Jean 20 :1 Le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine vient au
tombeau dès le matin, alors qu'il fait encore sombre, et elle voit que la
pierre a été enlevée du tombeau. 2 Elle court trouver Simon Pierre et l'autre
disciple, l'ami de Jésus, et elle leur dit : On a enlevé le Seigneur du
tombeau, et nous ne savons pas où on l'a mis!
3 Pierre et l'autre disciple sortirent donc pour venir au
tombeau. 4 Ils couraient tout deux ensemble. Mais l'autre disciple courut plus
vite que Pierre et arriva le premier au tombeau ; 5 il se baisse, voit les
bandelettes qui gisent là ; pourtant il n'entra pas. 6 Simon Pierre, qui le
suivait, arrive. Entrant dans le tombeau, il voit les bandelettes qui gisent là
7 et le linge qui était sur la tête de Jésus ; ce linge ne gisait pas avec les
bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre lieu. 8 Alors l'autre
disciple, qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi ; il vit et il
crut. 9 Car ils n'avaient pas encore compris l’Écriture, selon laquelle il
devait se relever d'entre les morts. 10 Les disciples s'en retournèrent donc
chez eux.
« L’autre disciple qui était arrivé le premier entra dans le
tombeau, il vit et il cru. »
Ce
sermon va être un véritable parcours du combattant. Nous allons passer tout
notre temps à courir avec deux hommes dans un marathon spécial vers la vie.
Sans doute en sortirons-nous essoufflés, à la limite de nos pensées humaines,
mais régénérés par le souffle de l’esprit. C'est la vie intérieure de ces deux
hommes qui va nous intéresser et nous allons essayer de transférer ce qui se
passe en eux à ce qui se passe, peut-être, en nous. Malgré la clarté du matin
qui est en train de naître, c’est encore l’obscurité qui emplit les pensées de
nos deux amis désemparés, comme elle emplit aussi les nôtres à cause du mystère
qu’elle recouvre.
Pourquoi
ces deux là courent-ils ? Où vont-ils alors qu’il ne fait pas encore jour ? Un
bruit s’est fait entendre dans la nuit, une rumeur est parvenue jusqu’à eux :
le tombeau est ouvert. Les voilà partis, l’un à la suite de l’autre, l’un
devançant l’autre et l’autre se faisant rattraper pour être devancé à son tour.
Course de deux hommes qui cherchent à échapper à leur propre nuit. Deux hommes
qui cherchent à comprendre l’incompréhensible.
Leur
course dans la nuit de l’incompréhension est aussi la nôtre. Nous allons, nous
aussi, courir avec eux à la recherche de la vérité sur la vie, car le mort
n’est plus à sa place, la mort est remise en question. Celui qu’ils croyaient
mort n’était plus là où on l’avait mis, tout est remis en cause. Nous nous
mettons à jouer avec les mots résurrection, vie éternelle, pour dire encore
aujourd’hui, et aujourd’hui encore plus que jadis, nos interrogations sur le
vrai sens de la mort et corollairement pour nous interroger sur le sens de la
vie et de la résurrection qui en devient partie prenante ?
Ces
deux hommes courent à la recherche de ce qu’ils ne savent pas formuler. Ils
espèrent une réponse à une question qu’ils ne savent pas poser. Quand ils
arrivent au tombeau, là où habite la mort, il n’y a plus de mort. L’un entre et
l’autre n’entre pas. La situation est cependant la même pour l’un, comme pour
l’autre. Le premier voit les bandelettes et n’entre pas et Simon qui le suivait
entra et vit les bandelettes. Il y a absence du mort aussi bien à l’intérieur
qu’à l’extérieur du tombeau. Mais la mort n'a laissé aucune trace car tout y
est bien rangé.
Une
idée nouvelle est en train de jaillir en eux, mais n’a pas encore pris forme.
C’est cette idée qui nous rejoint, nous aussi, mais tout reste encore trop
obscure dans notre entendement. Ce qu’ils considéraient comme une vérité
absolue sur la mort semble ne plus l’être. Dieu est en train visiter leur vie
intérieure. Il emprunte les chemins de l’émotion et nos deux amis découvrent
que la mort est une autre réalité.
