Zachée
1Jésus entra dans Jéricho
et traversa la ville. 2 Alors un homme du nom de Zachée qui était chef des
péagers et qui était riche 3 cherchait à voir qui était Jésus ; mais il ne le
pouvait pas, à cause de la foule, car il était de petite taille. 4 Il courut en
avant et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu'il devait passer par là. 5
Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et lui dit : Zachée,
hâte-toi de descendre ; car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison. 6
Zachée se hâta de descendre et le reçut avec joie. 7 A cette vue, tous
murmuraient et disaient : Il est allé loger chez un homme pécheur. 8 Mais
Zachée, debout devant le Seigneur, lui dit : Voici, Seigneur : Je donne aux
pauvres la moitié de mes biens, et si j'ai fait tort de quelque chose à
quelqu'un, je lui rends le quadruple. 9 Jésus lui dit : Aujourd'hui le salut
est venu pour cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d'Abraham. 10
Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.
L’homme est un être secret dont
on a de la peine à percer les mystères de l’âme. Il n’est pas sûr lui-même de
connaître les causes profondes de ses comportements. Il n’est pas besoin
d’épiloguer longuement sur tout cela, nous savons fort bien que nous sommes
habités par des motivations dont nous ne savons pas l’origine! Les spécialistes
en la matière continuent inlassablement à en chercher les causes.
Il est probable que notre
relation à Dieu joue un rôle dans ce qui motive nos comportements. L’histoire
biblique nous montre que le même homme peut chercher Dieu tout en se cachant de
lui. C’est ce que semble nous montrer le récit d’Adam et Eve qui se cachent de
Dieu dans le jardin des Ecritures tout en restant à portée de sa voix, comme
s’ils voulaient que malgré tout Dieu les trouve quand même. Ce fait n’est pas
exceptionnel, il fait partie des expériences que nous faisons très souvent sans
en prendre conscience.
Nous retrouvons dans
l’attitude de Zachée cet aspect secret et mystérieux du comportement humain.
Nous commencerons par nous interroger sur la raison qui le pousse à courir au
devant de la foule pour monter sur un arbre. Il court sans doute pour ne pas
être vu par ceux qui le précèdent. Il veut voir Jésus sans être vu. Le terme
voir est utilisé par deux fois, c’est dire la force de son désir.
Inconsciemment il joue au jeu de cache-cache avec Jésus. La foule y prend
aussi sa part.
Il ne veut pas être vu de la
foule, c’est pourquoi il la devance en courant pour monter dans son arbre afin
de n’être vu par personne. S’il avait été vu par quelqu’un, le texte n’aurait
pas manqué de le dire car la scène qui nous amène à imaginer ce petit homme se
hissant sur les branches basses de l’arbre a quelque chose de cocasse qu’on
n’aurait pas pu laisser passer. Il suffit de laisser le champs libre à notre
esprit pour imaginer ce petit homme qui ne doit pas être tout jeune et qui à
cause de sa fonction de notable a peut être de l’embonpoint. Nous le voyons en
train de s’agripper aux branches du sycomore dont la particularité est d’avoir
des branches proches du sol, gêné par sa tunique dans la quelle il se prend les
pieds tout en perdant ses babouches. Non, il avait bien conscience de l’aspect
comique de sa situation, c’est pourquoi il ne voulait pas être vu.
Mais s’il est à califourchon
sur les branches basses de l’arbre, tout le monde peut le remarquer, et Jésus
en particulier. C’est là la règle du jeu de cache-cache : se cacher pour être
vu. On se dissimule à l’autre, en sachant que l’on sera finalement vu, sans
quoi le jeu n’aurait pas d’intérêt.
Il ne veut pas être vu
par la foule, parce qu’il est péager, percepteur des impôts. Il n’était pas
aimé par ses concitoyens qui le considéraient comme un traître qui s’était
enrichi en pactisant avec l’ennemi. Les péagers, étaient des juifs qui
achetaient leur charge aux romains. Ils leur avançaient la somme qui leur était
nécessaire pour leur administration, c’était une très grosse somme. Ensuite ils
se faisaient rembourser en prélevant sur leurs concitoyens le montant de ce
qu’ils avaient avancé à l’occupant. Bien entendu, ils se prélevaient bien
davantage que ce qu’ils avaient mis à leur disposition. Il est précisé ici,
qu’il était le percepteur en chef. C’est dire qu’il était particulièrement
riche et qu’il était particulièrement mal considéré. Cela explique en partie
qu’il voulait se cacher de la foule.
S ‘il n’était pas monté dans
son arbre, il aurait eu du mal à voir Jésus parce que la foule était trop
compacte pour qu’il puisse l’approcher et en plus, il était de petite taille,
nous est-il dit. Mais à mon avis c’est un faux argument, tant il est vrai que
l’on plaide souvent le faux pour cacher le vrai. S’il a su contourner la foule
pour monter discrètement dans le sycomore, il aurait pu facilement la contourner
pour arriver à proximité de Jésus en faisant état de sa personnalité de
notable. Rien ne l’empêchait de s’approcher de Jésus, de bousculer ceux qui lui
auraient barré le chemin et de se jeter à ses pieds, de baiser le pan de sa
robe, et de lui dire qu’il est un misérable pêcheur et qu’il se repent de tout
le mal qu’il a fait.
Mais telle n’était pas
son intention, c’est ce que nous verrons dans les propos qu’il échangera plus
tard avec Jésus. Son intention était bien de voir Jésus sans être vu par lui.
