Esaïe 45 :1-6
Chapitre 45
1 Voici ce que dit le SEIGNEUR à l'homme qui a reçu
son onction, — à Cyrus, que j'ai saisi par la main droite, pour terrasser
devant lui des nations, pour détacher la ceinture des rois, pour ouvrir devant
lui les deux battants, et que les portes des villes ne soient plus
fermées :
2 Je marcherai moi-même devant toi, j'aplanirai les
pentes, je briserai les battants de bronze et je casserai les verrous de fer.
3 Je te donnerai des trésors enfouis, des richesses
cachées, afin que tu saches que c'est moi, le SEIGNEUR (YHWH), qui t'appelle
par ton nom, et que je suis le Dieu d'Israël.
4 A cause de Jacob, mon serviteur, d'Israël, celui
que j'ai choisi, je t'ai appelé par ton nom ; je t'ai paré d'un titre,
sans que tu me connaisses.
5 Je suis le SEIGNEUR (YHWH), et il n'y en a pas
d'autre, à part moi il n'y a pas de Dieu ; je t'ai préparé au combat, sans
que tu me connaisses,
6 afin que l'on sache, du soleil levant au couchant,
qu'en dehors de moi il n'y a que néant : je suis le SEIGNEUR (YHWH), et il
n'y en a pas d'autre.
Sans le
savoir, Cyrus est entré dans le projet de Dieu.
Ce roi païen est devenu à son
insu un des héros de l’histoire d’Israël
et il a été perçu par le prophète Esaïe comme un instrument dans la main
de Dieu pour que s’accomplisse le destin
du peuple juif. Par le truchement du prophète il a été inscrit sur la liste de ceux que Dieu auraient mis à part pour que l’histoire d’Israël
s’accomplisse heureusement. Il serait ainsi entré dans le projet
divin sans s’en apercevoir. Il y a même fort à parier que cette
révélation d’Esaïe n’a jamais été portée
à sa connaissance. Si le prophète le revêt ici du titre de Messie, le roi des
Perses n’en a sans doute jamais rien su.
Après ces
quelques paroles d’introduction, il n’est pas inutile que nous nous
interrogions sur la manière dont Dieu intervient dans l’histoire et comment il se servirait des puissants,
bien malgré eux pour que s’accomplisse l’histoire. N’a-t-il pas été dit que pour libérer les
Hébreux captifs en terre D’Égypte, Dieu
endurcit le cœur de pharaon et qu’il fut ainsi manipulé par Dieu? Ici, on nous laisse entendre que Cyrus
bénéficia de la sympathie de Dieu afin d’entrer dans son projet libérateur des
Hébreux captifs à Babylone. Dieu l’aurait-il manipulé à son tour comme il le
fit du pharaon ?
Ceux qui
ont raconté l’histoire d’Israël telle qu’on la trouve dans les Livres historiques de la Bible, ont tenté de chercher des
constantes pour découvrir comment Dieu se servait du caractère et de l’action
des rois pour provoquer des événements
conformes à sa volonté divine. Il est habituellement admis que Dieu utilisait la puissance des armées des ennemis d’Israël pour punir le
peuple de ses mauvais comportements ou
de son manque de foi. Si Israël se montrait docile à la volonté de Dieu, s’il
obéissait à ses commandements, si ses
dirigeants respectaient les consignes de la loi de Moïse, si les solennités
liturgiques manifestaient un respect de la Loi divine, tout allait bien. Dans le cas contraire, ce qui était fréquent,
les ennemis d’Israël auraient été utilisés par Dieu, comme le bâton dont il se serait servi pour corriger son peuple. On retrouve ce principe dans les nombreux
enseignements des prophètes, mais s’ils l’enseignaient, y croyaient-ils
vraiment ?
Certains
événements ont démenti de telles assertions, en particulier l’épisode
concernant le roi Josias. Il a été considéré comme un roi pieux parmi les rois
pieux. On lui a attribué la réforme du culte et la promulgation du Deutéronome,
mais le sort lui fut contraire. Il périt sur l’intervention du pharaon Nékao.
Sa mort sonna le glas de l’indépendance d’Israël et déclencha le mouvement qui entraîna sa perte
et l’exil. Compte tenu de cet exemple, il ne parait pas possible de retenir la
thèse selon laquelle Dieu écrirait l’histoire en réagissant d’une manière
positive ou négative face aux comportements
du peuple d’Israël et des autres, car en rien Josias n'avait démérité. Cet exemple suffit à démontrer que Dieu n’écrit pas l’histoire en faisant
châtier les uns par les autres suivant son bon vouloir.
