vendredi 27 juin 2014

Matthieu 14:13-21 la multiplication des pains - dimanche 3 août 2014




Matthieu 14 :13-21

13 A cette nouvelle, Jésus prit un bateau pour se retirer à l'écart, dans un lieu désert ; les foules l'apprirent, quittèrent les villes et le suivirent à pied. 14 Quand il descendit du bateau, il vit une grande foule, et il en fut ému ; il guérit leurs malades. 
15 Le soir venu, les disciples vinrent lui dire : Ce lieu est désert, et l'heure est déjà avancée ; renvoie les foules, pour qu'elles aillent s'acheter des vivres dans les villages. 16 Mais Jésus leur dit : Elles n'ont pas besoin de s'en aller ; donnez-leur vous-mêmes à manger. 17 Ils lui disent : Nous n'avons ici que cinq pains et deux poissons. 18 Et il dit : Apportez-les-moi ici. 19 Il ordonna aux foules de s'installer sur l'herbe, prit les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux vers le ciel et prononça la bénédiction. Puis il rompit les pains et les donna aux disciples, et les disciples en donnèrent aux foules. 20 Tous mangèrent et furent rassasiés, et on emporta douze paniers pleins des morceaux qui restaient. 21 Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants.

On rêverait bien volontiers de voir sa vie se dérouler paisiblement comme une promenade en bateau sur un lac tranquille avec Jésus aux commandes du navire. C’est sans doute cette impression de quiétude que nous souhaiterions retenir en lisant ce texte pour la première fois et nous aimerions partager ce sentiment que ressentent sans doute les amis de Jésus qui ont embarqué avec lui ce jour là pour l’accompagner vers un lieu désert afin de fuir ce monde qui ne leur apporte que déboires et chagrins. Ce voyage en bateau a été apparemment organisé par Jésus qui a été affecté par l’annonce de l’exécution de Jean Baptiste dont il vient d’apprendre la nouvelle.

En fait ce serait faire une erreur que d’apprécier la situation de cette façon. Jésus ne semble tenir aucun compte de la présence de ceux qui ont embarqué avec lui et ne fait état d’aucun sentiment particulier. C’est seulement la logique du texte qui nous pousse à conclure qu’ils sont avec lui sur le bateau, puisqu’ils seront avec lui dans la scène suivante. Ce n’est pas pour fuir la réalité du monde qu’il les a entraînés avec lui, mais c’est pour faire face à la situation telle qu’elle se présente.

Sans doute telle n’était pas la pensée des disciples de Jésus auxquels nous pourrions prêter nos propres pensées si nous étions dans leur situation. En effet, la crainte nous pousserait sans doute à nous tenir à l’écart pour laisser passer l’orage. Il y a fort à penser que s’ils ont embarqué sur le lac, c’est qu’ils espéraient mettre de la distance entre le roi qui a tué Jean Baptiste et eux. Ils espéraient ainsi passer de l’autre côté de la frontière sur une terre étrangère plus hospitalière.

Nous leur prêtons volontiers les sentiments de tant de croyants qui estiment que la fidélité à la foi les pousse à vivre à l’écart des remous du monde et de construire avec Jésus les bases d’une société nouvelle en attendant la venue du Royaume à l’abri de toutes les tentations.

Nous ne croyons pas si bien dire, car c’est justement quand nous nous croyons à l’abri des tentations que celles-ci surgissent sous nos pas, sans que nous en soyons conscients. Jésus quant à lui a mis ses disciples en garde, sans qu’ils s’en aperçoivent. Ils se rendent avec lui dans un lieu désert, est-il dit. Mais le désert s’il apparaît comme un refuge est aussi un lieu redoutable où la tentation prend tous les aspects. N’oubliez pas que c’est quand il se réfugia au désert que Jésus fut le plus cruellement tenté. Ils sont donc avertis, même s’ils n’en sont pas conscients que s’ils se dirigent avec lui vers un lieu désert, ce n’est pas pour y être en sécurité, mais c’est pour faire face aux épreuves qui les y attendent.

La première tentation n’est-elle pas de vouloir fuir loin des hommes pour se mettre en sécurité ? Elle est dans le fait de croire que c’est la présence des autres qui nous met en danger, alors que les autres, dans ces temps troublés sont aussi en danger que nous-mêmes. On ne saurait si bien dire. A peine ont-ils mis le pied à terre que les autres sont là. Ils sont là avec leurs problèmes et leurs nécessités. Des hommes et des femmes de toute condition. Ils les ont devancés en marchant à pied.

Alors que les amis de Jésus pensaient fuir les turpitudes d’un monde qu’ils croyaient dangereux pour eux, c’est ce monde qui vient vers eux. Si Jésus les a entrainés sur les eaux du lac, c’est peut être pour s’écarter du tyran sanguinaire qui menaçait leur vie, mais ce n’était pas pour les mettre à l’écart des problèmes des hommes qui les ont rejoints.

