Jean1 :6-8 et
19-28 :
6 Survint un
homme, envoyé de Dieu, du nom de Jean. 7 Il vint comme témoin, pour rendre
témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui. 8 Ce n'est pas lui qui
était la lumière ; il venait rendre témoignage à la lumière.
9 La Parole était la vraie lumière,
celle qui éclaire tout humain ; elle venait dans le monde.
10 Elle était dans le monde,
et le monde est venu à l'existence par elle,
mais le monde ne l'a jamais connue.
11 Elle est venue chez elle,
et les siens ne l'ont pas accueillie ;
12 mais à tous ceux qui l'ont reçue,
elle a donné le pouvoir
de devenir enfants de Dieu
— à ceux qui mettent leur foi en son nom.13Ceux-là sont nés, non pas du
sang, ni d'une volonté de chair, ni d'une volonté d'homme, mais de Dieu.
14 La Parole est devenue chair ;
elle a fait sa demeure parmi nous,
et nous avons vu sa gloire,
une gloire de Fils unique issu du Père ;
elle était pleine de grâce et de vérité.
15 Jean lui rend témoignage, il s'est écrié : C'était de lui que j'ai
dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car, avant moi,
il était.
16 Nous, en effet, de sa plénitude
nous avons tous reçu,
et grâce pour grâce ;
17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par
Jésus-Christ.
18 Personne n'a jamais vu Dieu ; celui qui l'a annoncé, c'est le Dieu
Fils unique qui est sur le sein du Père.
Ce que Jean le Baptiseur dit de lui-même
19 Voici le
témoignage de Jean, lorsque les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres
et des lévites pour lui demander : Toi, qui es-tu ? 20 Il le
reconnut, il ne le nia pas, il reconnut : Moi, je ne suis pas le Christ.
21 Ils lui demandèrent : Alors quoi ? Toi, es-tu Elie ? Il
dit : Je ne le suis pas. — Est-ce toi qui es le Prophète ? Il
répondit : Non. 22 Ils lui dirent alors : Qui es-tu ? — que nous
puissions donner une réponse à ceux qui nous ont envoyés ! Que dis-tu de
toi-même ? 23 Il dit :
Moi, je suis celui qui crie dans le désert :
Rendez droit le chemin du Seigneur,
comme a dit le prophète Esaïe.
24 Ceux qui
avaient été envoyés de chez les pharisiens 25lui demandèrent : Pourquoi
donc baptises-tu, si, toi, tu n'es ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète ?
26 Jean leur répondit : Moi, je baptise dans l'eau ; au milieu de
vous, il en est un que vous ne connaissez pas 27 et qui vient derrière
moi ; moi, je ne suis pas digne de délier la lanière de sa sandale.
28 Cela se
passait à Béthanie, de l'autre côté du Jourdain, là où Jean baptisait.
Mais qui donc est Dieu ? Il ne représente pas une réalité que nous puissions voir ou qui pourrait frapper nos sens. C’est en faisant ce constat, que beaucoup cessent de croire en Dieu car, il
est évident qu’on ne peut le voir agir.
« Message bien reçu » disent les défenseurs de Dieu. Mais l’argument leur paraît un peu court. C’est
aller un peu vite en besogne, que de
conclure aussi vite que parce qu’on ne le voit pas agir que Dieu n’existe pas,
et chacun de rechercher dans la littérature ou dans ses expériences
personnelles des arguments qui lui permettrait de dire aux détracteurs de Dieu que sans sa présence
nous ne pourrions pas appréhender les réalités de ce monde.
En effet, il suffit de voir la structure compliquée d’un insecte pour
concevoir que tout cet assemblage subtile
a été conçu par un être supérieur.
Comment ne pas penser que le champ des étoiles n’a pas été imaginé par un esprit
organisateur ? Pour peu que l’on
s’aventure dans ce genre de raisonnement, il est évident que l’on trouvera
toute sorte de témoignages faisant état de miracles
dont les récits tendraient à démontrer que Dieu n’hésite pas à contrarier les règles de l’évolution
du monde pour démontrer son
extrême liberté par rapport à cet
univers où nous sommes et attester
de sa supériorité sur toute chose. La Bible
fourmille d’exemples. En défendant de tels arguments, ceux qui
s’appuient sur eux apportent
de l’eau au moulin de leurs
adversaires qui auront vite fait de
démontrer qu’en agissant contre l’ordre des choses qu’il a créé, Dieu ne serait
pas crédible et démolirait lui-même les éléments
qui plaident en faveur de son existence.
Certes, si la Bible n’est pas avare de récits
qui plaident en faveur de la toute puissance
de Dieu, elle ne s’en sert pas vraiment pour démontrer son existence. Elle préfère
argumenter à
partir d’autres éléments dont nous allons essayer de dégager la pertinence. Cela nous demandera de faire un effort
intellectuel pour déceler la trame d’une autre approche qui se dissimule dans la profondeur des textes. C’est à partir des verbes dire et parler que nous allons chercher la pertinence de ces arguments. En effet, dans de nombreux récits le texte ne dit pas «
voyez ce que Dieu fait », mais
« écoutez ce que Dieu dit ». Tout au long des récits on nous dit que Dieu parle et non
pas qu’il fait. Il cherche à se faire
entendre plus qu’il ne cherche à se faire voir. Dieu ne se révèle pas par ce
qu’il laisse transparaître de lui, mais par ce qu’il est censé dire.
