Jésus guérit un lépreux: dimanche 15 février 2015 Marc 1 :40-45
40 Un lépreux vient à lui et, se mettant à genoux, il le supplie : Si tu le veux, tu peux me rendre pur. 41 Emu, il tendit la main, le toucha et dit : Je le veux, sois pur. 42 Aussitôt la lèpre le quitta ; il était pur.43 Jésus, s'emportant contre lui, le chassa aussitôt 44 en disant : Garde-toi de ne rien dire à personne, mais va te montrer au prêtre, et présente pour ta purification ce que Moïse a prescrit; ce sera pour eux un témoignage. 45 Mais lui, une fois parti, se mit à proclamer la chose haut et fort et à répandre la Parole, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville. Il se tenait dehors, dans les lieux déserts, et on venait à lui de toutes parts.
Vous souvient-il du jour où vous avez réalisé que vous croyiez en Dieu ? Il n’est pas rare que nous fassions le point sur les événements qui ont marqué notre éveil à la foi, car nous ne sommes pas toujours satisfaits des suites que nous leur avons données. Ce ne fut certainement pas simple de découvrir que nous étions en contact avec une réalité nouvelle qu’on appelle Dieu. Nous avons découvert, qu’en nous, ou à côté de nous, nous ne saurions vraiment pas le dire, il y avait cette présence de Dieu qui nous était nécessaire et à qui nous donnions le visage de Jésus. Il n’est pas évident de découvrir que l’on croit en Dieu dans un monde qui l’ignore grandement et de ressentir que nous avons besoin de lui alors qu’autour de nous on semble s’en passer très bien.
Dans le secret de notre vie, il nous arrive donc de repenser aux étapes qui nous ont amenés à la foi. Nous avons besoin de le faire pour garder notre foi vivante. C’est une expérience que nous pouvons difficilement partager avec les autres, car chacun a son histoire et notre histoire ne ressemble à celle de personne. Il se peut que la foi ait brutalement jailli en nous au point de nous jeter à terre dans un moment d’intense émotion religieuse, comme ce fut le cas pour John Wesley (1). Pour d’autres ce fut une longue réflexion qui lentement a pris possession de leur esprit et qui a finalement mobilisé toute leur personne, si bien qu’ils se trouvèrent implicitement mobilisés par un dynamisme nouveau. Il nous faut aussi rappeler l’expérience de ceux qui considèrent qu’ils ont été au bénéfice d’un miracle, c'est-à-dire d’une démarche particulière de Dieu dans leur direction comme l’histoire de Paul de Tarse rapportée dans le livre des Actes.
Beaucoup ont connu des moments semblables à ceux qui viennent d’être évoqués. Parfois ce furent d’autres expériences ou le mélange de plusieurs.
Pourtant, avec le temps, la foi semble s’user. A force d’habitude elle s’affadit. Comment pourrait-il en être autrement quand on vit dans une société où l’expression de la foi est sensée se faire discrète et où le nom de Dieu n’est jamais officiellement mentionné si bien qu’on finit par enfermer sa révélation dans une série de légendes qui le tournent parfois en dérision, comme cela se fait à Noël. Un tel état de fait se répercute dans nos églises au point qu’on peut se demander si leur avenir n’est pas menacé.
Le texte que nous avons lu, ne nous nous dit pas ce que nous devons faire, il nous dit plutôt ce qu’il ne faut pas faire. Il nous apporte un contre enseignement. L’homme guéri qui veut témoigner en faveur de Jésus rend surtout un témoignage à lui-même. Il se sert de sa propre personne comme instrument de propagande. Il croit attirer l’attention des autres sur Jésus, mais en fait, il se fait une publicité à lui-même. En agissant ainsi, il accapare la gloire de Dieu à son profit. .
