Mathieu
21/28-32
La parabole des deux
fils
28 Qu'en pensez-vous ? Un homme avait deux
fils ; il s'adressa au premier et dit : Mon enfant, va travailler
dans la vigne aujourd'hui.
29 Celui-ci répondit : « Je ne veux
pas. » Plus tard, il fut pris de remords, et il y alla.
30 L'homme s'adressa alors au second et lui dit la même
chose. Celui-ci répondit : « Bien sûr, maître. » Mais il n'y
alla pas.
31 Lequel des deux a fait la volonté du père ? Ils
répondirent : Le premier. Jésus leur dit : Amen, je vous le dis, les
collecteurs des taxes et les prostituées vous devancent dans le royaume de
Dieu.
32 Car Jean est venu à vous par la voie de la justice,
et vous ne l'avez pas cru. Ce sont les collecteurs des taxes et les prostituées
qui l'ont cru, et vous qui avez vu cela, vous n'avez pas eu de remords par la
suite : vous ne l'avez pas cru davantage.
En fait, le
problème n’est pas là et Jésus pointe ici du doigt la complexité de notre
nature humaine car nous ne réagissons pas spontanément aux propositions de la
vie. Nous avons besoin de réfléchir avant de répondre à une interpellation du
destin et de décider la bonne attitude à
suivre. Notre perception
immédiate d’une proposition n’est pas
forcément celle que nous retiendrons par la suite, et c’est le cas des deux
garçons dont la spontanéité est suspecte.
Si
tel est notre comportement dans les
affaires de la vie, qu’en est-il alors de notre relation à Dieu, car il semble
que ce soit là le propos sous-jacent de cette petite histoire. Nous nous en
servirons de prétexte pour nous interroger sur la manière dont nous
communiquons avec Dieu.
En fait
Dieu ne semble pas nous parler en termes
clairs et précis comme le suggère
généralement la Bible. En effet, tout au
long des récits que nous rencontrons dans l’Écriture nous lisons cette
formule : « Dieu dit » et la personne concernée réagit en fonction d’un ordre précis. Si Jonas décide de ne pas obéir et de prendre un autre chemin que celui sur
lequel Dieu l’envoie ou si Abraham au
contraire suit son injonction à partir suivi de sa femme et ses troupeaux, c'est que l'un et l'autre, sans que cela soit dit, ont forcément réfléchi avant de prendre une décision. Pourtant le lecteur que nous sommes se sent perplexe
et regrette naïvement cette époque bien heureuse où semble-t-il Dieu parlait bouche à bouche et cœur
à cœur avec les hommes. Bien que nous pensions que les grands témoins de Dieu avaient un contact immédiat avec lui et
savaient entendre sa parole sans questionnement, il n'en était pas ainsi !
Reprenez
donc les textes avec un peu d’attention et vous verrez dans le comportement des
patriarches ou des prophètes, même les plus grands que leur vie a été marquée
par des moments d’incompréhension où ils n’ont pas saisi ce que Dieu leur
demandait, comme ce fut le cas pour
Abraham par exemple qui ne comprit pas que Dieu ne lui demandait pas de tuer
son fils, mais de le lui consacrer. Le livre de Jérémie est rempli de remarques
du prophète faisant état de son désarroi et de son incompréhension en face de
ce qu’il comprenait de la volonté de Dieu.
Par
commodité, ceux qui ont transmis les
textes de la Bible ont évité de rapporter les états d’âme de ceux à qui Dieu
parlait, ils n’ont pas rapporté la totalité de leurs réflexions ou de leurs atermoiements, ils ont dit simplement
: « Dieu leur parla ». Mais ce raccourci ne les dispensait
pas de tout le débat intérieur qu’ils
ont eu pour comprendre ce que Dieu leur demandait.
