2 Timothée 4 : 6-8
6 Quant à moi, en
effet, je suis déjà répandu en libation, et le temps de mon départ est arrivé. 7
J'ai mené le beau combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. 8 Désormais
la couronne de justice m'est réservée ; le Seigneur, le juge juste, me la
donnera en ce jour-là, et non pas seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui
auront aimé sa manifestation.
A mesure que les années passent, le regard que
nous portons sur nous-mêmes et sur les
autres, change au point que nous
avons une autre conception des choses. Ce n’est pas que nous
devenions plus sages, mais c’est que
notre pensée mûrie d’expériences plus nombreuses à tendance à relativiser les événements.
Notre esprit plus réfléchi et moins entreprenant calme nos ardeurs tandis que notre corps lui-même est moins spontané à
réagir. La foi elle-même prend des teintes nouvelles, si bien que l’on peut se
demander si ce Dieu qui, dans un premier temps nous poussait à l’aventure, ne
nous invite pas de temps en temps à ralentir notre marche en avant et à faire une pause. Nous rejoignons ici l’apôtre Paul qui constate
qu’il est arrivé en fin de course et
qu’il doit faire le point sur ce qu’à été son parcours. Il reste serein, malgré
les épreuves qui l’attendent. Il reste aussi lucide sur lui-même et prêt à
affronter les nouveaux défis de la vie
avec foi, même si ce sont les derniers.
Il repense sans doute aux aventures qu’il a
vécues en suivant ce Dieu qui l’a surpris un jour après une chute de cheval et à la suite
duquel il s’est engagé. Ce fut une longue aventure qui commença par une fuite
hors des murs de la ville accroupi au fond
d’ un panier dans lequel on l’avait descendu pour le soustraire à ceux
qui déjà le persécutaient. Ce fut ensuite une longue errance dans le désert
qu’il consacra à construire sa foi. Parti au service de Jésus, il traversa mers
et déserts sans jamais s’arrêter. Contesté par les uns, adulé par les autres,
trainé devant les tribunaux, il parla aux grands et aux petits, dressa des
communautés de croyants. A peine arrêté, il repartait à nouveau. Telle fut la
vie qu’il lui a plu de mener par fidélité à celui à qui il avait consacré sa vie.
Au terme de cette lettre à Timothée, il fait
le point sur ce qu’il a été et devine le sort que les hommes lui réservent.
Apparemment, le voila à nouveau en prison dans les geôles de Néron qui, on le sait
ne fut pas tendre avec les chrétiens. Il pressent qu’il fera partie de la
prochaine charrette, mais nous n’en savons rien car tout cela n’est que
supposition. Ce qui est sûr cependant
c’est sa sérénité et sa lucidité.
Les chrétiens ont des parcours de foi
différents les uns des autres et celui de Paul est exceptionnel, mais tous
comme lui sont invités à faire le point sur les différentes étapes de leur vie.
Ici, pour Paul c’est sans doute la dernière, c’est aussi le repos forcé, il ne maîtrise plus rien, mais il est inutile
d’être arrivé aux derniers moments de sa vie pour faire le bilan sur ce que
l’on a vécu jusqu’à maintenant et pour préciser la nature de sa foi. Il est bon de se demander si elle s’est affadie
ou renforcée et de chercher à distinguer les contours du visage de Dieu. Il est bon de savoir
s’ils sont devenus plus flous ou plus
précis, si nous avons l’impression de
nous être éloigné de lui ou si c’est lui
qui s’est rapproché de nous dans les différents moments que notre vie a traversés.
Il n’est pas
obligatoire d’attendre de se trouver dans des moments de repos forcé
pour faire retour sur nous-mêmes et
prendre le temps de la réflexion. Cela relève de notre responsabilité
d’interrompre la marche que nous menons au travers de la vie pour mettre un
temps d’arrêt et réfléchir au compagnonnage que nous avons mené avec Dieu.
