Marc
1/7-11
Jean prêchait: il vient après moi, celui qui est plus puissant
que moi, et je ne mérite pas de délier, en me baissant, la courroie de ses
sandales. Moi, je vous ai baptisé d'eau, mais lui vous baptisera de l'Esprit
Saint.
.
En ce temps là, Jésus vient de Nazareth en Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Au moment où il sortait de l'eau, il vit les cieux s'ouvrir et l'esprit descendre sur lui comme une colombe.
En ce temps là, Jésus vient de Nazareth en Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Au moment où il sortait de l'eau, il vit les cieux s'ouvrir et l'esprit descendre sur lui comme une colombe.
Et une voix se fit entendre des cieux : Tu es mon Fils bien aimé, objet de mon affection. Aussitôt l'Esprit poussa Jésus dans le désert. Il passa dans le désert, quarante jours, tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient.
Apparemment,
le désert est un univers que nous connaissons bien. Pour la plupart d'entre
nous, l'existence semble se dérouler dans une sorte de désert, tant notre vie
semble aussi uniforme que l'immensité des sables. Nous évoluons, à part
quelques exceptions, dans un univers où tout se ressemble.
Pour
la plupart d'entre eux, les humains semblent occupés à faire la même chose que
leurs semblables. Ils travaillent dans des bureaux qui se ressemblent, ils
s'alimentent dans les mêmes chaînes de restaurants et ils lisent les mêmes
journaux gratuits en empruntant des autobus ou des métros tous semblables. Les
rues des villes sont remplies aux mêmes heures de gens qui font la même chose.
Et quand les rues sont vides, ceux qui les remplissaient quelques heures auparavant sont de retour chez eux en train de faire des mêmes choses que les
autres.
Chacun
à sa manière a l'impression de traverser le même désert en compagnie des mêmes
personnes avec qui il établit de pauvres relations de voisinage qui le
confortent dans son impression de solitude au milieu de ses semblables. Les
soucis des uns sont les mêmes que les soucis des autres et la télévision
s'emploie à faire de tous ceux qui la regardent aux mêmes heures des hommes et
des femmes dont le seul intérêt est de vibrer aux aléas de la vie des héros des
feuilletons qu'ils regardent au même moment.
Voici
brossée à gros traits, le désert quotidien de millions d'individus dont nous
partageons le destin. Dans ces existences où les soucis des uns ressemblent aux
préoccupations des autres, chacun est à l'affût d'une oasis d'espérance qui ne
ressemblerait pas à celle des autres. Chacun s'efforce alors de cultiver une
enclave de vie privée qui n'aurait pas les mêmes intérêts que celle de son
voisin. C'est ainsi que chacun s'intéresse à l'art, à la science , au sport, et
formule des projets de vacances qui lui permettent d'échapper à la banalité du
désert commun.
Nous
serons amenés à considérer, bien évidemment, que la foi et la religion font
sans doute partie de ces jardins privés qui nous distinguent de nos voisins. Il
devient alors confortable de penser que notre paroisse tient lieu d'asile hors
du monde où notre âme peut s'épanouir en toute quiétude.
Cette
traversée du désert, décrite ici sans complaisance ne ressemble sans doute pas
à celle de Jésus qui est évoquée au début de l’Évangile de Marc quand il fut
tenté par le diable! Quoi que beaucoup de points de tentation qu'il est sensé
avoir subi ressemblent à celles qui nous guettent. En effet, si notre désert
personnel n'est apparemment pas un lieu de tentation, tant il ressemble à celui
du voisin, ce sont nos oasis, nos lieux de de refuge qui pourraient appartenir
à l'univers de la tentation.
La
tentation consiste pour nous à chercher des lieux de refuge à l'écart des
autres. Il s'agit de chercher des lieux de confort où seuls les privilégiés de
notre choix peuvent nous rejoindre. Notre Église en fait partie! Nous nous
trouvons bien dans nos paroisses. Nous nous complaisons à les critiquer parce
qu'elles ne sont pas assez ouvertes au monde, mais nous ne souhaitons pas
qu'elles changent vraiment. Confortablement installés dans notre vie
religieuse, nous déplorons, l'absence des foules, sans vraiment souhaiter que
ça change, tant nous nous plaisons à nous retrouver entre nous. Nous sommes
heureusement conscients d'appartenir à une élite spirituelle où ceux qui ne
font pas la démarche de la foi n'auront aucune chance de nous rejoindre.
Une
des tentations de Jésus fut sans doute apparentée à celles que nous venons de
décrire. A la différence des autres Évangiles, Marc ne dit pas quelles furent
les tentations de Jésus. libres à nous de les imaginer semblables aux nôtres.
L’Évangile de Marc fait état cependant de ce même confort spirituel où semble
se trouver Jésus. Son baptême et la voix qui se fit entendre l'ont conforté
dans la certitude que Dieu l'avait mis à part et le destinait à rassembler un
peuple à part. Sa prédication laissent entendre qu'il était venu pour
transformer la vie des hommes. Mais était-ce vraiment possible?
