Esaïe 49/14-15
14Sion disait : Le SEIGNEUR m'a abandonnée, le Seigneur m'a
oubliée !
15Une femme oublie-t-elle son nourrisson ? N'a-t-elle pas compassion du
fils qui est sorti de son ventre ? Quand elle l'oublierait, moi je ne
t'oublierais pas.
16Je t'ai gravée sur mes mains ; tes murs sont constamment devant moi.
17Tes fils accourent ; ceux qui t'ont rasée et réduite en ruines sortiront
de toi.
18Lève les yeux et regarde tout autour : tous se rassemblent, ils
viennent vers toi. Par ma vie, — déclaration du SEIGNEUR —tu les
revêtiras tous comme une parure. Tu les attacheras à toi, à la manière d'une
mariée.
19Oui, tes ruines, tes lieux dévastés, cette terre de décombres, tes
habitants y seront désormais à l'étroit ; et ceux qui te dévoraient
s'éloigneront.
20Ils te le répéteront, ces fils dont tu avais été privée : L'espace est
trop étroit pour moi ; fais-moi de la place, pour que je puisse
m'installer.
Dans nos
moments d’émotion intense, quand nous essayons de faire le point, sur notre
vie, et que nous voudrions être
présentables devant Dieu, nous aimerions qu’il oublie certains épisodes peu glorieux de notre existence passée, mieux , nous aimerions qu’il
nous aide à les oublier, car le fait même qu’ils se soient produits nous
pourrit la vie. Le souvenir et l’oubli, voila un thème qui habite notre
existence et que nous aimerions apprendre à réguler. Ce thème est au cœur même de notre vie
secrète, et nous perturbe d’autant
plus qu’il nous est difficile d’en faire
état autour de nous.
On
comprend aisément que des Eglises se sentent motivées pour aider à régler ce genre de conflits intérieurs car ils
concernent notre relation à Dieu. Elles
visent donc à se faire les agents de Dieu auprès de leurs fidèles. C’est sans
doute là une des raisons pour laquelle
la « confession » continue à avoir droit de citer dans certaines
communautés et qu’elles offrent la compétence de leurs clercs pour faciliter
«l’absolution » que Dieu serait enclin
à accorder. Mais cette pratique, si elle vise à apaiser les âmes,
réussit-elle vraiment à leur apporter
l’oubli des actes dont le souvenir continue quand même à habiter la conscience de ceux
qui les ont commis ?
Dans
notre société moderne, moins cléricalisée que par le passé, psychologues et
psychiatres ont pris le relève, car même si Dieu n’est pas directement concerné,
il est vrai que nous aimerions oublier les souvenirs dont nous voudrions refouler
les souvenir loin de nous. Ainsi le
passé nous habite continuellement et faute de pouvoir faire marche arrière,
nous ne pouvons avancer librement.
Ceux qui
considèrent que Dieu est concerné par ce qui relève de leur vie intérieure
cherchent auprès de lui comment être soulagés, car lui seul pourrait par son
pardon apaiser leur âme tourmentée, c’est le but de la confession évoquée tout à l’heure. C’est aussi le
résultat que nous espérons de la grâce divine qui opère ne nous. Avec l’auteur du psaume 113/3
nous disons : « si tu gardais le souvenir de nos fautes, Seigneur qui
pourrait subsister ? » Dieu seul semble-t-il peut nous aider à
affronter de tels dilemmes en créant en nous la faculté de l’oubli dont il se
porte garant par le pardon qu’il nous donne.
Ce n’est pas pour autant que les actes dont
nous sommes redevables seront effacés et qu’ils n’auront plus de conséquences
pour nous. Nous savons bien que ça ne se
passe pas vraiment comme cela, mais nous savons cependant que la grâce de Dieu nous aidera à assumer les
conséquences de nos actes, si bien que les fautes que nous lui confions perdent
leur aspect dramatique et que Dieu nous assiste pour trouver les solutions qui
rendront les faits plus acceptables et
que des issues raisonnables pourront être
mises en place par sa médiation.
Quand
Caïn, après avoir tué son frère Abel prit
la fuite, c’est auprès de Dieu qu’il trouva la capacité de vivre malgré sa faute et qu’il entra dans le processus de vie qui le fit
échapper à la mort à laquelle il était promis, et Dieu lui-même à qui le texte
donne la parole, même s’il prononça des paroles sévères n’envisagea à aucun
instant de lui donner la mort.
Cependant,
nous vivons dans l’ambivalence par rapport à Dieu. En effet, si nous
souhaitons qu’il oublie nos fautes et qu’il nous aide à les oublier nous-mêmes,
nous redoutons en sens inverse qu’il nous oublie nous-mêmes et que notre vie
puisse se dérouler en dehors de sa présence et de son souvenir. C’est cette
hypothèse que nous formulons quand les événements de notre existence deviennent
incompréhensibles et que tout se passe comme si Dieu nous avait oubliés. Notre
vie n’aurait alors plus de sens et s’inscrirait dans un processus d’échec.
