Genèse 9/ 8-15
8 Dieu dit encore à Noé
et à ses fils avec lui : 9
Quant à moi, j'établis mon alliance
avec vous et avec votre descendance après vous, 10 avec
tous les êtres vivants qui sont avec vous, tant les oiseaux que le bétail et
tous les animaux sauvages, avec tous ceux qui sont sortis de l'arche, avec tous
les animaux sauvages. 11
J'établis mon alliance avec
vous : tous les êtres ne seront plus retranchés par les eaux du déluge, et
il n'y aura plus de déluge pour anéantir la terre. 12 Dieu
dit : Voici le signe de l'alliance que je place entre moi et vous, ainsi
que tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour toutes les générations,
pour toujours : 13
je place mon arc dans la nuée, et il
sera un signe d'alliance entre moi et la terre. 14 Quand
j'aurai rassemblé des nuages au-dessus de la terre, l'arc apparaîtra dans la
nuée, 15 et je me souviendrai de mon alliance entre moi et vous,
ainsi que tous les êtres vivants, et les eaux ne se transformeront plus en
déluge pour anéantir tous les êtres.
La Bible nous dit que Dieu a fait l’homme à son image. Les philosophes qui critiquent la religion disent exactement le contraire, selon eux c’est l’homme qui aurait créé Dieu à la dimension de ses désirs. On va cependant s'apercevoir que beaucoup de choses ne collent pas. Nous allons plutôt découvrir que le Dieu dont nous parle l’Ecriture et auquel nous croyons n’est pas la somme des désirs que nous projetterions sur lui, au contraire, il est insaisissable et cependant tout proche, il est tout autre, et il est ailleurs que là où nous le plaçons.
Un tsunami vient de se produire et l’avenir
de l’humanité toute entière a été menacé. Dans le récit qui nous est fait de
l’événement nous découvrons que le narrateur prête à Dieu un double jeu. Il lui fait prendre des
positions contradictoires tout au long
du récit. C’est lui, Dieu, qui aurait
provoqué la catastrophe et il serait en même temps intervenu pour que le
drame ne soit pas total. En ce sens Dieu ressemblerait bien à l’image de
l’homme puisqu’il balancerait en même temps entre la chose et son contraire.
Nous découvrons là l'aspect insaisissable de
la personnalité de Dieu, il met lui-même
en cause sa toute puissance en
laissant ses sentiments de générosité
prendre le dessus. Pourtant c'est sa
propre colère qui est sensée être
à l’origine du drame. Il se serait mis en colère quand il aurait réalisé que
les hommes lui échappaient et qu’il ne les contrôlait plus. Était-ce
d’ailleurs de la colère ou du dépit ? Il n’aurait pas supporté que leur
liberté les pousse à se détourner de lui.
Dieu
voulait sauvegarder sa toute puissance et en même temps donner droit
à sa générosité. Il aurait donc décidé
de couper la poire en deux en
conservant le meilleur spécimen
de l’espèce humaine pour essayer de tout recommencer. Nous aurions là comme un plaidoyer de la part de l’auteur du récit de Noé pour essayer de dire que
l’homme après tout n’est pas si mauvais et qu’il lui est possible de vivre face
à la justice de Dieu sans que ses fautes entraînent sa disparition. L’auteur
affirme même que Dieu serait prêt à reconnaître qu’il se serait trompé au sujet
de l’homme, si bien que toutes nos
théories sur la déchéance de l’homme après la chute seraient à revoir. Nous découvrons ici, un Dieu inquiet, enclin
aux concessions. Cela vaut donc le coup qu'on y réfléchisse d’un peu plus près
car un tel portrait pourrait amener
le lecteur un peu critique à ne plus
faire confiance en un tel Dieu !
La suite
du récit nous présente la mise en place de cette nouvelle situation,
Dieu va établir de nouvelles règles pour permettre à l’humanité de s’accomplir.
Chose étrange, il commence par s’imposer
à lui-même des contraintes, car l’arc qui va s’allumer dans la nue n’a pas d’autre but que celui d’avertir,
Dieu que la situation qui se présente
l’invite à la patience et non à la colère. L’arc devient un régulateur de
l’humeur de Dieu pour le prévenir de toute intervention contre les hommes
Je m’émerveille de découvrir que ce texte éclaire comme un phare puissant tout
le reste de l’Écriture. Il présente Dieu
comme compatissant, lent à la
colère, inquiet de voir l’homme se perdre,
et toujours soucieux d’inventer une nouvelle solution pour sauver
l’homme quand il se met dans un mauvais pas. Mais l’homme reste libre d’en faire à sa guise et de ne pas
suivre les propositions que Dieu lui suggère.
Dieu n’interviendrait donc pas
dans les événements du monde mais se contenterait de suggérer à l’homme des
solutions. Dieu serait celui qui
donnerait des règles de vie aux
hommes et se contenterait de les
accompagner quand ils auraient fait le
projet de le suivre les guider sur le bon chemin.
