2 Rois 4 :8-16
On prendra
tout le récit 2 Rois 4/8-37
8 Un jour Elisée passait par Shounem.
Il y avait là une femme de haut rang, qui le pressa d'accepter à manger. Dès
lors, toutes les fois qu'il passait, il se retirait chez elle pour manger.
9 Elle dit à son mari : Je sais
que cet homme qui passe constamment chez nous est un saint homme de Dieu.
10 Je t'en prie, faisons une petite
chambre en dur à l'étage, et mettons-y pour lui un lit, une table, un siège et
un porte-lampes. Quand il viendra chez nous, il pourra s'y retirer.
11 Le jour où Elisée revint, il se
retira dans la chambre à l'étage et s'y coucha.
12 Il dit à Guéhazi, son
serviteur : Appelle cette Shounamite. Guéhazi l'appela, et elle se
présenta devant lui.
13 Elisée dit à Guéhazi :
Dis-lui, je te prie : Tu as fait beaucoup de choses pour nous ; que
peut-on faire pour toi ? Faut-il parler pour toi au roi ou au chef de
l'armée ? Elle répondit : J'habite au milieu de mon peuple.
14 Il dit alors : Que faire pour
elle ? Guéhazi répondit : Hélas, elle n'a pas de fils, et son mari
est vieux.
15 Elisée dit : Appelle-la.
Guéhazi l'appela ; elle se présenta à la porte.
16
Elisée lui dit : A cette époque-ci, l'année prochaine, tu auras un
fils dans tes bras. Elle dit alors : Non, mon seigneur, homme de
Dieu ! Ne me mens pas, à moi, ta servante !
17 Cette femme fut enceinte ;
elle mit au monde un fils à la même époque, l'année suivante, comme Elisée le
lui avait dit.
Mort du fils de la Shounamite
18 L'enfant grandit. Un jour qu'il
était sorti vers son père, auprès des moissonneurs,
19 il dit à son père : Ma
tête ! ma tête ! Le père dit à son serviteur : Porte-le à sa
mère.
20 Il l'emporta et l'amena à sa
mère ; l'enfant resta sur les genoux de sa mère jusqu'à midi, puis il
mourut.
21 Elle monta, le coucha sur le lit de
l'homme de Dieu, ferma la porte sur lui et sortit.
22 Elle appela son mari et lui
dit : Envoie-moi, je te prie, un des serviteurs et une des ânesses ;
je cours trouver l'homme de Dieu et je reviens.
23 Il dit : Pourquoi vas-tu le
voir aujourd'hui ? Ce n'est ni nouvelle lune ni sabbat. Elle
répondit : Tout va bien.
24 Puis elle fit seller l'ânesse et
dit à son serviteur : Conduis-la et marche ; ne m'arrête pas en route
sans que je te le dise.
25 Elle partit donc trouver l'homme de
Dieu au mont Carmel. Quand l'homme de Dieu l'aperçut de loin, il dit à Guéhazi,
son serviteur : C'est cette Shounamite !
26 Maintenant, cours à sa rencontre,
je te prie, et dis-lui : Vas-tu bien ? Ton mari va-t-il bien ?
L'enfant va-t-il bien ? Elle répondit : Tout va bien.
27 Dès qu'elle fut arrivée auprès de
l'homme de Dieu dans la montagne, elle lui saisit les pieds. Guéhazi s'approcha
pour la repousser, mais l'homme de Dieu dit : Laisse-la, car elle est
amère ; le SEIGNEUR me l'a caché, il ne m'en a pas informé.
28 Alors elle dit : T'ai-je
demandé un fils, mon seigneur ? N'ai-je pas dit : Ne me trompe
pas !
29 Elisée dit à Guéhazi : Passe
une ceinture à tes reins, prends mon bâton et va. Si tu rencontres quelqu'un,
ne le bénis pas ; et si quelqu'un te bénit, ne lui réponds pas. Tu mettras
mon bâton sur le visage du garçon.
30 La mère du garçon dit : Par la
vie du SEIGNEUR et par ta propre vie, je ne te quitterai pas ! Alors il se
leva et la suivit.
31 Guéhazi les avait devancés et il
avait mis le bâton sur le visage du garçon ; mais il n'y eut ni voix ni
signe d'attention. Il revint à la rencontre d'Elisée et le mit au courant en
disant : Le garçon ne s'est pas réveillé.
Elisée rend la vie à l'enfant
32 Lorsque Elisée entra dans la
maison, le garçon était mort, couché sur son lit.
