Dans la plupart des paroisses on a parlé de la nouvelle traduction du Notre Père. Je dérogerai à la règle pour ce dimanche 17 juin qui consiste à prendre le texte du jour et je vous proposerai une méditation sur le texte concerné: la sixième demande du Notre Père la Tentation :
C’est donc de tentation que nous allons
nous entretenir aujourd’hui, et à peine
avons-nous évoqué le thème de la tentation qui s’inscrit à la fin du Notre Père, que celle-ci tente de
nous saisir, car nous nous prêtons facilement à son charme. C’est sur ce sujet, que nous sommes tentés d’avoir
raison sur les autres dans les discussions que nous avons au sujet des
propositions d’interprétation qui nous sont offertes par les instances
religieuses qui espèrent réformer la traduction liturgique de la prière. « Ne nous soumets pas à la tentation »
disent les uns », mais les autres de répondre que « Dieu ne
tente personne », preuves scripturaires à l’appui. « Ne nous laisse
pas tomber en tentation ou succomber à la tentation en proposent d’autres ».
Mais s’agit-il vraiment de la tentation ? Ne s’agit-il pas de
l’épreuve ? Le débat se prolonge indéfiniment et la tentation d’avoir
raison de s’imposer à tous.
Chacun de croire que son
interprétation ou son appréciation est la meilleure et que sa traduction est la
plus fidèle. Chacun essaye de prendre le pas sur l’autre ! La tentation
alors pointe toujours son nez car, l’enjeu du débat, n’est-il pas de se valoriser soi-même au travers des
arguments que l’on développe. En fait, qui sommes-nous pour avoir raison face à
tous ces érudits qui depuis des siècles rivalisent entre eux pour nous donner
le sens exact de cette demande ? Et moi-même ne suis-je pas tenté à mon
tour d’user de mon privilège de prédicateur pour vous imposer ma manière de
voir les choses et d’en tirer vanité ?
En fait, peu importe le mot,
car derrière tout cela il s’agit de ne pas dévaloriser l’autre, celui avec qui
on discute et contre qui on aimerait avoir raison. La tentation n’est-elle pas
alors de supplanter l’autre quel qu’il soit en faveur de nous-mêmes, même si
aucune agression ne s’exprime et que l’on garde son opinion pour soi ? Le
défi de cette prière n’est-il pas d’être tenté de refuser à l’autre la place
qui lui est due, c’est-à-dire une place qui lui concèderait une valeur
supérieure à la nôtre ? N’est-ce pas là une proposition que l’on a du mal à
accepter, même si elle nous vient de Paul qui prétend qu’il faut considérer
l’autre comme étend au-dessus de
nous-mêmes. (Philippiens 2/3)
Voici que le tentateur est en train
de frapper à notre porte et qu’il
emprunte mes propos pour mieux vous écraser sous ses gros sabots. Les sabots du
tentateur ne sont bien évidemment qu’une image. Il n’a pas de pieds pour y mettre des chaussures,
ni des bras ni des mains, car il fait son apparition dans les Ecritures sous la
forme d’un serpent. Les écrivains bibliques en ont fait un portrait
particulièrement judicieux, il n’a aucune forme, il est visqueux et son un
corps est insaisissable, mais il est capable de donner la mort à qui le défie.
Il agit par la parole, privilège de Dieu derrière lequel il se cache et cherche
à nous provoquer en se faisant passer pour lui. C’est ainsi qu’il agit sur nous
pour nous conduire toujours dans la mauvaise direction au détriment de notre
prochain. Car l’enjeu de la tentation est toujours la place que l’on réserve à
l’autre.
Notre fidélité à Dieu va nous
aider à ne pas profiter des autres pour
accaparer des avantages à leur détriment. C’est une telle conclusion que
Jésus aspire à nous faire accepter c’est pourquoi il en fait la conclusion de
la prière du Notre Père, qui dès sa
première ligne nous a invités à entrer dans l’univers de Dieu, où nous avons
notre place et où tout est parfait. Il nous invite à dire « Notre Père qui
est aux cieux », et d’emblée nous le
rejoignons dans la plénitude de ce monde
idéale où nous avons notre place avec lui et où nous l’imaginons avec
ravissement. Ensuite, lentement, il nous entraîne à quitter ce monde divin et
il nous accompagne dans le nôtre où le
pain quotidien, sous toutes ses formes fait partie de nos préoccupations
journalières. La recherche du pain de chaque jour nous entraîne cependant, à
utiliser les autres à notre profit et à profiter des avantages que nous
pourrions retirer de leur présence. Inconsciemment en les utilisant à notre profit, nous
risquons de les offenser: « pardonne-nous nos offenses ». C’est dans cette suite logique de l’homme qui se cherche devant Dieu que le tentateur montre enfin le visage derrière lequel il se
cachait. Il travaillait déjà en nous alors que nous n’étions pas conscients de profiter
des autres à leur insu.