Quelle place lui avons-nous concédée et quel rôle a-t-il joué dans notre
existence passée ? Mieux encore,
quand le vent de l’adversité a soufflé sur nous et que les
sollicitations causées par l’épreuve ont été si intenses que l’on n’a pas pris
le temps de songer à Dieu, il est bon de s’interroger sur le rôle qu’il a joué
pour que notre foi ne s’effrite pas et que notre espérance ne se liquéfie pas.
Il est utile alors de repérer les traces
de sa présence et de considérer quelles empreintes elles ont laissées en nous
au moment où on ne pensait pas à lui, car Dieu travaillait en nous et on ne le
savait sans doute pas. C’est alors qu’il nous faut prendre le temps de renouer
les liens qui nous rapprochent de lui pour que notre vie se continue, éclairée
par sa présence active.
Nous reconnaissons alors, grâce à des détails
que nous seuls sommes capables de repérer, que malgré l’oubli où nous l’avons
tenu, Dieu a été d’une fidélité
remarquable. Paul songeant aux
événements difficiles qu’il a traversés constate ici qu’il a gardé la foi. Nous aimerions tous comme lui, pouvoir être
aussi affirmatifs, mais il serait bon de
faire le point sur ce que signifie pour nous cette expression. En effet, la foi
ne nous appartient pas et nous ne sommes pas responsables de la garder ou de la
perdre. Cela laisse sous entendre que pendant les différentes épreuves traversées,
Dieu restait assez vigilent pour que la
foi continue à nous porter, même si nous
n’en avons pas été toujours conscients.
Paul est tellement sûr de lui, alors qu’il
fait le point sur sa vie écoulée qu’il
s’attribue à lui-même la responsabilité d’avoir conservé la foi, comme si Dieu
n’y avait joué aucun rôle. En fait pour Paul le partenariat avec Dieu était
tellement fort que la présence de Dieu en lui
ne lui a jamais fait défaut. Faisant un avec Dieu, corps et âme, il
s’attribue à lui-même les conséquences de cette vie qu’il a menée en osmose
avec Dieu. En fait, il dit d’une manière un peu rapide qu’il a su, tout au long
des épreuves discerner en lui la présence de Dieu qui n’a jamais cessé d’être présent. La vigueur de l’esprit l’a amené à ne jamais
douter.
C’est en effet, dans la réalité du doute que se tient le nœud
du problème. Ici nous ne sommes ni vous ni moi capables, de dire que
nous n’avons jamais douté. Le doute se produit quand une nouvelle difficulté se
rajoute à une autre et que nous nous trouvons dépassés par une situation que
nous ne maîtrisons plus. C’est le cumul
des épreuves qui nous amène à nous demander si Dieu joue un rôle dans notre
existence. Y a-t-il un remède ? La distance avec Dieu se creusant encore
davantage nous n’avons plus alors de possibilité de recours que dans la prière
que nous adressons à celui qui semble-t-il n’intervient plus en nous. La prière est le seul lien qui existe encore
avec ce Dieu qui est devenu sourd et muet pour nous. Nous ne savons pas pourquoi il en est ainsi, mais la prière
est le seul moyen de garder avec Dieu un lien possible, si bien que lentement
le voile opéré par le doute s’estompe. L’épreuve étant dépassée nous pourrons
faire le bilan de notre foi en réalisant que la seule force qui nous a permis
de ne pas couper avec Dieu a été la prière. Alors, rejoignant Paul nous pouvons
dire que nous avons gardés la foi, en
sachant que sans le silence, Dieu n’a jamais cessé d’être présent, même si le
doute le rendait inexistant.
Ce genre de victoire nous permet de
considérer que la foi est tenace et que Dieu lui permet de
triompher des moments où nous croyons l’avoir perdue. Ainsi en faisant
le bilan de notre foi après que les épreuves subies aient été surmontées, nous
pouvons renouveler notre confiance en Dieu, même si nous pressentons que de
nouvelles épreuves doivent survenir.
Nous serons d’autant plus forts si régulièrement nous avons fait le point des
étapes passées, pour construire une foi, toujours plus purifiée et plus
efficace.
Illustration de Rembrandt
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