mercredi 20 août 2014

Matthieu 21/28-32 - l'espérance - dimanche 28 septembre 2014



Matthieu 21/28-32

Qu’en pensez-vous ? Un homme avait deux fils ; il s’adressa au premier et dit : Mon enfant, va travailler aujourd’hui dans ma vigne. Il répondit, je ne veux pas. Ensuite, il se repentit, et y alla.
Il s’adressa alors au second et donna le même ordre. Celui-ci répondit : Je veux bien, Seigneur, mais il n’y alla pas.
Lequel des deux a fait la volonté du père ? Ils répondirent : Le premier. Et Jésus leur dit : En vérité je vous le dis, les péagers et les prostituées vous devancent dans le royaume de Dieu.
Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n’avez pas cru en lui, et vous, qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas repentis pour croire en lui. 


Qu’est-ce que les prostituées ont de plus que nous ? Qu’est-ce que les prostituées et les hommes de mauvaise vie ont de plus que les contemporains de Jésus pour les devancer dans le Royaume de son Père ? Cette manière de Jésus d’inverser les hiérarchies dans la société nous met mal à l’aise et nous agace, car bien évidemment nous nous sentons du mauvais côté de la barrière. On comprendrait qu’il privilégie les pauvres par rapport aux gens qui sont plus favorisés, car leur statut de victimes de la société leur confère une certaine dignité que saint Vincent de Paule leur reconnaissait quand il disait qu’ils étaient nos maîtres. Mais Jésus parle ici des prostituées, des mauvais croyants ou infidèles et il leur donne une place plus avantageuse que nous dans la faveur de Dieu. Et ça, nous avons du mal à l’accepter.

Il me semble qu’à l’inverse de nous, les prostituées et consorts devraient changer de situation pour espérer mériter le ciel. En effet, nous sommes-nous des citoyens honnêtes, qui ne sont pas de grands pécheurs, nous gagnons honnêtement notre vie et nos enfants, sans être peut être de petits prodiges, ne sont pas repérés dans les fichiers de la police.  Nous n’avons donc pas envie que les choses changent pour nous, alors que nous estimons que c’est pour les autres qu’elles doivent changer.

Ceux qui sont satisfaits de leur sort ne veulent pas que ça change. Jésus en a d’ailleurs fait le portrait dans l’Évangile « Seigneur je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont accapareurs, injustes, adultères… je jeune deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus… » Luc 18/12


Et nous-mêmes ne leur ressemble-t-on  pas un peu ? Certes je connais les insatisfactions de nos contemporains pour les partager avec eux. Ils ont du mal à joindre les deux bouts, et ils sont  frustrés par la baisse de leur pouvoir d’achat. Ils voudraient une amélioration sensible de leur niveau de vie, mais pour autant, ils ne veulent pas vraiment que ça change. Ils veulent  tout au plus  une amélioration de ce qu’ils ont. Ils veulent un petit plus. C’est alors que Jésus les interpelle, nous interpelle, devrais-je dire: « Qu’avez-vous fait de l’espérance qui est en vous ? »

Cette espérance est en fait l’intuition profonde qui est en nous et qui consiste à vouloir par tous les moyens anticiper le Royaume que Dieu a promis en Jésus Christ. Nous recevons de Dieu la certitude qu’il nous aime tellement  qu’il décide de passer un coup de chiffon sur tout ce que nous avons fait de mauvais, et par avance il promet de pardonner tout ce que nous ferons de mal dans l’avenir. Notre  perspective de vie est alors transformée par Dieu et illuminée par sa grâce. Malgré cela, la plupart d’entre nous  en reste là, sans vouloir autre chose si non que ça continue !  Avec le temps la certitude de l’amour de Dieu finit même par étouffer l’espérance.

Avec les interlocuteurs de Jésus à qui il raconte la parabole que nous avons lue, nous trouvons un écho de notre situation passive. Nous ne trouvons pas si mal le comportement de celui qui dit  « non » mais qui est allé travailler dans la vigne et nous  nous accordons avec ceux qui disent de ne pas être trop moralistes  puisque finalement il  a fait la volonté du Père.