Cet itinéraire de Dieu qui
descend de son ciel jusqu’à l’homme pour constater ses mauvais comportements
vis-à-vis de ses semblables et chercher à y remédier n’est pas nouveau. On le
retrouve ailleurs dans la Bible car Dieu est toujours soucieux de nous
rejoindre dans ce qui peut être corrigé au fond de nous. Un jour nous est-il raconté,
Dieu descendit des hauteurs du ciel pour voir ce que les hommes trafiquaient
sur terre. On nous laisse entendre qu’ils avaient entrepris une œuvre collective
en construisant une ville et une tour pour assouvir leur esprit de domination
et qu’une apparente harmonie régnait entre eux. Dieu prit ombrage de cette
belle entente, envisagea les conséquences que tout cela pourrait avoir par la
suite et pour sauver l’avenir, confondit
leurs langues pour rendre difficile toute collaboration entre eux.
La logique d’un tel récit ne
s’installe pas cependant aussi facilement dans notre esprit. Notre première
réaction est encore une tentation, elle consiste à culpabiliser Dieu en pensant
par devers nous qu’il est jaloux de la
belle entreprise humaine, et qu’en intervenant, il réagit par dépit pour
protéger sa souveraineté et qu’il se mêle de ce qui ne le regarde pas, car
apparemment tout se passait bien avant qu’il intervienne. Partant de là, nous avons tendance à penser qu’il y a sans
doute du positif dans la domination des uns par les autres. La tentation nous entraîne alors à croire que
l’autoritarisme de Dieu interfère dans la liberté des hommes et trouble la
bonne ordonnance du monde.
De telles pensées modifient notre regard sur Dieu au risque de ne pas voir que la tentation nous guette de
le rendre responsable de tout ce qui arrive. En particulier ce qui nous arrive
de mal. Ceux qui tiennent de tels propos lui reprochent de déséquilibrer le monde par le biais des religions qui se réclament
de lui. On prétend alors que les religions sont à l’origine des dissensions
entre les hommes et provoquent les guerres dans le monde.
En fait
la tentation est grande pour les peuples de se servir de Dieu, pour se croire
choisis par lui et les religions le disent parfois. Ils éprouvent alors
l’illusion de croire que leurs positions géographiques, les héritages de
l’histoire, les brillants intellectuels
qui président aux destinées de leurs universités, leur donne le droit de mettre
les autres sous leur dépendances. Ce serait même de leur part un acte de considération à leur
égard, voir même d’amour parce qu’ils
considéreraient que Dieu leur confie les autres pour les aider à évoluer.
Mais ces arguments tiennent mal de nos jours
et les philosophes ont tôt fait de
démontrer que de tels principes ne
justifient pas une influence quelconque de Dieu sur les hommes, si bien que la tentation s’est faite de ne plus mêler
Dieu aux problèmes des hommes et de ne plus croire en lui. Les professionnels
de l’économie ont alors inventé d’autres
arguments pour justifier la domination des uns sur les autres, car c’est une
tentation constante de l’humanité que de
toujours chercher à dominer ses voisins. C’est ce travers des hommes que Dieu
dénonce quand il prête sa voix à Jésus
pour définir l’amour qu’il devrait y avoir entre les humains
Mais ce propos ne nous libère
pas pour autant de la tentation qui nous
guette de faire jouer à Dieu un rôle que Jésus ne lui reconnaît pas et de le
faire entrer dans une attitude qu’il récuse. C’est alors que nous sommes tenté
de croire que Dieu s’est fait homme pour partager avec lui son génie créateur et
pour organiser la planète que Dieu lui aurait confiée. Il se propose alors de l’organiser de telle sorte qu’il élimine tout ce qui entrave sa propre domination
sur les êtres, les choses les animaux,
et les végétaux ainsi que les
humains qui ont la malchance d’occuper
la mauvaise place. Ce faisant, il y a fort à penser qu’en s’en prenant à tout
ce qui vit, les hommes se font les partenaires du mal et les adversaires de
Dieu. « Seigneur, délivre-nous du mal qui est en nous. »
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