C’est en tout cas ce qu’il a voulu faire, en se dissimulant dans les
branchages. Quant à l’argument de sa petite taille, il n’est évoqué que pour
mieux cacher la vérité, comme ce fut le cas pour Adam qui avait l’habitude
d’être vu nu par Dieu et qui tout à coup a pris ce prétexte pour se cacher de
lui.
Nous sommes souvent ainsi
en face de Dieu. Notre âme est partagée entre le désir qui nous pousse vers
lui, et la crainte de perdre notre liberté si nous nous approchons trop près de
lui, comme si Dieu pouvait mettre notre liberté en danger ! Nous aimerions
pouvoir vivre en amitié avec Dieu, tout en étant libre de dire le contraire.
Voilà le mystère dans lequel nous évoluons trop souvent. N’y a-t-il pas au fond
de nous une crainte révérencieuse de Dieu qui établirait des distances entre
lui et nous comme ce fut le cas pour Adam qui ne savait pas que son geste de
désobéissance allait le rendre libre face à Dieu alors que jusqu’alors il lui
était aliéné? En nous laissant approcher encore plus près par Dieu n’est-ce pas
vers la liberté que nous allons et non vers une aliénation ?
Qu’est ce qui produit cette
crainte de Dieu ? Je ne sais ! La théologie protestante de la grâce évacue un
peu trop vite ce sentiment en affirmant un peu que Dieu pardonne tout et
nous délivre de tout. En disant cela nous faisons abstraction de cette crainte,
que nous n’arrivons pas à formuler vraiment et qui nous met mal à l’aise quand
la proximité de Dieu est trop forte. Et pourtant cette crainte est bien réelle.
Zachée avait trouvé la bonne
solution ! Il savait qu’il allait être repéré par Jésus. Il le désirait
secrètement sans doute, mais sa position élevée dans l’arbre lui permettait de
garder les distances. Mais Jésus ne s’encombre pas de ces arguments. Il va
au-delà du souhait secret de Zachée. Plus moyen de se cacher, Jésus s’invite
chez lui. Zachée peut alors se tenir en vérité devant Jésus ! Plus de
crainte, plus de dissimulation.
Zachée ne fait pas une
confession de ses péchés comme on aurait pu s’y attendre. Était-ce nécessaire ?
Devant Jésus, Zachée se découvre comme il est : un homme bon et généreux, et
cela suffit à l’un comme à l’autre. En dépit de ce que pensent les hommes qui
en font un homme impur et un ennemi du genre humain, devant Jésus, Zachée
apparaît comme un être bien différent. Il porte bien son nom, qui signifie
curieusement « le juste ». Il devient pur. Peu lui importe que la synagogue et
les gens de son peuple l’aient rejeté. Il s’assume comme il est devant Jésus et
Jésus ne le contraint nullement de changer en quoi que ce soit.
Il voulait voir Jésus
sans vouloir le rencontrer. Il avait peur qu’il lui demande de changer, de tout
abandonner pour le suivre comme il l’avait dit au jeune riche quelques temps au
paravent. Mais sa vie avait déjà changé, car son souci pour autrui était déjà
devenu prioritaire dans son comportement. C’est la priorité qu’il donne à
l’autre qui est exemplaire, si bien que sa fortune n’est aucunement un handicap
à une relation heureuse et intime avec Dieu.
Comme Zachée, beaucoup de
gens sont sensibles à l’appel de Dieu, mais ne veulent pas qu’on les remarque.
Ils ont peur qu’on leur impose des changements dans leurs comportements, ils
n’ont pas envie de rejoindre une église dont ils ne veulent pas partager les
choix de société. En fait ce n’est pas de Dieu qu’ils ont peur, mais de l’image
que les hommes en donnent.
Cette simple remarque nous
plonge dans un abîme de réflexion, car elle nous amène à constater que si Jésus
promet le salut à Zachée et le traite de Fils d’Abraham, il ne l’invite pas à
le suivre ni à rejoindre la synagogue que lui-même fréquente. Tout cela
n’empêche pas Jésus de demeurer chez lui et de partager son quotidien. Pour que
cela puisse se produire, il faut que Zachée descende vers Jésus du haut de
l’arbre dans lequel il se cache. Zachée ne reçoit aucune consigne particulière
de la part de Jésus. Zachée est assez averti dans la foi pour savoir ce qu’il
doit faire sans qu’on le lui dise. C’est ainsi que nous devons être devant Dieu
: des hommes et des femmes suffisamment responsables pour comprendre sans qu’on
nous le leur dise, quel est le sens de notre vie pour aller de l’avant.
Prière :
Quand
les ombres s’étirent vers le soir,
alors
que la chaleur des mois d’été fait place à la fraîcheur de l’automne qui vient,
tout semble se rétrécir autour de nous, et la nature se prépare à un long
sommeil réparateur.
Nous
te louons alors pour la beauté du soir,
quand
tout se replie dans un écrin de lumière,
et que
la campagne s’enveloppe d’un manteau aux couleurs changeantes.
Dans
ce repli apparent des forces de vie, nous te louons de participer à ce vaste
mouvement où la nature s’endort et où toute vie se fait intérieure.
Tu
nous invites à t’accueillir dans notre intimité. Tu déposes au plus profond de
nous les forces de vie qui nourrissent notre foi et tu nous fais vibrer dans
nos secrets intérieurs, de l’éternité où tu nous entraînes.
Que ce
culte tout entier soit notre réponse enthousiaste à tant de bonté.
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