Et bien Jésus n’est pas de cet avis. En fait il n’a pas d’avis ou plutôt il ne formule pas d’avis. Il ne tranche pas et en guise de réponse il se contente de faire l’éloge des prostituées et des mauvais croyants. Ces deux hommes sont les fils du propriétaire, et à ce titre ils se croient tout permis, y compris d’avoir un double langage à son sujet. « J’irai travailler, si je veux, et peu importe si tu comptes sur moi ». Ils ne tiennent pas compte de sa sensibilité. Ils ne tiennent pas compte de son désir, c’est comme si pour eux le père n’existait plus. Et nous, ne faisons-nous pas de même avec Dieu ? Nous sommes arrivés à croire que le pardon était automatique, quelque soit notre faute, comme si Dieu « pardonnait parce que c’est son métier  de le faire! »

En fait aucun des ces deux hommes n’est fiable, pas plus celui qui dit « oui » et qui fait le contraire que celui qui dit « non » et qui va quand même travailler à la vigne. Quelle est donc la valeur de la parole de l’un et de l’autre ? Aucune.  Le père ne peut compter sur aucun des deux, c’est pourquoi Jésus n’en valorise aucun, car leur attitude est décevante.

En fait, selon l’Écriture, Dieu nous a fait à sa ressemblance. Or Dieu est un être de parole. C’est par sa parole qu’il se fait connaître, c’est par sa parole qu’il organise la création. Et c’est par l’authenticité de notre parole que nous lui ressemblons. Un être humain sur la parole duquel on ne peut compter ne peut pas être un témoin de Dieu valable, car il ne se comporte pas comme s’il était  fait à sa ressemblance.

En fait,  la Parole de Dieu n’est pas caractérisée par les sons qu’il profère, car nul, à part exception n’a entendu le son de sa voix. La parole de Dieu se manifeste en nous par des intuitions intérieures qui ont force de vérité et dans lesquelles nous reconnaissons Dieu. C’ est là le travail du saint Esprit. Comment pourrait-on alors  reconnaître des vérités sur  la divinité ou la seigneurie de Dieu, si la parole de l’homme qui dit ces vérités sur lui n’est pas fiable ? Si Jésus ne prononce aucun jugement sur l’un ou l’autre de ces deux hommes, c’est qu’il considère que ni l’un, ni l’autre n’est valable pour travailler dans la vigne, c’est à dire le Royaume de Dieu.

Y a-t-il un espoir pour ces deux hommes ? Bien sûr, aucune situation n’est désespérée, mais ils doivent repenser leur relation à Dieu car ils ont manifesté par leur réponse à la demande du père  qu’ils étaient divisés en eux-mêmes, c’est à dire qu’ils ne savaient pas distinguer le vrai du faux, autant dire qu’ils ne savaient pas où ils étaient vraiment. Autrement dit, ils étaient trop habitués au confort de leur situation de fils. Ils faisaient ce qu’ils voulaient et quand ils le voulaient si bien qu’ils ne percevaient pas qu’ils avaient établi une profonde distance entre eux et leur Père et  qu’ils ne savaient pas à quel point ils étaient séparés de lui. Ceux qui sont tellement habitués au confort de la foi risquent de leur ressembler. N’ayant plus rien à espérer  ils risquent involontairement d’être séparés de Dieu sans vraiment le savoir. En ce sens les prostituées et les publicains ont donc le pas sur eux parce que si eux aussi sont séparés de Dieu, ils gardent en eux l’espérance de le rejoindre.

L’espérance consiste savoir que Dieu ne peut pas transformer notre existence si nous ne sommes pas au clair sur nous-mêmes et sur Dieu. En fait notre problème réside dans le fait que nous sachant en faveur auprès de Dieu, nous pensons que rien ne peut désormais changer en nous. C’est exactement le contraire que nous suggère Jésus. Il nous fait comprendre que nous ne pouvons nous satisfaire d’une relation à Dieu qui n’évolue pas. Nous avons compris depuis longtemps que nous ne pouvons rien par nous-mêmes si Dieu ne sen mêle, mais quand Dieu s’en est  mêlé, c’est alors que tout reste à faire. Il nous appartient d’œuvrer  pour que grandisse  en nous le désir de vérité sur nous-mêmes. C’est dans la mesure où nous nous connaîtrons mieux nous-mêmes que notre relation à  Dieu grandira. La grâce qui nous a fait découvrir l’espérance comme une faculté de progresser nous invite chaque jour à approfondir cette vérité qui ne se satisfait jamais de l’immobilisme de la foi.

