Jean 18/33-38
33 Alors
Pilate rentra dans le prétoire, et ayant fait venir Jésus, il lui dit: Es-tu le
roi des Juifs?
34 Jésus
répondit: Dis-tu cela de ton propre mouvement, ou d'autres te l'ont-ils dit de
moi?
35 Pilate lui répondit:
Suis-je Juif, moi? Ta nation et les principaux sacrificateurs t'ont livré à
moi; qu'as-tu fait?
36 Jésus
répondit: Mon royaume n'est pas de ce monde; si mon royaume était de ce monde,
mes serviteurs combattraient, afin que je ne fusse pas livré aux Juifs; mais
maintenant mon royaume n'est pas d'ici-bas.
37 Alors
Pilate lui dit: Tu es donc roi? Jésus répondit: Tu le dis; je suis roi, je suis
né pour cela, et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité.
Quiconque est de la vérité écoute ma voix.
38 Pilate lui
dit: Qu'est-ce que la vérité? Et quand il eut dit cela, il sortit de nouveau
vers les Juifs, et leur dit: Je ne trouve aucun crime en lui.
Qu’est-ce que la vérité
demande Pilate ? Cette question ne demande pas forcément une réponse, car
pour lui la vérité c’est l’obéissance aveugle à l’autorité romaine. S’il pose
la question ainsi c’est que malgré tout il pense qu’il peut y avoir une autre
réponse moins radicale. Quoi qu’il en soit, même s’il ne sait pas vraiment ce
que recouvre cette notion de Vérité, c’est quand même au nom de cette vérité
qu’il gouverne cette province sans scrupule. C’est en son nom qu’il fait tomber les têtes qui le dérangent, et que Jésus sera crucifié.
Depuis des millénaires, on ne
sait toujours pas au nom de quelle vérité le monde est géré. On vient de
commémorer, il y a quelques semaines une guerre qui fut livrée, gagnée ou
perdue, suivant le camp où se trouvaient engagés nos grands-parents, au nom
d’une vérité pour laquelle on a envoyé des hommes à la mort. On ne savait
pas vraiment ce qu’elle
représentait puisque suivant le camp
auquel on appartenait elle se formulait en termes différents.
Si nous nous interrogeons
nous-mêmes pour savoir comment nous nous situons, nous serons sans doute
obligés de constater que nous adhérons bien souvent à des vérités, toutes
relatives, généralement provisoires et pas toujours fondées. Pourtant elles déterminent nos actions et
elles cautionnent nos attitudes, comme
si elles étaient des absolus incontournables. Nous cherchons à en en attribuer
l’origine à Dieu et nous engageons
souvent toute notre vie à en défendre
les principes. Pourtant, d’autres
s’appuient sur d’autres principes que les nôtres pour défendre une autre
vérité qui recouvrent les mêmes absolus.
Mais le Dieu au nom duquel
nous fondons une telle vérité, qui est-il ? Quelle est cette vérité que nous défendons en
son nom au point de mettre notre vie et aussi celle des autres en cause ?
Les Ecritures présentent Dieu sous des aspects différents qui ont
parfois du mal à s’accorder entre eux si bien que nos confessions de foi rendent des sons
discordants à son sujet. Nous avons l’habitude de le présenter comme
omniscient, tout puissant, créateur de toute chose. Quelles preuves en
avons-nous car nous voyons rarement se manifester les effets de ces
affirmations concernant Dieu.
Pour affirmer de telles vertus nous ne
pouvons-nous appuyer que sur notre foi. Or, sans preuve il est difficile d’en
affirmer la vérité, pourtant c’est en son nom que nous jugeons la vie des
autres. Cependant les Ecritures cachent aussi Dieu derrière d’autres
affirmations, qui sont parfois en contradiction avec celles que l’on vient de
dire et qui ne sont pas plus démontrables. Il s’agit de son amour pour nous et
de son intérêt constant pour l’humanité et nous
nous en faisons les défenseurs.
