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Après cela, Dieu mit Abraham à l'épreuve. Il lui dit: «Abraham!» Celui-ci
répondit: «Me voici!»
2 Dieu dit: «Prends ton fils unique, celui que
tu aimes, Isaac. Va-t'en au pays de Morija et là offre-le en holocauste sur
l'une des montagnes que je t'indiquerai.»
3 Abraham se leva de bon matin, sella son âne et prit avec lui deux serviteurs et son fils Isaac. Il fendit du bois pour l'holocauste et partit pour aller à l'endroit que Dieu lui avait indiqué.
3 Abraham se leva de bon matin, sella son âne et prit avec lui deux serviteurs et son fils Isaac. Il fendit du bois pour l'holocauste et partit pour aller à l'endroit que Dieu lui avait indiqué.
4 Le troisième jour, Abraham leva les yeux et
vit l'endroit de loin. 5 Il dit à
ses serviteurs: «Restez ici avec l'âne. Le jeune homme et moi, nous irons jusque
là-bas pour adorer, puis nous reviendrons vers vous.»
6 Abraham prit le bois pour l'holocauste, le
chargea sur son fils Isaac et porta lui-même le feu et le couteau. Ils
marchèrent tous les deux ensemble.
7 Alors Isaac s'adressa à son père Abraham en disant: «Mon père!» Il répondit: «Me voici, mon fils!» Isaac reprit: «Voici le feu et le bois, mais où se trouve l'agneau pour l'holocauste?» 8 Abraham répondit: «Mon fils, Dieu pourvoira lui-même à l'agneau pour l'holocauste.» Et ils continuèrent à marcher tous les deux ensemble.
9 Lorsqu'ils furent arrivés à l'endroit que Dieu lui avait indiqué, Abraham y construisit un autel et rangea le bois. Il attacha son fils Isaac et le mit sur l'autel par-dessus le bois.
10 Puis Abraham tendit la main et prit le couteau pour égorger son fils. 11 Alors l'ange de l'Eternel l'appela depuis le ciel et dit: «Abraham! Abraham!» Il répondit: «Me voici!» 12 L'ange dit: «Ne porte pas la main sur l'enfant et ne lui fais rien, car je sais maintenant que tu crains Dieu et que tu ne m'as pas refusé ton fils unique.»
13 Abraham leva les yeux et vit [derrière lui] un bélier retenu par les cornes dans un buisson. Il alla prendre le bélier et l'offrit en holocauste à la place de son fils. 14
7 Alors Isaac s'adressa à son père Abraham en disant: «Mon père!» Il répondit: «Me voici, mon fils!» Isaac reprit: «Voici le feu et le bois, mais où se trouve l'agneau pour l'holocauste?» 8 Abraham répondit: «Mon fils, Dieu pourvoira lui-même à l'agneau pour l'holocauste.» Et ils continuèrent à marcher tous les deux ensemble.
9 Lorsqu'ils furent arrivés à l'endroit que Dieu lui avait indiqué, Abraham y construisit un autel et rangea le bois. Il attacha son fils Isaac et le mit sur l'autel par-dessus le bois.
10 Puis Abraham tendit la main et prit le couteau pour égorger son fils. 11 Alors l'ange de l'Eternel l'appela depuis le ciel et dit: «Abraham! Abraham!» Il répondit: «Me voici!» 12 L'ange dit: «Ne porte pas la main sur l'enfant et ne lui fais rien, car je sais maintenant que tu crains Dieu et que tu ne m'as pas refusé ton fils unique.»
13 Abraham leva les yeux et vit [derrière lui] un bélier retenu par les cornes dans un buisson. Il alla prendre le bélier et l'offrit en holocauste à la place de son fils. 14
Abraham donna à cet
endroit le nom de Yahvé-Jiré. C'est pourquoi l'on dit aujourd'hui:
«A la montagne de
l'Eternel il sera pourvu.15 L'ange de l'Eternel appela une deuxième fois
Abraham depuis le ciel. 16 Il dit: «*Je le jure par moi-même -
déclaration de l'Eternel -, parce que tu as fait cela et que tu n'as pas refusé
ton fils unique,
17 je te bénirai et je multiplierai ta descendance: elle sera *aussi nombreuse que les étoiles du ciel, pareille au sable qui est au bord de la mer. De plus, ta descendance possédera les villes de ses ennemis.
