Marc :
1- 1-8
2 Selon ce qui est écrit dans le Prophète Esaïe :
J'envoie devant toi mon messager
pour frayer ton chemin ;
3 c'est celui qui crie dans le désert :
« Préparez le chemin du Seigneur,
rendez droits ses sentiers »,
4 survint Jean, celui qui baptisait dans le désert et
proclamait un baptême de changement radical, pour le pardon des péchés. 5 Toute
la Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui et
recevaient de lui le baptême, dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement
leurs péchés. 6 Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir
autour des reins. Il se nourrissait de criquets et de miel sauvage.
7 Il proclamait : Il vient derrière moi, celui
qui est plus puissant que moi, et ce serait encore trop d'honneur pour moi que
de me baisser pour délier la lanière de ses sandales. 8 Moi, je vous ai
baptisés d'eau ; lui vous baptisera dans l'Esprit saint.
Quand l’étale d’un libraire, vous parcourez
un livre que vous découvrez pour la
première fois, comment procédez-vous ? Il n’y a certainement pas de bonne
méthode ni de technique appropriée, chacun suit son propre instinct. Je ne peux
donc que parler de ma pratique personnelle en supposant qu’elle rejoint celle
de la plupart d’entre vous.
Si c’est un roman qui me tombe dans les
mains, je regarderai d’abord en dernière
page de couverture le petit texte qu’a écrit l’éditeur et qui a pour but
d’inciter le lecteur à lire le livre. Je regarde ensuite les appréciations que
l’éditeur a trouvées dans la presse pour
venter l’ouvrage, mais je ne lis ni la
table des matières, ni le dernier chapitre pour ne pas enlever son intérêt à
l’ouvrage.
Par contre si le livre défend une thèse
historique, philosophique, politique ou théologique, je procède différemment.
C’est à la conclusion que je me rends d’abord avant de lire la préface qui
n’est généralement pas de la plume de l’auteur mais qui est écrite de la main
de quelqu’un de célèbre qui recommande la lecture. Sans doute procédez-vous
d’une manière semblable.
Et les Évangiles, comment les
abordez-vous ? Même s’ils sont
édités dans la Bible, ce sont des ouvrages indépendants les uns des autres et
doivent être abordés comme des ouvrages distincts à part entière. Procéderons-nous
de la même manière que ce que nous venons de dire ? Non bien sûr car nous
savons déjà des tas de choses sur les Évangiles. Nous savons comment ils se terminent et nous croyons en connaître le début. Pas de
surprise donc, nous pensons avancer en
terrain connu. Nous butinons dans les
textes et nous nous arrêtons sur l’une ou l’autre des péricopes qui retient particulièrement notre attention car on peut lire les
chapitres indépendamment de l’ordre dans lequel ils nous sont proposés.
C’est l’Évangile de Marc que nous ouvrons ce
matin. Nous croyons tout savoir à son sujet. La fin, on la connaît ! Pas
si sûr ! En y regardant de près, en lisant les notes qui y figurent en bas de page, on découvre
que l’éditeur, le premier, celui de l’an 70 de notre ère, dont on ne sait rien,
a éprouvé le besoin de rajouter 8
versets supplémentaires au dernier
chapitre qui était sensé se terminer au verset 8 du chapitre 16. Il a voulu ainsi adoucir la conclusion trop rapide et
inquiétante que l’auteur, Marc a proposé.
L’a-t-il voulu ainsi, ou la fin a-t-elle été perdue, nul ne le sait. La plupart
des éditions modernes de la Bible font apparaître ce particularisme de l’Évangile de Marc par des notes appropriées
(1) En effet le texte de Marc
s’arrête sur le récit de la fuite des femmes effrayées qui quittent les abords
du tombeau vide sans ne
rien dire à personne de l’événement. Au lecteur d’y trouver son compte. C’est à cause de cette conclusion surprenante
que très vite, on a rajouté une autre finale plus conforme aux autres
évangiles.
Poursuivons notre découverte de l’Évangile et
aventurons-nous vers d’autres surprises. Le début, on le connaît ! Pas si
sûr ! Il ne parle pas du récit de l’enfance. Il s’ouvre directement sur le
récit de Jean Baptiste. Nous sommes tentés de passer vite, car il ne mentionne
pas les détails intéressants, que
fournissent les autres évangiles. En fait ces quelques huit versets que nous avons lus servent
plutôt de préface à tout l’Évangile.
