2 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre,
Jacques et Jean, et il les conduit seuls à l'écart, sur une haute montagne. Il
fut transfiguré devant eux : 3 ses vêtements devinrent resplendissants,
d'une blancheur telle qu'il n'est pas de teinturier sur terre qui puisse
blanchir ainsi. 4 Elie avec Moïse leur apparurent ; ils s'entretenaient
avec Jésus. 5 Pierre dit à Jésus : Rabbi, il est bon que nous soyons
ici ; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour
Elie. 6 Il ne savait que dire, car la peur les avait saisis. 7 Survint une nuée
qui les couvrit de son ombre, et de la nuée survint une voix : Celui-ci
est mon Fils bien-aimé. Ecoutez-le ! 8 Aussitôt ils regardèrent autour
d'eux, mais ils ne virent plus personne que Jésus, seul avec eux.
9 Comme ils descendaient de la
montagne, il leur recommanda de ne raconter à personne ce qu'ils avaient vu
jusqu'à ce que le Fils de l'homme se soit relevé d'entre les morts. 10 Ils
retinrent cette parole, tout en débattant entre eux : que signifie
« se relever d'entre les morts » ?
La montagne a la faculté de nous faire rêver.
Elle s’offre à nous comme un défi qui nous invite au dépassement. Il nous faut
faire des efforts pour atteindre son sommet, mais une fois atteint, son air
vivifiant, ses pentes parfois enneigées,
la beauté de la flore ou de la faune s’offrent à nous comme l’antichambre de la
sérénité. Tout se passe en nous comme si
on frappait à la porte de Dieu. Nombreux sont les courants religieux qui
ont utilisé cette impression de paix que
donnait l’ascension dans les hauteurs.
Les anciens n’ont-ils pas fait de l’Olympe,
entouré de nuages la mystérieuse demeure des dieux de l’antiquité ? Ce
mythe subsiste encore de nos jours, et nos âmes éprises de mystique cherchent
à se ressourcer dans l’isolement et le
ravissement des hauteurs. Ne nous
étonnons donc pas si les évangélistes, témoins de Jésus, nous ont entraînés sur
les hauteurs du mont Tabor, où on a pris l’habitude de situer cet événement,
pour y vivre une rencontre ineffable avec Jésus. Ils
nous racontent comment trois de
ses principaux collaborateurs ont eu le
privilège de faire cette expérience de plénitude.
Les Ecritures nous font part de nombreuses
expériences semblables faites par les principaux témoins de la révélation.
C’est sur la montagne qu’ils ont
trouvé le chemin qui mène à Dieu. Le premier d’entre eux est sans doute
Moïse qui vint chercher sur le Mont Sinaï les tables gravées par le doigt de
Dieu. Très impressionné par la présence du divin et rempli de la pureté
ineffable de l’Éternel, Moïse ne supporta pas le retour chez les hommes que
leurs péchés rendaient incompatibles avec Dieu, pensait-il. Il ne put
dominer ses sentiments et dans son courroux cassa les tables de pierre. Il
croyait ainsi faire écho à la colère
qu’il pensait devoir être celle de Dieu
irrité par la perversion humaine. Il se trompait lourdement.
Il est en effet fréquent que les hommes croient qu’ils ont été transformés par la
pureté qu’ils auraient acquise au contact de Dieu. C’est alors qu’ils se
fourvoient sur les sentiments du Seigneur et qu’ils lui prêtent des élans
de colère alors qu’au contraire il éprouve une grande compassion à l’égard des
hommes qui s’écartent de lui.
Ceux qui croient s’être purifiés au contact
de Dieu deviennent souvent intolérants
et insupportables. C’est pour éviter que les amis de Jésus éprouvent ces mêmes
sentiments que l’on nous raconte que Jésus ne voulut pas prolonger la présence de
ses amis sur la montagne et les contraignit
très vite à redescendre vers les hommes.
Après ce moment d’égarement, où il brisa les tables, Dieu montra à Moïse la bonne voie à suivre. Il dut rebrousser chemin, gravir à nouveau
la montagne, tailler à nouveau de
nouvelles tables et revenir vers son peuple pour le guider à nouveau vers la
terre promise. Plus tard, à la fin de sa
vie c’est à nouveau sur une montagne
que Dieu mit un terme à son
existence terrestre pour le faire entrer
dans son éternité en un lieu connu de lui seul. ( Deutéronome 34:5-6)
C’est sur une montagne, dans un moment
d’extase que Dieu se révéla en toute plénitude à Élie, et c’est après cette
expérience qu’il mit fin à son ministère.
Ce prophète est mal connu car la Bible ne lui a réservé aucun livre qui
porte son nom, mais la tradition l’a élevé au rang de prince des prophètes.
