Matthieu 21/1-11 - Les Rameaux - dimanche 5 avril 2020
1 Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem et qu'ils furent arrivés
à Bethphagé, vers le mont des Oliviers, Jésus envoya deux disciples 2 en leur
disant : Allez au village qui est devant vous ; vous trouverez
aussitôt une ânesse attachée, et un ânon avec elle ; détachez-les, et
amenez-les-moi. 3 Si quelqu'un vous dit quelque chose, vous répondrez :
« Le Seigneur en a besoin. » Et il les laissera aller tout de suite.
4 Cela arriva afin que s'accomplisse ce qui avait été dit par l'entremise du prophète :
5 Dites à la fille de Sion :
Ton roi vient à toi,
plein de douceur, monté sur une ânesse,
sur un ânon, le petit d'une bête de somme.
6 Les disciples allèrent faire ce que Jésus leur avait ordonné.
7 Ils amenèrent l'ânesse et l'ânon, sur lesquels ils mirent leurs
vêtements ; il s'assit dessus. 8 La plupart des gens de la foule
étendirent leurs vêtements sur le chemin ; d'autres coupèrent des branches
aux arbres et les étendirent sur le chemin. 9 Les foules le précédaient et le
suivaient en criant :
Hosanna pour le Fils de David !
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !
Hosanna dans les lieux très hauts !
10 Lorsqu'il entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi.
On disait : Qui est-il, celui-ci ?
11 Les foules répondaient : C'est le prophète Jésus, de
Nazareth de Galilée.
Jésus chasse les vendeurs du temple
12Jésus entra dans le temple. Il chassa tous ceux qui vendaient
et qui achetaient dans le temple, il renversa les tables des changeurs et les
sièges des vendeurs de colombes. 13Et il leur dit : Il est écrit :
Ma maison sera appelée maison de prière.
Mais vous, vous en faites une caverne de bandits.
Je
vais reprendre les éléments d'un sermon que je vous ai déjà donné en 2014, en
pensant que ce Dimanche, personne n'ira au culte, les temples et les églises
seront fermés pour cause de confinement. Ce jour de fête se fera dans une
atmosphère tendue. Tous sont inquiets et plusieurs sont dans le deuil.
Nous entendrons que malgré tout, Dieu nous mobilise, comme il le fait d'une
ânesse ou des pierres du chemin pour dire quand même et malgré tout sa
parole.
Jésus,
arrive toujours vers nous d’une manière surprenante. Ici il surgit au détour
d’un chemin sur une ânesse qui le porte. Si Jésus porte en
lui la Parole de Dieu, l’ânesse, devient par voie de
conséquence porteuse de la Parole de Dieu. Comme si ça ne suffisait pas
pour Jésus de se servir des animaux pour porter la Parole de Dieu, il associe
aussi la nature à cette action et il invite les pierres du chemin à crier
la gloire de Dieu. Mais, ce n’est pas tout. Il entre ensuite dans le temple,
mais le temple de Dieu n’est-ce pas aussi notre corps (1 Cor 6/19)? Jésus
pourrait-il nous faire violence comme il le fait dans le sanctuaire afin que
nous devenions à notre tour, aptes à porter sa parole comme une
ânesse et de la proclamer comme un vulgaire caillou ? Mais
ce texte nous pose encore bien d’autres questions.
Quand
nous ouvrons notre Bible c’est généralement avec l’intention d’y trouver une
parole de Dieu qui nous encourage et qui nous apporte un éclairage
particulier sur les choses de la vie ! Mais la Parole de Dieu ne se laisse pas
saisir, c’est plutôt elle qui s’empare de nous et qui s’impose à nous
pour nous entraîner là où nous n’avons pas forcément l’intention d’aller.
C’est aussi, elle qui suscite en nous des idées nouvelles qui prennent
place en nous et ne quittent plus notre esprit. Telle est l’action secrète de
la Parole de Dieu quand nous acceptons que le Saint Esprit lui
ouvre le chemin de notre vie intérieure.
Plutôt
que de nous extasier en regardant Jésus qui se donne en spectacle dans un
rôle de roi d’opérette sous les yeux des badauds de Jérusalem, qui le
regardent sans comprendre, nous allons essayer de découvrir les autres
aspects de cette histoire. En fait ce rôle de spectateurs nous sied mal,
c’est pourquoi Jésus va faire de nous des acteurs. Si nous sommes
destinés à porter la parole de Dieu, c'est dans le rôle de l'ânesse que nous
trouvons le mieux notre place.
Quel
que soit l ‘Evangile qui nous rapporte cet événement, nous
découvrons que Jésus y surgit comme s’il venait de nulle part et s’impose
à nous comme celui qui veut prendre autorité sur nous. Mais
nous avons du mal à rejoindre Jésus dans la réalité de ce récit où il se
montre dans une situation étrangement inhabituelle. En effet c’est un ânon et
une ânesse qui sont les héros du jour. Nous savons que l’ânesse était jadis la
fidèle compagne du roi David, c’est sur elle qu’il avait fait asseoir son fils
Salomon pour conjurer la révolution de palais qu’un autre de ses fils
Adonija avait fomentée. (1 Rois 32-40) Le futur roi Salomon avait
suivi, à peu de choses près le même parcours que l’on prête à Jésus ce jour-là.
