jeudi 16 mars 2023

Jean 20/19-31 :16 avril 2023- La résurrection

En lisant  ce récit, nous passons par toutes les phases  par lesquelles nous fait passer la résurrection.  Il y a de la peur, de l’angoisse et de la joie et aussi la certitude que toutes nos questions sur la mort trouvent leur réponse en Dieu et que cette réponse nous est personnelle et dépasse nos propres questionnements. Les amis de Jésus,  enfermés dans leur angoisse, envahis par leur sentiment de culpabilité, savent par les expériences que viennent de vivre  Pierre,  Jean,  et   Marie que Jésus est toujours vivant.  Mais ils ont encore du mal à comprendre ce que recouvre cette réalité. Cela les concerne-il personnellement ? Ils savent la résurrection, mais ils n’en ont pas encore fait une affaire personnelle. Ils ont besoin qu’on les aide à croire ce en quoi ils se refusent encore. Les Écritures laissaient entendre que  la résurrection pouvait être une réalité, mais en quoi leur  vie pouvait-elle en être changée ? Après 20 siècles d’expérience, plusieurs parmi  nos contemporains  sont encore à se poser les mêmes questions

On nous décrit ici des gens enfermés dans leur peur alors que la nuit les environne. C’est la nuit au dehors, c’est la nuit dans leurs pensées, c’est également la nuit dans leur âme. Ils se sont enfermés chez eux pour mieux faire face à ce qu’ils ne comprennent pas encore. Les expériences de ces derniers jours ont tout remis en cause  dans leurs certitudes : l’arrestation, leur fuite, le procès, la condamnation, l’exécution,  l’agonie cruelle et  enfin la mort. Et maintenant il y a la peur des autres. Tout cela fait naître en eux une profonde angoisse, dont inconsciemment ils garderont des séquelles et  bien que le temps ait passé et que l’habitude  ait pris le dessus nous n’en serons pas exempts, nous non plus.  De  cela ils gardent comme une profonde amertume qui ne peut rien changer à la réalité.

C’est non seulement la nuit dehors, mais c’est la nuit  dedans. Ils  ont peur aussi des hommes  à l’extérieur car ils sont les amis d’un condamné politique, mais ils ont aussi peur de Dieu car ils ont lâchement  abandonné leur Seigneur, ils ont sans doute peur aussi de ne plus croire.

Franchissant les murs de leur maison, on pourrait dire les murs de leur tombeau personnel où ils se sont enfermés, le ressuscité vient à eux. C’est justement de cela qu’ils ont peur aussi. Ils ont peur que  la résurrection vienne en rajouter à leurs désillusions. « Shalom » ! leur dit-il ! La paix ! Non pas la paix politique bien sûr ! La paix dans le langage biblique est ce sentiment diffus qui vient d’ailleurs, qui bouscule la réalité humaine et qui exprime la présence de Dieu. Mais quand Dieu se fait trop présent, ça nous gêne.

Jésus souffle sur eux pour concrétiser cette parole de paix.  Le souffle ne s’entend pas, ne  se voit pas. Il est insaisissable, et pourtant quand il arrive sur nous, il nous pénètre, il s’empare  de notre personne et nous révèle la présence de Dieu qui nous saisit. Quand  ce souffle les enveloppe, ils réalisent alors que tout devient possible et  qu’une vie nouvelle s’impose à eux. Le mort est vivant et ils le sont eux aussi avec lui. Le ressuscité  les ressuscite et ils n’en savent rien encore+. L’esprit qu’il a soufflé sur eux vient de leur redonner vie. Ce souffle est le même que celui qui nous saisit maintenant. Une vie étrangement nouvelle à laquelle ils ne s’attendaient pas. Et maintenant c’est nous aussi qui vivons cette même expérience du souffle

Cet esprit que Jésus a soufflé sur eux, c’est ce même  esprit créateur qui était présent à tous les grands moments de la révélation. Il est cette force que nul ne peut voir. Elle vient d’en haut, elle pénètre jusqu’au fond de notre âme et nous confie les choses que seul Dieu peut nous  faire ressentir.

Nous pensons alors : «  Heureux étaient-ils donc ces femmes et  ces hommes qui se sont trouvés dans cette pièce ce jour-là,  à portée de souffle.  Heureux étaient -ils parce qu’ils se sont trouvés là au bon moment. Et  en disant cela, je perçois  les soupirs secrets de chacun  et chacune d’entre nous pour qui les choses ne sont pas si simples ou ne l’ont pas été, pour qui la réalité de la résurrection n’est pas aussi évidente, pour qui le souffle de l’esprit n’a pas été ressenti assez fort, et pour qui  rien ne s’est vraiment passé en eux pour transformer leur marasme en espérance.

