LUC 9/28-36 La transfiguration -
Notre inconscient véhicule l’idée que plus on s’élève dans les
montages, plus l’air se fait pur, plus les idées se font sereines, plus
on se rapproche de Dieu. C’est en regardant vers les hauteurs que celui qui
adresse sa prière à Dieu au psaume 121 se sent plus près de son Seigneur.
" Je lève mes yeux vers les montagnes, d’où me viendra le
secours ?" Il se sent plus apte à recevoir ses messages et se laisse
envahir par la paix qui lui vient d’en haut. Il n’est donc pas étonnant qu’à la
suite de Jésus, ses trois plus proches collaborateurs lui emboîtent le pas et
s’élèvent avec lui vers les sommets. Dans leurs pensées, comme dans la nôtre,
les sommets de la montagne se confondent sans doute avec les
sommets de l’esprit. Et c’est sur ces sommets-là, à n’en pas douter que Dieu
nous donne rendez-vous.
Arrivés au faîte de leur ascension, ils se trouvent confrontés à deux
illustres patriarches qui eux aussi semblent
avoir fait, chacun pour sa part, une
expérience remarquable au cours de l’ascension d’une autre montagne. Ils y
ont fait eux aussi une expérience avec
Dieu qui a fortement marqué l’histoire de la révélation et en ont fixé les
règles immuables, à tel point que nous considérons encore aujourd’hui leur
expérience comme normative pour tous les croyants.
Pierre Jacques et Jean montaient à la suite de Jésus. Leur esprit
n’était certainement pas tourmenté par les mêmes soucis que
ceux qu’avaient connus Moïse et Elie. Ils espéraient cependant faire une rencontre avec Dieu qui
allait les marquer. Ils savaient qu’ils
allaient le rencontrer sous un autre aspect que celui auquel ils étaient habitués.
On ne pourrait mieux dire.
Longtemps avant eux, et c’était encore dans la mémoire de tous, Moïse
avait gravi une montagne, plus redoutable que celle-ci, le tonnerre y
grondait et son sommet se perdait dans
les nuages. Le Dieu qui l’habitait s’annonçait comme le créateur de l’univers,
il prétendait dominer tous les autres dieux et décidait de régenter la société
des hommes en leur imposant sa Loi et se
proposait de châtier ceux qui la transgresseraient.
C’était justement pour recevoir le don de cette loi de ses mains
divines que Moïse avait entreprit de gravir la montagne. Il avait laissé
ses compagnons en chemin et avait achevé l’ascension solitaire. Au sommet il
recueillit les précieuses tables gravées en lettres de feu par le doigt
même de Dieu. Elle faisait de l’amour pour Dieu et pour autrui la condition essentielle de la vie avec Dieu. Cette
image figeait à tout jamais les règles qui déterminaient les conduites des
hommes avec lui. Avec l’histoire de Moïse en mémoire nos marcheurs
poursuivaient leur route sans crainte ?
Etaient-ce les mêmes règles qui s’imposèrent aux hommes dans l’expérience qu’avait faite Elie ? Leur rencontre avec Dieu
allait-elle se faire de la même façon ? Lui aussi, il avait fait une
expérience semblable. Un croutons de pain dans la poche, une gourde d’eau à son
côté, Il avait marché solitaire, pendant quarante jours. Il
fuyait la colère de la reine Jézabel qui en voulait à sa vie de prophète et qui
contestait son Dieu. Il se mit à gravir,
lui aussi, la montagne à la recherche de Dieu. Arrivé au somment
il ne le vit pas. Il n’était ni dans le vent, ni dans la tempête, comme le
récit de Moise l’avait laissé entendre. Il ne se cachait pas non plus, dans cet
horizon fascinant qui s’étendait à l’infini. Sans doute fut-il aussi tenté de
le chercher dans le coucher du soleil dont le rougeoiement sur le soir,
embrasait l’horizon et plonge les
humains qui le contemplent dans des ravissements ineffables ? C’est
au fond d’une grotte, le visage couvert de son manteau qu’il fit la
rencontre de Dieu alors qu’il était attentif au souffle d’un faible zéphire
dans lequel Dieu se cachait. C’est ainsi que Dieu se révéla à lui. Il
lui apparut comme le Dieu immuable qui
se cache et dont aucun humain ne peut percer les secrets.
