1Parti de là, il vient dans son pays, et ses disciples le suivent. 2Quand le sabbat fut venu, il se mit à enseigner dans la synagogue. Une multitude d'auditeurs, ébahis, se demandaient : D'où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée ? Et comment de tels miracles se font-ils par ses mains ? 3N'est-ce pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de José, de Judas et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici, parmi nous ? Il était pour eux une cause de chute. 4Jésus leur disait : On ne refuse pas d'honorer un prophète, sinon dans son pays, parmi les gens de sa parenté et dans sa maison. 5Il ne pouvait faire là aucun miracle, sinon qu'il guérit quelques malades en leur imposant les mains. 6Il s'étonnait de leur manque de foi. Il parcourait les villages d'alentour en enseignant.
Il est toujours hasardeux d’aborder un texte de
l’Évangile dans lequel Jésus est mis en cause. Le lecteur se trouve bien
souvent dans le même camp que ceux qui s’en prennent à lui. Aujourd’hui
nous sommes interpelés à propos de la relation qu’il y a entre Dieu et Jésus.
Bien entendu depuis longtemps nous croyons le problème résolu. Nous croyons
savoir tout sur Jésus et encore mieux, nous sommes sûrs de savoir quelle
est sa relation avec Dieu.
Mais, au fond de nous-mêmes, sommes-nous toujours en
accord avec l’enseignement de nos églises sur ces questions ?
Certes nous affirmons que Jésus est fils de Dieu, mais quelle réalité
cela recouvre-t-il ? En tout cas le problème n’était pas clair pour
ses contemporains. Ils ont eu du mal à accepter qu’il fut un simple homme
avec qui Dieu ait décidé de partager ses prérogatives divines. Le seul fait de
dire les choses ainsi, jette peut-être déjà le trouble en notre esprit. Nous
comprenons vite, que ses contemporains étaient encore plus troublés que
nous.
Est-ce blasphémer si on dit que Jésus s’est fait
si proche de Dieu qu’on l’a identifié à lui ? C’est ce que les
Chrétiens des premières générations ont lentement compris au cours
des premiers siècles et ils l'ont laissé transparaître dans les transcriptions
qu'ils en ont faites dans les évangiles, mais les gens de Nazareth aussi bien
que les contemporains de Jésus ne l'avaient pas encore compris. Ils contestaient
même qu'il puisse y avoir du divin en lui. . En retournant dans son village,
Jésus a été mal accueilli, c'est alors qu'une polémique s'est déclenchée
à propos de son rapport à Dieu.
A partir de ce constat, nous pouvons nous interroger à
notre tour pour savoir ce que nous pensons de Dieu ? Comment
l’imaginons-nous? Dans nos confessions de foi, nous proclamons sa toute
puissance. Nous affirmons qu’il est aussi notre créateur. Mais notre pratique
de la lecture biblique nous apprend que Dieu s’il est bon peut aussi être
redoutable et qu’on ne s’approche pas impunément de lui.
Jésus en venant chez les siens tient un discours qui
apparemment les trouble. Il semble être si proche de Dieu qu’on peut même
se demander s’il ne laisse pas entendre qu'il partage en partie
sa puissance divine. Mais est-ce possible, pour un simple homme
dont on connaît les attaches familiales, se demandent les gens de Nazareth?
Si tout ce qu’il a fait ne lui vient pas de Dieu, cela ne peut que lui
venir de Satan, l’adversaire de Dieu. Une telle interprétation est suggérée
ici. Dans le récit parallèle de Luc, au sujet de ce même événement, on
nous dit que ses auditeurs ont tenté de le tuer à cette occasion.
Si Jésus, comme tout un chacun puise son origine dans
une famille humaine comme la nôtre, ses contemporains voyaient mal
comment il pouvait faire des choses qui relèvent de l’autorité divine.
Comment Dieu peut-il mêler des éléments qui relèvent de sa toute puissance à
l’action humaine d’un homme ? Telle était la question que se posaient les gens de
Nazareth et on comprend qu'ils étaient désemparés. Si Jésus trouvait son
origine dans une famille humaine comme la nôtre se contemporains ne
comprenaient pas qu'il pouvait faire des choses relevant de l'autorité
divine. Comment Dieu pouvait-il mêler sa toute puissance à l'action
humaine d'un homme? On comprend que les gens de Nazareth désemparés,
soupçonnaient un subterfuge. Les
questions qui ont perturbé les contemporains de Jésus ont continué à diviser
les hommes entre eux jusqu'à ce que se réunissent les grands conciles de Nicée,
d’Éphèse et de Calcédoine pour préciser les relations de Jésus avec Dieu. Aujourd'hui,
ces questions continuent encore à diviser les croyants entre eux.
Il reste inconcevable que Dieu se soit
fait si proche de la réalité humaine en Jésus Christ au point qu’il ait
aboli toute distance qui le sépare de lui, pas même celle du
péché. Notre entendement n’y résiste pas et ne le tolère pas. Jésus
suggérait pourtant dans son enseignement que désormais toute relation
avec Dieu serait possible, sans intermédiaire, ni contrainte. C’est pour
affirmer cela qu’il s’en prendra un peu plus tard au temple, car le
temple était le lieu même où prenaient corps les contraintes
que la relation avec Dieu imposait aux hommes. C’était le lieu des sacrifices,
le lieu des pèlerinages le lieu où Dieu était caché derrière le
voile infranchissable du Saint des saints. C'était, malgré les
apparences, le lieu où Dieu était le plus éloigné des hommes. La question
qui se pose à nous maintenant est de savoir quelle distance Jésus a
maintenu entre nous et Dieu ?