Au nom de cette vérité nous affirmons,
sans pouvoir le prouver, que c’est lui qui met sa réalité divine en cause
pour amener les hommes à la vraie vie. La notion de vérité forme alors un couple curieux
avec la notion d’amour pour présenter l’absolu de Dieu. Le psaume 85 avait déjà
abordé cet aspect des choses : « La bienveillance et la paix se
rencontrent, » y est-il dit, « la
justice et la paix s’embrassent, la bienveillance et la vérité se
rencontrent. »
Même quand on s’appuie sur
Dieu, on se rend compte que l’on a de la peine à donner une définition
cohérente de la vérité. Qui osera dire qu’il en
sait suffisamment sur Dieu pour apporter un témoignage clair et
cohérent. Comme nous ne sommes pas capables par nous- mêmes de faire
fonctionner correctement ce couple Amour-Vérité, nous nous contentons alors d’une vérité
toute relative pour approcher la
vérité absolue de Dieu. Et si nous parlons de vérité relative autant
parler de fausse vérité ou même de mensonge,
comme nous allons le voir, car
pour dire la vérité, nous cherchons continuellement à l’adapter à notre
situation du moment.
Si nous parlons de vérité,
même de vérité sur Dieu, telle que les Eglises de la Réforme prétendent la
définir, elle s’opposera forcément à une autre vérité qui est celle de l’Eglise
catholique qui cherche le même but.
Cette prétendue vérité des Réformateurs, c’est celle aussi qui a mené à la mort Michel Servet, c’est également
elle qui a mis en cause les anabaptistes et les a exilé hors d’Allemagne, c’est
elle qui a conduit au bûcher les sorcières de Salem, c’est elle qui impose aux
autres un visage de Dieu déformé par le bon droit des uns, les prétentions des
autres, la clairvoyance des plus sages et la cupidité des masses. Mais cette
vérité, aussi noble soit-elle ne saurait prétendre à l’absolu car elle ne
repose que sur l’approche humaine de la réalité. Elle n’est pas vérité de Dieu.
Au couple Vérité-Amour qui
caractérise Dieu nous voyons s’opposer un autre couple celui de Vérité-Mensonge
que l’on vient d’aborder. Un fossé nous sépare donc de Dieu en la matière et
nous sommes toujours tentés de ne pas savoir en apprécier la profondeur. Pour
mieux résister nous banalisons la vérité
au point d’en faire un simple élément de rhétorique et nous nous laissons aller
à des lieux communs pour mieux masquer le problème : « la Vérité
sort du puits, disons-nous ou elle sort de la bouche des enfants. Les plus
savants disent « in vono veritas » On la prétend insaisissable telle
une anguille dans l’eau vive. On rajoute
que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Guy Béart a mieux cerné le
problème quand il a dit : « le poète a dit la vérité, il sera
exécuté ».
Ne maîtrisant pas la
situation, le gouverneur Ponce Pilate s’est fait apporter une cuvette d’eau,
selon l’Evangile de Matthieu, pour mieux noyer la vérité et laisser exécuter
Jésus sans trop mauvaise conscience.
Les accusateurs de Jésus se
cachent alors derrière le mensonge pour dissimuler la vérité, ils disent que
c’est lui qui s’est proclamé roi et
qu’ils n’ont que César pour roi. Les menteurs! Ils détestent César et
nourrissent une haine implacable contre lui. Ils mentent pour donner des arguments à leur vérité. La prétention de
Jésus à être roi ne les intéresse pas mais leur donne un argument contre Pilate
et une raison de tuer Jésus, c’est ainsi que leur fausse vérité s’associe au
mensonge et devient porteuse de mort. Quant à Pilate qui reconnait n’avoir
aucun argument pour envoyer Jésus à la
mort, il le condamne quand même et il ment lui aussi pour complaire à ses
accusateurs - Mensonge encore.
Il n’y a que l’amour qui
permette de ne pas trahir la vérité par le mensonge. Car l’amour pour
autrui est le seul moyen pour ne pas
trahir les hommes au nom d’une vérité quelle qu’elle soit. Une telle attitude
nous amènera à découvrir comment, par l’amour que l’on
porte à autrui, Dieu peut habiter le monde. Nous devons
garder en mémoire que dans le monde des mortels où nous sommes, il n’y a aucune
vérité absolue, pas même sur Dieu. Nous pouvons l’approcher cependant
en nous appuyant sur Jésus Christ qui par amour nous apprend à toujours
aller plus loin, car il ne peut y avoir de vérité sans amour. Il ne peut y voir
de vérité absolue sans amour absolu !
Sans amour nous n’aurons aucune prise sur la vérité. Quant à Dieu lui-même, il attend que nous
l’ayons rejoint de l’autre côté pour nous révéler la Vérité absolue dans sa réalité.
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