Ce qui
semble plus vraisemblable, c’est que Dieu fasse connaître sa volonté par l’enseignement des prophètes et des
patriarches. Ils nous ont appris que la
volonté de Dieu était liée au respect de l’amour du prochain à la libération de l’opprimé et au secours de la
veuve et de l’orphelin. C’est l’histoire de la sortie d’Égypte qui leur sert de
norme en la matière. Mais la question reste de savoir comment Dieu s’y prend
pour faire respecter sa volonté pour le mieux être des peuples. Nous avons du
mal à retenir l’hypothèse selon laquelle Dieu endurcit le cœur du pharaon afin
que celui-ci ne tiene pas compte des souffrances des Hébreux, qu'il les chasse d’Égypte et finisse par trouver la mort dans les
eaux de la Mer Rouge. Cela ne semble pas compatible avec l’image que nous avons
retenue de Dieu ni celle de l’enseignement que nous donnera Jésus Christ plus
tard.
Nous
allons essayer de comprendre comment Dieu fonctionne vis-à-vis des peuples en
nous penchant sur l’histoire de Cyrus. Israël était alors un peuple en
exil, à des centaines de kilomètres de
sa terre d’origine. Il était un peuple réduit en esclavage et opprimé par la
main pesante des souverains successifs de Babylone. En devenant vainqueur de
Babylone, le roi des perses Cyrus
proposa un autre destin à Israël.
Pour des raisons propres à la politique qu’il
appliquait à l’égard des peuples soumis, il décida du retour d’Israël sur sa
terre d’origine. Ce projet correspondait bien à ce que nous supposons
du désir de Dieu. Mais si cela correspondait au désir de Dieu, cela ne
voulait pas dire pour autant qu’il se servait de Cyrus pour
faire sa volonté, ni même qu’il avait inspiré un projet libérateur à
Cyrus.
Cela voulait simplement dire que la politique
de Cyrus allait dans le sens du désir de Dieu. Cela ne voulait pas dire que Dieu était intervenu d’une manière ou
d’une autre pour que l’histoire prenne le cours qu’elle avait pris même si Le
prophète Esaïe a laissé entendre que l’action de Dieu allait dans ce sens et
que Cyrus était un instrument dans sa main. Pour que ce fût le cas, il aurait
fallu que Cyrus lui-même témoigne du fait qu’il avait compris la volonté de
Dieu et que Dieu lui ait parlé dans ce sens. Ce ne fut pas le cas.
Que dire
alors ? Dieu est-il vraiment un
Dieu libérateur et intervient-il d’une manière ou d’une autre pour que
l’histoire aille dans le sens où il le désire ? Il serait faux de dire que Dieu
instrumentalise les hommes et qu’il les manipule pour que leuurs actions aillent dans le sens où il le désire. Mais on peut dire par contre que c’est
l’Esprit de Dieu qui souffle sur le monde et sur ceux qui le dirigent, et que de ce fait, ils agissent dans le sens où l’esprit de Dieu les
inspire.
Dans de
telles situations on peut alors dire que
Dieu prend à son compte les projets libérateurs des hommes pour les faire
siens. On peut même dire, comme ce fut
le cas pour Cyrus que Dieu se reconnait dans un projet libérateur, même
quand le but du projet n’est pas
la libération de ce peuple, mais
que malgré tout il va dans ce sens. C’est sans doute la lecture qu’Ésaïe a fait
de cet événement.
Il n’est
pas pour autant exclu que les dirigeants tournent leur coeur vers Dieu qu'ils soient inspirés par sa loi et
qu’ils cherchent le bien des peuples par obéissance à cette loi. Mais dans l’histoire du monde ce
fut rarement le cas. Il n’empêche cependant que la volonté de Dieu consiste à
œuvrer pour le mieux être de l’humanité.
C'est pour cela que son esprit souffle sur le monde un esprit d'amour et de liberté. Pour cela, les croyants se mobilisent et agissent. Dieu laisse librement venir à lui tous les hommes qui ont
compris sa nature divine et qui se
laissent influencer par son amour et le désir de lui plaire.
Dieu diffuse ce désir de liberté sur les hommes, et ce sont les peuples influencés par Dieu qui font pression sur leurs dirigeants de telle sorte que ceux-ci sont contraints par l'action de leurs peuples de suivre leur instigation pour ne pas être chassés du pouvoir par eux. C'est là ce que préconise la théologie dite de la libération en affirmant que Dieu joue un rôle dans l'histoire en provoquant la libération des peuples. C'est ainsi me semble-t-il que Dieu agit sur l'histoire, toujours pour le bien des peuples et jamais pour les punir. Il se sert de chacune et de chacun de nous pour mener cette action.
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