Veillez et prier Marc 13/33-37
Marc 13/ Prenez garde, veillez et priez car vous e savez quand sera le
moment. 34 Il en sera comme d’un homme qui, partant en voyage, laisse sa
maison, donne autorité à ses esclaves, à chacun sa tâche, et commande au
gardien de la porte de veiller. 35 Veillez donc, car vous ne savez pas quand
viendra le maître de maison : le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du
coq, ou au matin ; 36 craignez qu’il n’arrive à l’improviste et ne vous trouve
endormis. 37 Ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez.
Écoutez : N’est-ce pas le pas d’un homme que l’on
entend sur la route ? Il marche, indifférent aux paysages changeants qu’il
traverse. Il trouve que tout est terne et monotone. Il n’entend pas le chant
des oiseaux qui accompagnent ses pas et il maudit le vacarme qu’ils font et qui
l’empêche de penser. Parfois son pied butte sur un des rares cailloux qui par
hasard se trouve sur l’asphalte bien lisse ! Comment pourrait-il avancer sur ce
mauvais chemin maugrée-t-il ? Où va-t-il ainsi, ce grincheux à l’humeur morose
? Il ne sait pas.
Il se croit placé là pour accomplir son destin en
suivant le chemin de sa vie qui ne mène nulle part. Il n’a pas de véritable
compagnon de route et cache son désarroi dans une indifférence affichée.
Insensible à tout ce qui l’entoure, il s’appesantit sur lui-même et ne songe
qu’à se plaindre. Mais cette indifférence aux événements cache son angoisse,
car en fin de compte il a peur. Mais il ne se l’avoue pas car seuls les faibles
et les enfants ont le droit d’avoir peur.
De quoi a-t-il peur ? Qui l’effraye ainsi ? Il ne
saurait dire la nature du malaise qui l’étreint. Si d’aventure un compagnon de
route règle ses pas sur les siens, c’est leurs angoisses qu’ils mettent en
commun, et au lieu de s’exorciser mutuellement, elles ne font que s’accroître
en se nourrissant l’une l’autre.
Ce phénomène de peur inavouée qui se cache derrière un
marasme ostensible, n’est pas habituel. Il est exceptionnel. Mais périodiquement
il s’impose aux masses qui en ressentent collectivement les symptômes. Il
arrive, comme dans les temps qui courent, que l’histoire des hommes soit traversée de moments où un tel état de
déréliction (pour employer un mot savant) se généralise et n’épargne aucune
couche sociale. Chacun pense la chose naturelle si bien qu’aucun ne s’interroge
vraiment sur son origine. Une explication trop facile n’est sans doute pas la
bonne : c’est la crise dit-on, mais quelle crise? Comme si ce mot recouvrait à lui seul toutes
les terreurs humaines.
Une autre explication facile que l’on entend souvent,
est celle du manque de repères et de la perte du sens. Ceux qui éprouvent ce
sentiment n’arrivent pas à trouver hors d’eux-mêmes, ou au fond d’eux-mêmes une
explication plausible. Leurs références à Dieu se sont altérées, au point
qu’ils ne font plus confiance à celui en qui ils croyaient encore il y a peu.
Ils s’en sont séparé sans même s’en apercevoir
Ils ne croient plus en celui en qui ils voyaient comme un divin
compagnon de route. Leur parcours se fait désormais solitaire. C’est alors un
silence consternant qui fait écho à la voix de ce Dieu qui jadis déplaçait des
foules de fidèles par milliers.
Le vide ne se satisfait jamais du vide et bien vite ce
sont d’autres formes de Dieu qui prennent la place de celui que l’on ne connaît
plus. Ces nouvelles divinités sont différentes de ce Dieu désormais oublié.
Comme toujours les hommes se construisent des idoles pour répondre à leurs
manques et ils espèrent qu’elles donneront du sens à ce qui n’en a plus. C’est
ainsi qu’ils conjurent leurs peurs. Ils ont agi ainsi de tout temps. Si les
idoles ont changé de visage au cours des siècles, elles recouvrent toujours la
même réalité, elles sont construites par les hommes pour répondre aux angoisses
du moment, même s’ils savent pertinemment que ces angoisses, c’est eux qui les
ont provoquées. A nous de leur donner
les noms qui nous conviennent le mieux.
