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Je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, je viens à
toi. Père saint, garde-les en ton nom, ce nom que tu m'as donné, pour qu'ils
soient un comme nous. 12
Lorsque j'étais avec eux, moi, je
les gardais en ton nom, ce nom que tu m'as donné. Je les ai préservés, et aucun
d'eux ne s'est perdu, sinon celui qui est voué à la perdition, pour que
l'Ecriture soit accomplie. 13
Maintenant, je viens à toi, et je
parle ainsi dans le monde pour qu'ils aient en eux ma joie, complète. 14 Moi,
je leur ai donné ta parole, et le monde les a détestés, parce qu'ils ne sont
pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. 15 Je
ne te demande pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais. 16 Ils
ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. 17 Consacre-les
par la vérité : c'est ta parole qui est la vérité. 18 Comme
tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. 19 Et
moi, je me consacre moi-même pour eux, pour qu'eux aussi soient consacrés par
la vérité.
Le monde dans lequel nous sommes nous enserre
de toute part et nous sommes comme immergés en lui. Il évolue selon des règles
qui ne sont pas celles de Dieu si bien que nous sommes tiraillés entre Dieu à
qui nous cherchons à plaire et le monde aux règles duquel nous sommes
soumis. En constatant cela, nous ne
pouvons pas ne pas nous poser la
question de savoir comment s’opère la
présence de Dieu au monde.
.
La première remarque à faire, et le texte
nous aide à le comprendre, c’est que
Dieu et le monde ne fonctionnent pas
comme deux forces antagonistes. Nous ne sommes pas dans un système dualiste. Il
s’agit plutôt d’une action de Dieu qui
tenterait d’agir sur le monde sans le violenter. L’homme aurait une action déterminante à jouer dans cette relation qu’il nous reste à découvrir.
Si nous aspirons à être en bons termes avec
Dieu dans une relation qui relève de
l’amour, nous restons cependant dominés par nos penchants naturels qui
relèvent du monde et nous mettent en opposition avec Dieu. En méditant cette magnifique prière, dite
prière sacerdotale, nous constatons que Jésus a cherché à créer un courant
d’unité entre Dieu et le monde, pour le mieux être des hommes, comme si l’un et
l’autre évoluaient indépendamment de l’un par rapport à l’autre et qu’il
fallait les faire entrer dans une vision commune de l’avenir. L’action de Jésus a consisté à chercher
à mêler leurs parcours au moyen
de l’action des hommes qui se rallient à
lui.
Tout se passe comme si le monde était une
réalité neutre évoluant avec des règles et des lois immuables qui lui sont propres auxquelles sont soumis
tous ceux qui sont dans ce monde, minéraux ; végétaux et tous les êtres
vivants. La règle principale qui régit tout cet ensemble est celle de la raison
du plus fort, selon laquelle celui
qui détient la force domine le plus faible. Ainsi, si la poule mange le ver de terre, celle-ci
sera à son tour mangée par le renard qui subira à son tour la loi de plus forts
que lui. Cela se passe ainsi depuis
toujours.
Cependant, depuis son apparition sur terre,
l’homme a refusé de se soumettre à cette
loi. Bien que faisant partie des espèces
sans vraies défenses naturelles, il
n’entend pas disparaître sous les attaques de prédateurs plus puissants que
lui. Il bénéficie d’une prodigieuse intelligence qui lui permet d’échapper à
cette loi immuable et à mettre en cause
l’équilibre qu’elle impose à tous ceux qui foulent le sol terrestre. Lentement
il s’est imposé comme le dominant le plus redoutable. Mais s’il a détourné les
lois du monde et leur a résisté, il les a cependant adaptées à son profit et a
déterminé à l’intérieur de son espèce des dominants et des dominés. Il subit à
son tour des règles qu’il avait cru écarter.
C’est alors que Dieu entre en jeu. Nous ne
savons pas vraiment comment cela s’est
produit et nous n’imposerons à personne une théorie plutôt qu’une autre. Toutes sortes d’approches ont
cours et chacun défendra celle qui lui convient le mieux. Selon les uns, Dieu
serait le créateur de toute chose, mais les règles de fonctionnement lui auraient échappées,
mettant sa toute puissance en cause et l’opposant au monde. Selon d’autres,
Dieu viendrait d’ailleurs, s’imposerait
comme le « Tout autre » et
mettrait sa divinité en opposition aux règles du monde dont
il essaierait d’infléchir l’évolution en lui imposant de nouvelles
règles dans un élan dynamique et
créateur. D’autres encore insistent sur les effets du « big bang »,
mais là n’est pas la question.
En tout état de cause, la fatalité qui sert de
règle à l’évolution du monde ne convient pas à Dieu. Les textes bibliques nous
montrent qu’il résiste et cherche à s’impliquer d’une autre manière. Bien avant
la venue de Jésus, la Bible a fait état
de cette prétention de Dieu à proposer de nouvelles règles d’évolution :
« Le lion mangera de la paille et il ne se
fera plus aucune violence est-il écrit en Esaïe 65/25 et la vache et l’ours
auront la même nourriture » 11/7. Bien que de telles réalités soient
biologiquement impossibles, elles impliquent l’idée que la règle de domination
des uns sur les autres ne doit plus faire loi dans le monde. Ainsi Dieu est-il
présenté dans les Ecritures comme celui qui n’accepte pas les règles immuables
de l’évolution des espèces avec la
violence pour seule loi.
Avant de faire une révolution dans le monde
de la biologie, contentons-nous de considérer l’espèce humaine. Elle a pressenti depuis longtemps que la loi
de la domination des espèces les plus faibles par les plus puissantes ne pouvait s’imposer à elle. Cependant , nous
l’avons vu, tout en se libérant de l' emprise de cette loi, les humains l’ont pervertie et
adaptée au profit des plus privilégiés parmi eux.
Si donc l’homme a compris qu’il fallait
s’affranchir des règles du monde, il est quand même resté en partie sous leurs
emprises. Sous l’impulsion de Dieu et par le ministère du Christ, il doit prendre conscience maintenant du fait qu’il doit continuer à s’investir dans
cette entreprise en se mettant en cause lui-même. Il doit contester radicalement
ce principe de la Loi du plus fort. Mais pour cela, il ne peut pas y arriver seul, il faut qu’il soit aidé.
C’est à ce niveau que Jésus se propose d’intervenir et le succès de son
entreprise comblera Dieu de joie. Si l’homme entreprend de s’affranchir de ces
règles qui appartiennent à ce monde et qu’il refuse de prendre en compte les privilèges qui font que les uns se
réservent le droit de dominer les autres, parce qu’ils sont plus beaux, plus
intelligents ou plus forts, Dieu à son
tour accueillera les hommes dans sa joie. Il leur fera une place dans ses
projets et avec lui ils entreprendront la création d’un monde nouveau. Ainsi
les commandements de Jésus trouveront leur accomplissement et Dieu sera comblé.
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » s’imposera désormais
comme une règle naturelle.
La vision de ce monde nouveau que Jésus a
voulu donner aux hommes avant sa mort est celle d’un monde dynamique en pleine
création où Dieu et hommes collaborent
à l’établissement d’une justice porteuse d’espérance pour les hommes et pour le monde. Cette vision
nous entraine à sa suite dans un mouvement sans
fin. Ainsi se réalise ce que Jésus nous a dit du monde au début de l’Évangile : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils
unique afin que quiconque croit en lui, ne périsse pas mais qu’il
ait la vie éternelle. Jean 3/16
Illustrations: Douanier Rousseau
Illustrations: Douanier Rousseau
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