C’est une telle pensée qu’Esaïe écarte, dans le texte que nous avons reçu ce
matin. C’est également à démentir une telle possibilité que Jésus a consacré
toute sa vie et qu’il a été jusqu’à défier la mort.
Si nous vivions
à l’époque d’Esaïe et que nous cherchions
à le comprendre, il nous serait facile d’imaginer que Dieu ait été tenté d’oublier son peuple tant les
reproches qui lui étaient fait étaient graves. Pour ce qui concerne notre
époque, il serait inutile d’énumérer
toutes les raisons que Dieu pourrait
avoir d’oublier l’humanité et de l’abandonner à son triste sort alors qu’il lui a révélé par Jésus Christ tous les mystères de l’amour par lesquels les
hommes pourraient donner une autre
saveur à la vie sur terre. Comment Dieu pourrait-il ne pas se rendre compte de
l’injustice avec laquelle la moitié de
l’humanité méprise l’autre moitié ? Comment ne pourrait-il pas s’apercevoir du sort des veuves et des
orphelins réduits à la misère ? Pourrait-il
ignorer ceux, qui réduisent en esclavage les étrangers qui sollicitent leur
pitié. Dieu ne devrait-il pas se désolidariser de tout cela et oublier cette humanité perverse ? Mais, Dieu
serait-t-il capable d’oublier les hommes malgré les griefs nombreux qu’il
pourrait leur reprocher ?
Cependant
il ne faut pas faire pas faire
d’anthropomorphisme ! Dieu n’est pas
fait à l’image d’un homme amélioré, ses vertus ne sont pas de la même
nature que celles des hommes. Dieu est
tout autre, il a une capacité d’agir
envers les hommes qui ne peut se
comparer en aucune mesure avec ce qu’ils sont capables de faire. Il n’intervient pas dans le cours des
événements de la même manière que les
hommes le feraient. Mais il laisse dégager de lui une atmosphère d’amour qui en imprégnant les individus qui se réclament de lui change
leurs comportements et les entraîne à
commettre des actes qui dépassent
l’entendement de toute sagesse humaine. Ce
serait alors de la part des hommes, faire faux procès à Dieu s’ils osaient l’accuser d’oubli car ils mettraient
en cause sa capacité d’amour. Or selon l’Evangile de Jean Dieu est amour et
c’est la seule définition que l’on peut faire de lui..
Que se
rassurent donc ceux qui se croient oubliés de lui. Ils ne le sont pas. Dieu les
inscrit dans une relation d’amour avec lui et celai devrait permettre une évolution
harmonieuse du monde. Mais Dieu n’agit pas à la place des hommes, son esprit
diffuse sur eux les vertus qu’il leur inspire mais ne les contraint pas à agir
conformément à ses désirs, si bien qu’il
arrive que bien souvent ceux qui se sentent rejetés par les hommes se croient
aussi rejetés par Dieu alors que c’est le comportement des hommes qui étouffe
en eux la voix de Dieu.
Jésus a
parcouru la Palestine pendant trois ans pour dénoncer les agissements erronés des hommes qui voyaient
en Dieu celui qui pouvait corriger leurs mauvaises actions en intervenant
miraculeusement dans le cours des choses.
Il a poussé sa logique jusqu’au
bout et l’issue de ce comportement lui
fut fatale. Il a lui aussi éprouvé ce sentiment d’abandon et d’impuissance que
beaucoup éprouvent parfois Les évangiles nous ont raconté son désarroi quand il
s’est senti acculé à la mort, oublié par ses amis et accablé par ses ennemis.
Mais arrivé à ce point extrême de sa vie, son agonie nous laisse comprendre que
Dieu ne se dérobait pas pour imposer sa vérité. Il a confié à son esprit le
soin de travailler au cœur de l’humanité.
Ceux qui
ont continué à croire en lui ont alors compris que Dieu ne se désolidarisait
pas de ceux qui affirmaient que malgré
les apparences Dieu est toujours capable de changer le cœur des hommes en vue
du changement du monde. Après sa mort, les amis de Jésus ont reconnu dans
sa résurrection la vérité de ses dires
et se son engagés après lui sur la même voie qu’il avait suivie, dussent-ils en
mourir à leur tour.
C’est
donc par son esprit que Dieu agit sur nous, nous en voyons les effets dans les
actions qu’il nous pousse à initier. La seule réponse que nous ayons de
lui, c’est que l’esprit de Dieu veille sur le monde et
qu’il est assez efficace pour que les croyants se maintiennent en alerte et nous rappelle que jamais Dieu ne nous oublie.
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