La tentation
Luc 4/1Jésus, rempli d'Esprit saint, revint du Jourdain et fut conduit par l'Esprit au désert, 2 où il fut mis à l'épreuve par le diable pendant quarante jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là et, quand ils furent achevés, il eut faim. 3 Alors le diable lui dit : Si tu es Fils de Dieu, dis à cette pierre de devenir du pain. 4 Jésus lui répondit : Il est écrit : L'être humain ne vivra pas de pain seulement.
Luc 4/1Jésus, rempli d'Esprit saint, revint du Jourdain et fut conduit par l'Esprit au désert, 2 où il fut mis à l'épreuve par le diable pendant quarante jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là et, quand ils furent achevés, il eut faim. 3 Alors le diable lui dit : Si tu es Fils de Dieu, dis à cette pierre de devenir du pain. 4 Jésus lui répondit : Il est écrit : L'être humain ne vivra pas de pain seulement.
5 Le diable le
conduisit plus haut, lui montra en un instant tous les royaumes de la terre
habitée 6et lui dit : Je te donnerai toute l'autorité et la gloire de ces
royaumes ; car elle m'a été livrée, et je la donne à qui je veux. 7 Si donc
tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi. 8 Jésus lui répondit :
Il est écrit : C'est devant le Seigneur, ton Dieu, que tu te prosterneras,
et c'est à lui seul que tu rendras un culte.
9 Le diable le
conduisit encore à Jérusalem, le plaça sur le haut du temple et lui dit :
Si tu es Fils de Dieu, jette-toi d'ici en bas ; 10 car il est écrit :
Il donnera à ses anges
des ordres à ton sujet, afin qu'ils te gardent ; 11 et : Ils te
porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. 12 Jésus
lui répondit : Il est dit : Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton Dieu.
13 Après avoir achevé de le mettre à l'épreuve, le diable s'éloigna de lui
pour un temps.
Nous sommes nombreux sur cette terre à
éprouver une sorte de fatigue par rapport à la vie qui nous y est offerte. Les
temps qui courent, plus que d’autres sont propices au désenchantement. En
disant cela, je ne voudrais pas en rajouter une couche. Mais pour guérir le
mal, encore faut-il l’identifier pour tenter d’y voir clair.
Tenter : le mot est prononcé, car c’est
de cela qu’il s’agit. Notre vie est assaillie par toutes sortes de tentations
sans qu’on s’en rende compte vraiment. C’est par là qu’il faut commencer si
l’on veut que Dieu nous fasse dépasser cette morosité pénible et transfigurer
notre existence. C’est d’ailleurs en s’attaquant à la tentation que commence l’Évangile. Et s’il nous parle des tentations de Jésus c’est à coup sûr pour
nous parler des nôtres.
Ce n’est pourtant pas très glorieux de
commencer par parler de nos points faibles. Mais autant commencer par là pour
nous en débarrasser. Pourtant, comme
nous n’en sommes pas très fiers, nous les gardons secrètement par devers nous
en secret, enfermés au fond de nous-mêmes. Pas besoin d’être un grand penseur
ou un saint pour se réfugier dans la solitude de nos déserts intérieurs pour y
dissimuler nos rancœurs afin de sauver
les apparences.
C’est dans ce désert intime que nous cultivons le sentiment de nos
frustrations, que nous songeons à la vindicte, que nous mettons en place des
projets de vengeance que nous ne
réaliserons jamais, cela n’empêche pas pour autant qu’ils pourrissent notre âme.
Mais le fait de les formuler nous soulage quand même. Quand nous pénétrons dans
ces jardins intérieurs où fermentent ces choses inavouables, nous prenons soin
de fermer la porte derrière nous, sans jamais y inviter personne afin d’en
garder le secret.
Nous voila donc dans le désert de la phase
cachée de notre vie, et personne ne sait rien de ce qui s’y passe, mais le
tentateur s’y est engouffré avec nous et
se délecte à l’avance de ce que nous allons mijoter. Le tentateur n’est pas un
étranger venu d’ailleurs comme nous aimerions le dire pour nous disculper et
élaborer ainsi une première tentation, c’est seulement un autre aspect de
nous-mêmes, c’est le mauvais côté de la force qui nous habite, c’est l’autre
aspect de notre personnalité. Il n’a donc rien de diabolique en lui.
C’est alors qu’il nous donne faim de ce que
nous n’avons pas. Vous pouvez remarquer que
je décris ce qui se passe en nous en suivant exactement les mêmes étapes que la tentation
de Jésus : désert, solitude, faim, tentation. Il nous donne faim de ce que
nous n’avons pas, il nourrit nos frustrations, il remet sur le grill le
souvenir de nos échecs et entretient les désillusions. Il alimente ainsi nos
désirs de vengeance. Nous savons
résister par nos silences, mais les frustrations rentrées continuent à empoisonner notre vie.
