samedi 11 mars 2023

Mathieu 21/1-11 Le Rameaux: Dimanche 2 avril 2023

Un ânon qui porte le Seigneur à califourchon sur son dos, des pierres sur lesquelles on marche, et qui n’attendent qu’une invitation du Seigneur pour  lui rendre gloire,  des rameaux que l’on agite,  une foule en liesse, et des enfants qui rendent gloire à Dieu. Sans oublier les notables qui s’enferment dans leur dignité et qui protestent parce que les règles ne sont pas respectées. N’est-ce pas par anticipation une description de l’Eglise que le Seigneur entreprend ici ? Pour comprendre cela, il nous invite à mieux décrypter les symboles dissimulés dans ce récit.

Nous avons généralement du mal à donner du sens aux symboles, surtout en ce temps de mardi gras où les excentricités ont force de loi. Ici, c’est le Seigneur lui-même qui donne l’initiative aux mouvements de la foule et qui nous invite à le suivre en nous laissant entendre que c’est dans cet événement  que nous devons trouver ce qui caractérise l’Eglise. Mais le Seigneur nous fait confiance  ainsi qu’aux traditions que nous avons reçues pour donner du sens à ce texte et pour éviter qu’on le prenne pour la description d’une  simple déambulation  provocatrice dans les rues de Jérusalem. Nous devons nous saisir ici de chaque élément du récit pour lui donner du sens.

Nous commencerons  par l’évocation du petit âne que Jésus  demande d’emprunter à son propriétaire sans  en demander la permission à personne. Si c’est un ânon comme le dit le texte, il aura du mal à porter Jésus, il vaut mieux alors prendre le  texte tel que Luc nous le propose, car il   place l’animal à côté de sa mère,  qui elle porte  Jésus. L’Evangile ici parodie le texte du prophète Zacharie qui annonce la venue du « sauveur » en le faisant caracoler sur une ânesse accompagnée de son petit. Sans doute, la foule se méprend et ne comprend elle pas la symbolique du texte. Elle est comme-nous, elle  n’ a pas l’habitude de lire les petits prophètes et sans doute voit-elle dans l’ânon une impossibilité qui rend le texte invraisemblable car Jésus ne peut matériellement chevaucher un ânon.  Le lecteur ne voit pas qu’il s’agit de minimiser la monture de Jésus  dont le service  est de moindre intérêt pour parader et  mal qualifié pour porter le Messie. A ceux qui pourraient  s’interroger sur le sens du texte  et qui voudrait nous assimiler nous-mêmes à un âne, Jésus fait dire que  c’est de ce genre de monture dont il a besoin.

 On aurait  plutôt tendance à croire que Jésus a besoin de ce qui en nous,  est plus qualifié pour le servir : notre intelligence, nos compétences artistiques, notre talent musical, que sais-je encore ?  Mais ici  il s’agit de ressembler à un ânon qui n’a pas  les attributs nécessaires pour mettre le messie en valeur. Les compétences  de l’auditeur  pour servir le Messie, c’est-à-dire les nôtres sont assimilées aux compétences d’un bourricot pour porter Jésus.  Nous voilà mis en rivalité avec un âne pour le service de Dieu. Que chacun ici fasse son autocritique. Mais ce n’est  pas tout.

Si le Seigneur a besoin de nous, ce n’est d’abord pas de notre brillante intelligence, mais de notre disponibilité et de notre spontanéité à  répondre à sa demande, aussi modeste soit-elle. Vues les compétences d’un petit âne, c’est à mettre en comparaison avec les services les plus modestes que Dieu peut nous demander et dont nous sommes  capables.

Mais que chacun sache que cette interprétation que j’ai donnée n’a pas plu à tout le monde et les commentateurs  de ce texte ont cherché à le rendre plus acceptable. En effet, dans la tradition biblique, l’âne  est   présenté comme la monture du roi David. Pour donner du lustre à cette  tradition on a pris l’habitude de décrire les ânes du roi, comme des animaux superbes grands et beaux aux sabots sûrs et brillants, particulièrement adaptés  à marcher sur les  pierres des chemins palestiniens  dont on va parler dans un instant. Ainsi le roi pouvait-il parader sur un animal  superbe qui pouvait flatter la noblesse de son personnage et qui pouvait soutenir la comparaison avec les chevaux dont le pas était moins sûr et moins sécurisant pour le roi. Une  telle explication rend  tout mon développement caduc en insistant sur nos compétences éventuelles. Mais la lecture qu’en donne Luc citant Zacharie remet les choses en place. Il s’agit pour ces auteurs d’un petit âne, d’un ânon. L’incompétence de l’animal au service de Jésus est donc confirmée et mon explication tient la route. Ce n’est pas d’abord de nos compétences que Dieu a besoin mais de notre disponibilité.

