Jérémie, 20 :10-13
- Chapitre 20
1Pashhour,
fils d'Immer, le prêtre, inspecteur en chef de la maison du SEIGNEUR, entendit
Jérémie prononcer ces paroles en prophète.
2Pashhour
frappa Jérémie, le prophète, et le mit aux entraves à la porte Haute de
Benjamin, dans la maison du SEIGNEUR.
3Le lendemain,
Pashhour fit sortir Jérémie des entraves. Alors Jérémie lui dit : Ce n'est
pas du nom de Pashhour que le SEIGNEUR t'a appelé, mais du nom de
Magor-Missabib (« Effroi de tous côtés ») .
4 Car ainsi
parle le SEIGNEUR : Je te livre à l'effroi, toi et tous tes amis ;
ils tomberont par l'épée de leurs ennemis, et tes yeux le verront. Je livrerai
aussi tout Juda au roi de Babylone, qui les exilera à Babylone et les tuera
d'un coup d'épée.
5 Je livrerai
toutes les réserves de cette ville, tout le produit de son travail, tout ce
qu'elle a de précieux, je livrerai tous les trésors des rois de Juda à leurs
ennemis, qui en feront leur butin ; ils les prendront et les emporteront à
Babylone.
6 Quant à toi,
Pashhour, et à tous ceux qui habitent dans ta maison, vous irez en
captivité ; tu iras à Babylone : c'est là que tu mourras, c'est là
que tu seras enseveli, toi et tous tes amis pour lesquels tu as parlé en
prophète par le mensonge.
7 Tu m'as
dupé, SEIGNEUR, et je me suis laissé duper ; tu m'as saisi, et tu l'as
emporté. Je suis sans cesse en butte à la dérision, tout le monde se moque de
moi.
8 Car toutes
les fois que je parle, je crie, je proclame : « Violence et
ravage ! »La parole du SEIGNEUR m'expose sans cesse aux outrages et
aux railleries.
9 Si je
dis : « Je ne l'évoquerai plus, je ne parlerai plus en son
nom », c'est dans mon cœur comme un feu dévorant, enfermé dans mes
os ; je me fatigue à le contenir, et je n'y parviens pas.
10 Car
j'apprends les mauvais propos d'une multitude : Effroi de tous
côtés ! Annoncez ! Annonçons-le ! — Tous mes amis m'observent
pour voir si je vais chanceler : Peut-être se laissera-t-il duper, et nous
l'emporterons sur lui, nous nous vengerons de lui !
11 Mais le
SEIGNEUR est avec moi comme un héros brutal ; c'est pourquoi mes
persécuteurs trébucheront et ne l'emporteront pas. Ils auront bien honte de
n'avoir pas réussi : ce sera une confusion pour toujours ; on ne
l'oubliera pas.
12 Le SEIGNEUR (YHWH) des Armées sonde le juste,
il voit les reins et les cœurs. Que je voie ta vengeance contre eux, car c'est
à toi que j'ai confié ma cause !
13 Chantez pour le SEIGNEUR, louez le
SEIGNEUR ! Car il délivre le pauvre de la main des mauvais.
14 Maudit soit
le jour où je suis né ! Le jour où ma mère m'a mis au monde, qu'il ne soit
pas béni !
15 Maudit soit
celui qui porta à mon père la bonne nouvelle : « Un fils, un mâle,
est né de toi ! » et qui le combla de joie !
16Que celui-là
soit comme les villes que le SEIGNEUR a détruites sans regret ! Qu'il
entende des cris dès le matin, et des acclamations guerrières à l'heure de
midi !
17Que ne
m'a-t-il fait mourir depuis le ventre de ma mère ? Ma mère aurait été ma
tombe et sa grossesse n'aurait jamais atteint son terme.
18Pourquoi
suis-je sorti du ventre de ma mère si je dois voir l'oppression et la douleur
et achever mes jours dans la honte ?