Poussés par Dieu à toujours nous dépasser nous-mêmes, nous devenons alors disponibles pour travailler avec lui afin que tout change autour de nous pour le mieux être de tous. La vigne où nous sommes appelés à travailler est un champ immense, elle couvre le monde imparfait qui attend qu’on l’aide à évoluer vers sa perfection. C’est dans la mesure où nous  serons nombreux à travailler que les fruits viendront à maturité et qu’une fois pressés ils deviendront le vin du Royaume.

Une autre proposition de sermon pour le dimanche 3 octobre 2017 



La vie des humains est bien compliquée  et leurs comportements ne répondent pas  à une logique de valeur universelle.  L’histoire racontée ici par Jésus nous pose un défi en face duquel nous avons du mal à nous situer.   Nous n’avons pas toujours la même réaction, les uns et les autres face aux problèmes que nous pose la vie. Ici deux frères réagissent totalement différemment  face à la même situation. On ne sait pas pourquoi ils ont réagi comme ils l’ont fait.  Nous ne savons rien de l’un ou de l’autre ni de leur relation au père.  Celui-ci pourrait-être un brave homme soucieux de  gérer correctement son domaine, il pouvait être aussi un tyran domestique dont chaque fils aurait essayé de contourner les sautes d’humeur. L’un des garçons est  peut être infirme, malade ou trop jeunes pour  faire un tel travail tandis que l’autre  serait peut être un fieffé paresseux soucieux de ses intérêts. Je laisse à chacun de vous le soin de trouver des excuses pour  les déculpabiliser ou au contraire pour les enfoncer dans leur mensonge, car tous deux ont menti.

En fait, le problème n’est pas là et Jésus pointe ici du doigt la complexité de notre nature humaine car nous ne réagissons pas spontanément aux propositions de la vie.  Nous avons besoin de réfléchir  avant de répondre à une interpellation du destin et de décider la bonne attitude à  suivre.  Notre perception immédiate d’une proposition  n’est pas forcément celle que nous retiendrons par la suite, et c’est le cas des deux garçons.

Si tel  est notre comportement dans les affaires de la vie, qu’en est-il alors de notre relation à Dieu, car il semble que ce soit là le propos sous-jacent de cette petite histoire. Nous nous en servirons de prétexte pour nous interroger sur la manière dont nous communiquons avec Dieu.

En fait Dieu ne semble pas nous parler en termes  clairs et précis  comme le suggère généralement  la Bible. En effet, tout au long des récits que nous rencontrons dans l’Ecriture nous lisons cette formule : «  Dieu dit » et la personne concernée réagit  en fonction d’un ordre précis.  Jonas décide de ne pas obéir  et de prendre un autre chemin que celui sur lequel Dieu l’envoie.  Abraham au contraire suit son injonction à partir suivi de  sa femme et ses troupeaux.  Le lecteur que nous sommes se sent perplexe et regrette cette époque bien heureuse où Dieu parlait bouche à bouche et cœur à cœur avec les hommes. Nous pensons que les grands témoins de Dieu  avaient un contact immédiat avec lui et savaient entendre sa parole sans questionnement !

Reprenez donc les textes avec un peu d’attention et vous verrez dans le comportement des patriarches ou des prophètes, même les plus grands que leur vie a été marquée par des moments d’incompréhension où ils n’ont pas compris ce que Dieu leur demandait,  comme ce fut le cas pour Abraham par exemple qui ne comprit pas que Dieu ne lui demandait pas de tuer son fils, mais de le lui consacrer. Le livre de Jérémie est rempli de remarques du prophète faisant état de son désarroi et de son incompréhension en face de ce qu’il comprenait de la volonté de Dieu.

Par commodité, ceux  qui ont transmis les textes de la Bible ont évité de rapporter les états d’âme de ceux à qui Dieu parlait, ils n’ont pas rapporté la totalité de leurs réflexions  ou de leurs atermoiements mais ont dit simplement : « Dieu leur parla ». Mais cette expression ne les dispensait pas  de tout le débat intérieur qu’ils ont eu pour comprendre ce que Dieu leur demandait.