Jésus
apportait une nouvelle forme de religion basée sur le "culte en
esprit" qui appelait une démarche de conversion pour ceux qui le
suivaient. Il fallait qu'ils naissent de nouveau! Ne leur disait-il pas que
Dieu les attendait dans le secret de leur cœur, encore fallait-il avoir
capacité à le faire! Comment des gens du peuple, après quinze heures de travail
harassant par jour auraient-ils pu le rejoindre dans cette voie là? C'est à se
demander si Jésus ne préconisait-il pas une religion élitiste, dans un univers
juif qui se considérait déjà comme un peuple élu mis à part?
La
tentation était grande pour les amis de Jésus de constituer un peuple à part au
milieu de la masse des juifs et de se distinguer comme une nouvelle secte,
supérieure aux autres et en particulier de celle des pharisiens! Cette même
tentation ne fut-elle pas celle des chrétiens de la première génération quand
ils s'opposèrent aux juifs? Ne lit-on pas cela quelque part dans les écrits de
Paul? Plus tard, ne trouvera-t-on pas ce même comportement dans les communautés
protestantes en opposition à l’Église Catholique? Aujourd'hui ne considère-t-on
pas le courant du Protestantisme auquel nous appartenons comme supérieur aux
autres?
Plus
nous nous sentons proches de Dieu, plus grande est la tentation de nous croire
mis à part pour servir d'exemple aux autres! Mais le danger véritable de cette
situation, c'est que ce soit le diable qui nous rejoigne dans notre refuge de
pureté. En effet, si Jésus a été tenté de s'enfermer dans le cercle privilégié
de ses disciples, il s'est bien vite séparé de cette manière de voir les
choses, pour entraîner les siens sur les routes des hommes. Ils ont du le
suivre dans les déserts de Galilée et de Judée là où la souffrance et la
misère des hommes les attendaient. C'est alors qu'ils ont croisé toutes sortes
de malades, toutes sortes de païens en quête de vérité, toutes sortes d'hommes
et de femmes impurs avides d'espérance. Ils ont même croisé des morts sur leur
chemin. A tous Jésus savait donner vie et ouvrait des perspectives d'espérance.
A tous ces meurtris du voyage, il savait parler de foi, de conversion, de vie en
esprit et de vie intérieure. Tous ces gens que nous considérions comme
incapables de comprendre, comprenaient, se convertissaient et changeaient leur
vie. Plus tard, ce ne sont pas ces gens là qui ont voulu la mort de Jésus, mais
ceux qui auraient du être plus accessibles à ses paroles, ceux qui déjà
s'étaient séparés des masses laborieuses pour vivre dans leurs oasis de
séparés, les pharisiens et les sadducéens entre autres.
Quand
Jésus parlait de pardon à ces petites gens qui le suivaient, il signifiait que
le jugement final avait déjà été prononcé et qu'ils étaient graciés. Quand il
parlait de partage, il commençait lui-même par partager ses provisions c'est
pourquoi on a crié au miracle quand il l'a fait ! C'est pourquoi on a raconté
cet événement d'une manière merveilleuse dans les Évangile et que cet événement
est devenu le miracle de la multiplication des pains. Quand il parlait
d'espérance, Jésus espérait que ses paroles auraient un effet immédiat et que
les bourses des plus fortunées allaient se délier en faveur des plus pauvres.
Il croyait que la conversion vers une société plus juste allait se produire
effaçant les inégalités sociales.
Ses
paroles avaient beau résonner avec les accents de la parole de Dieu, elles
n'étaient pas suivies d'effet. Ses paroles visaient à ouvrir les portes de toutes
les oasis et de tous les confortables refuges spirituels, mais il a vite perçu
que le miracle ne se produirait vraiment que s'il payait de sa personne en
mourant pour ses idées. Ce n'est qu'après sa mort que sa parole est devenue
parole de vie et parole de Dieu tout à la fois. La mort même a cessé d'être
l'étape ultime de l'existence, car, en livrant sa vie aux mains des hommes, il
a reçu ainsi que tous ses amis une vie éternelle que Dieu seule pouvait donner.
Ce
ne sont pas les déserts humains de nos sociétés humaines qui sont les lieux de
tentation pour ceux qui cherchent Dieu aujourd'hui, ce sont les lieux où la
chaleur spirituelle risque de nous maintenir à l'écart des chemins que suivent
les foules en manque de Dieu. Le défi qui nous est posé aujourd'hui est de
convertir nos églises en lieux d'espérance où il fait bon vivre en compagnie de
Dieu et des hommes sans qu'elles soient menacées de disparaître dans l'anonymat
du désert humain où nous vivons. J'ai plaisir à constater que c'est dans cette
direction que nous poussent nos synodes ainsi que les réflexions de ceux qui
nous dirigent.
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