Le premier jour des Pains sans levain, le jour
où l'on sacrifiait la Pâque, ses disciples lui disent : Où veux-tu que
nous allions te préparer le repas de la Pâque ? 13 Il envoie deux de ses
disciples et leur dit : Allez à la ville ; un homme portant une cruche
d'eau viendra à votre rencontre ; suivez-le, 14 et là où il entrera, dites
au maître de maison : Le maître dit : Où est la salle où je mangerai
la Pâque avec mes disciples ? 15 Il vous montrera une grande chambre à
l'étage, aménagée et toute prête : c'est là que vous ferez pour nous les
préparatifs. 16 Les disciples partirent, arrivèrent à la ville, trouvèrent les
choses comme il leur avait dit et préparèrent la Pâque.
17 Le soir venu, il arrive avec les Douze. 18Pendant
qu'ils étaient à table et qu'ils mangeaient, Jésus dit : Amen, je vous le
dis, l'un de vous, qui mange avec moi, me livrera. 19 Attristés, ils se mirent
à lui dire l'un après l'autre : Est-ce moi ? 20 Il leur
répondit : C'est l'un des Douze, celui qui met avec moi la main dans le plat.
21 Le Fils de l'homme s'en va, selon ce qui est écrit de lui. Mais quel malheur
pour cet homme par qui le Fils de l'homme est livré ! Mieux vaudrait pour
cet homme ne pas être né.
22 Pendant qu'ils
mangeaient, il prit du pain ; après avoir prononcé la bénédiction, il le
rompit et le leur donna en disant : Prenez ; c'est mon corps. 23 Il
prit ensuite une coupe ; après avoir rendu grâce, il la leur donna, et ils
en burent tous. 24 Il leur dit alors : C'est mon sang, le sang de l'alliance,
qui est répandu pour une multitude. 25 Amen, je vous le dis, je ne boirai plus
du produit de la vigne jusqu'au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume
de Dieu.
26 Après avoir chanté,
ils sortirent vers le mont des Oliviers. 27Jésus leur dit : Il y aura pour
vous tous une cause de chute, car il est écrit :
Je frapperai le
berger,
Le personnage de Judas : Une
énigme policière non résolue Marc 14 :17-21
Le personnage de Judas est fascinant, non pas
tellement à cause de ce que l’on a écrit à son sujet, mais à cause des
questions qu’il nous pose sur les autres
apôtres et surtout sur Jésus lui-même. Depuis toujours il a été confiné dans la
peau du traître avec toutes les variantes qu’on a pu y apporter.
Au cours des siècles cependant son personnage s’est
humanisé. On a même écrit que s’il a trahi Jésus en échange d’une somme
d’argent c’est pour soigner sa femme malade.
Il aurait livré Jésus pour lui forcer la main à se déclarer comme le
Messie d’Israël. Son erreur l’aurait alors amené à se suicider par désespoir. «L’Evangile de
Judas », apocryphe récemment révélé au grand public le range parmi les
héros, et le considère comme
l’inspirateur de Jésus. N. Kazantzakis
en a fait son compagnon le plus fidèle
et le plus sûr.
Les Evangiles ne sont pas toujours d’accord à son
sujet. Ainsi l’Évangile de Jean l’accuse sans preuve d’être un fourbe et un
voleur et, par voie de conséquence
fait passer Jésus pour un naïf qui lui aurait confié la bourse du
groupe. Lors de l’onction de Béthanie, Matthieu ne partage pas le jugement de
l’évangéliste Jean ( Mt 26/8). Sans
doute aucun des apôtres ne se doutait du
projet en cours de livrer Jésus. Jésus-lui-même s’en doutait-il ? Quand il envoie Judas faire ce qu’il doit
faire, ( Jn/ 13) tous pensent qu’il va faire une aumône et non pas le trahir.
Or Jésus l’a désigné comme le traître en
lui donnant le morceau de pain, (Jn
13/27) mais aucun ne se saisit de son arme pour lui barrer la route car selon
l’inventaire de Luc, ils étaient armés et aucun n’avait discerné ce qui se
tramait. (Lc, 22/38). Y a-t-il eu prescience de Jésus dans sa
recommandation à Judas ou complicité de
Jésus avec lui ? De la réponse à
cette question va dépendre toute notre
manière de concevoir le personnage de Jésus.
Selon les sentiments que l’on éprouve pour Judas ou selon les lectures que l’on a pu faire à
son sujet, le regard que nous allons porter sur Jésus sera sans doute
différent. La version classique du récit, telle que nous la
retenons habituellement est inacceptable bien que conforme aux évangiles. Si Jésus n’avait pas
l’intention d’être arrêté, pourquoi a-t-il laissé sortir le traître en sachant
ses intentions ? A supposer qu’il ait saisit l’occasion pour se laisser
arrêter et condamner à mort, si tel était son projet, pourquoi a-t-il laissé
Judas encourir les feux de l’enfer ? Si Dieu l’avait prédestiné à cette
action, l’argument enlèverait toute
crédibilité à la théologie de la grâce.
