jeudi 3 mai 2018

Jean 17/11-19 La prière sacerdotale dimanche 13 mai 2018


Jean 17/11-19 ( Pour éclairer ce propos: lire aussi Ecclésiaste 1/12-18)
 11 Je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, je viens à toi. Père saint, garde-les en ton nom, ce nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous. 12 Lorsque j’étais avec eux, moi, je les gardais en ton nom, ce nom que tu m’as donné. Je les ai préservés, et aucun d’eux ne s’est perdu, sinon celui qui est voué à la perdition, pour que l’Écriture soit accomplie. 13 Maintenant, je viens à toi, et je parle ainsi dans le monde pour qu’ils aient en eux ma joie, complète. 14 Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a détestés, parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. 15 Je ne te demande pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais. 16 Ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. 17 Consacre-les par la vérité : c’est ta parole qui est la vérité. 18 Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. 19 Et moi, je me consacre moi-même pour eux, pour qu’eux aussi soient consacrés par la vérité.

Curieusement, alors que les temps sont accomplis, que la mort le guette et que son supplice  se prépare, Jésus va prononcer ces dernières paroles qui vont enfin donner du sens à ce monde où nous vivons depuis l’aube des temps historiques. Or, il faut bien le dire, ce monde n’a guère de sens car les plus modestes semblent y être nés pour la peine et les plus favorisés n’y ont fait que  naître dans des conditions plus favorables. Mais tous finissent par disparaître sans laisser aucune trace. Telle est la méditation à laquelle se livre l’Ecclésiaste (1/12ss).  Il fut le plus grand roi d’Israël, et blasé, il considère que  sa puissance et sa fortune ne lui ont servi  de rien, car tout est vanité dit-il. Il était donc temps que la sagesse des plus sages soit dépassée et que Dieu prenne part à ce débat. C’est ce qu’il  fait par la voix de Jésus qui nous invite à entrer dans la joie de Dieu, car   le monde n’arrivera pas à son terme sans y participer.

Pour que le monde prenne du sens et devienne un concept crédible, pour que le monde soit gagnant, il ne faut pas tout attendre de Dieu. Il ne suffit pas que Jésus meurt en prononçant des paroles vertueuses pour que le monde devienne intelligible. Il y a bien longtemps que les propos  de saint  Anselme sur la théologie du rachat  sont dépassés. La théorie du péché originel sur laquelle il s’appuie ne trouve plus d’adeptes.  Pour que les choses prennent du sens, il faut que nous mettions notre intelligence à contribution, car Dieu a prévu notre collaboration pour que  le monde s’harmonise avec lui. Il n’est d’ailleurs nullement évident que nous seront  gagnants et  que les choses tourneront à notre avantage.

En effet, être gagnant, dans notre vocabulaire d’aujourd’hui  signifie que nous espérons faire partie  de ceux qui bénéficieront de l’évolution favorable des choses. Or  Jésus veut nous inviter à croire que Dieu ne veut pas  que le monde soit réparti entre chanceux et mal chanceux.

C’est une autre conception du monde qu’il propose. Jésus utilise  ici plusieurs fois  cette notion  de monde. Le monde est présenté ici   comme une alternative à Dieu. Pourtant Dieu l’aime au point de donner son fils pour le sauver, est-il dit ailleurs dans ce même évangile. Mais en dépit de cet amour que Dieu  éprouve pour lui, le monde suit des voies qui s’écartent de celles que Dieu souhaite.

En fait, le monde est  cet espace où Dieu exerce son art de créateur.  Depuis  l’origine de toutes choses, le monde résiste à l’action de l’amour  par lequel  Dieu tente  de le transformer. Ce qui domine sur le monde c’est l’individualisme de chacun,  sa tendance à tout ramener à lui-même et à tout  accaparer en faveur de ce qui viserait à le maintenir  en situation de dominants. Or l’amour dont Jésus fait état devrait avoir justement un effet  contraire,  si bien que la partie du monde sur laquelle Dieu n’a pas encore d’emprise a tendance à haïr tout ce qui tenterait d’aller dans le sens où Dieu le souhaite.

Ce texte qui a trouvé sa forme définitive après que Jésus l’ait prononcé,  a fait planer l’ombre du « mauvais »  comme la cause de tout ce qui s’oppose à Dieu. Il a laissé entrevoir même dans  le personnage de Judas,  comme incarnation du malin  qui trouve bien évidemment sa place, ici,  dans le contexte de la passion. Mais ce serait aller bien vite en besogne que de lui faire porter un rôle quelconque dans la dérive du monde en  faisant de lui l’incarnation du rival de Dieu qui contrecarrerait ses projets. Il serait plus correcte de penser que le « mauvais » ferait plutôt partie de nous-mêmes et qu’il serait lié à cet élément  qui, en nous,  ferait barrage à l’amour de Dieu et qu’il serait plus conforme d’en faire l’émanation de notre égoïsme ou de  notre instinct de domination que nous seuls pourrions combattre et vaincre avec l’aide de Dieu.

Jésus affirme que le projet de transformation du monde est possible et que le monde pourrait aller dans le sens où Dieu le désire, mais il faudrait que chacun y mette du sien  et commence par accepter la haine des autres à leur égard, car ils  répondent par la haine aux propos de Jésus selon lesquels,  Dieu ne projetterait pas de faire évoluer le monde en réservant une place de choix aux plus favorisés.

Il semblerait qu’en méditant  ces paroles de Jésus comme nous le  faisons, nous devrions bouleverser notre manière de célébrer le culte  dominical et que nous devrions plutôt le commencer par la prière d’intercession au lieu de terminer par elle. En effet, dans cette prière, nous faisons état de tout ce qui va mal autour de nous et où nous supplions Dieu d’agir de toute urgence pour le mieux être du monde.

C’est la partie prophétique de tout notre culte, c’est le moment où devant Dieu et avec lui nous  traçons les  contours d’un monde qui pourrait devenir celui que Dieu désire si on le prenait au sérieux et si nous faisions ce qu’il souhaite que nous fassions. En faisant état de tout ce qui va mal, nous sommes bien conscients du fait qu’un autre monde serait possible. En concevant les choses ainsi, nous allons dans le sens de la prière de Jésus et nous nous plaçons dans les conditions souhaitées par le Seigneur pour que sa volonté soit faite et que son règne arrive.

Nous entrons alors dans l’ultime souhait de Jésus, afin d’être  dans la joie. Elle deviendra parfaite quand elle rejoindra celle de Dieu et que nous aiderons le monde à évoluer selon sa volonté. Ainsi les hommes pourront  entrer joyeusement en harmonie avec Dieu dans la vision d’un monde appelé à se transformer par nos efforts conjugués avec lui. Le monde s’ouvrira  alors à un devenir dont la réalisation est  de l’ordre du bonheur possible.

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