Quand Dieu appelle
1:14 Après que Jean eut été livré, Jésus alla dans la Galilée, prêchant l'Évangile de Dieu.1:15 Il disait: Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle.1:16 Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, frère de Simon, qui jetaient un filet dans la mer; car ils étaient pêcheurs.1:17 Jésus leur dit: Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes.1:18 Aussitôt, ils laissèrent leurs filets, et le suivirent.1:19 Étant allé un peu plus loin, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère, qui, eux aussi, étaient dans une barque et réparaient les filets.1:20 Aussitôt, il les appela; et, laissant leur père Zébédée dans la barque avec les ouvriers, ils le suivirent.
Le temps est accompli! De quel temps peut-il
s’agir si non du temps que Dieu s’est réservé depuis toujours pour marquer
l’accomplissement de sa révélation ? Comme Dieu est le maître du temps et qu’il
semblait avoir programmé ce moment de longue date, les hommes étaient en droit
d’attendre une manifestation spectaculaire. Or, il n’en était rien. Il semble
même que Jésus se payait de mots en annonçant un temps qui ne se voyait pas.
Jean, celui qu’on appelait le baptiste avait fait
naître de nouveaux espoirs, mais il avait été arrêté par les sbires du
tétrarque et les geôles d’Hérode rendaient rarement leur proie. Il n’y avait
plus grand chose à attendre. Il avait bien désigné Jésus comme candidat pour
être Messie, mais il ne s’était encore rien passé, et lui n'allait pas tarder à
mourir. Que pouvait donc cacher cette phrase : « le temps est accompli »
puisque rien de repérable ne se produisait.
Jésus se baladait le long du lac et regardaient les pêcheurs qui inlassablement répétaient les mêmes gestes. Il appela des gens à le suivre, et ils le firent. Mais là encore, il n’y avait rien de spectaculaire, et un observateur extérieur n’aurait même pas remarqué l’événement.
Il faut quand même considérer que l’évangéliste Marc ne rapporte pas cet épisode pour rien. Il rapporte cela comme un non-événement pour nous laisser découvrir qu’il y a quand même un événement derrière ces paroles anodines. La clé se trouve tout à la fin de l’Évangile dans les paroles de l’officier romains chargé d’exécuter les hautes œuvres. « Cet homme était le fils de Dieu » avait-il dit. Jésus était le fils de Dieu, et tout l’Évangile a été écrit pour mettre cette seule phrase en valeur. Comme toujours cette affirmation n’était perceptible que pour ceux qui croient.
Quand Jésus parlait, c’était au nom de Dieu. Ses
premières paroles avaient donc eu autant d’importance que, les dernières. Ses
premières paroles avaient été pour appeler des hommes à le rejoindre afin
d’accomplir l’œuvre de Dieu. Son dernier geste par contre avait appelé les
hommes à faire le constat de la Présence de Dieu jusque dans la mort même. Le temps qui commençait, était un temps nouveau,
où Dieu adressait un message personnel a
chaque personne qui entendait sa voix même si ça ne se voyait pas.
Nous n’avons ici, bien étendu que la liste des
premiers appelés, mais cette liste est ouverte, elle concerne a multitude de
ceux qui seront appelés, c’est à dire une foule d’individus, l’humanité
entière, et personne ne sera oublié ou exclu. C’est en ce sens qu’un temps
nouveau était en train de s’accomplir.
Mais enfin, pourquoi tous ces appelés de la
première heure avaient-ils décidé de tout quitter pour suivre Jésus? Sans doute
parce qu’ils avaient entendu sa prédication et qu’ils s’étaient mis à y croire.
Jésus leur avait dit que le temps était accompli, que le règne de Dieu s’était
approché et il leur demandait de croire à la « bonne nouvelle. Ils avaient
entendu dans cette invitation une "parole de Dieu".
Cette affirmation de Jésus a tellement été
prêchée dans nos églises que nous ne l'entendons plus vraiment. Pourtant, si
elle a bousculé de simples pêcheurs du lac peut être a-t-elles encore le pouvoir
de nous faire bouger nous aussi à notre tour.