Puisque nous sommes dans les montagnes restons y pour accompagner un autre
patriarche, dans un autre récit, qui gravit une autre montagne, encore une, et qui
va nous aider à voir Dieu sous son véritable aspect. C’est d’Abraham dont il
s’agit. Rejoignons le cheminant
solitaire avec ses deux serviteurs et son âne. Il suivait un chemin
sinueux gravissant une autre montagne au
sommet de laquelle Dieu lui avait donné rendez-vous. Son fils Isaac le suivait et l’interrogeait au sujet de
cette étrange ascension. Isaac ne savait pas encore que Dieu avait convoqué son
Père pour qu’il serve lui-même d’holocauste, lui l’enfant du miracle. Alors que le Père des croyants
montait lentement pour accomplir son destin, il était conscient que Dieu
restait sourd à sa prière silencieuse. Il le suppliait secrètement
d’interrompre cette ascension qui devenait un véritable supplice pour lui. Le
vieillard, tout entier concentré dans ses pensées trouvait que l’exigence
de Dieu était bien dure et qu’elle avait même dépassée la limite du
supportable. Il montait toujours, recherchant plus la solitude que la
compassion.
Sa femme était restée seule en bas, sous la tente dans l’ignorance de
ce qui se tramait. C’était entre Abraham et Dieu que tout se jouait
maintenant, c’est pourquoi il laissa ses serviteurs au pied de la
montagne avec l’âne. Il montait toujours vers son Dieu qui lui réclamait son
fils.
Arrivé au sommet, Dieu n’était pas au rendez-vous ! En tout cas
Abraham ne le vit pas vraiment. C’est au moment où il se préparait à
faire le geste fatal qu’il réalisa qu’il n’avait rien compris et que Dieu
n’était pas celui qu’il croyait. Si Dieu lui demandait la vie de son
fils, ce n’est pas de sa mort qu’il s’agissait. Il lui demandait qu’il le lui
confie pour le faire vivre. Il comprit alors, que depuis toujours il
avait méconnu ce Dieu qui était son ami. Il y eut comme un sursaut de
joie dans sa tête quand Dieu arrêta son bras et que la lumière se
fit en lui. Il comprit que Dieu qu’il découvrait était le Dieu de la vie et que rien d’autre ne le caractérisait. Le
mystère derrière lequel il se cachait était la vie, le secret qu’Elie n’avait pas compris était désormais
dévoilé Rien si non la vie caractérisait Dieu pour toujours. Moïse devait donc revoir
sa copie. Elie, à son tour devait comprendre que c’est de la vie que Dieu
voulait l’entretenir, non seulement la sienne, mais celle de tous les hommes.
C’est maintenant pour découvrir son projet
de vie pour toute l’humanité que Jésus a entrainé ces 3 hommes à le
suivre sur la montagne. Pour ce qui nous concerne, nous devons réfléchir à
notre tour au fait que cette aventure nous concerne et que Jésus
vient habiter notre vie pour la faire entrer dans le projet de Dieu pour
toute l’humanité, car c’est pour donner du sens
à notre vie que Jésus aujourd’hui nous a invités à la suivre. A la place de tout ce que nous inventons pour
imaginer Dieu, c’est le mot vie qui ici nous est suggéré.
Ainsi, Dieu encore une fois ne se laisse pas enfermer par les hommes dans
des constructions spirituelles. Le Dieu immuable, éternel et tout puissant, tel que la loi le décrit et que les hommes avait jadis enfermé dans le
Temple n’a pas résisté à l’Evangile tel que Jésus l’a présenté. Il en a fait le
Dieu de la vie qui entraine les hommes à y participer. Pourtant nous sommes toujours tentés d’enfermer Dieu dans nos
élaborations humaines telles que les catéchismes qui sont le reflet des dogmes les
dogmes à qui nous donnons force de loi. Ne soyons pas étonnés si Dieu leur résiste à nouveau et s’échappe
toujours de nos conventions pour nous imposer qu’un seul aspect de sa divinité,celui de la vie, la vie
éternelle quelle que soit la forme qu’elle peut prendre. Nous découvrons que
c’est Dieu lui-même qui maintenant nous enferme dans une culture de la vie dont les trois
apôtres ont construit les Evangiles. Elle doit désormais devenir la règle qui
s’impose à nous pour participer à la vie qui vient.
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