Quand Dieu parle, c’est d’abord un dialogue qui s’établit entre lui et nous. C’est par la voix d’un autre humain qu’il nous interpelle, c’est par un événement qui provoque une réaction en nous que nous croyons entendre un écho de  sa voix et nous y répondons par un questionnement  intérieur par lequel nous cherchons la bonne voix de Dieu. C’est par ce dialogue entre Dieu et nous, sans qu’aucune parole ne soit vraiment prononcée  que se fait la perception de la volonté divine. C’est par le dialogue avec les autres qu’il se prolonge, c’est par un éclairage avec les Ecritures qu’il se poursuit.

Ainsi, quand Dieu parle, il fait appel à l’intelligence humaine pour se faire comprendre. En face de chaque situation nouvelle, notre intelligence se met en mouvement. Elle, pèse le pour et le contre et s’appuie sur l’expérience millénaire des nombreux témoins de Dieu que la Bible nous a transmise et dont Jésus a porté témoignage.  Leur foi en Dieu  nous a appris que Dieu agissait toujours par amour et  qu’il ne voulait que le mieux être des hommes. Son seul but est donc de vivre en harmonie avec eux. Toute nos intuitions intérieures qui n’iraient pas dans ce sens ne viendraient  donc  pas de Dieu et ne seraient pas le reflet de sa parole.

Nous avons en effet, tendance à enfermer Dieu dans des schémas préétablis  en dehors desquels nous nous refusons généralement  à l’entendre. Les contemporains de Jésus étaient tellement   engoncés dans ces concepts qu’ils n’ont pas su reconnaître la parole de Dieu dans les propos de Jean Baptiste qui dénonçaient l’archaïsme de leurs pensées. En s’opposant à lui, ils   affirmaient  que Dieu ne pouvaient pas accueillir les pécheurs si bien que les incroyants, les gens sans éducation qui ne nourrissaient en eux aucun préjugé culturel étaient plus aptes que les croyants et les vrais pratiquants à entendre la parole de Dieu par sa bouche, à la comprendre et à la transmettre.

Il est curieux de constater que c’est encore le cas dans les débats de société quand on oppose la parole de Dieu  aux propositions que suggère  les problèmes éthiques actuels, si bien que l’Eglise se faisant, ferme ses portes à des hommes et  des femmes, non pas à cause de la parole de Dieu mais à cause de leur non-conformité à des traditions anciennes et respectables, mais  trop rigides pour accepter que Dieu adapte la bonne nouvelle de l’Evangile à l’évolution des mœurs.

Dans son commentaire de la parabole qu’il a raconté sur les deux fils  Jésus a   dénoncé notre manière de penser selon laquelle les projets de Dieu seraient établis à l’avance d’une façon immuable et que ses décisions seraient arrêtée de toute éternité. Il nous apprend que Dieu actualise sa parole en fonction de chaque situation nouvelle que nous vivons. A chaque situation nouvelle il nous demande d’exercer notre sagacité pour que sa parole y prenne corps parfois en opposition avec les traditions si bien qu’il met  Moïse en porte à faux par rapport à Jean Baptiste

Dieu œuvre toujours en fonction du bien des hommes, même  si les situations présentes ont évoluée par rapport au passé et que le mieux être des hommes prend un aspect nouveau. L’attitude des  deux frères de la parabole relève de cette problématique. Ils contestent par leur comportement l’ordre que leur donne leur père, et ils s’en  sortent, l’un et l’autre  par une dérobade qui les amène à confondre le oui et le non. Ils s’avèrent donc incapables d’être cohérents avec eux-mêmes. Le cas échéant, ni l’un ni l’autre ne pourrait se trouver en état d’ennendre la voix de Dieu et d’y répondre car ils se sont réfugiés dans le mensonge où Dieu ne pourrait trouver son compte.  En masquant leur réponse,  ils  portent atteinte à leur père, aussi injuste soit-il  et ne peuvent  pas  dans ces conditions se trouver en accord avec Dieu ni avec les hommes..

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