Combien de croyants auraient aimés être de ceux-là et combien auraient aimé voir des choses semblables à celles que ce récit raconte  et auquel ils leur est donné d’ assister  par le truchement du récit quelques 20 siècles  après. Ils auraient aimé entendre  cette parole : «  que la paix soit avec toi » ! Nombreux sont ceux qui voudraient croire mais qui s’en sentent empêchés par les événements de leur vie. Nombreux sont ceux qui ne croient pas, ou qui ne croient plus parce que les hommes ont provoqué  en eux des blocages tels qu’ils n’espèrent plus jamais croire. Nombreux aussi ceux qui rejettent Dieu lui-même parce que des événements ont rendu leur vie sans attrait et ont entrainé la mort de leur foi.

Combien auraient aimés être de  ces témoins privilégiés pour qui le ressuscité présent devant eux mettrait un terme à leurs angoisses. Pourquoi eux et pourquoi pas moi se demandent-ils. Pourquoi est-ce que je n’éprouve pas  cette sérénité qu’ils ont ressentie et que d’autres ressentent ?  Pourquoi ne suis-je pas revêtu de cette puissance qui vient d’en haut et que les autres ressentent et qui me permettrait de ne plus avoir ces questionnements qui ne me laissent jamais en repos?

J’insiste sur ces frustrations qui sont peut-être les nôtres, parce qu’il y en a un, parmi les intimes de Jésus qui les a profondément ressenties. C’est Thomas, que l’on appelle Didyme, le jumeau. Le jumeau de qui ? Il n’en a pas dans  l’Écriture, mais il en a dans la vie. Didyme, c’est mon jumeau à moi, c’est celui qui pose les bonnes questions. C’est mon alter ego dans ma nuit, dans ma tombe, dans ma détresse, dans ma tristesse, dans mon manque de foi. C’est lui qui ose dire pour nous tous :     «  Et moi, pourquoi suis-je laissé pour compte ? » C’est pour lui que Jésus revient ; comme c’est pour moi que Jésus revient.

L’attente de chacun trouve un jour son terme. Jésus prévoit pour chacun des moments où il nous visite personnellement, des moments où il prévoit de prendre en charge, cette partie de nous-mêmes qui est en révolte ou en manque, mais qui est aussi en quête de vérité :    «  voici mes mains, voici mes pieds ; voici mon côté, touche mes blessures et Thomas ne les touche pas. Pour chacune  et chacun de nous il y a  quand on ne s’y attend pas des moments où Jésus reviens pour nous, pour  moi, sans me prévenir à l’avance.

Jésus s’approche de Thomas, et cela nous  pose encore question. Pourquoi Thomas ne  s’autorise-t-il pas  ce contact physique qu'il  a tant désiré ? Et pourquoi Jésus s’offre-t-il à lui comme un homme blessé ? Si Jésus est ressuscité, s’il a déjà revêtu son corps de gloire, pourquoi présente-t-il ses blessures ? En fait, Jésus s’approche de lui dans la dimension que Thomas a souhaitée. C’est cela qu’il désirait pour que sa foi se déclenche, et c’est cela qui déclenche sa foi.

S’il ne le touche pas c’est qu’il découvre en même temps que la résurrection a une autre dimension que l’apparence physique. Thomas ne touche pas physiquement car il est touché intérieurement. C’est dans l’intériorité de son âme  que cela  se passe, c’est  dans son intimité avec le Seigneur que la résurrection est devenue réalité. Ce ne sont  ni les apparitions, ni les développements philosophiques ou théologiques qui lui démontreront la  réalité de la résurrection, c’est la conviction intérieure que dépose en lui l’esprit de Dieu.

Cette expérience s’est produite en lui 8 jours après celle des autres, c’est dire que Thomas l’a longuement désirée. C’est au moment où il ne s’y attend plus que Jésus répond à son désir. Même si la mort les a séparés, Jésus le fidèle compagnon de route de Thomas est toujours là pour donner sens et plénitude à sa vie qu’il vient animer de son souffle.

Pour nous aussi, Jésus vient vers nous, il traverse notre passé pour y allumer la flamme de l’éternité. Cela signifie que pour que le souffle de vie nous fasse vivre aujourd’hui, il faut que nous acceptions qu’il souffle aussi sur notre passé, qu’il anéantisse les doutes sur lesquels nous fondions  notre manque de foi, qu’il anéantisse ce qu’il n’y a pas lieu de conserver, et détruise tout ce  qui garde l’empreinte de la mort afin que seul ce qui doit vivre soit réanimé par le souffle divin.

 

 

 

Aucun commentaire: