mercredi 13 février 2019

Luc 6/27-38 aimer ses ennemis? Dimanche 24 février 2019


Luc 6/27-38

27 « Mais je vous dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent,

28 bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient.

29 « A qui te frappe sur une joue, présente encore l’autre. A qui te prend ton manteau, ne refuse pas non plus ta tunique.

30 A quiconque te demande, donne, et à qui te prend ton bien, ne le réclame pas.

31 Et comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, agissez de même envers eux.

32 « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance vous en a-t-on ? Car les pécheurs aussi aiment ceux qui les aiment.

33 Et si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance vous en a-t-on ? Les pécheurs eux-mêmes en font autant.

34 Et si vous prêtez à ceux dont vous espérez qu’ils vous rendent, quelle reconnaissance vous en a-t-on ? Même des pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent.

35 Mais aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants.

36 « Soyez généreux comme votre Père est généreux.

37 Ne vous posez pas en juges et vous ne serez pas jugés, ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés, acquittez et vous serez acquittés.

38 Donnez et on vous donnera ; c’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante qu’on vous versera dans le pan de votre vêtement, car c’est la mesure dont vous vous servez qui servira aussi de mesure pour vous. »


Il se peut que nous fassions  partie de cette foule rassemblée autour de Jésus. On ne sait qui la compose, mais ce sont vraisemblablement de braves gens qui s’interrogent sur eux-mêmes. Ils ont assez de loisirs pour écouter Jésus. Chômeurs, saisonniers sans embauche, pêcheurs revenus de la pêche... Ce temps d’inactivité leur permet de s’interroger sur eux-mêmes. Je suis frappé par le courant de sympathie qui semble s’être établi entre Jésus et eux. Il a apparemment une bonne opinion de tous ces individus anonymes. Dans ses propos il montre qu’il croit à leurs capacités à l’empathie et il les pousse à améliorer cette capacité. Personne ne proteste. Mais cette possibilité d’altruisme ne peut se développer que s’ils font une rencontre avec  Dieu qui soufflera son Esprit sur eux. C’est là le fond de sa pensée.

Il faut que cette rencontre ait lieu pour que les hommes  puissent aimer sans retenu. C’est alors  que cet amour pourra même  s’adresser à leurs ennemis et à ceux qui leur veulent du mal. Ils pourront alors donner de leurs superflus, mais aussi de  leur nécessaire sans compter. S’ils sont appelés à rendre service ils  pourront le faire sans tenir compte de leur temps ni de leur peine. Ils se mettront alors à ressembler à ce voyageur dont l’Evangile parle par ailleurs. Il  avait croisé sur sa route un blessé que personne n’avait secouru. Il prit non seulement du temps pour lui porter  secours, mais il le conduisit dans un hôtel dont il paya par avance la facture (Luc 10/33).

En nous provoquant ainsi, Jésus ne réveille-t-il pas la graine de super héros qui  sommeille en nous, car il sait que tout un chacun  a en lui des possibilités  d’amour et d’altruisme bien supérieures  à celles dont il se croit capable ? Il invite chacun de ses auditeurs à prendre acte du fait  qu’il y a en eux des possibilités de toujours faire mieux et ce faisant de rejoindre la corporation des enfants du très Haut.

Les enfants du Très Haut, ce sont  ceux et celles qui se sont laissés saisir par l’Esprit de Dieu et qui le laissent diriger leurs actions. Ils se mettent tout naturellement en harmonie avec Dieu et ils perçoivent comme par intuition la volonté de Dieu qui les pousse à agir dans le sens où Jésus leur enseigne.

Ce qui me réjouit ici, c’est cette conception optimiste de la nature humaine qui se dégage des propos de Jésus qui exprime l’opinion favorable de Dieu à son égard. Il nous entraine à dépasser cette lecture pessimiste  sur le genre humain   à laquelle une  lecture traditionnelle des Ecritures nous a habitués en laissant entendre que la chute a rendu les hommes incapables d’un élan généreux vers les autres et qu’ils ne cherchent  qu’ à satisfaire  leur satisfaction personnelle. Jésus trace ici un autre portrait de l’humanité à l’état naturel. Il y révèle sa capacité à être accessible à l’altruisme, si bien qu’il y a en l’homme des aptitudes à prolonger la création de Dieu.  Comment en effet, pourrions-nous imaginer que Dieu puisse aimer l’espèce humaine si elle n’a pas en elle la capacité à aimer ?

