Luc 1 46-55
47 et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur,
48 parce qu'il a porté le regard sur son humble servante. En effet, voici, désormais toutes les générations me diront heureuse,
49 parce que le Tout-Puissant a fait de grandes choses pour moi. Son nom est saint,
50 et sa bonté s'étend de génération en génération sur ceux qui le craignent.
51 Il a agi avec la force de son bras, il a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées orgueilleuses.
52 Il a renversé les puissants de leurs trônes et il a élevé les humbles.
53 Il a
rassasié de biens les affamés et il a renvoyé les riches les mains vides.
54 Il a secouru Israël, son serviteur, et il s'est souvenu de sa bonté
55 - comme il l'avait dit à nos ancêtres - en faveur d'Abraham et de sa descendance pour toujours.»
54 Il a secouru Israël, son serviteur, et il s'est souvenu de sa bonté
55 - comme il l'avait dit à nos ancêtres - en faveur d'Abraham et de sa descendance pour toujours.»
Si l’irruption de Dieu dans notre vie
quotidienne pouvait provoquer une transformation du monde aussi
spectaculaire que celle
qui se trouve décrite dans le magnificat, ce merveilleux poème que l’Évangile de Luc place dans la bouche de Marie, qu’il en soit
ainsi !
Pourquoi subirions-nous ce monde si triste et
si cruel quand Dieu n’y est pas, alors que si nous l’invitions, sa présence pourrait le faire irradier en nous de mille feux et nous faire avoisiner le monde des anges qui gravitent en cavalcades scintillantes autour du trône
de Dieu. Les artistes qui ont construit
les cathédrales et les ont enluminées de vitraux multicolores ont essayé de
rendre compte de cette réalité en nous donnant l’illusion qu’un tel paradis
était possible.
Illusion ! Le mot vient d’être prononcé.
Par la magie du verbe, par la beauté de la lumière colorée, par le merveilleux
pouvoir de l’imaginaire, les hommes se
donnent l’illusion de croire qu’ils peuvent pour une nuit ou quelques heures transformer
la réalité du monde et lui donner l’aspect de ce que Dieu voudrait.
Mais trêve d’illusion, Dieu appartient à une
autre réalité. La présence de Dieu ne relève pas de l’illusion, même s’il lui arrive, de
nous faire comprendre ses mystères par la magie de la poésie. Dieu nous donne
le moyen de mettre sa présence en
évidence si nous voulons bien rester en
communion avec lui et faire l’effort de
l’écouter. Nous réaliserons alors avec nos propres mains les projets que
Dieu nous promet de mettre en œuvre. Dieu ne nous berce
pas d’illusions, mais il nous entraîne vers une réalité possible pour peu que
nous y mettions de la bonne volonté, cela nécessite cependant notre collaboration.
C’est pour nous faire entrer dans cette
compréhension des choses que des images évoquant la précarité humaine
traversent toute la Bible. Elles parlent d’espérance là où les hommes sont le plus
fragilisés et sont en but à l’arrogance des puissants qui prétendent
régenter les choses de ce monde, comme si le monde était soumis à leurs lois. Dieu suggère qu’il y a toujours un temps possible
pour s’opposer aux oukases que les puissants imposent aux petits. Il dit
clairement qu’il désapprouve toujours les torts qui sont faits
aux humbles, aux petits et aux faibles.
Ainsi malgré la puissance qu’ils croient détenir, malgré la force qu’ils
croient avoir à leur disposition, Dieu oppose sa réprobation à ceux qui
s’imposent par la violence. Il leur
laisse entendre qu’ils n’agissent pas selon
le cours normal de l’histoire et qu’elle se retournera, tôt ou tard, contre tout ce
qu’ils s’efforcent de faire.