Même si son attitude s’explique aisément, elle ne se justifie pas. En effet, du fait de sa maladie cet homme se trouvait exclu et rejeté. L’action de Jésus le projette au premier rang de la scène. Les hommes de son temps avaient érigé en principe religieux, l’exclusion de la société de tous les lépreux par crainte de contagion, en vertu de la loi du pur et de l’impur. Ce qui leur donnait bonne conscience pour enfermer ces malheureux à l’extérieur dans l’univers morbide de la maladie. Comment la foi pourrait-elle trouver son chemin dans une telle ambiance de mise à l’écart et de mort?
Par l’intervention de Jésus, l’homme redevient apte à vivre en société. Il peut désormais rejoindre sa famille, trouver du travail, redevenir un homme normal et fréquenter à nouveau les lieux de culte. Même si Jésus ne veut pas qu’il parle de son aventure, celui-ci se met à la raconter au point que la renommée qui se répand empêche Jésus d’exercer aucune autre forme de ministère que celui de la guérison.
Jésus avait pour mission de parler de Dieu et de libérer les gens perturbés par l’angoisse que produit la séparation d’avec Dieu. Du fait de cette publicité malencontreuse, il se trouve réduit à la fonction de guérisseur, à tel point que son message en est altéré et que son ministère en devient impossible ! Que faut-il faire alors ? Ne pas parler de sa conversion ? Ne pas dire comment Jésus a transformé notre vie ? Jésus ne répond pas. Il nous renvoie à notre propre sagesse afin de découvrir comment s’y prendre.
Ici le malade guéri ne prend pas le temps d’analyser ce qui s’est passé en lui. Il ne se demande même pas, par quel phénomène spirituel, médical ou psychologique sa guérison a pu se produire. Il ne va même pas faire constater son nouvel état aux prêtres qui seuls ont le pouvoir de lui permettre de rejoindre la société des humains. Il crie au miracle et attire l’attention sur lui. C’est ici que réside une partie du problème. En racontant à tout le monde le miracle au bénéfice duquel il a trouvé la guérison, il détourne l’attention vers lui. Celui qui a opéré le miracle n’est plus qu’un guérisseur efficace et cesse d’être le témoin de la puissance divine. C’est celui qui recouvre la santé qui devient intéressant, et non celui qui guérit et les gens ne s’intéressent à Jésus que pour être guéris à leur tour.
Dans ce
récit, il y a comme une confiscation de la gloire qui devrait revenir à Dieu et
qui revient à l’homme guéri autour de qui se rassemblent les foules. Le but de
Jésus n’était pas d’en arriver là. Par son geste il voulait signifier l’emprise
de Dieu sur le mal et montrer qu’il était le maître de la vie. Peine perdue.
C’est tout autre chose qui se produit.
C’est l’expérience de transformation intérieure qui aurait amené le malade à la foi qui nous intéresse, mais le malade ne manifeste aucunement une démarche de foi! Nous ne sommes pas plus avancés ! Nous avons seulement constatés en commençant que si on ne parlait pas de nos expériences religieuses notre foi risquait de s’affadir. Par contre si nous en parlions nous risquerions de focaliser l’intérêt sur nous-mêmes au détriment de Dieu qui ne trouverait pas son compte dans notre égocentrisme.
En fait, ce
n’est pas à cause d’une parole sur nous-mêmes que les témoins se tourneront
vers Dieu, ce n’est pas en attirant leurs regards sur nous-mêmes mais c’est en attirant
leur attention sur la puissance de vie qui
est en Dieu. Elle est capable de les transformer pour faire d’eux des créatures nouvelles susceptibles de donner un autre aspect au monde.
Jésus ne nous demande pas de faire le travail à sa place, car le miracle ne nous appartient pas. Il ne nous demande pas davantage, de gérer le monde selon nos principes et de lui imposer nos lois et notre morale.
Il nous demande par contre de rendre
témoignage de l’espérance qu’il a mise en nous et de manifester de l’appétit
pour la vie en la favorisant de toutes les manières possibles, car seule la vie
est porteuse d’avenir.
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