Nombreux sont les croyants, qui, par dévotion
n’osent pas poser à Dieu les questions
qui les tourmentent et qui perturbent leur évolution spirituelle. Ils gardent
en eux des questions rentrées pour lesquelles ils bricolent des réponses qui
dénaturent leur perception de la réalité de Dieu. Ces questions nous sont
posées ici par Jérémie lui-même dans le chapitre 20 de son livre dont il ne
faut pas prendre que l’extrait qui nous est proposé. Il y pose
les questions sans réponse qui hantent sa vie et qui parfois perturbent
la nôtre. Il ne sait pas leur donner de vraies réponses. «Seigneur, tu m’as séduit et je me suis laissé séduire » dit-il
au verset 7, ou « maudit soit le jour de ma naissance » (verset 14)
En réponse à ces questions, il n’obtient que le silence de Dieu.
Patiemment il faudra attendre que Jésus
s’empare du problème pour obtenir une réponse qui ait du sens et que nous
essayerons de découvrir au cours de ce
propos.
En fait que reproche-t-il à Dieu ? Il lui reproche d’envoyer ses fidèles au combat et de ne pas
leur apporter secours quand ils sont menacés.
Jérémie s’est mis au service de Dieu et quand il subit des vexations à
cause de lui, il ne reçoit même pas l’assurance d’être dans le vrai. Il se sent
oublié, même quand il est
jeté à terre et réduit à l’agonie.
La question que nous nous posons alors avec lui est de savoir qui est ce
Dieu qui semble se complaire à voir les siens tourmentés sans leur porter
secours ? Bien évidemment, Job s’était posé les mêmes questions. Et se vit
imposer le silence pour toute réponse, quand
sa femme le poussa à la révolte et que ses amis le soupçonnaient d’avoir déplu
à Dieu sans s’en rendre compte.
Le soupçon ! Voilà le mauvais confident
de celui qui ne comprend pas et qui croit que dans son malheur Dieu lui fait
des reproches. Pourtant, quand il fait le bilan de sa vie il ne trouve pas de cause
profonde qui justifieraient l’abandon de Dieu. Il pense alors que si ce n’est
pas lui qui est responsable de la situation, « c’est donc son
frère », comme l’agneau de la fable face au loup ou « que les Pères
ont mangé des raisins verts et ce sont les
enfants qui ont eu les dents agacés », comme le dit le dicton biblique
(Jérémie 31/29). Ceux dont la foi est
plus éprouvée écartent toutes ces excuses et se réfugient dans la
« toute-puissance de Dieu » qui fait les choses comme il l’entend et
ne rend compte à personne. Mais est-ce conforme
au Dieu de la révélation ?
Intérieurement, le
croyant qui arrive à une telle
abnégation devant ce qu’il ne comprend pas n’éprouve-t-il pas l’impression
d’une profonde injustice ? Certes, on peut
subir avec sérénité l’arbitraire
divin, mais peut-on aimer, comme il nous le demande ce Dieu qui exerce à
notre égard, une autre attitude que celle qui nous invite à l’aimer ?
En effet, si
malgré tout, nous arrivons à aimer un Dieu que nous soupçonnerions
d’injustice et dont nous subirions les décisions arbitraires sans les
comprendre, c’est que nous aurions nous-mêmes un comportement incompréhensible,
car il serait anormal d’aimer celui qui nous enfonce dans la détresse. Il serait plus noble et plus digne de notre part
de se révolter contre lui plutôt que de se réfugier dans une résignation
aimante.