Quand
Dieu parle, c’est d’abord un dialogue qui s’établit entre lui et nous. C’est
par la voix d’un autre humain qu’il nous interpelle, c’est par un événement qui
provoque une réaction en nous que nous croyons entendre un écho de sa voix et nous y répondons par un
questionnement intérieur par lequel nous
cherchons la bonne voix de Dieu. C’est par ce dialogue entre Dieu et nous, sans
qu’aucune parole ne soit vraiment prononcée
que se fait la perception de la volonté divine. C’est par le dialogue
avec les autres qu’il se prolonge, c’est par un éclairage avec les Ecritures
qu’il se poursuit.
Ainsi,
quand Dieu parle, il fait appel à l’intelligence humaine pour se faire
comprendre, et c'est par ce moyen qu'agit le saint Esprit. En face de chaque situation nouvelle, notre intelligence se met en
mouvement. Elle, pèse le pour et le contre et s’appuie sur l’expérience
millénaire des nombreux témoins de Dieu que la Bible nous a transmise et dont
Jésus a porté témoignage. Leur foi en
Dieu nous a appris que Dieu agissait
toujours par amour et qu’il ne voulait
que le mieux être des hommes. Son seul but est donc de vivre en harmonie avec
eux. Toute nos intuitions intérieures qui n’iraient pas dans ce sens ne viendraient donc pas de Dieu et ne seraient pas le reflet de sa
parole.
Nous
avons en effet, tendance à enfermer Dieu dans des schémas préétablis en dehors desquels nous nous refusons généralement
à l’entendre. Les contemporains de Jésus
étaient tellement engoncés dans ces
concepts qu’ils n’ont pas su reconnaître la parole de Dieu dans les propos de
Jean Baptiste qui dénonçaient l’archaïsme de leurs pensées. En s’opposant à lui,
ils affirmaient que Dieu ne pouvaient pas accueillir les
pécheurs si bien que les incroyants, les gens sans éducation qui ne
nourrissaient en eux aucun préjugé culturel étaient plus aptes que les croyants
et les vrais pratiquants à entendre la parole de Dieu par sa bouche, à la
comprendre et à la transmettre.
Il est
curieux de constater que c’est encore le cas dans les débats de société quand
on oppose la parole de Dieu aux
propositions que suggèrent les problèmes éthiques
actuels, si bien que l’Église se faisant, risque de fermer ses portes à des hommes et des femmes, non pas à cause de la parole de
Dieu mais à cause de leur non-conformité à des traditions anciennes et
respectables, mais trop rigides pour
accepter que Dieu adapte la bonne nouvelle de l’Evangile à l’évolution des
mœurs.
Dans son
commentaire de la parabole qu’il a raconté sur les deux fils Jésus a
dénoncé notre manière de penser selon laquelle les projets de Dieu
seraient établis à l’avance d’une façon immuable et que ses décisions seraient
arrêtée de toute éternité. Il nous apprend que Dieu actualise sa parole en
fonction de chaque situation nouvelle que nous vivons. A chaque situation
nouvelle il nous demande d’exercer notre sagacité pour que sa parole y prenne
corps parfois en opposition avec les traditions si bien qu’il met Moïse en porte à faux par rapport à Jean
Baptiste
Dieu
œuvre toujours en fonction du bien des hommes, même si les situations présentes ont évoluée par
rapport au passé et que le mieux être des hommes prend un aspect nouveau.
L’attitude des deux frères de la
parabole relève de cette problématique. Ils contestent par leur comportement
l’ordre que leur donne leur père, et ils s’en
sortent, l’un et l’autre par une
dérobade qui les amène à confondre le oui et le non. Ils s’avèrent donc incapables
d’être cohérents avec eux-mêmes. Le mensonge et la fausseté font partie de leur être intime. Cela les rends incapables d'être dans une relation de vérité avec leur père. Si quelque part, on cherchait à identifier Dieu avec le Père, ni l’un ni l’autre ne pourrait
se trouver en état d’entendre sa voix et d’y répondre car ils ont utilisé le mensonge pour se tirer d'affaire si bien que Dieu ne pourrait trouver son compte. En masquant leur réponse, ils
portent atteinte à leur père, aussi incompréhensible soit-il et ne peuvent
pas dans ces conditions se
trouver en accord avec Dieu ni avec les hommes..
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