Luc 9- 11-17 la multiplication des pains 23 juin 2019
10 Les apôtres, à leur retour, racontèrent à Jésus
tout ce qu'ils avaient fait. Il les prit avec lui et se retira à l'écart, du
côté d'une ville appelée Bethsaïda.11 Les foules s'en aperçurent et le
suivirent. Il les accueillit ; il leur parlait du règne de Dieu ; il
guérit aussi ceux qui avaient besoin de guérison.
12 Le jour commençait à baisser. Les
Douze vinrent donc lui dire : Renvoie la foule, pour qu'elle aille se
loger et trouver du ravitaillement dans les villages et les hameaux des
environs ; car nous sommes ici dans un lieu désert. 13 Mais il leur dit : Donnez-leur
vous-mêmes à manger. Ils dirent : Nous n'avons pas plus de cinq pains et
deux poissons, à moins que nous n'allions nous-mêmes acheter des vivres pour
tout ce peuple. 14 En effet, il y avait environ cinq mille hommes. Il dit à ses
disciples : Installez-les par rangées d'une cinquantaine. 15 Ils firent
ainsi ; ils les installèrent tous. 16 Il prit les cinq pains et les deux
poissons, leva les yeux vers le ciel et prononça la bénédiction sur eux. Puis
il les rompit et se mit à les donner aux disciples pour qu'ils les distribuent
à la foule. 17 Tous mangèrent et furent rassasiés, et on emporta douze paniers
de morceaux qui étaient restés.
Jésus
nous surprendra toujours parce qu’il réagit rarement dans le sens où nous le
souhaitons. Les disciples excités par leur expérience sont fatigués, ils
espèrent un peu d’écoute et de compassion de la part de Jésus. Ils sont aussi angoissés par le fait que le tétrarque qui a fait mourir Jean cherche à voir Jésus. Jésus quant à lui semble
abonder dans leur sens, c’est pourquoi il les emmène en promenade pour prendre
un peu de repos. Inutile, la foule plus rapide qu’eux les a rejoints. On
se reposera plus tard, on mangera à un autre moment, Jésus leur sacrifie sa
disponibilité pour se consacrer à plus démunis qu’eux.
Ainsi
en est-il de ceux qui ont choisi de mettre leurs pas dans ceux de Jésus
et de répondre à sa suite à l’appel de Dieu. Il leur faut aller de l’avant,
même s’ils sont fatigués. La mission a sans doute été rude. Ils ont
sans doute besoin de nourriture matérielle et spirituelle, ils ont besoin
de partager leur aventure. Ils ont en fait besoin que l’on s’occupe
d’eux, négligeant tout sentiment d’empathie, Jésus considère qu’il y a plus
urgent. Frustrés, ils restent dans leur coin.
C’est
cela qui se passe bien souvent, même dans ces Églises que nous fréquentons. La
plupart de ceux qui sont venus assister
au culte y sont venus parce qu’ils avaient
besoin de Dieu, parce que leur cœur avait besoin de s’épancher, et la plupart du temps, ils entendent des paroles qui leur disent que les autres, sont plus à plaindre qu’eux. On leur parle du souci de Dieu pour les
autres, on les invite même à leur consacrer du temps et de l’argent. C’est
alors qu’ils se sentent frustrés. Ils le sont d’autant plus qu’ils savent que ces
exhortations donnent dans le vrai. Ils
savent intérieurement qu’ils sont en
quelque sorte des privilégiés par rapport
à d’autres, mais pour cet instant, ce n’est pas leur sujet de préoccupation.
Nous
partageons nous aussi le désarroi des disciples. Ils espéraient la
compassion de Jésus, et c’est la foule qui y a droit. Quand nous participons à la vie de son Eglise, nous
aimerions parfois que Jésus s’occupe de
notre âme, au lieu de nous culpabiliser, par prédicateurs interposés au sujet de ce que
nous ne faisons pas.
Bien
entendu, tous ces gens qui accouraient en foule à la suite de Jésus
n’étaient pas venus pour être mobilisés afin de devenir les premiers bâtisseurs
du Royaume de Dieu. Jésus ne semble même
pas avoir l’intention de les enrôler parmi ses
amis, ni de constituer avec eux un premier contingent pour mener une révolution dont il
serait l’instigateur. Ils espèrent seulement sans le savoir que
Jésus mettra quelque chose de nouveau dans leur vie. Il n’y a pas donc
pas de concurrence entre les disciples et la foule, mais ils ressentent mal une telle situation.
