- Reprise du même sermon du
dimanche 18 août 2013
49 Je suis venu mettre un feu sur la terre ; comme je
voudrais qu'il soit déjà allumé ! 50 J'ai un baptême à recevoir ;
comme cela me pèse d'ici qu'il soit accompli !
51 Pensez-vous que je sois venu donner la paix sur la
terre ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. 52 Car désormais
cinq dans une maison seront divisés, trois contre deux et deux contre
trois ; 53 père contre fils et fils contre père, mère contre fille et
fille contre mère, belle-mère contre belle-fille et belle-fille contre belle-mère.
54 Il disait encore aux foules : Quand vous voyez un nuage
se lever à l'ouest, vous dites aussitôt : « La pluie vient. » Et
cela arrive. 55 Et quand c'est le vent du sud qui souffle, vous dites :
« Il va faire chaud. » Et cela arrive. 56 Hypocrites, vous savez
apprécier l'aspect de la terre et du ciel ; comment pouvez-vous ne pas
savoir apprécier ce temps-ci ?
57 Et pourquoi ne jugez-vous pas par vous-mêmes de ce qui est
juste ? 58 Lorsque tu vas avec ton adversaire devant un chef, tâche en
chemin de te dégager de lui, de peur qu'il ne te traîne devant le juge, que le
juge ne te livre à l'huissier, et que l'huissier ne te fasse mettre en prison.
59 Je te le dis, tu n'en sortiras pas que tu n'aies payé jusqu'au dernier
lepte.
(Pour ma part, je trouve
plus de cohérence à ce texte si on le prolonge jusqu'au verset 59 plutôt que de
le couper au verset 53 comme dans la liste de lectures proposées)
Quand
les idées sont bonnes et pourraient donner naissance à l’espérance, elles sont
rapidement combattues par de solides adversaires qui s’opposent à elles. Ils
cherchent à les tourner en dérision et tentent par tous les moyens à les
ridiculiser. Ce fut en particulier le sort qu’a connu l’évangile de
Jésus-Christ, qui à peine formulé s’est trouvé en but à la vindicte de
nombreux opposants qui n’ont eu de cesse que de provoquer la mort du
maître. Ce phénomène se produit chaque fois que des idées nouvelles et
généreuses sont formulées. Bien entendu, nous allons essayer de le comprendre.
Jésus,
quant à lui, en fut bien conscient. Il a même prophétisé que si la
nouveauté qu’il était en train d’enseigner avait quelques chances de porter des
fruits elle susciterait en même temps des tensions chez les hommes qui la
partageraient et provoqueraient des mouvements d’hostilité à leur égard. Leurs
propres familles se diviseraient même à son sujet. Quand on sait ce qui s’en
suivit, on aurait pu se demander si le jeu en valait la chandelle. Pourquoi
a-t-il fallu que tant de haine et de dissensions se répandent avant que
l’évangile ne soit accepté ? On peut même se demander s’il a vraiment été
accepté puisque les idées de respect réciproque, de tolérance et d’amour qu’il
véhicule n’ont toujours pas triomphé.
Les
chrétiens, pour ne parler que de leur histoire, n’ont jamais cessé de se
faire la guerre et de s’opposer entre eux. Mais le phénomène ne concerne
pas seulement le christianisme, il est partagé par bien d’autres
religions. Pourquoi donc les religions sont-elles à l’origine de tant de
rivalités entre les hommes et apportent-elles tant de violence dans le
monde alors que la plupart d’entre elles se réfèrent à un Dieu
bienveillant qui propose aux hommes de vivre dans l’harmonie la concorde et la
paix ? La doctrine de la plupart des religions propose à l’humanité
un projet de paix universelle et de tolérance entre les peuples. C’est à n’y
rien comprendre.
Alors
que ses discours avaient du succès, Jésus voyait poindre l’orage à
l’horizon. Il prophétisa alors sa venue et parla des dégâts qui
s’en suivront. Il voyait déjà les familles se diviser au sujet de ses
idées et leurs membres se dresser les uns contre les autres. Plus loin
Jésus a clairement décrit l’ampleur que prendra le phénomène
ainsi que les persécutions que connaîtront ses amis. On verra même les nations
se dresser les unes contre les autres à cause de l’évangile.
En
annonçant ainsi ce qui va se passer, Jésus ouvre les hostilités en
rendant les hommes responsables du phénomène. Il les accuse d’hypocrisie, car
ils ne savent pas appliquer aux réalités spirituelles les comportements qu’ils
sont capables de manifester par rapport aux simples prédictions météorologiques
auxquels ils ne cessent de recourir. Qu’un nuage apparaisse dans un coin
du ciel, qu’un souffle de vent s’élève soudainement, et chacun sait
parfaitement dire ce qui va se passer et en tirer les conséquences. Ce
sera la pluie, l’orage ou la tempête. Les hommes exercent alors leur science
pour s’en prémunir et protéger leurs récoltes et leurs biens.