Nous savons que les hommes auront du mal à
accepter cette image de Dieu. Ils chercheront à conserver l’image de Dieu en le présentant comme
un Dieu tout- puissant qui gère le monde à sa guise et en punissant
l’homme quand il ne marche pas selon sa
volonté. Tout au long des Ecritures
nous assistons au combat que se livrent les écrivains bibliques pour imposer l’une ou l’autre image de Dieu.
Les prophètes seront persécutés pour se libérer de ce double choix et
accréditer celui du Dieu qui préfère
pardonner que punir. C’est cette image de Dieu qui aura la faveur de Jésus et
qui présentera Dieu sous les traits d’un
Père affectueux plutôt que sous les traits d’un juge sévère. Mais les fausses images sur Dieu sont tenaces
et Jésus aura du fil à retordre pour lui donner toute sa valeur.
Ainsi, il m'importe peu que ce soit Dieu qui
ait créé l’homme à son image ou le contraire. Ce qui importe, c’est qu’en
acceptant les textes fondateurs, nous acceptions cette image du Dieu aimant qui ne nous est
pas naturel et qui ne peut être le fruit de l’invention humaine. C’est alors qu’en toute cohérence nous reconnaissons qu’elle ne peut avoir son origine qu’en Dieu.
Que l’on tourne alors seulement une page de l’Écriture pour lire la suite du récit de Noé, que l’on se donne la peine de
lire les lignes qui suivent le récit du déluge,
et on découvrira que l’homme imbu de sa liberté s’empresse d’oublier les préceptes de
Dieu. A peine cette alliance de
coopération et de sagesse est-elle
conclue avec Dieu que Noé la
transgresse. Le sage Noé, choisi entre tous pour préserver l’humanité
transgresse toutes les règles que l’on
vient d’entendre. Il perd le contrôle de lui-même. Il donne dans tous les
débordements possibles, l’abus d’alcool lui fait perdre la raison et il
succombe à des comportements douteux, voire incestueux suivant certains
commentateurs avec son plus jeune fils. Tout serait donc à recommencer, car
l’homme ne peut devenir libre sans être guidé.
Dieu devrait le faire périr puisqu’il renonce
à être guidé et que son comportement devient pire qu’il était au paravent. A renoncer à jouer ce rôle, Dieu s’est
converti à jouer le jeu de l’humanité en dépit de tous les obstacles qu’elle dresse contre elle-même, et
Noé pourra continuer à vivre. En fait ce n’est pas Dieu qui a changé, c’est l’éclairage
que les Ecritures portent sur lui qui peu à peu s’est modifié. L’histoire de
Noé nous apprend que l’homme ne peut
parvenir par lui-même à un comportement acceptable. Il faut qu’il soit
guidé par celui qui se tient tout près de lui, et qui n’est pas lui.
En nous appuyant sur nos propres expériences nous constatons que nous ne savons pas vraiment repérer les limites entre
le bien et le mal, nous ne savons pas maîtriser les forces qui nous animent. Ce
constat ne peut se faire qu’en découvrant
Dieu sous les traits que ce texte lui donne.
Il n’est pas un être d’autorité qui domine et contraint
mais une réalité de douceur et d’abnégation. Douceur vis à vis des autres et abnégation vis à vis de lui-même. Ces qualités se résument en un seul mot : celui d’amour. Homme et Dieu se trouvent désormais partenaires d’un même projet dont le seul instrument pour le mener à bien est le même pour l’un comme pour l’autre : c’est le verbe aimer. Pour y arriver, Dieu attend patiemment que les hommes le reconnaissent. Il ne force personne, mais avec douceur il attend.
mais une réalité de douceur et d’abnégation. Douceur vis à vis des autres et abnégation vis à vis de lui-même. Ces qualités se résument en un seul mot : celui d’amour. Homme et Dieu se trouvent désormais partenaires d’un même projet dont le seul instrument pour le mener à bien est le même pour l’un comme pour l’autre : c’est le verbe aimer. Pour y arriver, Dieu attend patiemment que les hommes le reconnaissent. Il ne force personne, mais avec douceur il attend.
C’est alors une nouvelle étape qui se
prépare pour nous. Dieu nous apprend à conjuguer le verbe aimer à tous les
temps et à tous les modes. Il nous
apprend toutes les nuances du mot. Eros ou Agapè signifient tous les deux aimer
de deux manières différentes mais qui
excluent l’un et l’autre l’idée de dominer. Déjà à l’ombre de Noé et malgré sa
terrible rechute, nous voyons se profiler
entre nous et Dieu la personne de Jésus que l’Evangile rend tellement
vivant qu’il se met à vivre en nous. Il dépasse alors les limites du temps et
de l’espace. Sa vie, ses paroles, sa mort et sa résurrection deviennent pour
nous autant d’événements qui rendent Dieu présent. En sa compagnie nous nous sentons
libres et responsables d'agir, si bien qu'aucune crainte, aucune angoisse, ne
peut limiter notre espérance quand nous
parcourons notre vie d'homme en sa compagnie.
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