Encore faut-il bien préciser de quel amour on
parle, car notre langue se sert de ce mot comme d’un fourre-tout où on met tout et
son contraire. Bien évidemment, il nous faut écarter l’amour physique et il
nous faudra retenir que ce qui est de l’ordre du sentiment. Dieu n’ayant pas de
membres pour agir, car il n’a ni bras, ni mains, ne peut agir que par le sentiment qu’il nous
inspire et qu’il projette sur nous. C’est parce que nous nous sentons aimés,
que nous aimons à notre tour. Dans les situations où notre vie est menacée,
c’est par l’affection que nous ressentons de la part de Dieu que nous éprouvons les effets de son
amour. Il met alors en nous assez d’espérance pour que nous recevions de lui le
dynamisme suffisant pour nous permettre de réagir face à l’preuve. C’est donc
dans cette relation étroite qu’il y a entre son esprit et notre esprit que
l’amour agit et se manifeste.
Ce raisonnement nous effleure rarement. En
fait, quand nous reprochons à Dieu de ne pas agir quand ses adorateurs sont en
difficulté, c’est à un autre Dieu
que nous nous adressons. Si Dieu se rendait efficace dans les épreuves qui
troublent les hommes, comme nous le souhaitons et s’il sauvait systématiquement ceux qui prétendent l’aimer,
nous aurions à faire à un Dieu injuste. En effet, il agirait
efficacement en faveur de ceux qui apparemment le mériteraient d’une façon ou
d’une autre. L’espérance ne serait accordée qu’à ceux qui
l’aimeraient d’une manière conforme
à ses désirs. C’est donc la soumission à
Dieu qui justifierait son intervention en leur faveur.
Une telle attitude serait en désaccord avec la notion d’amour telle que nous
la concevons de la part de Dieu.
Or
Dieu ne se révèle pas à nous comme un Dieu qui cherche à prouver son existence par la manière dont il récompense ceux qui se
soumettent à lui. Il ne le fait pas par les actions qu’il opèrerait
sur les hommes qui lui sont favorables. Dieu
ne se démontre pas, c’est seulement par le lien d’amour qui s’établit entre lui
et nous que nous le connaissons.
Job nous raconte d’une manière imagée que
Dieu n’agit pas directement contre le
Satan, ou contre le hasard ou le diable, quel que soit le nom que l’on veut bien lui
donner. Il ne l’affronte pas dans un combat singulier comme s’ils étaient deux
puissances qui s’opposent. Mais Dieu ne
se détourne pas de Job pour autant.
Le cas de Jérémie est cependant un cas
intéressant et nous aide à nous situer face à nos propres incompréhensions au sujet de Dieu. Jérémie mobilise toute son énergie en faveur de Dieu
et il n’en retire aucune satisfaction. Mais si Dieu intervenait et lui donnait
raison ce Dieu serait en fait un autre
Dieu que celui auquel il rendrait témoignage. Ce serait un Dieu manipulateur,
interventionniste, injuste, indigne de l’amour qu’il lui porte, car Dieu ne se
démontre pas par des actions qui le valorisent.
Il serait justement le Dieu que Jérémie conteste et que ses
contemporains souhaiteraient voir à l’action. Le Dieu que prêche Jérémie, c’est
le Dieu qui n’intervient que par amour au moyen duquel il transforme les hommes
afin que ceux-ci transforment le monde.
C’est à ce même Dieu que Jésus a consacré sa
vie, et c’est toujours ce même Dieu qui nous propose de l’aimer et d’aimer les
hommes afin que le monde aille mieux, même si ça ne se voit pas et que nos
actions ne reçoivent aucune récompense. Mais est-ce ce Dieu là que veut le
monde ? Ne nous étonnons si le monde le rejette et rejette ses témoins, car
c’est la conversion à ce Dieu là que nous prêchons et si nous nous révoltons contre les injustices qui le cachent, c’est en sa
faveur que nous nous révoltons pour mieux rentre l’autre Dieu inopérant sur nous et sur les autres. Quand nous nous
révoltons contre Dieu à cause de ce que nous croyons injuste, c’est en faveur du Dieu de Jésus Christ que nous
agissons et que nous rendons témoignage, c’est alors que le monde
changera !
Illustrations: Jérémie illustré par Chagall
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