Cette
course qu’ils sont en train de faire dans le petit matin, n’est pas seulement
une expérience physique. Elle nous raconte aussi l’expérience intérieure qu’ils
sont en train de vivre. La provocation insupportable qu’ils ont subie après la
mort de leur Seigneur est en train d’ouvrir pour eux un chemin vers une autre
vérité.
Ainsi
en est-il de nous tous en ce matin de Pâques. On est venu à l’Église parce que
l’on croit ce qu’on ne voit pas. On est venu pour conjuguer encore une fois
tous ensemble ce même verbe croire : je crois, tu crois, nous croyons, puis chacun
retournera chez soi. Telle sera la journée du croyant en ce jour là : une
commémoration du jour où on s’est mis à croire que la mort avait cessé d’être
le terme de la vie.
Comme
le bien aimé, nous sommes heureux de croire. Mais croire qui ? Ou croire quoi
ou croire en quoi ou en qui? La plus part du temps on n’en dit pas plus. On se
contente d’affirmer que l’on croit ? Il est important de croire, dit-on, comme
si le verbe croire était une fin en soi. Mais ce n’est sans doute pas suffisant
il faut faire encore un pas de plus.
Le
fait de croire pour le chrétien, correspond à une adhésion personnelle à une
vérité qui le dépasse. Mais de quelle vérité s’agit-il, d’autant plus que cette
vérité peut en contenir plusieurs autres qui peuvent s’emboîter l’une dans
l’autre, comme des poupées russes : « Je crois en Dieu, je crois en la vie
après la mort, je crois en la résurrection de Jésus, je crois en ma propre
résurrection, je crois à la vie éternelle. » Toutes ces affirmations se
complètent et recouvrent les démarches intérieures de notre foi.
Rejoignons
nos deux hommes qui courent et continuons à mettre nos pas dans les leurs. Ils
sont à la cherche d’un signe qui leur permettra de mettre des mots sur
l’événement qu’ils sont en train de vivre et qu’ils n’ont toujours pas compris.
Dans ce cheminement spirituel, s’opère un glissement qui va du visible vers
l’invisible, car la foi va jaillir en eux. La foi va jaillir non pas à partir
de ce qu’ils voient, puisqu’il n’y a rien à voir mais de ce qu’ils ne voient
pas. Nous en sommes au même point.
Les
deux hommes qui courent dans la nuit sont dépassés par leur raison. S’ils vont
à la tombe en pleine nuit, c’est à la suite des propos d’une femme dont tout le
monde sait qu’elle était dérangée. S’ils ont réagi ainsi, c’est qu’ils
espéraient déjà, sans le savoir, un événement qui allait les bousculer. Leur
raison a été ébranlée par quelque chose qui ne leur venait pas d’eux-mêmes.
Dieu était déjà à l’œuvre dans leur doute. A l’énoncé des paroles de Marie
Madeleine l’espérance a fait surgir en eux comme une lumière dans leur nuit.
Bousculant ce qui est rationnel en eux, ils se sont mis à espérer en quelque
chose d’irrationnel.
Ces
deux hommes étaient certains que le Dieu de leurs Pères, le Dieu de Jésus,
était maître de tout, qu’il avait tout pouvoir et qu’il pouvait faire surgir la
vie là où la mort avait fait son œuvre. On avait beau le savoir, c’était quand
même du jamais vu ! L’espérance faisait son chemin en eux et ils ne le savaient
pas encore.
Il
y a des passages obligatoires sur le chemin de la foi. L’espérance en est un.
C’est le moment où notre âme est travaillée à l’intérieur de nous-mêmes par une
proposition que notre raison réfute, mais qui provoque un sursaut d’énergie en
nous. Cette proposition se heurte à notre intelligence qui développe toute
sorte d’arguments raisonnables pour nous dire que ça ne tient pas la route, que
ça ne peut être vrai et que ça relève de l’absurde ou du rêve.
Ceux
qui vivent ce type d’expérience disent qu’ils sont ébranlés. Ils perçoivent déjà
que la vérité sur toute chose se situe au-delà d’eux-mêmes, dans une réalité
que Dieu seul peut rendre accessible. Le disciple que Jésus aimait en est là.
Il est ébranlé, car il découvre que la vérité qu'il sent frémir en lui
est de l’ordre de l’invisible, de la vie intérieure.