La situation prend alors pour eux un aspect provoquant. C’est alors qu’ils se croyaient confortablement en train de fuir leurs problèmes en compagnie de leur Seigneur, que les autres arrivent avec leurs propres problèmes, à pied par monts et par vaux. Les disciples étaient confortablement installés sur l’esquif qui glissait dans le clapotement des vagues, poussé par le vent doux qui soufflait dans les voiles alors que les autres, la foule, suaient sang et eaux vers la même destination. Ils étaient privilégiés et ne le savaient pas.

Avant d’aller plus loin, force nous est donnée de constater que parfois, alors que l’on se croit brimé par les événements, on se trouve en fait dans une situation de favorisé. Les amis de Jésus devront méditer cet état de fait dans les moments qui vont suivre. La situation va devenir provocante pour eux comme pour nous. Tant qu’ils se considéreront comme victimes des événements, ils resteront incapables de répondre à ce pour quoi le Seigneur les interpelle, et nous avec !

La foule est là, à leur descente de bateau. C’est Jésus qu’ils cherchent : «  et puisque c’est lui qu’ils cherchent, qu’il s’en occupe », doivent-ils penser non sans dérision! C’est bien ce que fait Jésus, il s’occupe de tous ceux dont personne ne se soucie. Il prend soin de leurs problèmes, il guérit ceux qui sont malades, il console leurs âmes en tourments, il leur enseigne les chemins à suivre pour rejoindre Dieu. Il ne tient pas compte de la présence de ses disciples dont on sait bien qu’ils sont là, et dont on sait aussi l’inutilité. Rappelons-nous que les croyants que nous sommes sont sensés faire cause commune avec les disciples. Nous sommes dans leur rôle qui anticipe celui de l’Eglise.

Ce récit nous donne la description d’un monde où Dieu, par les mains de Jésus transformerait les situations de détresses en situation d’espérance. C’est lui qui fait tout. Ses amis ne font rien. Voila une description qui pourrait bien représenter la société d’aujourd’hui dans l’idéal qu’elle se propose d’atteindre.. Dieu y ferait son travail de mise en ordre du monde sans que nous, l’Eglise, n’ayons à nous en mêler. Les malades seraient soignés, les foules seraient enseignées et guéries. Les disciples, c’est-à-dire l’Eglise, serait mise à l’écart du monde, n’interviendrait pas dans les affaires et se contenterait de prier en laissant faire.

En revenant à notre récit, nous constatons que les disciples se rendent compte du fait qu’ils sont tenus à l’écart, c’est pourquoi ils interviennent. Ils remarquent qu’il se fait tard et que le lieu est désert. Ils ont bien vu. Le désert est le lieu de toutes les tentations. Les difficultés auxquelles ces pauvres gens vont se trouver confrontés vont surgir. La question du gîte et du couvert va se poser.

« Qu’ils aillent ailleurs se faire prendre en charge par d’autres plus capables que nous » disent-ils à Jésus ! Ils considèrent qu’il est de leur responsabilité de les éloigner, pas de s’occuper d’eux. 
Le désert, lieu de tentation, est d’abord le lieu de tentation pour eux.
-« Puisque vous avez de bonnes idées, semble leur dire Jésus, mettez-les en pratique, nourrissez les vous-mêmes ! »
- « Nous n’en avons pas les moyens leur répondent-ils. Tu nous demandes l’impossible ».

Comme ses disciples, ce sont aujourd’hui les croyants qui dans ce monde se déclarent incompétents. Pourtant, nous sommes invités à agir, alors que nous nous sentons inutiles dans un monde qui ne semble plus avoir besoin de nous. Le seul rôle que nous nous reconnaissons, c’est celui dire aux autres ce qu’il faut faire et de jouer les Cassandre en les culpabilisant par notre discours selon lequel les choses iraient mieux si on nous avait écoutés.

Par cette histoire, Jésus nous montre que c’est quand la situation devient difficile, voire impossible que nous avons quelque chose à faire pour les hommes. Jésus nous donne ici une leçon de savoir faire en opérant ce que nos Bibles appellent « le miracle de la multiplication des pains. » Mais est-ce vraiment un miracle ? Certes tout le monde mange, mais que fait réellement Jésus ?

Il fait simplement les gestes du partage. Il utilise ce qu’il a : 5 pains et 2 poissons. Ce n’est pas grand-chose, voire même dérisoire. Ensuite nous ne voyons que les effets de son geste. La seule chose que l’on sache c’est que Jésus réussit à faire ce qu’il devait faire avec ce qui était à sa disposition, autant dire rien. Ainsi, même si nous avons peu, cela ne nous dispense pas d’entreprendre, la foi fera le reste.

Il adresse ce message aux croyants en les invitant à ne pas considérer leur faiblesse, leur manque d’argent, leur petit nombre pour justifier leur inaction. Le miracle ne relève pas du prodige, mais de notre capacité à entreprendre avec foi. Ce qui est nous est demandé c’est de donner de l’espérance. Et pour ça seule la foi peut y arriver.

Illustrations Lambert LOMBARD

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