Pour mieux poser le problème les compatriotes de Jésus
s’en sont pris à ses frères et à ses sœurs pour dire que si Jésus a
une parenté humaine il ne peut partager en rien la divinité de Dieu.
On affirme son humanité pour détruire l’éventuelle présence de Dieu en
lui, car s’il est porteur un tant soit peu de la puissance de Dieu,
il met Dieu à notre portée, or la trop grande proximité de Dieu est
insupportable à la plupart d’entre nous.
En effet, il ne nous est pas supportable de
savoir que Dieu puisse faire sa demeure en nous. Nous ne supportons pas
davantage de sentir son regard toujours bienveillant se poser sur nous. Il ne nous est pas possible,
non plus de faire le bilan de nos erreurs sans envisager un châtiment,
même léger de la part de Dieu. Et pourtant Dieu aime sans punir selon Jésus.
Est-il possible que son pardon soit plus fort que nos remords et qu’il nous promette une vie meilleure alors que nous n’arrivons pas à nous
pardonner nous-mêmes de nos mauvaises actions?
Ces questions ne sont pas seulement celles des gens de
Nazareth, et même les conciles ne les ont pas effacées, parce qu'elles
font partie de notre propre itinéraire spirituel. Ce sont aussi nos questions à
nous car la trop grande proximité de Dieu nous est intolérable à
nous aussi. La conscience que nous avons de notre péché maintient une
distance entre Dieu et nous, et nous souhaitons la garder. Nous considérons
que la proximité avec Dieu n’est possible que pour les gens
exceptionnels, pour ceux dont les péchés seraient insignifiants.
Seul Moïse a pu approcher Dieu de près, Abraham ne l’a vu que par
l’intermédiaire d’un ange, quant à Élie, il n’a senti que la douceur de son
souffle. Je ne parle pas de nous ! Il nous est difficile d'imaginer
que notre contact avec Dieu puisse être plus proche que le leur. Notre péché,
le plus ténu soit-il, pèse encore trop lourd, croit-on, pour ne pas offenser
Dieu.
Jésus connaît fort bien toutes nos réticences, c’est
pourquoi une grande partie de son enseignement a consisté à dire que Dieu
anéantissait nos péchés, qu’il les détruisait et qu’il en gommait les effets.
Pourtant la réalité du péché nous colle à la peau tant nous
avons du mal à accepter la gratuité de son pardon.
Par contre, il est curieux de constater que nous
n’avons aucun problème à affirmer la toute puissance de Dieu bien qu’elle
ne se voit pas à l’œil nu. Nous considérons, sans discuter qu’il est créateur
du ciel et de la terre, mais nous lui contestons la possibilité de détruire nos
péchés et de les anéantir. Pourtant, s’il est tout puissant, il est capable de
l’un comme de l’autre. Il est capable, tout à la fois, de régner en gloire dans
les cieux et de s’incarner dans un homme de notre condition. Et pour que cela
soit possible, il gomme les effets de nos exactions. Puisque le péché nous
sépare de lui, il l’anéantit, ainsi il peut rester tout proche de
chacune et de chacun de nous.
Pourtant, aussi curieux que cela paraisse, si nous
refusons que Dieu se fasse homme, par contre, nous concevons fort bien que l’homme
puisse s’élever jusqu’à Dieu, et que par ses propres forces il puisse
s’approcher de Dieu.
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L’enseignement de Jésus affirme qu’il est impossible
de s’élever jusqu’à Dieu, mais que. Dieu se fait homme pour guider
l’humanité sur le chemin de sa propre humanité et non pas pour échapper à
son humanité. On ne peut se rapprocher de Dieu que si on accepte d’être
pleinement l’être humain qu’il a créé.
Celui qui s’éloigne des hommes et se réfugie au désert
pour rencontrer Dieu et pour s’élever dans la sainteté fait fausse route.
Quand Jésus s’est rendu au désert, c’est le tentateur qu’il a
rencontré et pour résister au tentateur il a du prendre en compte sa
propre humanité. Son séjour au désert l’a fortifié dans son humanité et l’a
renvoyé vers les hommes ses frères. Saint Antoine au désert ne retrouve pas
Dieu, mais la tentation.
L’erreur serait de croire qu’on pourrait rester au désert sans revenir vers les hommes et passer directement de la fuite au désert à la contemplation de Dieu. Ce serait manquer sa vocation d’homme et rater son accomplissement en Dieu. C’est exactement cela le péché qui étymologiquement désigne le fait pour un tireur de manquer sa cible
L’erreur serait de croire qu’on pourrait rester au désert sans revenir vers les hommes et passer directement de la fuite au désert à la contemplation de Dieu. Ce serait manquer sa vocation d’homme et rater son accomplissement en Dieu. C’est exactement cela le péché qui étymologiquement désigne le fait pour un tireur de manquer sa cible
C’est là que réside le scandale. Il est dit dans
l’Evangile que nous avons lu, « qu’il était pour eux une occasion de
chute » le texte en grec est plus violent il dit qu’il les
scandalisait. Le scandale c’est le fait de refuser de croire que Dieu
puisse s’approcher de l’homme au point d’établir une relation d’amour avec lui.
Le scandale c’est finalement le fait de contester à Dieu la capacité de
faire de nous des hommes authentiques, car tel est le but de notre
vie.
L’attitude de Jésus scandalisait les siens parce
qu’ils ne comprenaient pas que Dieu avait décidé par amour pour eux de
descendre jusqu’à eux pour qu’ils ne s’égarent pas en cherchant à
s’élever jusqu’à lui. L’homme qui accomplit pleinement son humanité rend gloire
à son Seigneur qui l’a conçu ainsi, afin de partager avec son lui
l’éternité qu’il a créée pour leur commune rencontre.
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