurait jeté le monde sur sa lancée, mais
qui, depuis le big-bang qu’il aurait initié, le laisserait évoluer
à sa guise. Ce Dieu ne serait en rien dérangé par les guerres que se font
les hommes entre eux, ni par les trains qui déraillent, ni par les
petits enfants qui ont faim.
Telle est la
vision de Dieu qui se répand dans notre société. Si on croit en Dieu, on ne lui
accorde que peu de cas. Notre société évolue sur un fond de panthéisme qui nous
suggère qu’à la fin, notre vie s’achèvera dans un Grand Tout où
curieusement nous conserverons peut-être une partie de notre personnalité. Ce sont les
média qui encore une fois accréditent cette idée. En effet, il suffit qu’une
personnalité disparaisse pour que l’on nous suggère que là où elle est
désormais, elle nous voit et participe d’une manière ou d’une autre à la suite
des événements. Nos contemporains s’approprient volontiers les idées d’un
de nos anciens présidents défunts qui avant de mourir laissait entendre
qu’il ne nous quitterait pas tout à fait parce qu’il croyait aux forces de
l’esprit. Mais bien évidemment nous avons du mal à nous y retrouver.
Dans le
monde antique juif dont nous sommes héritiers et dans lequel vivait Jésus, il
n’en allait pas ainsi. On pensait que Dieu était beaucoup plus présent dans le
monde dont il avait jeté les bases. On pensait qu’il pouvait intervenir
dans la société des hommes pour faire respecter ses préceptes et ses lois, sans
quoi le monde ne pourrait évoluer selon le programme qu'il aurait établi. Le
Dieu créateur aurait fait l’homme libre. Seulement sa liberté se limiterait à
discerner sa volonté et à la respecter. Partant de préceptes remontant à Moïse,
et même au-delà de lui à Noé, les penseurs de la Bible ont rédigé tout un
arsenal de préceptes, au nombre de 613, qu’il fallait respecter, sous peine de
voir le visage de Dieu s’empourprer pour laisser éclater sa colère et punir les
contrevenants. Dieu était cependant perçu comme infiniment bon mais sa
bonté, pour s’exercer impliquait que l’on respecte ses commandements.
C’est dans
ce double contexte du présent et du passé que nous nous approprions le message
de Jésus pour ce jour. Il précise ses rapports avec Dieu et avec nous.
Bien entendu il ne s’accorde avec aucune des thèses suggérées dans mon
propos. Ses rapports avec les hommes sont réglés par la notion d’amour. L’amour
de Dieu pour les hommes tel que Jésus l’enseigne est inconditionnel. Dieu
est perçu par Jésus comme un Père essentiellement bon. La bonté de
Dieu se répand sur le monde et Dieu la communique aux hommes par le relais de
Jésus. Grâce à ce nouveau regard que Jésus porte sur Dieu, les choses prennent
un aspect bien différent et notre relation à Dieu prend une allure toute
nouvelle. Le vrai visage de Dieu se révèle alors à nous grâce à notre capacité
à aimer. Tel serait en quelque sorte le testament spirituel de Jésus avant son
départ de ce monde.
Bien que cet
enseignement de Jésus nous soit connu de longue date, nous avons conservé de
par nous-mêmes des conceptions de Dieu qui relèvent encore de la
conception des contemporains de Jésus auquel il s’est vivement opposé. Un tel
portrait de Dieu où la notion d’amour serait dominante nous paraît encore
vraiment réducteur. Nous considérons que les attributs traditionnels de Dieu n’
y sont pas assez pris en compte. Beaucoup trouvent que l’on n’insiste pas
assez sur la toute-puissance de Dieu, ni sur sa capacité à créer,
ni sur sa justice.
En fait
Jésus ne met nullement en cause les attributs de Dieu, mais il rappelle que
l’essentiel dans la relation que Dieu veut entretenir avec les hommes est
l’amour qui passe avant la justice, la loi et son action de
créateur. Si cette capacité à aimer est première en Dieu, elle doit l’être
aussi, bien évidemment en l’homme. C’est en mettant l’amour en pratique
que nous maintiendrons une relation cohérente avec Dieu.
Il est
important de constater que dans notre lecture de l’Évangile, nous avons
bien repéré l’insistance que Jésus accorde à l’amour que les hommes doivent
avoir les uns pour les autres et aussi pour Dieu. Il est inutile d’énumérer
toutes les paraboles qui insistent sur cet aspect des choses. Il est aussi
inutile de rappeler tous les passages où Jésus parle du commandement d’amour.
Pourtant nous donnons priorité à d’autres valeurs dans nos relations à Dieu, et
sans même nous en rendre compte, nous donnons priorité aux anciennes valeurs du
judaïsme contre lesquelles Jésus s’est élevé avec force. Nous mettons en avant
notre péché, comme s’il fallait encore et toujours négocier notre pardon. Nous
nous interrogeons sur notre salut. Nous revêtons Dieu de la toge du juste juge
en oubliant que c’est la notion de Père aimant que Jésus
a mis en avant.
Les
chrétiens se sont jadis séparés les uns des autres et se sont érigés en
églises distinctes sur des notions de justice. Ils se sont excommuniés
mutuellement sur des principes légalistes, et aujourd’hui encore ils
n’arrivent pas à se réconcilier sur ces mêmes principes alors que ce qui
devrait avoir priorité sur tout le reste devrait être notre référence à
l’amour que Dieu éprouve pour chacun de nous et que nous devrions avoir pour
lui et pour les autres.
Selon Jésus
le moteur du monde devrait être l’amour, car c’est cette notion qu’il a choisie
pour révéler aux hommes sa relation à Dieu qui vient vers eux comme un Père.
Cette notion de Père contient en elle le seul secret qui nous soit
révélé de la part de Dieu et que nous devons mettre en pratique
pour que le monde évolue dans la bonne voie. C’est cet amour
que l’on doit manifester aux autres, même s’ils ne le partagent pas, et
même s’ils le combattent.
Jésus savait
bien qu’une telle idée serait difficile à faire partager aux hommes, pourtant
elle est la vérité la plus essentielle que Dieu ait voulu nous transmettre.
Curieusement les hommes l’admettent volontiers, mais pourquoi ne la mettent-ils
pas en pratique ?
(1) Einstein
Illustrations:
Puvis de Chavanne sur le thème du bonheur
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