Au commencement, c’est la voix de Dieu qui
retentit dans l’immensité où rien n’existait encore et qui n’était que Tohu Bohu afin que ce qui était seulement en devenir s’organise pour
devenir la réalité dans laquelle nous évoluons encore aujourd’hui. Mais qui
donc a pu entendre cette voix demandant
que les choses existent puisque rien n’était encore conçu pour l’entendre et exécuter l’ordre divin? Gaffe des auteurs ou raisons plus subtiles ?
Bien entendu, ces textes ont été rédigés bien
plus tard, à une époque où les prophètes s’appliquaient à évoquer
la présence de Dieu en le faisant
parler. C’est donc en évoquant des sons et des mots qu’ils on rendu compte de leur expérience avec Dieu.
C’est ce que nous rappelle le début de l’Evangile de Jean qui sert de support à notre réflexion en
évoquant la voix de celui qui crie ans le désert. Cette voix a été empruntée au prophète
Esaïe, elle est proférée pour les
contemporains de Jésus par la bouche de
Jean Baptiste dans des conditions
semblables à celles imaginées, jadis par
le génie des écrivains bibliques quand
ils ont voulu décrire l’origine du monde. La voix de Dieu qui ne pouvait pas encore être entendue fut
cependant obéie et les choses qui devaient
être créé advinrent. Ainsi naquirent les étoiles et le firmament,
la lune et le soleil, la terre et les mers, les végétaux et les animaux et
l’homme en dernier.
En
évoquant la voix de Dieu qui
retentit dans le désert, le prophète Esaïe utilise la même image. Il parle
du désert où la voix ne pouvait être entendue par personne. On se
retrouve dans le même cas de figure que dans le récit de la création. Il y a
fort à parier que ce dé
sert, pris au sens figuré, désigne l’âme humaine qui
cherche à comprendre quelque chose de Dieu et qui doit faire le vide en elle
afin que la voix de Dieu puisse faire
son œuvre, car pour être créatrice la voix de Dieu ne doit rencontrer
aucun obstacle qui la contrarie. Nous sommes donc invités par ce contexte à faire le vide en
nous pour que nos voix intérieures se
taisent et que nous puissions entendre
Dieu qui nous parle.
L’Evangile de Jean nous rapporte alors, à
partir de l’expérience de Jean Baptiste qui fait suite à celle d’Esaïe, comment
maîtriser nos voix intérieures pour laisser Dieu nous parler et se faire
reconnaître. C’est seulement quand nous aurons entrepris nous-mêmes cette même expérience avec succès
que nous pourrons reconnaître la réalité de Dieu ou la rejeter.
En effet, ceux qui rejettent Dieu et nient sa réalité, le font à partir
d’arguments faciles qu’ils puisent dans
leurs expériences personnelles sans
forcément chercher à approfondir ce qui
se passe en eux. Ils partent de leur
insatisfaction personnelle et constatent que Dieu ne peut y répondre. Cela les
amène à décider un peu vite de sa non existence.
Si
l’homme est mauvais disent-ils, c’est la faute de Dieu qui l’a voulu ainsi, et s’il ne l’a pas voulu,
c’est qu’il est impuissant. Ils font le même raisonnement au sujet des guerres,
des maladies incurables, des accidents
d’avion ou des tsunamis. Il leur est
plus confortable d’accuser Dieu
d’incapacité plutôt que d’envisager que la réalité des choses n’est pas aussi
simpliste.
Ce réquisitoire contre les négateurs de Dieu
étant fait, revenons au discours de Jean Baptiste. Il commence par porter un
regard négatif sur lui-même. Il déclare qu’il n’est ni Elie, ni le Messie, ni
le prophète. En se décrivant ainsi, il
fait le vide en lui en ne se reconnaissant aucune capacité à être porteur
de quoi que ce soit qui l’autorise à parler de Dieu. Il neutralise ainsi tout
ce qui en lui pourrait altérer la voix
de Dieu. Puis, évoquant Jésus dont il se sait le messager et dont il nous dira
plus tard qu’il nous baptise
ra de saint Esprit, il nous dit qu’il vient. Il nous oriente ainsi sur un avenir qui se
réalisera plus tard, c’est dire que la
première vertu de la parole de Dieu, quand elle nous atteint est de nous parler
d’avenir. Dieu n’est donc pas le Dieu du passé, même s’il s’appuie sur le
témoignage des pères. Ce qui importe, c’est qu’il habite l’avenir vers lequel
il nous pousse à la rencontre de nos prochains que nous ne pouvons qu’aimer
comme nous-mêmes. C’est ce que dit
Jésus.
A partir de là, nous avons tous les éléments
nécessaires et suffisants pour entendre Dieu. Il nous faut faire le désert en
nous, en oubliant tout ce qui nous vient
de nous-mêmes, pour nous orienter vers
le devenir de nos prochains, tout en laissant le Saint esprit nous envahir et
nous parler au nom de Dieu. Une fois cette expérience faite, nous pouvons
honnêtement nous interroger sur Dieu.
Sans doute, certains continueront à camper sur leurs a priori hostiles à Dieu, c’est
leur droit, mais je suis sûr que beaucoup découvriront qu’il y a possibilité
d’entendre Dieu qui leur dit qu’il y a de
l’avenir pour eux et pour les autres.
Ils comprendront également que Dieu les implique dans la réalité du monde
présent où il nous demande de prendre nos responsabilités, si bien que trop
concernés par notre participation au monde présent, nous ne
chercherons plus Dieu
dans le passé, ni dans le discours des philosophes, mais nous le trouverons
engagé avec nous dans la réalité du monde qui se construit jour après jour (1).
C’est avec lui que nous lutterons contre les violences et les injustices afin
que le nouveau monde prenne corps.
(1) Nous redisons ici à
notre manière, ce que Pascal avait déjà dit.
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