En
fait nous aimerions garder le contrôle de nos émotions, même de nos émotions
religieuses et en limiter la portée. Mais nous ne sommes pas maîtres de la
situation qui nous dépasse. Si notre raison a été ébranlée, si l’espérance nous
a provoqués, si nous y avons pris de l’intérêt, c’est que cette puissance qui a
surgi en nous et qui a bousculé notre manière de comprendre est à l’œuvre en
nous. Elle ne nous lâchera pas. Mais, nous ne sommes pas encore arrivés au
terme de notre course.
Dieu,
qui a mis tout cet émoi en éveil a l’intention d’aller encore plus loin et de
venir réguler le cours de notre vie. Il désire habiter nos pensées et inspirer
nos projets. Pour cela, il nous réserve encore, l’expérience d’un face à face
personnel avec le ressuscité. Ainsi contrairement à ce qui est écrit, après
cela les deux hommes n’ont pas fini leur course. Dieu, en la personne de Jésus,
s’est imposé à eux, d'un manière personnelle, comme celui qui avait franchi le
passage vers l’éternité et qui avait ouvert pour eux un chemin jusque là
ignoré. C’est alors qu’ils feront la rencontre du ressuscité. Jésus viendra
vers eux. Est-ce dans leur âme est-ce dans une vision intérieure est-ce
dans la réalité de la vie, nul ne le sait. Mais il deviendra le compagnon
invisible de leur vie et leur vie en sera changée.
Pierre et Jean courant au sépulcre Eugène Burnand
Réflexion à propos de Pâques
Fini l’hiver, même s’il n’a
pas été froid. Bonjour le printemps, les petites fleurs, les chants d’oiseaux
et les œufs de Pâques. C’est ainsi que de nos jours on salue le retour à la vie
de la nature endormie. Certes, on n’a pas oublié que la tradition nous fait
entrer dans le renouveau par la
célébration de la plus importante fête
chrétienne, celle de la résurrection de notre Seigneur Jésus Christ. Voila un
rappel qui va donner un ton plus respectable à ce message. Pour ceux qui
fréquentent les Eglises et don la foi s’enracine dans cet événement, il n’y a
pas de mystère, ils sont heureux d’entendre à nouveau cet appel à la vie.
Ils vont entendre une fois encore
leur Seigneur qui leur rappelle que la vie est sacrée, qu’il a donné la
sienne pour que nous en appréciions la valeur et qu’il nous demande de consacrer
la nôtre à améliorer celle des autres. C’est ainsi que la face du monde sera
changée et que le destin du monde s’ouvrira à l’espérance.
Mais ce matin, si les
petites fleurs et les chants d’oiseaux sont au rendez-vous, l’espérance n’y est
peut être pas. Les nouvelles qui nous parviennent de la terre entière nous
laissent entendre qu’une profonde inquiétude habite le monde et que la bonne
nouvelle de la résurrection a du mal à percer les nuages de l’angoisse qui
planent sur les peuples.
Comment se fait-il que le
message ne passe plus, que la voix de ceux qui croient soit aussi
inaudible ? C’est comme si Dieu se taisait et que le tombeau avait oublié de s’ouvrir. Tout se passe comme
si nous n’y croyons plus et que la rumeur des foules inquiètes couvrait le son
de la voix de Dieu. Pourtant, les petites fleurs dans les près ont eu l’audace
de colorer de leur couleur de soleil les prairies qui reverdissent si bien que
la nature n’hésite pas à chanter le renouveau. Il nous faut donc entrer, nous
aussi, dans ce même mouvement et faire
par conviction ce que la nature fait d’instinct.
La fête que nous célébrons
ne tire pas seulement leçon de la nature qui comme chaque année sort du sommeil
de l’hiver. Nous dépassons cette
habitude pour affirmer que la vie que Dieu nous donne n’obéit pas seulement au cycle de la nature, mais qu’elle
relève d’un miracle que Dieu opère en
nous pour nous garantir une vie qui dépasse la mort.
A Pâques, nous célébrons un
événement de portée cosmique. Dieu engage l’humanité dans un mouvement qui relève de la vie
éternelle. Nous renouvelons dans nos célébrations la certitude que Dieu a
scellé un pacte de vie et d’espérance avec les hommes. La vie qu’il donne entre dans la durée et dépasse la mort,
l’espérance nous charge de dynamisme et les croyants s’arment d’audace pour
changer le monde maussade en terre habitable par Dieu et par les hommes.
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