mardi 31 mars 2020

Matthieu 21/1-11 Les Rameaux - dimanche 5 avril 2020





Matthieu 21/1-11  - Les Rameaux - dimanche 5 avril 2020



1 Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem et qu'ils furent arrivés à Bethphagé, vers le mont des Oliviers, Jésus envoya deux disciples 2 en leur disant : Allez au village qui est devant vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée, et un ânon avec elle ; détachez-les, et amenez-les-moi. 3 Si quelqu'un vous dit quelque chose, vous répondrez : « Le Seigneur en a besoin. » Et il les laissera aller tout de suite. 4 Cela arriva afin que s'accomplisse ce qui avait été dit par l'entremise du prophète :


5 Dites à la fille de Sion :

Ton roi vient à toi,

plein de douceur, monté sur une ânesse,

sur un ânon, le petit d'une bête de somme.

6 Les disciples allèrent faire ce que Jésus leur avait ordonné. 7 Ils amenèrent l'ânesse et l'ânon, sur lesquels ils mirent leurs vêtements ; il s'assit dessus. 8 La plupart des gens de la foule étendirent leurs vêtements sur le chemin ; d'autres coupèrent des branches aux arbres et les étendirent sur le chemin. 9 Les foules le précédaient et le suivaient en criant :

Hosanna pour le Fils de David !

Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !

Hosanna dans les lieux très hauts !

10 Lorsqu'il entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi. On disait : Qui est-il, celui-ci ?



11 Les foules répondaient : C'est le prophète Jésus, de Nazareth de Galilée.

Jésus chasse les vendeurs du temple



12Jésus entra dans le temple. Il chassa tous ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple, il renversa les tables des changeurs et les sièges des vendeurs de colombes. 13Et il leur dit : Il est écrit :

Ma maison sera appelée maison de prière.

Mais vous, vous en faites une caverne de bandits.








Je vais reprendre les éléments d'un sermon que je vous ai déjà donné en 2014, en pensant que ce Dimanche, personne n'ira au culte, les temples et les églises seront fermés pour cause de confinement. Ce jour de fête se fera dans une atmosphère tendue. Tous sont inquiets et plusieurs  sont dans le deuil. Nous entendrons que malgré tout, Dieu nous mobilise, comme il le fait d'une ânesse  ou des pierres du chemin pour dire quand même et malgré tout sa parole.

Jésus, arrive toujours vers nous d’une manière surprenante. Ici il surgit au détour d’un chemin sur une ânesse qui le porte.  Si Jésus  porte en lui   la Parole de Dieu, l’ânesse, devient  par voie de conséquence porteuse de la Parole de Dieu.  Comme si ça ne suffisait pas pour Jésus de se servir des animaux pour porter la Parole de Dieu, il associe aussi la nature à cette action et  il invite les pierres du chemin à crier la gloire de Dieu.  Mais, ce n’est pas tout. Il entre ensuite dans le temple, mais le temple de Dieu n’est-ce pas aussi notre corps (1 Cor 6/19)? Jésus pourrait-il nous faire violence comme il le fait dans le sanctuaire afin que nous  devenions à notre tour, aptes à porter  sa parole comme une ânesse  et de la proclamer comme un vulgaire caillou ?  Mais ce  texte  nous pose encore bien d’autres questions.

Quand nous ouvrons notre Bible c’est généralement avec l’intention d’y trouver une parole de Dieu qui nous encourage et qui nous  apporte  un éclairage particulier sur les choses de la vie ! Mais la Parole de Dieu ne se laisse pas saisir, c’est plutôt elle qui  s’empare de nous et qui s’impose à nous pour nous entraîner là où nous n’avons pas forcément  l’intention d’aller. C’est aussi, elle qui suscite en nous des idées nouvelles  qui  prennent place en nous et ne quittent plus notre esprit. Telle est l’action secrète de la Parole de Dieu quand nous acceptons   que le Saint Esprit lui ouvre le chemin de notre vie intérieure.

 Plutôt que de nous extasier en regardant Jésus qui se donne en spectacle dans un  rôle de roi  d’opérette sous les yeux des badauds de Jérusalem, qui le regardent sans comprendre,  nous allons essayer de découvrir les autres aspects de cette histoire. En fait  ce rôle de spectateurs nous sied mal,  c’est pourquoi Jésus va faire de nous des acteurs. Si nous sommes destinés à porter la parole de Dieu, c'est dans le rôle de l'ânesse que nous trouvons le mieux notre place. 