Revenons maintenant aux pierres du chemin foulées aux pieds par le petit âne. Contrairement à ce que nous serions tentés de faire, Jésus leur attribue un autre  rôle possible. Celui de  crier la gloire de Dieu. Elles ne sont pas là pour donner seulement leur utilité aux ânes et justifier de leur disponibilité, mais c’est aussi pour dire la gloire du Seigneur si les hommes dont c’est la fonction ne le font pas. C’est en tout cas l’utilité que Luc  est tenté de leur donner si ce n’est de rendre les chemins du Seigneur plus appropriés aux sabots de son âne

Que la foule dont nous faisons partie et que Jésus met à son service comprenne bien que c’est de rendre gloire à Dieu qui lui est demandé, c’est là sa première fonction. Il lui est demande d’être au service de la gloire de Dieu aussi modestement que le  serait la moindre pierre du chemin si Dieu voulait la doter  de parole et la charger d’une fonction qui devrait être celle des hommes : louer Dieu, mais qu’ils ne font pas car ils  pensent devoir faire mieux.

Pour les hommes contemporains de Jésus, les pierres servaient à consolider les chemins, nous le savons tous et c’est toujours le cas. Mais elles pouvaient aussi servir à rendre gloire à Dieu quand elles étaient utilisées pour embellir la façade du Temple et participer ainsi à rendre gloire à Dieu, même si les hommes, selon Jésus  donnent une autre  fonction au temple que de rendre simplement gloire à Dieu. Ils en font selon lui une caverne  de voleurs. On le verra plus loin.. En fait ce que Jésus essaye  de dire ici  c’est que la première fonction des hommes est de rendre gloire à Dieu mais que ce n’est pas à eux de dire comment il faut lui rendre gloire. Ni le petit âne, ni les pierres ne se posent ce genre de question, pourquoi les hommes s’en poseraient-ils ? Ont-ils une place particulière dans la création ou est-ce eux qui s’en  attribuent une ? C’est d’abord la gloire de Dieu qui devrait  être leur premier souci

Il nous est suggéré ici en utilisant la comparaison de l’ânon et des pierres que la fonction de l’homme n’est pas supérieure à celle de la nature. Elle est de rendre gloire à Dieu, c’est pour cela que l’on se sert des branches des arbres pour soutenir la fonction des hommes dans l’action de grâce qu’ils sont invités à rendre au Créateur. Avant même d’avoir entendu l’enseignement que Jésus leur réserve, les hommes sont invités à s’associer à la nature pour  rendre gloire à Dieu.

C’est alors, qu’à la fin de ce récit, Jésus se permet de dire aux participants qu’ils s’y prennent mal.  Il ne conteste pas le bienfondé de ce qu’ils font mais il leur dit qu’ils s’y prennent  mal et qu’aux yeux de Dieu leur action en sa faveur a un effet contraire à celui qu’ils croient. Il les enjoint à ne pas mélanger les genres.

Dieu ne demande aux hommes que le don de leurs cœurs  et que c’est cela qui doit motiver leur action. Ce n’est ni la beauté du lieu ni sa richesse qui doit motiver leur action mais la joie et la reconnaissance de le voir agir dans ce monde. Pourtant les hommes  pensent  qu’avec leur argent dont ils valorisent la beauté du temple , ils rendent  gloire à Dieu. Ils ne reçoivent en réponse que le mépris de Jésus  qui leur  explique que ce faisant ils manquent leur cible          ( voir la signification de cette expression en hébreu qui est liée à la définition du péché)  C’est ce simple geste  de l’action de grâce qui pour eux doit avoir  priorité. La suite viendra après. Les hommes doivent donc retenir  de ce texte que la première fonction qui leur est demandée c’est de rendre gloire à Dieu, comme le font déjà  les éléments de la nature à laquelle ils sont associés.

 

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