Parabole de la vigne et
des sarments- dimanche Jean 15/1-8
C'est moi qui suis la
vraie vigne, et c'est mon Père qui est le vigneron. 2Tout
sarment qui, en moi, ne porte pas de fruit, il l'enlève ; tout sarment qui
porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu'il porte encore plus de
fruit. 3Vous, vous êtes déjà
purs, à cause de la parole que je vous ai dite. 4Demeurez
en moi, comme moi en vous. Tout comme le sarment ne peut de lui-même porter du
fruit, s'il ne demeure dans la vigne, vous non plus, si vous ne demeurez en
moi. 5C'est moi qui suis la
vigne ; vous, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi, comme moi
en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; hors de moi, en effet, vous ne
pouvez rien faire. 6Si
quelqu'un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment et il se
dessèche ; on ramasse les sarments, on les jette au feu et ils
brûlent. 7Si
vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que
vous voudrez, et cela vous arrivera. 8Mon
Père est glorifié en ceci : que vous portiez beaucoup de fruit et que vous
soyez mes disciples.
Avez-vous déjà vu une vigne avant et après qu’elle ait
été taillée, cela mérite le déplacement. Il n’y a pas besoin d’aller bien
loin pour contempler le spectacle. Celui qui y assiste en promeneur
en a pour les yeux et pour les oreilles. Le pied de vigne qui tend ses
branches dénudées vers le ciel gris du mois de mars se trouve en très peu
de temps réduit à très peu de choses : un moignon de bois tordu qui est le
cep et quelques tiges de sarments mutilés qui porteront à l’automne les fruits
dont on pressera le vin, signes de la vie que le Christ partage avec le monde.
Les claquements secs et discrets du sécateur déchirent le silence comme
autant de petits cris de souffrance. Les sarments coupés devenus inutiles
sont rassemblés en petits tas qu’une flamme claire réduits en cendres.
Dans l’air encore frais du printemps qui commence à peine s’entremêlent
curieusement la vie qui va naître et la vie qui s’en va. Les sarments qui ne
servent plus à rien disparaissent et la future récolte n’est encore qu’à l’état
de promesses.
Nous avons là une image de l’Église. Elle n’est sans
doute pas attractive, mais elle est porteuse de promesses. Le cep qui
représente son corps n’a d’intérêt que parce que le Christ l’habite. Il
ressemble à un vulgaire morceau de bois fiché en terre. Son aspect insignifiant
n’a d’intérêt que pour le vigneron qui sous l’écorce racornie perçoit déjà la
sève qui murmure. Les quelques rameaux graciles, judicieusement taillés
figurent les membres de l’Église et portent en eux l’espérance de la récolte. A
première vue, l’aspect de la vigne n’est guère engageant et n’offre rien
d’attrayant. Telle est l’image que Jésus utilise pour exhorter toutes les
églises qui vont naître au cours des siècles. Elles sont averties du fait que
leur fidélité dépendra d’une taille appropriée pour que leurs fruits produisent
le meilleur vin qui annoncera le royaume qui vient. On croirait à évoquer
cette image entendre la voix de Jean Calvin déclarant que
l’Église réformée est toujours à réformer, comme le vigneron qui chaque année
doit tailler sa vigne pour la rendre féconde. Il la réduit pour la faire
grandir.
Jésus nous a habitués à d’autres images pour dynamiser
son Église. Il nous l’a décrite comme une graine qui pousse toute seule et
qui d’un seul coup se recouvre de feuillage tellement épais que les
oiseaux peuvent s’abriter sous son ombre. Elle peut prendre l’aspect fragile
d’une coque de noix livrée à la furie des flots que Jésus calme avec autorité
et qui arrive sereinement au port. Paul a utilisé l’image du sportif dans
le stade qui court pour recevoir la palme du vainqueur. Par contre ici, c’est
la seule fois dans l’Évangile qu’on nous décrit l’Église comme une
plante que l’on mutile pour la rendre plus productive. Les coups de sécateurs
sont perçus comme autant de souffrances nécessaires que le Seigneur nous
imposerait pour obtenir le triomphe de son Église. Nous ne comprenons pas
pourquoi Dieu lui imposerait régulièrement une telle épreuve, comme
s’il voulait par avance justifier les souffrances que le sort nous réserve
d’une manière inexplicable.
Détrompez-vous, il n’y a pas ici une esquisse de la
doctrine de la rédemption par la souffrance comme certains le souhaiteraient.
Il nous faut revenir au texte et repérer comment Dieu s’y prend pour tailler la
vigne. En effet, il ne prend pas de sécateur et il ne la fait pas
souffrir. C’est sa Parole qui produit les effets souhaités et c'est par
elle que les rameaux que nous sommes sont taillés. C’est par
le moyen de la Parole à laquelle nous avons cru que Dieu agit. C’est
grâce à elle que nous avons décidé de nous attacher au Christ. C’est elle qui
guide les étapes de notre vie chrétienne, et si quelque chose est à retrancher
ou à enlever de nos vies, c’est par elle que nous le repérons et c’est
librement que nous décidons de l’ enlever. Ce n’est donc pas Dieu qui opère
des ablations douloureuses, mais c’est chacun de nous qui régule sa vie
selon que la parole le pousse dans un sens ou dans un autre. C’est par fidélité
à sa parole que nous faisons les choix qui donnent du sens à notre vie.