Pourtant, de caractère fougueux et emporté,
il prit à son compte ce qu’il croyait être la colère de Dieu et massacra
les prophètes de Baal qui s’opposaient à lui croyant plaire ainsi à son divin
Seigneur. Lui aussi s’était égaré.
Croyant obéir à Dieu, il n’avait écouté que sa propre passion et s’était complètement fourvoyé. Il avait complètement
dénaturé Dieu, dans l’image qu’il s’en était faire. Tout chercheur de Dieu est ainsi menacé de se
tromper à son sujet s’il s’écoute lui-même au lieu de chercher à
entendre son Seigneur. Le chemin qui
ramena Élie à la raison fut long. Il le suivit solitaire et
jusqu’à ce qu’il arrive sur une montagne, où après un long pèlerinage, Dieu se manifesta à lui tout plein de douceur
et de tendresse dans le souffle d’un zéphire tiède et apaisant.
Après cette expérience, si un retour parmi
les hommes lui fut concédé, c’est pour se
choisir un successeur, Élisée. Il
fut alors enlevé dans les cieux sur un char de feu à bord duquel, il pu
contempler la présence de Dieu dans les mains duquel il fut recueilli et ne mourut pas. ( 2 Rois 2)
Curieusement ce sont ces deux là qui
rejoignirent Jésus dans la vision qui fut accordée aux 3 apôtres qui firent sans la comprendre
vraiment une expérience de vie et de
résurrection. Ils ont eu le bonheur d’anticiper par cette vision des temps
derniers. Cette expérience devint pour eux un enrichissement personnel dont ils
auront besoin par la suite pour témoigner auprès des hommes des projets de vie
et d’éternité que Dieu réserve à tous Mais une expérience en cours de d’exécution ne
signifie pas la fin du parcours et Jésus
les contraignit à tourner leur pas vers la vallée pour se mettre au service des autres et
partager avec eux les effets de la vie
éternelle qui ce jour là s’empara
d’eux dans ce moment d’extase.
Beaucoup aspirent à faire des expériences
spirituelles significatives, certains en
ont même fait et éprouvent le regret qu’elles ne se soient pas prolongée.
Après les avoir faites, le retour au milieu de leurs semblables les ramène
toujours à leurs problèmes humains. Ils oublient souvent que de telles
expériences doivent les rendre modestes, car elles ne se sont produites que pour
enrichir leurs relations avec les
hommes. Moïse nous l’avons vu, n’a pas supporté son retour au milieu de
ses semblables, quant aux apôtres, Jésus les a accompagnés sur le chemin du retour pour éviter qu’ils ne trébuchent.
Le contact avec le divin est
une expérience qui peut devenir redoutable car celui qui un
jour s’est trouvé dans ce cas là risque de se prendre pour un ange et de se
brûler les ailes. Il peut s’égarer loin de Dieu s’il n’y prend garde alors
qu’il en a été tout proche.
Jésus est particulièrement attentif au fait
que ceux qui font une expérience très
forte avec Dieu n’en perdent pas les bénéfices au contact des
autres hommes, c’est pourquoi, comme les 3 apôtres il les accompagne sur leur chemin
de retour vers les autres, car si Dieu
les a enrichis par sa présence, il n’en sera que plus exigent pour le témoignage qu’ils auront à rendre. Martin Luther King, reprenant cette vision à
son compte avait dit qu’il avait vu le
peuple de Dieu marcher main dans la
main, noirs et blancs vers une humanité
réconciliée. Mais si la vision avait été belle et bonne, la réalité qui
l’attendait en arrivant en bas dans la vallée se confondit avec la balle des tueurs.
Il ne nous a pas été dit ce que Jésus
lui-même a vu du haut de la montagne, mais il y a fort à parier qu’il a vu un
peuple plein de vie, transformé par l’éternité que Dieu lui donne et qui s’est mis à avancer au milieu d’une humanité avide d’espérance.
C’est ainsi qu’il a vu, son Église, à l’ombre de sa croix en marche vers le Royaume. Mais il a vu aussi
la sueur et les larmes, les déceptions et le sentiment de lassitude de tous
ceux qui persévèrent dans la foi et qui avancent
sans voir que grâce à leur courage et à
leur ténacité des signes significatifs, prometteurs d’espérance sont décelables.
C’est cela qu’il vous est donné
d’entrevoir et de partager à
l’issue de ce sermon, juste avant que l’on dise amen.
illustrtions: Ascension d'Elie de Giuseppe Angeli
Mort de Moïse de Gustave Moreau
illustrtions: Ascension d'Elie de Giuseppe Angeli
Mort de Moïse de Gustave Moreau
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