A Jésus qui est le témoin silencieux de nos
secrets, nous disons nos rancœurs. Nous nous plaignons à lui parce que Dieu n’a
rien fait, nous sommes tentés, d’aller
voir ailleurs. Nous espérions une vie normale, la gloire, la grandeur et la
fortune, et aucune n’a répondu vraiment
à l’appel. Nous suggérons alors à Jésus, sans trop y croire, de faire un miracle
pour soulager nos meurtrissures afin que
ses anges accourent, nous portent sur leurs mains et nous fassent grandir aux yeux des autres. « Ah !
si les cieux voulaient bien s’ouvrir dit l’auteur du psaume, alors tu descendrais ». Mais face à ces demandes de miracles, Jésus reste impassible. Il nous rappelle nous
semble-t-il, que derrière notre demande
il y a peut être la tentation d’un faux acte de foi, car dans une telle demande
nous ferions de Dieu le responsable des
coups du sort qui nous arrivent.
Jésus
quant à lui nous suggèrerait plutôt de puiser en nous la force qui
sommeille et qui ne demande qu’à se mettre en action sous son impulsion.
« Prends ton lit et marche » dit-il à l’infirme car il y a encore en
lui une force que Dieu peut ranimer et qui lui permettra de se redresser et de
retrouver la dignité de l’homme qui
marche tout seul. A Gédéon, qui
attendait lui aussi un miracle pour agir et gagner la bataille Dieu lui dit
« Va avec la force que tu as » et la victoire se profila à l’horizon
Face à la tentation de croire que Dieu peut
intervenir miraculeusement dans nos vies, Jésus nous rappelle qu’il y a en nous
des possibilités cachées que Dieu peut ranimer à notre demande pour nous aider
à poursuivre notre route dans les difficultés que nous traversons. Mais attention, une tentation peut souvent en
cacher une autre. La société du XXI eme siècle en dépit des apparences
favorise toute les tentations car elle est inégalitaire. Elle favorise les
surdoués et accable les médiocres.
Nous
élevons nos enfants dans l’espoir de les voir supplanter les autres, nous développons
l’idée que leurs talents sportifs, artistique, intellectuels ou autres, leur
donnent le droit de dominer les autres, souvent cela s'assortit de compensations financières. La
tentation serait de croire que Dieu approuve cela, en considérant que c’est
lui, qui en donnant leurs talents aux
hommes cautionne la société qui se construit sous nos yeux sans en voir les défauts.
La force qui est en nous, le dynamisme que
nous avons évoqué consistent non pas à se mettre à part, à cause de nos
talents propres, mais à se laisser habiter par Dieu qui agit en nous et nous
aide à construire la société égalitaire que Jésus appelle son Royaume et dont
la réalisation est à portée de main si nous
lui faisons confiance. Il nous
faut considérer que ce qui est
mobilisateur et déterminent, c’ est l’intérêt que l’on porte aux autres et que
nos nombreux talents et avantage doivent servir à l' amélioration du sort des
plus malchanceux. Mais il ne serait pas
sage, et ce serait une nouvelle tentation que de croire que quand nous avons
repéré l’action de Dieu en nous, nous soyons détenteurs de sa sagesse.
Forts de ces succès, dont ils attribuent les
origines à Dieu, les plus solides dans la
foi sont alors tentés de régenter les autres et le
monde en son nom, oubliant que le dynamisme que Dieu développe en eux doit les
conduire sur le chemin de ceux qui sont en
manque et non à la recherche de leur propre gloire. Je pense alors à ces
puritains anglo-saxons que la société britannique avait contraints à l’exil. Embarqués sur les
caraques et les caravelles telles la May Flower. Ils avaient lutté contre les éléments avec la
force qui était en eux et la grâce du
Seigneur les accompagnait. Ils atteignirent
le nouveau monde et construisirent des colonies prospères. Mais fiers de leurs succès et pour honorer leur Dieu,
ils se prirent pour les détenteurs de sa volonté. Subtile et ultime tentation,
ils imposèrent là-bas en son nom, une société aussi intolérante que celle qui
les avait chassés. Ils avaient négligé le fait que la force que Dieu avait
réveillée en eux ne leur donnait aucun droit sur leurs frères. Je vous renvoie
à l’histoire des sorcières de Salem. La tentation restait vivante et habitait
ce qu’ils croyaient être la sagesse de Dieu.
La tentation nous guette à chaque
instant de notre vie. Elle peut aussi
bien s’emparer de nous dans nos moments de faiblesse que nous faire déraper
dans nos succès. Tournons nos yeux vers Jésus Christ qui nous enseigne que le
sens de notre vie n’est pas dans la satisfaction de notre « égo »
mais dans la construction d’une société dont le seul but est de rechercher le
mieux être de nos compagnons de routes et non pas la satisfaction de nous-mêmes.
Dieu nous a créé pour cela et nous en a donné les moyens.
Illustrations Nicolas Roerich
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