Ce discours de Jésus montre cependant ses limites. La capacité de l’homme à aimer n’est cependant pas suffisantes à elle toute seule  pour  permettre à l’homme d’accomplir tout seul son propre destin. Il faut que le souffle de Dieu passe sur lui et qu’il accepte  d’être pris  en charge par lui. C’est alors qu’il sera capable de faire les choses qui réjouiront Dieu, qui prendront en charge le monde et qui infléchiront son évolution vers un avenir heureux. Les capacités de réussir cela sont en lui, mais elles ne peuvent entrer en action que s’il accepte que Dieu les mette en mouvement.

 Ne nous laissons pas cependant gagner  par une euphorie qui ne serait pas de bon aloi. Il faut que nous apportions à ce que nous venons de dire un correctif que l’apôtre Paul a mis en œuvre dans l’épître aux Romains. Il constate  que malgré l’influence de l’esprit de Dieu sur nous, il y a encore  nous des forces de résistances qui nous entrainent dans des directions contraires à notre propre volonté. Nous avons parfaitement conscience de ce que nous devrions faire, mais en même temps, nous avons aussi le désir de faire le contraire. Bien que nous sachions ce qui déplait à Dieu, comme par un malin plaisir, nous faisons ce qui lui déplait. Nous sommes bien conscients que ce dysfonctionnement nous écarte de Dieu.

Paul pointe le doigt en direction du coupable, c’est le péché. Le péché, c’est ce  compagnon  qui ne nous lâche pas d’une  semelle. Il occupe en nous la place que Dieu revendique.   Il entretient en nous le ferment de l’égoïsme et provoque en nous des divisions intérieures qui contrecarrent l’influence de Dieu sur nous. Pour remédier à cela, seule la présence vigilante de Dieu entretenue par la prière est seule capable de maîtriser cette situation.

En fait nous sommes continuellement habités par cette tentation qui oppose  en nous, le vouloir et le faire si bien qu’une partie de nous-mêmes récuse ce que nous nous voudrions entreprendre.  En opposition à cette tension intérieure la présence continue de Dieu entretenue par notre prière provoque l’harmonie nécessaire  dont notre âme a besoin. C’est le centre de l’enseignement de Jésus. Notre désir de plaire à Dieu, par l’action de l’esprit divin en nous, s’équilibre avec notre désir de nous plaire à nous-mêmes si bien que les pulsions contradictoires n’existent plus.

Vous avez bien compris qu’en parlant du désir de plaire à Dieu,  je pourrais rajouter aussi le désir de partager sa  joie et aussi et surtout son amour, car notre amour humain trouve sa plénitude dans l’amour de Dieu. L’amour humain, visité par l’esprit divin devient l’élément par lequel tous nos désirs sont dépassés pour rejoindre ceux de Dieu.

Quand nos amours son vécues sous  le regard de Dieu, notre vie se met comme par miracle en harmonie avec Dieu lui-même. Nos tensions intérieures s’estompent au point que nous cessons d’être des êtres divisés à l’intérieur d’eux-mêmes mais harmonieusement unis au désir de Dieu. Sont alors réunis les conditions favorables pour que cette faculté de dépassement, à laquelle nous faisions allusion tout à l’heure puisse enfin se réaliser et que nous nous sublimions en entreprenant des actions qui apporteront une autre coloration à notre image du monde.

Bien évidemment une telle perfection ne se réalise jamais complètement et les vicissitudes de la vie quotidienne maintiennent leur pression sur nous. « Il faut bien que la bête exulte » aurait dit Jacques Brel. Seule la prière nous permet de maintenir  le rapport nécessaire avec Dieu. Notre prière, consiste alors,  à demander au Seigneur de faire taire en nous ces voix discordantes pour nous laisser habiter par Dieu seul qui dans l’intimité de nos jardins secrets  oriente nos projets. C’est alors que tout ce que nous entreprendrons  deviendra porteur d’espérance et créateur de tous ces événements nouveaux dont Dieu a besoin pour que le monde évolue dans le sens où il le souhaite.


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