La Parole de Dieu est l’élément régulateur dont nous devons nous servir pour
purifier notre vie et rester fidèlement attachés au cep qui est le corps
principal de l’Église et sous l’écorce duquel se dissimule le Christ lui-même.
Je me suis plu à dépeindre le cep comme un morceau de
bois sans grand intérêt. On ne le remarquerait pas si ses sarments ne se
couvraient de feuilles, de vrilles et de pampres prometteurs de fruit et de
joie. Le cep n’a de raison d’être que dans ses branches qui lui donnent la
récompense de ses efforts. Ses efforts consistent à acheminer la sève jusqu’au
plus lointain de ses rameaux. Il ne peut vivre sans les rameaux qui ne peuvent
vivre sans lui. Le Christ ne peut être vraiment porteur de vie que si les
fidèles sont porteurs de vie à leur tour.
Chacun des fidèles que nous sommes est ici interrogé
au sujet de lui-même et du témoignage que sa propre vie rend au Christ. Nous,
sommes mis en face de nos responsabilités car c’est aux fruits que nous
produisons que l’on reconnaîtra le Seigneur qui nous anime et que le Seigneur
sera glorifié, et si le Seigneur est glorifié il le sera dans la joie. Notre
existence n’a pas d’autre but que de mettre le Seigneur dans la joie, et il est
comblé quand l’ensemble de sa création évolue avec harmonie.
Nous avons compris que le Seigneur nous rend efficaces
par l’esprit qu’il dépose en nous. C’est la sève qui monte du cep vers les
sarments qui permet aux fruits de se gorger de vie avant de devenir le vin
nouveau qui abreuve le monde. Si le fruit n’est pas bon et que le vin tourne à
la piquette, que se passe-t-il ? Cela vient-il de ce que le cep est trop
vieux et qu’il faut le changer, ou cela vient-il du fait que les sarments ont
été mal taillés, sucent la sève et ne donnent pas de bon fruit ? D’une
manière générale, de nos jours, on a tendance à croire que les idées forces qui
animent la vie sur terre depuis 2 000 ans sont dépassées, que le cep est
trop vieux et qu’il faut le changer. On prétend que le Christianisme a fait son
temps et qu’ il doit faire place à de nouvelles spiritualités.
Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage, qui veut
refuser l’Évangile prétend qu’il est illisible, qui voit la paille dans l’œil
des autres ne perçoit sans doute pas la poutre qui est dans le sien. Comment
donner du sens à sa vie si on est incapable de s’orienter soi-même ?
L'Évangile que nous reconnaissons comme étant Parole
de Dieu a été mis à notre disposition pour nous aider à nous remettre en cause,
pour rejeter ce qui est nocif, pour refuser ce qui n’est pas porteur
d’espérance. C’est ainsi qu’il nous est suggéré de trouver dans l’Écriture ce
qui est pourvoyeur de fruit et de rejeter le reste. Si quelque chose ne va pas,
c’est en nous qu’il faut le chercher et non pas dans le cep qui nous abreuve de
sève.
Le fruit que nous sommes sensés produire, le vin
nouveau qui abreuve le monde, c’est l’amour que nous avons en nous-mêmes
et qui doit motiver toutes nos relations avec les autres. Si le monde manque
d’amour aujourd’hui, et il manque d’amour, ce n’est pas la faute de Dieu qui
nous prodigue aujourd’hui comme toujours le même évangile.
Si les choses vont mal c’est que les hommes ne savent
plus aimer et quand les hommes ne sont plus capables de s’aimer les uns les
autres, ils s’oppriment entre eux, ils violentent les plus faibles et les
dépossèdent de leurs biens. C’est à cause du manque d’amour que la moitié du
monde vit au détriment de l’autre moitié. C’est à cause du manque d’amour que
ceux qui ne sont pas esclaves s’arrogent le droit d’opprimer les autres et de
les rendre dépendants. Ce qu’il y a de consternant c’est que ceux-là ne s’aperçoivent
même pas de ce qu’ils font et sont portés à croire que le monde entier
leur ressemble. Curieusement, l’Évangile a été prêché jusqu’aux extrémités du
monde et l’amour n’a pas suivi. S’il faut à nouveau tailler la vigne, il faudra
savoir quels rameaux doivent être taillés et à quelle hauteur ils doivent
l’être. « Heureux ceux qui écoutent ma parole et qui la gardent dit le
Seigneur. »
Illustrations :vignes vues par Van Gogh
1 commentaire:
Très belle prédication que j'ai reprise ce matin. Très bien expliquée sur la transmission de la parole. Une piste possible de réflexion, le "renouveau" les sarments coupés peuvent représenter les anciens qui ont beaucoup donnés mais qui ont besoin de passer le relais, c'est toujours le même Evangile mais porté par d'autres...
Merci beaucoup pour vos excellents sermons.
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