17 je te bénirai et je multiplierai ta descendance: elle sera *aussi nombreuse que les étoiles du ciel, pareille au sable qui est au bord de la mer. De plus, ta descendance possédera les villes de ses ennemis.
18 *Toutes les nations de la terre seront bénies
en ta descendance, parce que tu m'as obéi.»
On a dit qu’Abraham était l’ami de Dieu, on a
cité sa foi en exemple, on a même invité les croyants à l’imiter quand il a
accepté, sans se rebeller, d’offrir à Dieu le sacrifice de son enfant que celui-ci
lui demandait. Il avait ainsi accepté l’inacceptable annonçant par avance le
sacrifice de Jésus que Dieu s’imposa à lui-même, pour sauver les hommes. Mais a-t-on
l’obligation d’accepter
l’inacceptable sans réagir ? Est-on
obligé d’accepter une histoire aussi difficile à comprendre pour pénétrer le
mystère de l’amour de Dieu ?
Certes, les récits bibliques ont forcé le
trait. On n’est même pas sûr de l’historicité des personnages. Quoi qu’il en
soit on a pris l’habitude de considérer que ce récit devait devenir exemplaire pour guider la foi de
celui qui voulait servir Dieu
fidèlement. Mais de quelle foi s’agit-il
ici et à quel Dieu s’adresse-t-elle?
Le personnage de Dieu reste ici
énigmatique. Il apparaît comme un Dieu qui doute. Il doute de celui qu’il a
choisi pour être son ami, et il doute de sa propre capacité à avoir fait le bon choix, puisque c’est la
fidélité de son bien aimé qu’il met en cause en le mettant à l’épreuve d’une
manière bien cruelle.
Celui qui aurait un peu de bon sens ne
devrait-il pas se mettre sur ces gardes face à un Dieu aussi peu sûr de
lui-même ? Nous pourrions alors penser
qu’un récit qui prêterait une telle attitude à Dieu serait une invitation faite au croyant pour qu’il s’interroge sur
la vraie nature de Dieu. Loin de poser
question à Abraham au sujet de sa foi, ce texte interroge le lecteur sur sa
propre foi et l’invite à se demander en quel Dieu il croit.
Une
telle approche nous invite donc à
nous interroger nous-mêmes sur notre manière de croire. Nous garderons cette question
pour guider notre réflexion alors que nous allons suivre Abraham sur le
dur chemin qu’il a choisi d’emprunter par fidélité à son Dieu. Avant de se mettre en marche avec son Fils,
son âne et ses deux serviteurs, Abraham a du mentir à sa femme. En fait, il ne
lui a rien dit, il est parti, ainsi équipé sans dire où il allait ni ce qu’il
allait faire. Il à menti par omission, car à coup sûr Sarah se serait mise en
travers d’un tel projet. Le
mensonge venait de se glisser sournoisement entre Dieu et sa
créature, et comble de surprise, c’est pour plaire à Dieu qu’Abraham
s’apprêtait à déplaire à sa femme.
Mais nous le savons, le mensonge cache
quelque chose de suspect, c’est pourquoi nous avons eu raison, dès le
début de mettre en cause le bien fondé de
ce récit qui établit un voile
sur la bonne relation de Dieu et
d’Abraham. A mesure qu’Abraham va progresser, c’est le visage de Dieu qui va
changer.
Mais si ce premier mensonge n’est pas évident
pour les puristes, Abraham en formule un second sans ambigüité et il le fait à l’intention
de son propre fils qui l’interroge sur l’objet du sacrifice. « Dieu y
pourvoira » lui dit-il, comme s’il ne savait pas que c’était l’enfant qui
était l’objet du sacrifice. Abraham continue à monter et si les pierres lui meurtrissent les pieds il ne s’en rend pas compte, tant le visage de Dieu lui
devient odieux. Il ne peut plus supporter l’action que Dieu lui demande de faire et le regard interrogateur de ses
serviteurs lui devient insupportable, si bien qu’il leur demande de s’arrêter
et de ne plus le suivre. Il ne supporte pas davantage la question de son fils à
qui il ment et pour se décharger de sa
propre responsabilité, il renvoie la responsabilité sur Dieu en le mettant en
cause : « C’est Dieu qui pourvoira au sacrifice ! »dit-il. Nous
savons bien que Dieu acceptera la responsabilité du mensonge ! Dieu était en train de changer de
visage !