Comme les préfaces des livres connus sont généralement écrites par
d’autres auteurs pour nous inciter à lire le livre nous n’y accordons que peu
d’intérêt puisque nous avons déjà entrepris sa lecture, et nous passons vite. Nous
avons tort!
Cette préface est de la même main que
l’auteur de l’Évangile. Elle est donc de la plume de Marc. Nous avons là en 8
versets un chef d’œuvre de concision qui nous donne tout ce qu’il nous faut
savoir pour apprécier à sa juste valeur la bonne nouvelle qu’il va nous
relater.
Contrairement au dernier verset du dernier
chapitre ( Marc 16 verset 8) qui
nous parle de la peur des femmes, les notes introductives, ici
s’ouvrent sur une promesse dont
la réalisation nous projette en plein ciel dans un projet de changement radical
de notre conception de Dieu : « Il vous baptisera d’Esprit saint ! » Dit-il. Cela veut dire que notre relation à Dieu ne sera plus
conditionnée par la pratique rigoureuse des consignes de la Loi, mais par une
révolution provoquée en nous par
l’irruption du Saint Esprit dans notre vie intérieure. C’est totalement
différent de ce qui était enseigné jusqu’à maintenant.
C’est sans doute, parce qu’elles constatent en
voyant le tombeau vide, que cette transformation radicale, est déjà en train de
se produire en elles que les femmes éprouvent de la crainte. Ainsi la vraie
conclusion de cet évangile n’est pas dans la crainte des femmes, ni dans les 8
versets rajoutés, mais dans les versets d’introduction, au tout début de l’Évangile, par l’annonce de l’effusion de l’Esprit sur tous ceux qui croient.
Le récit de la résurrection et de
l’apparition du ressuscité passent au second plan car ils sont la conséquence
de ce moment rapporté ici au tout début de l’Évangile.
Reprenons donc sereinement le contenu de ces
8 premiers versets qui pour nous parler de la « bonne nouvelle »
commencent par le récit du ministère de Jean baptiste. Mais ce n’est pas le
personnage qui est important, c’est pourquoi Marc reste sobre à son sujet et n’en parle presque pas. Ce qui est important,
ce n’est pas ce qu’il a fait c’est
l’itinéraire spirituel qu’il nous invite à faire. C’est d’abord la voix du prophète Esaïe qui retentit par sa
bouche. En effet, c’est la reprise du message des
prophètes qui prédomine dans
l’enseignement de Jésus. Ce message donnait priorité au culte en esprit, face
aux exigences de la Loi. Ainsi s’ouvrait
une ère nouvelle que Jésus était
venu inaugurer.
L’enseignement des prophètes avait pour but de libérer les croyants du
carcan de leur péché. Il leur proposait de revenir à Dieu par une pratique de la justice et du respect du prochain
et de
s’inquiéter du sort de la veuve et de l’orphelin plutôt que de s’attacher à une pratique du culte du Temple. (2)
Jean Baptise, par son enseignement et par son
vêtement replongeait ses lecteurs dans cette atmosphère. Il portait une tunique
en poil de chameau qui était le même vêtement que portait Élie, le prince des
prophètes qui fut enlevé au ciel et échappa ainsi à la mort. Jean Baptiste
annonçait par son comportement qu’avec la venue de Jésus, une nouvelle page
était en train de se tourner. Les choses
ne seront plus comme avant, une relation nouvelle avec Dieu allait s’établir et rien, ni le péché ni la mort, ne
viendraient désormais altérer ces temps nouveaux qui viennent d’être annoncés par les toutes
premières lignes de l’Évangile, avant que le récit soit pratiquement commencé.
Ainsi les 8 premiers versets
contiennent-ils déjà tout le message de l’Évangile et méritent-ils que l’on
s’arrêtent sur eux.
(1)
Cette
information n’est pas une vue de l’esprit, ni une invention de ma part. Eusèbe
et Jérôme l’avaient déjà constatée. En effet, les versets rajoutés sont d’un
style différent de celui du reste de l’ouvrage. Ce court passage utilise 20
mots qui ne sont utilisés nulle part ailleurs dans cet Évangile. Ce simple
constat suffit à démontrer que ces 8 versets ne sont pas de la même main que le reste de l’évangile.
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