C’est dans
la logique que nous venons de décrire que s’inscrit l’intervention de
Marie. Elle rassemble dans ses paroles
toute l’espérance des petits et la puissance qui émane de son propos met en eux
assez de dynamisme pour donner du
courage à ceux qui n’en ont plus. Elle inscrit solidement en eux la certitude
qu’un jour ils auront la force de réaliser ce
qu’elle promet, si bien que ses
paroles laissent entendre que Dieu habite le futur. La voix de Marie fait échos
à tant d’autres voix qui, à leur manière ont porté les mêmes promesses.
Entendez la voix des prophètes qui
annoncent que tous les peuples se
rallieront à cette cohorte de gens qui
montent en chantant à la montagne du Seigneur. Ils saluent avec audace une ère nouvelle qui se réalisera
parmi les hommes par la grâce de Dieu.
La vache et l’ours partageront le même gîte et le petit enfant jouera près du terrier du serpent. C’est Agar qui survécu dans le désert à la colère de Sarah et qui vit son fils Ismaël échapper à la soif
mortelle. Jonas près d’être englouti dans les flots, n’entend-t-il pas la voix
de l’espérance alors qu’il est dans le ventre du poisson ?
Pour entendre toutes ses voix et qu’elles deviennent réalité en lui, il faut que chacun constate
que c’est Dieu qui les inspire et construise une espérance en lui. L’espérance, est ce sentiment qui nous habite et qui nous
rappelle constamment que notre Dieu est créateur. Elle est comme un ciment
qui lui sert à construire en nous
un dynamisme porteur d’une force capable de défier tout ce qui nous est
hostile. Dieu n’agit pas en nous comme par miracle pour répondre à
notre attente passive, mais c’est son esprit qui mobilise en nous les forces de réaction qui
nous permettront d’attendre le temps opportun pour accomplir ses promesses.
Mais à côté de ces voix multiples qui font
écho à celle de Dieu, nous entendons aussi
ces voix qui nous sont si pénibles à percevoir et qui portent en elles
les plaintes des peuples opprimés et réduits en esclavage. C’est la terre
elle-même qui se permet de crier en lieu et place des peuples quand leurs voix n’ont plus
la force de dire leur indignation. C’est la terre
qui crie l’horreur d’Abel
assassiné par son frère. C’est la terre qui s’insurge à cause du sang des innocents massacrés sous
les fenêtres de Marie qui ne doit son salut et celui de son fils que dans la
fuite devant les sbires d’Hérode.
La protestation des Ecritures contre toutes ces atrocités ne fait que
souligner la réalité du monde présent, elle ne dit nullement la fatalité à
laquelle Dieu se soumettrait par la force
des choses, mais elle dit la
nécessité de rendre efficace l’espérance
qui maintient solidement en chaque croyant sa patience et sa faculté d’attendre
le temps opportun pour agir.
Dieu fait entendre sa voix dans un monde
qui se perdrait sans l’espérance qu’il lui donne. L’espérance
est le premier acte créateur de Dieu en
nous, c’est par elle qu’il détruit les trônes des puissants et que les innocents ne subissent pas les caprices irresponsables
des tyrans, c’est par elle que la maladie n’entraîne pas irréversiblement dans
la mort ceux qui luttent pour la vie. C’est par l’espérance que Dieu créé au
cœur des humains une possibilité d’agir.
Elle s’oppose à toutes les forces obscures qui habitent les hommes tant qu’ils ne sont pas éclairés par une volonté
d’agir pour le bien de tous. C’est ainsi que Dieu crée en nous un désir puissant pour modifier le cours des
choses.
Dieu fait ainsi aux hommes en recherche, des
propositions telles que lentement ils se
rallient à lui et donnent du crédit à ces voix prophétiques, comme celle
de Marie. Ils se mettent ainsi, au service de Dieu. Ils attendent de lui un acte créateur d’espérance pour que
le monde avance dans le sens où Dieu le souhaite. Ainsi nous progressons avec
Dieu pour que ce monde devienne la réalité de demain. Cette réalité ne pourra vraiment se réaliser
que lorsque la bonne volonté des hommes entrera, par la puissance de l’esprit
en harmonie avec la volonté de Dieu.
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