Chapitre 12
1 Le
SEIGNEUR dit à Abram :
« Pars de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père vers le
pays que je te ferai voir.2 Je ferai de toi une
grande nation et je te bénirai.
Je rendrai grand ton nom.
Sois en bénédiction.
3 Je
bénirai ceux qui te béniront,
qui te bafouera je le maudirai ;
en toi seront bénies toutes les familles de la terre. »
4 Abram
partit comme le SEIGNEUR le lui avait dit, et Loth partit avec lui.
Abram avait soixante-quinze ans quand il quitta Harrân.
5 Il
prit sa femme Saraï, son neveu Loth, tous les biens qu’ils avaient acquis et
les êtres qu’ils entretenaient à Harrân. Ils partirent pour le pays de Canaan.
Un jour, à l’origine de l’humanité, quelques humains décidèrent de partir vers un ailleurs au-delà de leurs forêts natales nichée au cœur de l’Afrique en direction de terres jusqu’alors inconnues. C’est ainsi que les historiens imaginent la progression de l’espèce humains à travers les continents depuis ses origines africaines L’histoire humaine a commencé selon eux par une marche irréversible entreprise par quelques individus vers des terres jusqu’alors ignorées capables de les accueillir. Le départ était donné. Cette marche des hommes vers l’inconnu ne s’arrêtera jamais.
A l’autre bout de l’histoire les derniers
descendants de ces premiers voyageurs poursuivent les mêmes rêves vers d’autres
terres, toutes aussi inconnues, capables de les accueillir sur d’autres planètes.
Rien ne semble devoir limiter ce
mouvement irréversible qui pousse les humains à aller voir plus loin.
Entre le départ des premiers explorateurs vers des terres autres que les
leurs et la mise en œuvre du désir de
leurs derniers descendants de quitter
leur planète, des milliers d’humains habités par ce même projets de départ ont suivi les étoiles, guidés par leur
intuition pour découvrir de nouvelles terres propres à les recevoir. Parmi
eux, Marco Polo et Christophe Colomb
furent les plus célèbres, mais ne furent
pas les seuls.
Si ce désir d’aller voir ailleurs est
inhérent à l’homme, il serait surprenant qu’il ne trouve pas son origine en
Dieu, car l’homme est fait à son image
selon les Ecritures. Curieusement, la Bible s’est attachée à suivre les pas
d’un de ces voyageurs fameux : « Pars, lui avait dit une voix,
coupe les racines qui te rattachent à la maison de ton père ». C’est Dieu
lui-même qui donnait le coup d’envoi d’une
aventure prodigieuse qu’il inscrivait dans une longue tradition de l’humanité. Abraham partit avec sa femme, ses troupeaux et le rêve de se faire un nom
parmi les nations.
Ainsi
semble-t-il, Dieu a mis dans nos
gènes un dynamisme qui pousse les plus
aventureux à aller voir plus loin, là où
personne n’est encore allé. Ils à rompent avec la tradition selon laquelle l’avenir de chacun consisterait à mettre ses pas dans
ceux de son père et de refaire après lui
la même chose que lui. L’homme poussé par Dieu est un curieux de nature. Ce ne
sont même pas seulement des terres
nouvelles qu’il cherche à s’approprier, mais des idées nouvelles et une autre
forme de pensée. Dans cette longue
entreprise qui s’ouvre devant lui, c’est un autre visage de Dieu qu’Abraham découvrira
et qui s’affinera à mesure de ses déplacements.
Il multipliera les étapes, commettra des erreurs,
changera la direction de ses pas. Seule la mort l’arrêtera. Son fils Isaac s’appropriera
la nouvelle terre enfin acquise. L’entreprise de son père semblait donc avoir pris fin avec lui. Mais Dieu allait-il
fixer à tout jamais, sur ce morceau de
désert où Abraham avait posé son campement, ceux qui allaient devenir
« son peuple » ? Le voyage n’était cependant pas fini !
S’arrêterait-il un jour d’ailleurs? Jacob, le petit fils fut habité de la
même frénésie que le grand père et c’est en Egypte qu’il tentera de stabiliser
la tribu. Elle dut en partir quelques générations plus tard, en considérant ce
nouveau départ comme une bénédiction divine. Les Ecritures interprètent tous ces déplacements comme
l’expression de la volonté divine.