Le seul argument qui tienne vraiment semble être celui
qui suppose une connivence entre Jésus
et Judas. Jésus aurait eu besoin d’un homme sûr pour l’aider à réaliser le projet de le livrer aux autorités et être
mis à mort dans le contexte de la Pâques.
Le défi relevé par Judas aurait été non pas d’encourir la damnation
éternelle mais la malédiction que la tradition fera peser à tout jamais sur
lui. Judas ne se serait pas suicidé pour se repentir, mais se serait suicidé à
cause du rejet des autres qui saliront
sa personne pour l’enfermer dans le rôle ignoble où l’a tenu
la tradition.
Si Jésus avait une telle confiance en lui, c’est que
Judas était le plus solide et le plus fidèle de ses disciples. Il était plus à même de tenir le rôle que les
évangiles accordent à Pierre qui lui aussi a trahi. Si Judas n’est pas un traître, c’est le collège des
apôtres qui prend une autre composition.
A-t-il été évincé au profit de Pierre par ceux qui après sa mort ont chargé son personnage ? S’il ne
s’est pas suicidé en se pendant (Mt 27/3-10) est-il tombé sous les coups d’un
mystérieux assassin qui l’aurait tué à la manière des sicaires à partir d’un coup de poignard caché sous son
manteau ?( Ac. 1 /18-20) Et pourquoi ? Encore une énigme policière non
résolue !
Malgré tout on voit bien que si le récit traditionnel
n’est pas satisfaisant, celui de la complicité avec Jésus ne l’est pas
davantage. Efforçons nous maintenant de quitter le rôle d’enquêteur de police
pour reprendre notre rôle de théologien et efforçons-nous d’ approfondir le
personnage à partir de ce qu’en disent les textes, et avec un peu d’attention
nous allons découvrir d’autres énigmes qui ne sont pas moins surprenantes que
les précédentes. (1)
Le premier constat c’est que les quatre
évangélistes expriment un avis essentiellement négatif sur l’homme. Tout se
passe comme s’ils s’étaient tous mis d’accord pour le charger de tous les
péchés possibles. Il serait avare, cupide, attaché à l’argent et
finalement traître. Il est présenté sous
les traits d’un personnage dont on se
demande pourquoi Jésus l’a pris dans son entourage. Il est en plus affublé du
même nom, à peu de choses près, que cet
autre Juda, fils de Jacob qui se proposa de vendre son frère Joseph contre une
somme d’argent.( Genèse 37)
On peut alors se demander, comme le font si souvent
les Evangélistes qui ont recours à la tradition vétérotestamentaire pour
expliquer les choses, si Judas n’est pas
un personnage fictif inspiré par ce fils de Jacob. A partir de ce personnage, les narrateurs des
évangiles auraient campé un individu irréel sur lequel on pouvait faire peser
le poids de toutes les trahisons possibles, et en particulier celles de ses
apôtres eux-mêmes. Judas rassemblerait sur lui, tous les manques de discernements
et toutes les erreurs commises par les proches de Jésus sans qu’aucune
culpabilité ne puisse être retenue contre eux.
Si psychologiquement
l’explication d’avoir créé un personnage chargé de tous les torts tient la route. Il y a bien entendu d’autres arguments qui
plaident en faveur de cette thèse. Le
premier c’est qu’on ne sait pas comment il est mort et qu’on lui a inventé deux
morts que l’on a du mal à harmoniser : crime ou suicide ? Nous trouverons un autre argument chez Paul
qui, par ses écrits est le plus ancien écrivain
du Nouveau Testament et qui ne retient pas le nom de Judas quand il
rappelle qu’au moment de la cène, Jésus fut livré ( 1 Cor 11).
Personnage énigmatique, Judas nous aide à assumer nos
propres contradictions d’autant plus aisément qu’il serait le produit de
l’invention de la tradition qui l’aurait suscité pour le faire apparaitre deux générations après l’événement ( date de
la rédaction des évangiles) et
ainsi sauver la réputation des apôtres, déjà morts qui auraient peut-être pu avoir joué un rôle
ambigu dans les événements qui ont conduit Jésus à la mort.
Cette approche détruit à tout jamais l’explication
insupportable selon laquelle Judas aurait été le fils de perdition, prédestiné à entrer dans ce rôle de traître
et condamné de toute éternité à la damnation éternelle. Cette dernière
explication est-elle la bonne ? Nul ne le sait, mais elle permet à chacun
d’accepter le pardon qui lui est offert sans se demander si le pardon est possible
pour tous.
1 .
Voir: Jésus pour le XXI e siècle de John Shelby
Spong édition Karthala page 61
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