Le temps est accompli avait dit Jésus ! Qu’est-ce
que cela pouvait vouloir dire si non que quelque chose s’était achevée ou que
quelque chose allait commencer ! Comme le temps ne s’arrête jamais, il
s’agissait sans doute des deux. A part des événements politiques consternants,
il ne se passait plus rien en Israël au moment où Jésus vint. Et la situation
semble être figée de la même façon en notre temps. Chacun s'enfermait sur ses certitudes. Les Sadducéens prétendaient que la fidélité aux rites du
Temple témoignait de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Les Pharisiens
affirmaient pour leur part que la fidélité de Dieu était liée au respect
scrupuleux de la Loi, et nous, sûrs du
fait que Dieu aime tous les hommes nous n’attendons plus rien.
A part
quelques sectes d’illuminés qui prétendaient qu’il fallait bouter par les
armes, les infidèles hors d’Israël, tous étaient paralysés par la crainte, mais
tous aussi étaient habités par une grande espérance. Et pourtant rien ne se
passait vraiment. Depuis 3 ou 4 siècles le souffle des grands prophètes
semblait tari, le ciel semblait fermé et Dieu se taisait. Mais si on
considérait que le temps des prophètes était terminé, on espérait qu’il s’en
préparait un autre. Dieu avait-il fini de jouer un rôle puisqu’il ne parlait
plus ? Etait-il en train de passer la main aux hommes? Il l'avait fait depuis
longtemps, mais tout se passait comme si personne ne le savait.
Jésus était-il ce prototype d’homme nouveau qui
allait mettre en œuvre tout ce que Dieu avait promis? Était-ce le temps de
l’homme nouveau qui allait commencer, celui de l’homme responsable dont Jésus
était l’image ? Sous sa personnalité qui s’affirmait déjà on sentait vibrer le
fils de l’homme à l’image duquel l’humanité nouvelle devait se construire.
C’est pour suivre cet homme porteur d’une humanité nouvelle qu’ils s’étaient levés
et qu’ils s’étaient mis à le suivre.
Le Règne de Dieu s’est approché avait dit Jésus !
Mais c’était quoi le règne de Dieu? Le règne de Dieu c’est là où Dieu est roi,
c’est là où ses sujets font sa volonté. Cela veut dire aussi que ceux qui se
sont mis à le suivre avaient l’intention de changer de comportement et de faire
sa volonté. A l’imitation de l’homme nouveau annoncé, ils avaient l’intention
de manifester que Dieu était non seulement à l’œuvre dans sa Loi, comme le
disaient les Pharisiens et qu’il était à l’œuvre dans le Temple comme le
disaient les Sadducéens, mais qu’il était à l’œuvre dans le cœur des humains,
et c’était cela qui était nouveau. Plus besoin désormais que Dieu parle par les
prophètes puisqu’il parlait au cœur des hommes et que ceux qui l’entendaient
brûlaient d’agir.
Que savaient-ils de ce Jésus à qui ils faisaient
confiance? Nous ne le savons pas, mais ils en savaient encore moins que nous.
Nous savons, à la différence de ces pêcheurs du lac, comment s’est terminé le
ministère de Jésus. Nous savons que Dieu a scellé sa parole du sceau de la
vérité en le ressuscitant. Les théologiens et les historiens nous ont dit tout
ce que nous devions savoir à ce sujet. Par contre, le texte insiste sur la
spontanéité des premiers disciples, et 2 000 ans après c’est sur
l’apathie de leurs successeurs qu’il faut s’interroger. Car face à la « bonne
nouvelle » selon laquelle Dieu nous parle bouche à bouche et cœur à cœur, nous
réagissons comme des gens blasés.
C’est nous, maintenant que ce texte interroge
pour savoir si nous aussi, nous allons abandonner nos filets quels qu’ils
soient. Si, à notre tour, nous abandonnions nos filets, nous découvririons
sans doute pourquoi ce monde semble si déconnecté du monde de Dieu, et nous
retrouverions l’enchantement des temps premiers.
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