 Quel que soit l ‘Evangile qui nous  rapporte cet événement, nous  découvrons que Jésus y surgit comme s’il venait  de nulle part et s’impose à nous comme celui qui  veut prendre autorité sur nous.  Mais nous  avons du mal à rejoindre Jésus dans la réalité de ce récit où il se montre dans une situation étrangement inhabituelle. En effet c’est un ânon et une ânesse qui sont les héros du jour. Nous savons que l’ânesse était jadis la fidèle compagne du roi David, c’est sur elle qu’il avait fait asseoir son fils Salomon pour conjurer la révolution de palais qu’un autre de ses fils  Adonija avait fomentée. (1 Rois 32-40)  Le  futur roi Salomon avait suivi, à peu de choses près le même parcours que l’on prête à Jésus ce jour-là. Pour arriver au palais et débouter son usurpateur de frère. L’ânesse sur laquelle Salomon était monté et sur laquelle plus tard Jésus montera,  est un élément tellement familier dans le décor  biblique que nous avons mis son petitt, dans la crèche de Noël, même si les Ecritures ne l’y placent pas. L’ânesse porte donc toute  une partie  de la tradition biblique, elle est porteuse de Jésus qui est lui-même porteur de la parole de Dieu. Serait-il alors pertinent de nous  demander si  Jésus n’aurait pas souhaité que nous tenions  le rôle de l'ânesse et devenions porteurs et porteuses de la parole de Dieu.  L’ânesse pourrait donc être  moi ou  vous, c ‘est à dire le peuple de l’Eglise ?  

Au lieu de rester un simple spectateur  et de regarder les choses de l’extérieur, prenons donc la place de l’actrice la plus humble.  Il nous sera alors plus facile de voir les choses au ras du sol.  Sans fausse modestie, nous voilà donc dans le rôle de l’ânesse pour mieux voir cette foule qui vocifère et qui acclame son roi..

Ainsi nous vous voilà engagés à accompagner Jésus comme le plus modeste des  acteurs de cet événement.  Si le chemin devient trop rude, et que  l’âne  que nous sommes trébuche, si la foule dans laquelle nous sommes mêlés est fatiguée, à bout de  force et ne peut plus chanter, ou si  l’Eglise  dont nous sommes membres   aujourd’hui se démobilise à force d’habitude, si les événements que nous vivons nous laissent sans voix,  c’est alors que nous sommes invités à réaliser que nous ne sommes même pas capables d’être les pierres du chemin sur lesquelles marche le Seigneur puisqu'elles sont invitées à crier à notre place.  Le monde pourrait se passer de nous si  laissons crier les pierres et pourtant les pierres sont éloquentes.

En effet quand les touristes avides de culture  viennent  admirer, les cathédrales, ce n’est pas les offices religieux, auxquels ils n’assistent pas, ni même les guides qui leur parlent de la Bible, mais  ce sont  les pierres des bas-reliefs, les tympans, les chapiteaux qui leur racontent les merveilles de Dieu. 

 Aujourd'hui, aussi intéressant soit-il sur le plan culturel,   l’Evangile  semble avoir perdu son aspect séducteur. La société  contemporaine  s’organise  indépendamment du message que  Jésus a voulu lui donner.  Nous habitons un monde où l’Eglise se sent fatiguée d’être minoritaire, fatiguée de ne pas réussir à  se faire entendre, fatiguée de voir ses traditions ignorées. Les média ne répercutent plus guère sa voix.  Le Christ, une fois encore trahi semble  se résigner  à retourner  dans la tombe d’où l’avait tiré la résurrection. 

C’est  pourtant dans ces conditions que nous avons encore à jouer un rôle. Nous avons à jouer le rôle   de ces pierres sur lesquelles on marche et  avec lesquelles on construit les routes  à défaut de cathédrales que l’on ne construit plus beaucoup.  En nous identifiant aux pierres nous  découvrons que nous sommes destinés à faire partie des matériaux qui servent à faciliter la progression des  hommes en marche vers leur destin sans qu’ils le sachent. Ces pierres ne crient ni leur souffrance d’être piétinées, ni leur dépit d’être ignorées mais elles sont témoins de l’amour de leur  Dieu  dont les hommes ont  tant besoin d’éprouver la réalité, faute de quoi ils sombreront dans la morosité.

Au pas lent de l’âne qui commence à fatiguer, Jésus  arrive au Temple. Il se laisse aller à la colère et bouscule les marchands qui sont là pour les besoins du culte. Peu importe la portée de son geste. Il faut réaliser que le temple, est le lieu de la  présence de Dieu, c’est la demeure du Seigneur. Le lieu construit par les hommes pour célébrer la grandeur de Dieu On  ne peut tolérer qu’il s’y passe n’importe quoi. Tout ce long cheminement de Jésus  pour atteindre le Temple n’a d’autre but que  de nous exprimer l’acharnement que met Jésus  à   nous rendre témoins de la grandeur de Dieu.  



Il veut  nous rendre capables d’apporter louange et adoration à notre Dieu et de témoigner de sa présence au cœur de l’humanité en toutes circonstances.  En  devenant tout à la fois l’ânesse sur laquelle Jésus s’est assis, la foule qui acclame et les pierres qui crient et le temple du Seigneur nous réalisons que Jésus  peut emprunter toutes les dimensions de notre vie spirituelle pour nous accompagner  dans notre foi et faire de nous le lieu de la présence de Dieu. Toute cette évocation  royale de Jésus n’a pas d’autre but que de s’emparer de nous-mêmes pour faire de nous  le Temple de Dieu.  En prenant ainsi possession de nous, Jésus  nous rend conforme à notre destin premier, celui  de rendre à Dieu un culte  raisonnable. Prenons en conscience en ce jour où les temples de Dieu nous sont fermés pour cause de sauvegarde des hommes.

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