Alors
que l’on sait réagir au mieux quand le tonnerre gronde dans le ciel, pourquoi
n’applique-t-on pas la même méthode quand les foules font retentir le
tonnerre que provoque leur indignation quand elles descendent dans les
rues et réclament une autre forme de justice, revendiquent le droit
d’avoir des idées qui n’ont pas cours dans ce lieu ou tout
simplement l’égalité et le pain quotidien ? Pourquoi ceux qui réclament
une vérité au nom de Dieu se voient-ils opposer une autre vérité qui se réclame
elle-aussi du même Dieu ? Pourquoi Dieu lui-même reste-t-il enfermé dans
son ciel sans départager les adversaires ? Il n’envoie pas non plus son
feu du ciel sur personne. Ce sont les hommes qui s’en
chargent à leur guise et en son nom.
La
parole de Jésus se fait alors incisive. Hypocrites ! Chacun dans son
camp se réclame d’une justice ou d’une philosophie qu’il a érigée au rang de
parole de Dieu. Le nom de Dieu n’est pas toujours prononcé, mais on a élaboré
des principes qui en tiennent lieu et à cause des quels on se bat.
« Si Dieu existe qu’il agisse disent les uns » et les autres de
répondre : « on n’a pas besoin de lui, car notre Dieu, c’est notre bon
droit »
Jésus
face à la tourmente n’a qu’une parole à opposer aux hommes qui se battent pour
leurs principes : hypocrites ! Il ne désigne pas plus un camp qu’un
autre. Il désigne un état de fait. Dans tous les conflits, les hommes cherchent
leur intérêt personnel, qu’il soit justifié ou pas. Ce qui rend leur attitude
hypocrite, c’est qu’ils sont capables de se mettre d’accord à propos des prévisions
météorologiques et qu’ils ne le sont pas à propos des orientations qu’ils
doivent donner à leur vie.
En
fait, pour ce qui concerne la météo, il s’agit du même intérêt pour
tous, si bien qu’ils orientent leurs actions dans le même sens. Il s’agit
de protéger leurs champs, leurs maisons, leurs biens, leurs familles. Tous sont
d’accord sur la manière de réagir
Par
contre quand les intérêts sont divergents, c’est alors que le ciel s’embrase.
Chacun sacralise sa cause en opposant des principes qui ne s’accordent pas
entre eux. On est plutôt enclin à prendre fait et cause pour le plus démuni qui
revendique son bon droit contre le plus nanti qui le lui refuse.
Mais pour comprendre le phénomène il faut aller plus loin, car chacun en
sacralisant sa cause y a impliqué Dieu ou ce qui prend pour lui la place
de Dieu.
C’est
là maintenant qu’il faut chercher ce qu’il y a derrière le mot hypocrite
que Jésus a prononcé et qui se trouve tout au centre de ce récit, c’est dire
l’intérêt que le texte lui porte.
En
fait, tout a déjà été dit au sujet de Dieu car l’Évangile insiste en tout
premier lieu sur le respect absolu que l’on doit avoir pour l’autre et
contre lequel nul ne doit exercer aucune violence. Il réclame au
contraire douceur et abnégation. Dieu n’a rien d’autre à ajouter.
Ce
principe existe non seulement dans l’évangile mais il existe aussi dans la
plupart des grands courants spirituels. On l’a même inscrit en d’autres
termes dans la Déclaration des Droits de l’Homme.
Tant
que les hommes n’auront pas compris cela, ils ne s’en sortiront pas dit Jésus
car ils devront commencer par appliquer ce principe universellement
reconnu. De tout temps les hommes ont voulu l’ignorer et les croyants qui ne le
pratiquent pas trahissent l’évangile quelles que soient les bonnes raisons
qu’ils utilisent pour se justifier
Les
contemporains de Jésus, dont l’univers étaient limité au bassin de la
Méditerranée ne le savaient pas, mais ce principe était reconnu ailleurs
par d’autres courants religieux que le leur. Tout se passe comme si, avant que
les textes des grandes religions aient été écrits Dieu avait déjà établi ce
principe et lui avait donné une portée universelle.
Il
est donc hypocrite de s’opposer les uns aux autres par la violence, car Dieu a
fait comprendre au monde qu’il n’avait rien à voir avec la violence
que nous pratiquons pour régler nos conflits avec les autres. Les hommes
n’hésitent cependant pas à l’y impliquer pour masquer
leur incapacité à dépasser les situations conflictuelles dans lesquelles
ils se sont engagés.
Mais
déjà des voix s’élèvent pour contester ce qui vient d’être dit et accuser
leur auteur de trahison car son propos sous-entendrait que toutes les religions
se valent et que le message de Jésus n’est pas distinct de celui des autres
religions. Voilà que la discorde est en train de naître et que la
violence pointe à nouveau son nez. Pourtant il est clair que le principe
de base énoncé par Jésus était déjà dans la Loi de Moïse et a pris place dans
le message de bien d’autres penseurs que lui. Il se trouve donc que ce
principe est revêtu d’une valeur universelle.
Ceci
étant énoncé, il appartient à chacun de développer les critères de sa propre
foi à l’école du penseur qui lui parle le mieux, mais le principe
commun à tous est celui du respect absolu du prochain. Jésus en a fait son
Évangile et l’a enseigné comme étant la volonté première de Dieu. Beaucoup
d’autres religions se réclament de la même vérité. Allons-nous nous battre les
uns contre les autres à cause de ça ?
Le
Christ bénissant le monde: Tympan de Eglise de Beaulieu sur Dordogne
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