Pourtant,
Jésus a mis ses amis à l’écart, il ne les a pas bousculés, il les a laissés tranquilles
pour qu’ils se reposent un peu avant de les mettre au travail. Car pour Jésus,
c’est l’action qui prime sur l’inaction. C’est le dynamisme qui prend le pas
sur la contemplation. Il va se comporter comme si le fait de se mettre au travail sous
son impulsion était un baume suffisant
pour leur donner de la vigueur. Pour Jésus, semble-t-il, il n’y a aucun avenir dans un repli sur soi,
car la vie qu’il nous donne ne peut se vivre que dans le mouvement.
Les
gens qui forment de cette foule sont comme des brebis sans berger, est-il dit
dans un autre évangile au sujet de ce même événement. Curieusement, Jésus
ne se propose pas d’être leur berger. Pour répondre à leur détresse, Jésus les
a enseignés et ils ont sans doute été réceptifs puisqu’ils sont restés. Mais celui
qui enseigne n’est pas forcément celui qui prend en charge. On ne sait
d’ailleurs pas ce qu’il leur a dit, mais on peut le supposer. Il leur a dit que
s’ils suivent son enseignement, ils n’auront plus besoin de berger. L'enseignement qu’il leur donne leur suffit pour qu’ils deviennent
eux-mêmes autonomes car Jésus veut en faire des êtres assez dynamiques pour se
battre pour leur propre cause. Ils n’ont besoin ni de maître ni de gourou.
Jésus leur a indiqué la voie qui donne du sens à la vie et en écoutant Jésus, ils
ont été remplis du désir de vivre.
Il
leur a donné de l’espérance ! Et maintenant le groupe des amis de Jésus n’a
plus qu’un désir : celui de se séparer de la foule et de le récupérer enfin, car ils sont bien avec lui. Ses amis lui conseillent de renvoyer la foule avant qu’il ne soit
trop tard. Jésus abonde dans leur sens,
il n’a pas l’intention, quant à lui, de les garder autour de lui,
mais il ne suit pas leurs injonctions, car ce n’est pas fini, il faut
maintenant que tous mangent. Face à
Jésus s’opposent maintenant deux groupes
qui ont le même besoin celui de manger. Le plus agressif est celui de
ses amis. La question qui se pose et de savoir s'il vaut mieux se séparer pour que chacun trouve individuellement sa pitance ou vont-ils se rassembler et assouvir ce besoin commun ensemble? La
réaction du chacun pour soi est classique, mais Jésus quant à lui ne l’entend pas de cette oreille.
Nul
ne sait de quoi a été fait le miracle,
même si on peut l’imaginer. Mais les deux fractions rivales ont mangé et
partagé et tout cela a été organisé de telle sorte que ce sont ceux qui se croyaient les plus proches de Jésus, c'est à dire ses
disciples, qui reçoivent la charge de servir les autres alors que depuis le début ils avaient
l’intention de ne rien faire. Ce que l’on sait c’est que la foule a commencé à
se mobiliser et qu’elle a été nourrie. C’est sans doute en mettant les disciples encore fatigués au
service de cette foule que l’espérance
que Jésus avait mis en eux a pu se communiquer aux autres.
Le miracle, n’a donc pas tellement été celui de la multiplication des
pains. Il a consisté à mobiliser deux fractions rivales et à les faire collaborer. Il a pu se réaliser parce
que les disciples qui avaient
l’intention de laisser tout faire à Jésus
se sont mis au travail et qu’ils se sont
mis au service des autres.
On
a pris l’habitude de considérer que les disciples de Jésus étaient des râleurs
qui comprennent toujours trop tard ce que Jésus attend d’eux et qui se font
prier pour accomplir les désirs du maître. Nous leur ressemblons sans
doute, quand nous aussi nous trainons les pieds et que nous
renâclons pour rendre compte de l’espérance qui est en nous. Il n’empêche
que malgré leur indisponibilité, c’est quand même par eux que s’est accompli le
miracle.
La
fin du récit nous laisse entendre que cela se passe dans l’urgence. Le soir
tombe, la nuit approche, c’est la nuit de l’angoisse et de l’incertitude, il
faut que tout soit dit et que tout soit compris avant que les ténèbres ne
surprennent tout le monde. Il faut que chacun reparte, animé d’une puissance de
vie nouvelle qui lui permettra de franchir les obstacles que l’obscurité lui
réserve. Mais, Jésus n’a donné à personne une potion magique qui
déjoue les obstacles, il a insisté sur
la notion de service. Il leur a donné une
espérance qui les remplit d’énergie, mais les difficultés de la vie
subsistent. Espérance et service, voila deux notions qu’il faut nous
appliquer à mettre ensemble.
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