33 Elisée entra et ferma la porte sur
eux deux pour prier le SEIGNEUR.
34 Il monta et se coucha sur
l'enfant ; il mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses
mains sur ses mains. Il resta courbé sur lui, et la chair de l'enfant se
réchauffa.
35 Elisée revint dans la maison et se
mit à marcher de long en large ; puis il remonta et se courba sur
l'enfant ; alors le garçon éternua sept fois et ouvrit les yeux.
36 Elisée appela Guéhazi et lui
dit : Appelle cette Shounamite. Guéhazi l'appela, et elle vint vers Elisée
qui dit : Prends ton fils.
37 Elle vint et tomba à ses pieds,
prosternée jusqu'à terre ; puis elle prit son fils et sortit.
Il y a
des moments où l’actualité de notre foi se trouve enrichie par l’évocation du
passé, si bien que la sécheresse spirituelle qui semble traverser nos
communautés aujourd’hui se trouve dynamisée par la glorieuse histoire de nos
Pères fondateurs. Tout cela se produit en ces temps ci, quand nos communautés éprouvent le besoin d’un nouveau souffle. A n’en pas
douter, vous avez compris que j’évoque
la modeste réalité de nos églises d’aujourd’hui, face à
l’ampleur de l’événement que prend l’évocation
des cinq cents ans de la
naissance du protestantisme. Nos églises
y puisent avec espoir un renouveau qu’elles espèrent revitalisant. Ce n’est pas
la première fois que la sècheresse de l’actualité se trouve irriguée par
l’évocation du passé.
Que
retiendront les Eglises de cette page d’histoire ? Vont-elles vivre un
renouveau ou vont-elles se replonger dans la nostalgie ambiante de ce XXI eme siècle qui se cherche et qui ne trouve
plus dans l’Evangile le carburant nécessaire pour alimenter le moteur de leur foi ? L’histoire nous le dira.
Nous nous
servirons de cet épisode de la geste d’Elisée pour nous aider à comprendre
notre propre situation. Mais qui aujourd’hui connait l’histoire d’Elisée
et sait qu’il est compté parmi les
grands prophètes de l’histoire d’Israël ? Aucun livre de la Bible ne lui est
consacré. On trouve le récit de
son épopée dans quelques chapitres du deuxième livre des Rois.
Il nous est raconté qu’il reçut avec le manteau d’Elie le double de sa sagesse.
Elie, quant à lui, est perçu par la tradition comme le prince des prophètes. Il
ne connut pas la mort et fut enlevé vers le ciel par un char de feu, son
disciple Elisée vaut le maître.
Elisée
qui prit sa suite ne fut pas le moindre
des prophètes. Ce faiseur de roi est connu pour l’abondance de ses miracles.
Homme de grande autorité, il ne badinait pas avec la morale. Il arriva
qu’on l’insultât et il ordonna aux ours
de tuer ses provocateurs. Ce héro de la
foi vivait dans le Royaume du Nord vers l’an –800, à l’époque de la double
monarchie. Farouche défenseur du monothéisme de Yahvé, on le trouve à l’œuvre
sur tous les plans.
Son
histoire fut rédigée beaucoup plus tard après le retour de l’exil, comme la
plupart des textes bibliques, à une
époque où malgré l’activisme des scribes
et autres clercs, on cherchait à construire
la foi au vrai Dieu. Le peuple
était revenu en Israël après cinquante ans d’exil. Il n’y
avait plus de roi et si le temple avait été reconstruit, il n’avait pas la
splendeur de celui de Salomon. L’ambiance donnait dans le marasme.
Les
scribes s’affairaient en plusieurs
écoles à rédiger les textes de la Bible.
Ils étaient sans doute à la recherche de héros dont l’histoire pourrait
stimuler la foi. Elisée faisait sans doute partie de ces personnages dont l’histoire haute en couleur permettrait de donner du courage à un peuple
en manque d’espérance. C’est apparemment
le but de l’épisode que nous étudions dans ce passage. Mais prêtez attention au
texte, il agit comme une vraie leçon de théologie, c’est pourquoi il dit peut être le contraire de ce qu’il
raconte car la leçon qu’il cherche à donner est ailleurs
que dans le récit lui-même.