Si j’ai moi-même rajouté la description des
états d’âme d’Abraham, nous savons cependant que pour être crédible, il fallait
bien qu’il les éprouve. Le chemin était long, il a pris le temps pendant ce parcours interminable de se
questionner lui-même et de trouver des réponses qui ne lui convenaient pas. Il
se disait qu’on ne devait pas douter de
Dieu, même s’il demandait l’impossible. Il se disait que les projets de Dieu
sont toujours bons, même si leur mise en
œuvre s’apparentait à la torture. Il se
demandait également s’il avait bien compris le message de Dieu, et il en venait
à douter de sa bonne relation avec lui. Toutes ces questions modifiaient pour
lui, la nature de Dieu.
Et puis, il se produisit un pseudo miracle:
la voix de l’ange se fit entendre, et sa main arrêta le couteau, le bélier pris
par les cornes dans un buisson servit de substitut au sacrifice, et Dieu
accepta le substitut. Tout devint plus
clair pour Abraham, mais est-ce bien sûr ? A quoi avait servi cette
aventure ? Dieu y trouvait-il son
compte, à moins que cela ne lui serve encore
à modifier encore son apparence ?
Certes le texte nous a appris que nous sommes
sur le mont Morija, ce mont sur lequel plus tard on construira le temple. S’appuyant sur ce récit et sur ce lieu, les
écrivains bibliques ont retenu la règle de l’interdiction des sacrifices humains.
Mais Abraham avait-il saisi que le visage de Dieu qu’il croyait connaître s’était
effrité pour laisser place à un autre ?
Trop
fidèle a l’image de Dieu qu’il croyait immuable, il n’avait pas compris que
Dieu lui demandait de désobéir à ce Dieu
là. Il n’avait pas encore compris que
Dieu n’était pas un Dieu versatile qui éprouve les hommes pour tester leur
amour. Il n’avait sans doute pas encore
saisit que Dieu, avait déjà commencé à manifester aux hommes son amour incompréhensible depuis les origines.
Il avait contraint Caïn à vivre malgré son forfait par exemple, il avait
suspendu les effets du déluge. Il s’était déjà fait connaître à Abraham sous d’autres
traits quand il plaida pour la survie de Sodome.
En
effet, en priant pour la ville rebelle Abraham escomptait sauver Lot son neveu.
Mais si tous avaient été sauvés, Lots aurait eu le même sort que les coupables,
il aurait été sauvé comme eux, et peut-être aurait-il été considéré comme coupable.
Abraham n’était sans doute pas encore prêt à accepter que justes et coupables
bénéficient devant Dieu du même amour et de la même attention. Et nous, le
sommes-nous ? C’est pour cela que Dieu n’alla pas jusqu’au bout des concessions
qu’il aurait pu faire. Mais Abraham avait déjà compris que Dieu était tout
autre que ce que la tradition reconnaissait de lui.
En gravissant la montagne en compagnie
d’Isaac et portant avec lui tous les instruments traditionnels du culte que
l’on consacre habituellement à toutes les divinités, Abraham était-il en train
de méditer sur la vanité du sacrifice
qui lui était demandé, et peut être de tous les sacrifices. Sans doute
sentait-il monter en lui la conscience de ce Dieu qui n’existe parmi-nous que
pour le mieux être des hommes. Il n’avait pas encore découvert, mais il s’y
préparait, que la présence de Dieu au milieu des hommes n’avait pas d’autre but
que de les aider à vivre mieux, et que pour vivre mieux, le seul message
possible était celui de l’amour du
prochain aussi fort que l’amour pour nous-mêmes.
Quand,
au commencement Dieu bouscula le chao pour créer le monde, c’est pour y introduire la notion d’altruisme
qu’il le créa, car ce n’est qu’ à ce prix
qu’il concevait l’avenir du monde.
C’est cela qu’Abraham était appelé à découvrir en méditant sur son
aventure qui le conduisit à épargner la
vie de son fils pour la plus grande
satisfaction de Dieu, car tel est notre destin à tous : œuvrer pour que
s’épanouisse toute forme de vie que Dieu
place devant nous.
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