Si aujourd’hui le tourisme nous met dans des situations semblables à celle
d’Abraham et nous invite à l’aventure, le but n’est cependant pas le même. Le touriste a
généralement l’intention de revenir à
son point de départ. Par contre, Dieu quand il nous pousse à partir ne prévoit
pas qu’on puisse revenir. La vie que nous menons sous sa conduite ne prévoit si
de marche en arrière, ni de point de retour. C’est une continuelle marche en
avant.
Beaucoup
plus tard, cette même fièvre de déplacement s’empara des apôtres de Jésus qui selon la tradition
se mettront à parcourir les mers en tous
sens et tous les continents connus, pour obéir aux ordres du Christ qui en fit
des agents itinérants pour proclamer son Evangile.
Abraham avait mis sa foi en une promesse
qu’il avait cru entendre de la bouche même de Dieu. Il s’agissait de lui
assurer une descendance qui donnerait du sens à sa vie. Sa femme étant stérile,
il devait faire confiance à Dieu pour que son projet d’enfant aboutisse, à moins d’adopter son neveu dont il avait la charge
ou d’utiliser les services d’une autre femme que la sienne. Cette double possibilité qu’il
expérimenta ne donna pas satisfaction.
Elle mit cependant sa confiance à
l’épreuve, car c’est de Dieu et de Dieu seul que devait venir la solution qui
donnerait du sens à sa vie.
La
difficulté que rencontra Abraham, et qui est aussi bien la nôtre, c’est de faire
confiance à Dieu quand le doute s’empare de nous et que le projet de vie
formulé avec lui cesse d’être nette. La foi n’est pas aveugle, elle ne s’appuie pas sur une promesse
aléatoire, elle doit laisser place à une certitude. Comment alors être certain
de la mission que Dieu nous confie quand on ne le voit pas et qu’il ne se fait entendre que par nos voix intérieure ? Comment être sûr de notre discernement quand il
s’agit d’une question de vie ?
Il nous faut aiguiser notre discernement. Le discernement consiste à savoir quand c’est
Dieu qui nous parle et que ce n’est pas la cupidité qui nous anime. A chaque
étape de son voyage Abraham se trouva face à des choix qui provoquèrent sa sagacité. Il dut dominer ses sentiments personnels qui pouvaient orienter de ses choix et décider, à
la place de Dieu quelle chose il fallait faire. Il fut provoqué par la peur et par sa cupidité,
ou par la logique humaine qui
érige en défi ce qui ne l’était pas.
Ainsi, par exemple la question de son âge le
tourmenta : était-il raisonnable d’entreprendre ce qu’il faisait à
l’âge qui était le sien ? Il réalisa que pour entendre Dieu il devait
donner priorité à tout ce qui était porteur de vie. Il devra alors lutter contre lui-même pour découvrir
que la vie d’Isaac était plus précieuse
que l’obéissance aveugle à une voix qu’il croyait être celle de Dieu et
qui lui ordonnait de sacrifier son enfant. Il fut alors tourmenté
par sa propre réflexion jusqu’à ce qu’il comprenne que le sacrifice de
l’enfant ne signifiait pas sa mise à
mort. Il s’agissait seulement de le lui
consacrer.
Sur le chemin de l’aventure, c’est sa foi qui
devait le guider dans ses choix, mais
son intelligence éclairée par l’esprit de Dieu devait constamment être tenue en
éveil pour saisir correctement la volonté de Dieu afin de toujours faire passer l’intérêt des autres avant le
sien. C’est à cette condition que l’écho de
la voix de Dieu serait vraiment
audible.
Ainsi Dieu met-il du mouvement dans notre vie
et nous entraîne-il dans une aventure toujours surprenante. Il nous fait
confiance pour que nous discernions, grâce à l’esprit qu’il met en nous, les
bons tournants que nous devons donner à notre existence. Ils consistent à
donner priorité à toutes les vies qui nous sont confiées par les hasards de notre histoire. C’est le chemin d’une telle aventure que Jésus a suivi. Il a su
discerner les priorités qui devaient
guider ses choix et il a découvert les
choix de Dieu. Étrangement il est allé vers la mort quand elle s’est présentée à lui,
comme le choix nécessaire pour que les autres puissent vivre.
L’aventure d’Abraham est une expérience superbe
que Dieu lui a offerte et qu’il a su gérer sagement en suivant les intuitions de sa foi. Une telle expérience nous est offerte, à nous
aussi si nous apprenons à découvrir les
vraies priorités que la foi en Dieu nous demande de mettre en œuvre.
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