Nous
allons faire une paraphrase de ce texte en insistant sur les éléments clé de ce
qu’il raconte. Elisée, trouva grâce auprès d’une femme riche et pieuse qui
pourvoyait à ses besoins pendant ses séjours à Sumène, village dont on ne sait
rien. Comment la remercier de sa générosité ? Constatant son manque
d’enfant et la vieillesse de son mari, le prophète lui promet une naissance
prochaine. De quoi se mêle-t-il ? Une telle promesse aurait mérité un peu plus de tact et de la délicatesse. Ne se prenait-il
pas pour l’ange qui annonça la future
naissance d’Isaac à Abraham ? Mais il n’était pas mandaté par Dieu pour cela.
Cette
promesse qu’il fit à la femme ne fut pas perçue comme une bonne nouvelle :
« Non, non, mon Seigneur, homme de Dieu ne déçoit pas ta
servante » ! Sa
protestation montre peut être qu’elle
est porteuse d’un secret que le prophète, malgré son intention de bien faire
n’a pas perçu. Il n’a pas été capable de
discernement et il n’a pas compris qu’il s’aventurait dans un domaine où son intrusion
n’était pas souhaitée. En cela il manquait de la délicatesse dont il aurait eu besoin pour
porter un message de la part de
son Dieu qu’il n’a pas consulté, si bien que ses paroles généreuses ne sont pas
fondées.
Un
enfant naquit cependant. L’intuition du
prophète avait-elle été bonne ?
Mais quand on est homme de Dieu, on ne parle pas par intuition, on parle parce
qu’on est chargé d’un message par Dieu, mais Dieu n’avait pas été consulté. Le
prophète avait agit comme s’il savait
mieux que Dieu ce qui était bon pour elle.
Puis
l’enfant meurt sous le regard assez indifférent de son père. C’est comme si le
père blasé s’y attendait, c’est comme s’il s’attendait à l’événement. C’est
comme si cette femme mettait au monde des enfants qui ne peuvent pas vivre
longtemps. Ce n’était sans doute pas sa
première expérience dans ce sens. Etait-ce une maladie génétique qui atteignait
tous les enfants qu’elle portait, on ne sait ? Quoi qu’il en soit Elisée ne comprend toujours pas le double
langage de la femme. En la voyant venir à lui, un jour où il n’y avait pas de raison qu’elle vienne,
il aurait du comprendre. Elle lui fit dire que tout va bien alors que tout va
mal. C’est en fait de Dieu qu’elle
attend quelque chose et pas de lui. Mais
il met du temps à comprendre son
désarroi.
S’il
envoie son serviteur en toute hâte pour
opérer un geste qui semble magique, lui Elisée ne se presse pas. Il espère peut
être que son bâton opérera le miracle sans que lui intervienne, comme l’avait
fait jadis le bâton de Moïse. Mais ni le bâton de Moïse, ni le sien ne sont
magiques. En fait c’est Moïse qui tenait
le bâton et c’est lui, et non pas le
bâton qui accomplit le miracle. Ici ce
n’est pas Elisée qui tient le bâton, et il n’y a pas de miracle. C’est n’est que sur l’insistance de la femme, qu’Elisée se déplace, et c’est elle qui
invoque l’Eternel et non lui. C’est alors qu’il se permet de faire le même
geste qu’Elie avait fait dans une circonstance semblable et qu’il avait
réveillé un enfant. Mais à la différence d’Elie, il doit s’y prendre à deux
fois, comme si l’Eternel ne
reconnaissait pas sa compétence, mais qu’en fin de compte, par égard pour cette
femme il acceptait que l’enfant vive.
On
pourrait s’arrêter là, la suite se passe de commentaire. Ce n’est pas parce
qu’un homme est célèbre et dont la foi est reconnue que les actes qu’il faits
sont le reflet de la volonté de Dieu. Les historiens de la Réforme n’ont pas
manqué de souligner les faiblesses des Réformateurs et nous invitent à en tenir compte. Ici le Livre des
Rois nous invite à voir avec sagesse comment, même un prophète prestigieux peut
se fourvoyer quand il fait l’économie de la foi dans l’exercice de son
ministère. La foi, c’est cette sagesse qui nous vient de Dieu quand on sait
avec modestie le mettre au centre de nos préoccupations.
Dans les
moments de sécheresse spirituelle, quand on a l’impression que le monde se
détourne de Dieu, ce n’est pas l’évocation glorieuse du passé qui redonne du
lustre à l’Eglise, c’est l’humble fidélité de chacun de ses membres à l’écoute
de la parole par laquelle l’Eglise comprendra quelle est la volonté de Dieu
dans ce temps précis où nous vivons.
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