Régulièrement, comme si c’était un exutoire, des
rumeurs venues des fins fonds du monde se répandent et contrarient la quiétude
artificielle que se sont chèrement acquise les humains. On se souviendra des
peurs de l’an mille qui n’avaient d’autres fondement que le changement de
millénaire. Le Moyens âge terrorisé par l’idée de l’enfer a trouvé son
apaisement dans la Réforme. Aujourd’hui c’est le réchauffement de la
planète qui crée des angoisses d’autant
plus fortes qu’elles sont scientifiquement étayées.
Curieusement,
la rumeur se répand, selon laquelle ceux qui gèrent le monde sont en train d’en perdre le
contrôle. Il est facile alors d’écrire ou de dire que c’était écrit, que le
Tout Puissant l’avait prévu, que les voix du Seigneur sont impénétrables, et
que tel est le destin du monde. Si telle est la clé de l’énigme, tout cela ne
correspond pas à l’image de Dieu telle que Jésus Christ nous l'a donnée.
Le Dieu de Jésus Christ cherche à nous libérer de nos
peurs et non à les provoquer. Il agit avec amour et compassion. Il est lent à
la colère et prompt à la miséricorde. Comment aurait-il pu décider à l’avance
de ses moments de colère dont on
l’accuse et les inscrire dans le marbre, comme s’il avait prévu ses mouvements
d’humeurs des siècles en avance. Il n’est pas logique qu’il se mette en colère
à jours et à heures prévus comme se l’imaginaient les contemporains de Jésus ou comme
le pensent aujourd’hui ceux qui à partir du Livre de l’Apocalypse calculent la
date où Dieu a prévu de se mettre en colère.
Dans ce long passage de l’Évangile de Marc dont nous
n’avons retenu qu’un extrait, Jésus ne cache pas que des événements terribles
peuvent se produire, (la destruction de Jérusalem par les armées de Titus est
peut être là en toile de fond de ce passage) mais il n’accuse pas Dieu son Père
de les provoquer, au contraire Jésus cherche à nous mobiliser pour que le jour
où des événements dramatiques se produisent, nous ne soyons pas démunis et
désemparés, car l’histoire des hommes est régulièrement traversée par des
catastrophes dont ils ne sont pas forcément responsables.
Si Jésus nous mobilise pour faire face au danger,
c’est qu’il est possible de le surmonter et qu’il ne vient pas de Dieu.
Certainement il ne cautionne rien de catastrophique, car Dieu ne programme ni
ses moments de colère, nous l’avons vu, ni les malheurs qui s’abattent sur les
hommes, mais il fait appel à leur sagesse pour les prévenir.
Si plus avant dans le même Évangile, Jésus fait état
d’événements annonciateurs, ce n’est pas pour nous alarmer, mais pour que nous
mettions notre sagesse en éveil pour interpréter ce qui se passe et prendre les
dispositions appropriées.
Certains lecteurs de l’Évangile prétendent que
dans de telles circonstances, la foi ne nous dicte qu’une seule attitude
possible : celle de l’attente patiente dans la prière ! Mais tel ne semble pas
être l’avis de Jésus. S’il n’exclut pas la prière, il la préconise même, il
donne priorité à l’action de veiller. Pour lui l’attitude du croyant est
d’abord dans l’agir et non pas dans le subir.
La sagesse consiste donc à savoir que Jésus nous
entraîne à l’action, car c’est dans l’action que la vie se manifeste et prend
ses droits. Dieu ne cherche pas à rassembler un peuple qui subit, mais qui relève ses manches et se met à l’œuvre, car ce sont les hommes d’action inspirés par Dieu qui ont en eux les
solutions de l’avenir.
Certes, ils saisissent ce que Dieu leur
suggère de faire dans la prière, car Dieu agit avec eux, et les mains des
croyants sont les mains avec lesquelles Dieu agit. Mais Dieu ne nous envoie pas son esprit pour que
nous restions inactifs en attendant une délivrance qui ne viendra que si nous
décidons d’entreprendre. Veillez donc nous dit Jésus afin de devenir les
moteurs de ce monde que Dieu se plait à accompagner, car c’est ainsi qu’il nous
aidera à conjurer nos peurs.
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