Pour arriver au palais et débouter son usurpateur de frère. L’ânesse sur
laquelle Salomon était monté et sur laquelle plus tard Jésus montera, est
un élément tellement familier dans le décor biblique que nous avons mis
son petitt, dans la crèche de Noël, même si les Ecritures ne l’y placent pas.
L’ânesse porte donc toute une partie de la tradition biblique, elle
est porteuse de Jésus qui est lui-même porteur de la parole de Dieu. Serait-il
alors pertinent de nous demander si Jésus n’aurait pas souhaité que
nous tenions le rôle de l'ânesse et devenions porteurs et porteuses de la
parole de Dieu. L’ânesse pourrait donc être moi ou vous,
c ‘est à dire le peuple de l’Eglise ?
Au
lieu de rester un simple spectateur et de regarder les choses de
l’extérieur, prenons donc la place de l’actrice la plus humble. Il nous
sera alors plus facile de voir les choses au ras du sol. Sans fausse
modestie, nous voilà donc dans le rôle de l’ânesse pour mieux voir cette foule
qui vocifère et qui acclame son roi..
Ainsi
nous vous voilà engagés à accompagner Jésus comme le plus modeste des
acteurs de cet événement. Si le chemin devient trop rude, et que
l’âne que nous sommes trébuche, si la foule dans laquelle nous sommes
mêlés est fatiguée, à bout de force et ne peut plus chanter, ou si
l’Eglise dont nous sommes membres aujourd’hui se démobilise à
force d’habitude, si les événements que nous vivons nous laissent sans
voix, c’est alors que nous sommes invités à réaliser que nous ne sommes
même pas capables d’être les pierres du chemin sur lesquelles marche le
Seigneur puisqu'elles sont invitées à crier à notre place. Le monde pourrait
se passer de nous si laissons crier les pierres et pourtant les pierres
sont éloquentes.
En
effet quand les touristes avides de culture viennent admirer, les
cathédrales, ce n’est pas les offices religieux, auxquels ils n’assistent pas,
ni même les guides qui leur parlent de la Bible, mais ce sont les
pierres des bas-reliefs, les tympans, les chapiteaux qui leur racontent les
merveilles de Dieu.
Aujourd'hui,
aussi intéressant soit-il sur le plan culturel, l’Evangile
semble avoir perdu son aspect séducteur. La société contemporaine
s’organise indépendamment du message que Jésus a voulu lui
donner. Nous habitons un monde où l’Eglise se sent fatiguée d’être
minoritaire, fatiguée de ne pas réussir à se faire entendre, fatiguée de
voir ses traditions ignorées. Les média ne répercutent plus guère sa
voix. Le Christ, une fois encore trahi semble se résigner à
retourner dans la tombe d’où l’avait tiré la résurrection.
C’est
pourtant dans ces conditions que nous avons encore à jouer un rôle. Nous avons
à jouer le rôle de ces pierres sur lesquelles on marche et
avec lesquelles on construit les routes à défaut de cathédrales que l’on
ne construit plus beaucoup. En nous identifiant aux pierres nous
découvrons que nous sommes destinés à faire partie des matériaux qui servent à
faciliter la progression des hommes en marche vers leur destin sans
qu’ils le sachent. Ces pierres ne crient ni leur souffrance d’être piétinées,
ni leur dépit d’être ignorées mais elles sont témoins de l’amour de leur
Dieu dont les hommes ont tant besoin d’éprouver la réalité, faute
de quoi ils sombreront dans la morosité.
Au
pas lent de l’âne qui commence à fatiguer, Jésus arrive au Temple. Il se
laisse aller à la colère et bouscule les marchands qui sont là pour les besoins
du culte. Peu importe la portée de son geste. Il faut réaliser que le temple,
est le lieu de la présence de Dieu, c’est la demeure du Seigneur. Le lieu
construit par les hommes pour célébrer la grandeur de Dieu On ne peut
tolérer qu’il s’y passe n’importe quoi. Tout ce long cheminement de Jésus
pour atteindre le Temple n’a d’autre but que de nous exprimer
l’acharnement que met Jésus à nous rendre témoins de la grandeur
de Dieu.
Il
veut nous rendre capables d’apporter louange et adoration à notre Dieu et
de témoigner de sa présence au cœur de l’humanité en toutes circonstances.
En devenant tout à la fois l’ânesse sur laquelle Jésus s’est assis, la
foule qui acclame et les pierres qui crient et le temple du Seigneur nous
réalisons que Jésus peut emprunter toutes les dimensions de notre vie
spirituelle pour nous accompagner dans notre foi et faire de nous le lieu
de la présence de Dieu. Toute cette évocation royale de Jésus n’a pas
d’autre but que de s’emparer de nous-mêmes pour faire de nous le Temple
de Dieu. En prenant ainsi possession de nous, Jésus nous rend
conforme à notre destin premier, celui de rendre à Dieu un culte
raisonnable. Prenons en conscience en ce jour où les temples de Dieu nous sont
fermés pour cause de sauvegarde des hommes.
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